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Le jour où j’ai été faible – Texte : Anouk Carmel-Pelosse

Ces derniers mois, je ne me sentais plus moi-même. J’ai toujours fait de l’anxiété mais cette

Ces derniers mois, je ne me sentais plus moi-même. J’ai toujours fait de l’anxiété mais cette fois, c’était pire. J’avais l’impression de passer mes journées avec un collier autour du cou sans savoir si quelqu’un allait tirer dessus pour m’étouffer. J’avais tous mes symptômes habituels, mais maintenant, ils étaient décuplés par 100.

Troubles d’insomnie, plus de patience avec mes enfants, plus envie de manger. J’avais l’impression que tout le monde me méprisait et mes tocs étaient de plus en plus présents. Et ça, c’est sans parler des pensées envahissantes qui ne me lâchaient pas.

Ça faisait un moment que ça empirait, mais je me disais que j’étais capable de gérer. J’étais forte et je m’en sortirais toute seule. Je voyais toutes les femmes, les mères autour de moi gérer leur vie comme des superhéroïnes. Pourquoi moi, je ne serais pas capable ?

Alors j’ai essayé de faire comme si de rien n’était. Plus le temps passait et plus ça empirait. Si vous saviez à quel point c’est difficile d’essayer de retenir la tempête qui fait rage en dedans. J’ai lu une phrase un jour qui disait : « L’anxiété c’est comme avoir peur de faire un accident d’auto, tout en étant assis dans son salon ». C’est quand même très représentatif.

Puis un jour, il n’y a pas si longtemps, j’ai eu un rendez-vous de suivi avec ma médecin de famille. Lorsqu’elle m’a demandé comment j’allais, j’ai ouvert mon sac. Je me suis sentie faible, mais avec elle, je n’avais pas peur de me faire juger. Elle m’a écoutée et on est venues à la conclusion que je devais commencer une médication pour dormir et une autre pour m’aider à gérer mon anxiété.

En sortant du bureau, j’ai eu l’impression que le simple fait d’en avoir parlé avait retiré le collier imaginaire autour de mon cou. J’ai réalisé que parfois, être forte, c’est aussi aller chercher de l’aide et des outils afin de s’en sortir. Être forte, c’est reconnaitre ses faiblesses. Peut-être que les autres femmes autour arrivent à gérer leur vie sans aide, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Et il n’y a pas de honte à ça.

Aujourd’hui, je ne peux pas dire que tout est redevenu à la normale, mais je peux dire que je fais tout pour apprendre à gérer la situation. On ne se sent pas honteux de prendre des médicaments lorsque nous avons une douleur physique, ça devrait être la même chose lorsqu’on veut soigner notre tête.

À toutes les personnes qui souffrent en silence, que tu souffres d’anxiété comme moi ou d’un autre trouble de santé mentale, je vous souhaite d’être assez forts et fortes pour demander de l’aide. Seul, on peut gagner quelques batailles, mais c’est en équipe qu’on peut gagner la guerre.

Anouk Carmel-Pelosse

Merci à nos pharmaciens! Texte: Nancy Pedneault

Depuis le début de la pandémie, ils sont là. Ils nous accompagnent, s’adaptant aux mesures, inn

Depuis le début de la pandémie, ils sont là. Ils nous accompagnent, s’adaptant aux mesures, innovant pour s’assurer que tous leurs clients soient en santé et le mieux soignés possible. Je parle ici de nos pharmaciens.

Dès le premier confinement, ils ont usé d’imagination pour permettre la livraison des médicaments et autres produits essentiels. Ils se sont assurés que chacun ait accès à la pharmacie de façon sécuritaire.

L’arrivée des tests rapides est devenue un véritable casse-tête pour eux. Jonglant avec les consignes sanitaires, les clients impatients et la volonté de permettre au plus grand nombre de gens possible d’y avoir accès, ils continuent de servir leurs clients avec professionnalisme.

En ces temps de festivités, prenons le temps de remercier chaleureusement nos pharmaciens de famille pour leur travail plus qu’essentiel.

Nancy Pedneault

La ligne ou l’humeur ?

Il y a des choses pires dans la vie qu’un bourrelet mal placé. Entre une

Il y a des choses pires dans la vie qu’un bourrelet mal placé. Entre une santé mentale défaillante et un IMC trop élevé, le choix peut sembler évident. Mais non.

Imaginez : vous souffrez d’anxiété généralisée. Ou de dépression. Ou d’un trouble mental qui nécessite la prise d’un médicament sur une base régulière, en plus d’un suivi thérapeutique. Votre moral est à plat. Vous dépensez beaucoup (trop) d’énergie à essayer de vous lever le matin, ou de continuer votre journée, ou de dormir la nuit. Suivre les recommandations pour atteindre l’équilibre et le bonheur (bien manger sans vous empiffrer, boire assez d’eau et pas trop d’alcool, bouger tous les jours et pas seulement pour vous rendre au frigo, avoir une vie sociale satisfaisante [vous essaierez ça en temps de pandémie !], vous coucher tôt et dormir paisiblement, sourire, respirer par le nez et expirer par la bouche…) vous apparaît aussi possible que d’escalader l’Everest en gougounes en vous tenant sur la tête et en traînant un camion de douze tonnes derrière vous. Ça semble exagéré, mais pas tant. Vous en parlerez à ceux qui sont passés par les bas‑fonds de la déprime.

Donc, imaginez que vous êtes cette personne au bout du rouleau de la santé mentale.

Et là, vous lisez dans la notice remise par le pharmacien en même temps que votre nouvelle prescription qu’un effet secondaire possible est qu’il stimule l’appétit et prédispose à la prise de poids. Non, mais, ça donne le goût de le prendre, hein ?!

Vous vous raisonnez en vous disant que les effets secondaires, ça n’arrive pas à tout le monde. Que ces effets sont souvent temporaires. Que les avantages de prendre le médicament surpasseront grandement les effets poches… quand le médicament fonctionnera comme du monde (lire ici : quand la bonne molécule sera trouvée pour votre cas, que vous aurez augmenté le nombre de milligrammes jusqu’au bon dosage, lorsque ça fera plusieurs semaines que votre cerveau recevra l’agent stabilisateur). Mais ça doit vraiment passer par un risque de prendre de la bedaine ?

L’effet contraire est aussi possible. Par exemple, plusieurs médicaments qui contrecarrent les effets du TDAH diminuent l’appétit, entraînant parfois des pertes de poids importantes. Quand ma fille a commencé son traitement, elle se situait sous le 5e rang par centile sur la courbe de poids des enfants de son âge. Vous comprendrez qu’elle n’avait pas intérêt à perdre de poids. Le médecin a failli ne pas la médicamenter pour cette raison. Toutefois, les effets positifs du médicament s’annonçaient majeurs et on avait essayé plusieurs stratégies auparavant, toutes plus infructueuses les unes que les autres. Médicament il y a eu, avec surveillance médicale de très près. On a ajouté des protéines au menu, des collations, un gros déjeuner avant que le médicament ait le temps de faire croire à son système qu’elle n’avait pas faim. La méthode a fonctionné et l’appétit s’est finalement stabilisé. La concentration aussi.

De la même façon, les bonnes habitudes de vie peuvent permettre de ne pas (trop) prendre de poids même si un médicament risque de stimuler l’appétit. Ça, c’est si on a réglé l’habitude habituelle de compenser avec de la nourriture du chocolat et des chips. Si le défi de santé (mentale ou physique) pour lequel on est traité rend plus difficile le maintien de l’équilibre, un coaching familial ou spécialisé peut faire une grande différence. L’équation est acceptable si les quelques kilos équivalent à une humeur plus stable ou à une vision du monde plus harmonieuse, ou encore si les phobies et l’envie de mourir disparaissent. L’équation devrait être revue avec le médecin si le médicament (et le soutien psychologique) ne nous aident pas à remonter la pente après quelques semaines ou si les kilos s’emmagasinent jusqu’à l’obésité. Un cÅ“ur embourbé dans le gras, ce n’est pas mieux qu’un cÅ“ur embourbé dans les émotions négatives. On ne veut pas créer un problème en essayant d’en régler un autre…

Même chose si les livres s’accumulent (ou disparaissent) au point où notre estime personnelle tombe dans le troisième sous-sol et nous empêche de faire du sport ou de voir des amis. Si c’est le cas, direction pharmacie et clinique médicale pour demander conseil. Surtout, n’arrêtez pas un traitement sans être accompagné par une personne compétente (non, votre voisine-qui-a-une-opinion-sur-tout-et-dont-le-petit-cousin-de-la-fesse-gauche-a-déjà-pris-un-antidépresseur-en-1982 n’est pas une personne compétente dans cette situation). Ces médicaments jouent dans les neurones, et les arrêter brusquement risque de vous jouer de mauvais tours.

Donc à la question « La ligne ou l’humeur? », je répondrais, comme souvent quand on parle de santé mentale : c’est du cas par cas et tout est dans l’équilibre. Chose certaine, ne restez pas seul avec ça. Et ne laissez pas les dictats de la mode ou du bien-paraître vous convaincre que votre bonheur ne passe pas en premier.

Nathalie Courcy

Une pilule, une dépression

Quand j’ai fini d’allaiter mon bébé, j’ai demandé à mon mÃ

Quand j’ai fini d’allaiter mon bébé, j’ai demandé à mon médecin de me prescrire la pilule contraceptive. Dans mon cas, c’est un peu compliqué puisque j’ovule sur les sortes de pilules habituelles, donc ça m’en prend une plus forte. Il me prescrit alors une pilule contraceptive qui semble répondre à mes besoins du moment. Cependant, il me spécifie que vu la force de celle-ci, il ne serait pas étonné que j’aie des saignements sans arrêt ou des effets secondaires importants. Il me dit que je peux revenir le voir n’importe quand pour la changer si c’est le cas.

Je commence alors à prendre ladite pilule contraceptive. Moi, tout ce que je vois, c’est que je peux prendre une petite pilule tous les jours et qu’il y a beaucoup d’avantages! Je n’ai plus d’acné. Je n’ai aucun saignement surprise. Je suis menstruée quand ça m’arrange et les périodes sont vraiment moins abondantes et douloureuses que mes menstruations naturelles… J’ai donc trouvé un moyen de contraception efficace qui comporte beaucoup d’avantages et je suis satisfaite de mon choix.

Quelque temps plus tard, je commence à sombrer… Je suis dépressive. Je n’arrive plus à me lever le matin. Je ne pleure pas, non. Je hurle de colère. Je passe mes journées à ressentir de la colère. À me sentir agressive. À avoir la mâchoire serrée. Je jappe sur mon chum le soir comme un chien enragé. Sur le coup, je me dis que c’est une mauvaise passe, un bout plus dur, que ça va passer…

Les semaines passent, les mois défilent et les années se succèdent. Mon état ne va pas mieux… Je passe ma journée avec un sourire forcé et je ne pense qu’à retourner me coucher… Mon état dépressif empire en plus en plus et je refuse d’aller chercher de l’aide. Trop d’orgueil… Mon chum me soutient de son mieux. Il a aussi souffert d’une dépression majeure, il peut comprendre. J’ai des idées noires de plus en plus souvent. Je pense au suicide. J’annule des soirées avec des amies parce que je ne me sens plus capable de faire semblant pendant toute une soirée. Faire semblant que tout va bien… Mes amies ne comprennent pas. Elles m’en veulent d’annuler. Elles ne peuvent pas savoir… Plus le temps avance et plus je pense au suicide. Personne n’est au courant.

Puis… j’entends parler des effets secondaires possibles des pilules contraceptives sur l’humeur des femmes… Je commence à compter et je réalise que mon état remonte environ au commencement de la prise de la pilule. Je n’ai rien à perdre à tenter le coup. J’arrête de la prendre.

Le même mois, tout se replace dans ma tête. Je recommence à chanter les plus belles chansons à mes enfants, je recommence à leur lire des histoires et à être réellement une mère pour eux. Je retrouve le sourire. Je redeviens la femme aimante que j’étais autrefois. J’ai l’impression de me sortir la tête d’une brume épaisse qui me retenait prisonnière depuis trop longtemps… Je regarde mes enfants et je n’arrive pas à croire que j’ai pu penser au suicide…

J’ai décidé de retourner faire des recherches pour voir les effets secondaires de la pilule que je prenais. Parmi les effets secondaires possibles, c’est écrit noir sur blanc : « des signes de dépression, un manque de concentration, des fluctuations pondérales, des changements du sommeil, un désintérêt à l’égard de nombreuses activités, des pensées suicidaires. » J’ai de la difficulté à croire qu’une simple pilule m’a fait vivre tout ça… Et surtout, que je n’ai pas su voir les signes plus tôt ou faire le lien avec la prise de la pilule… J’ai honte de ne pas l’avoir vu et de l’avoir prise si longtemps. Mais quand on a la tête dans la brume, tout cela n’est pas facile à voir…

Les mois ont passé. J’ai retrouvé mon corps. J’ai retrouvé mon âme. Je suis de nouveau moi-même. J’ai choisi d’écrire mon histoire parce qu’elle est peut-être aussi la vôtre… Si vous avez l’impression d’étouffer, si vous ne vous reconnaissez plus, si vous êtes remplie de colère… peut-être est-ce causé par un médicament que vous prenez… Parlez-en à votre entourage, parlez-en à votre médecin. Ne vous isolez pas. Vous risquez de sombrer. Si ça peut éviter à d’autres femmes, à d’autres mamans, de sombrer, ce texte n’aura pas été vain.

Eva Staire

Les démons de la nuit

On est en 2004, je suis à Kaboul en Afghanistan. À un certain mome

On est en 2004, je suis à Kaboul en Afghanistan. À un certain moment donné pendant la mission, nous devions commencer à prendre de la Méfloquine, un médicament utilisé pour combattre la malaria. On nous avait avisés des effets secondaires, dont un était des rêves intenses.

À partir du moment où j’ai commencé à utiliser ce médicament, les rêves intenses sont arrivés, je dirais même plutôt des cauchemars. Tellement qu’un beau matin, j’avais des égratignures dans le visage et sur une main. Vraiment, c’était horrible !

Comme tout bon soldat, on apprend à vivre avec ce qui nous est donné à l’étranger, on ne pose pas de questions et on se concentre sur la mission. Une fois de retour au pays, ça fait partie de notre mode de vie. Mes cauchemars ont continué, mais j’étais habitué à ce mode de vie.

Trois ans plus tard, j’ai connu ma femme. Et il n’a pas fallu longtemps avant qu’elle s’aperçoive que quelque chose n’allait pas avec moi la nuit. Souvent, elle se réveillait parce que j’étais debout dans le lit et j’hallucinais. Une fois entre autres, j’étais debout en équilibre sur la petite planche du pied du lit, et elle avait peur que je tombe et que je me fasse mal.

Je me rappelle qu’un moment donné, je me suis carrément levé à côté du lit et j’essayais de me sauver parce que ses bras étaient faits comme des fils métalliques qui essayaient de m’attraper. Je me suis déjà vu exploser en Afghanistan en courant avec mon fils dans les bras. J’ai fait plein de cauchemars bizarres comme cela, mais aussi d’autres, directement reliés à l’armée.

Je me rappelle qu’à mon retour de mission, j’ai rêvé que je rentrais au bataillon un matin et que je tirais sur tout le monde. C’est par la suite que j’ai demandé un transfert d’unité pour avoir une pause, car j’en avais assez.

Peut-être que c’est difficile pour vous de me lire, mais c’est ce que j’ai vécu pendant quatorze ans. Encore étonnant que je sois sain d’esprit !

Donc est‑ce à cause de la Méfloquine ou de mon TSPT, je ne sais pas. C’est un gros débat présentement avec le gouvernement, car beaucoup d’autres pays ont arrêté de donner ce médicament à leurs soldats depuis plusieurs années.

Ce qui est important pour moi, c’est que maintenant, j’ai du support d’Anciens Combattants et enfin, je dors depuis l’été dernier. Quand j’ai commencé à prendre ma médication l’été passé, je dormais quatorze heures par jour. Puis à l’automne, je n’en pouvais plus. Je me sentais paresseux, donc j’ai arrêté seulement la pilule pour dormir pendant cinq jours, car j’ai une tonne de médicaments à prendre quotidiennement. Dès le premier soir, je regardais la télévision et c’est comme si en même temps, j’avais une deuxième télévision dans la tête sur laquelle défilaient des images de l’Afghanistan rapidement en même temps, et ce, jusqu’à trois heures du matin. Je ne pouvais plus dormir. Puis j’ai commencé à reprendre cette pilule, car je n’avais pas le choix si je voulais dormir. Maintenant, j’en suis à onze heures de sommeil et c’est long. J’ai tellement hâte de moins dormir, mais j’ai été tellement longtemps sans dormir ! Ma psychologue me dit que c’est normal.

Le matin, quand les enfants sont partis pour l’école, je vais toujours me recoucher un peu, mais pas n’importe où : dans le sous-sol ! Comme il fait noir, c’est comme un bunker et je me sens en sécurité. Puis avant de m’endormir ce matin, je me demandais de quel sujet j’allais bien vous parler. Puis là, mon rythme cardiaque a augmenté, ma respiration était plus courte, etc. Donc je me suis dit ce matin, OK, arrête de penser et dors ! Il y a plein de sujets dont je vais vous parler, mais un jour à la fois. Pour m’aider avec ma blessure, j’ai appris à reconnaître mes signes physiques et cela m’aide à faire des choix pour améliorer ma situation.

Maintenant, comment conjuguer vie familiale avec tout cela ? Pas toujours évident, mais une chance que je ne travaille plus, car je ne pourrais pas m’en sortir, c’est certain.

Quand mon ti-loup d’amour de cinq ans me dit parfois avant de dormir qu’il a peur, devrais-je lui dire que moi aussi, j’ai des démons qui me hantent la nuit et tout lui raconter ? C’est sûr que non. J’essaie de le rassurer. Mais savez-vous quoi ? Je le comprends même si je suis un adulte. Car je sais ce que sont les démons de la nuit. Bonne nuit ! Je vous aime !

Carl Audet

Mon enfant est malade

« Mon enfant est malade ? L’ibuprofène sera mon allié pour q

« Mon enfant est malade ? L’ibuprofène sera mon allié pour qu’il passe au travers de sa journée… »

Je n’ai jamais trop eu à gérer ce type de parent. Heureusement. Ils sont peu à se soustraire à ce rôle lorsque leur enfant requiert le chevet une fois malade. Mais des histoires de la sorte, j’en ai entendu parler. Ce ne sont pas, malheureusement, que des ouï-dire… que des histoires racontées autour d’un feu de camp pour créer l’émoi.

En regardant les petits yeux vitreux de votre enfant ce matin-là, vous vous êtes demandé ce qu’il avait. Il fait de la fièvre. Pas une petite température qui s’élève et qui signifie une petite poussée dentaire ou un petit mal… non… quelque chose qui cloche. Vraiment. Vous vous êtes levé maintes fois cette nuit car il vous réclamait. Il pleurnichait, se retournait dans son lit tout en vous demandant un verre d’eau, puis n’en voulait plus. Vous murmurait entre deux sanglots qu’il n’était pas bien. Il a fini par se rendormir. Vous aussi. La nuit fut courte pour tous. Et là, la fièvre. Aucun autre symptôme qui se pointe. Juste votre fatigue, sa température et ses yeux vitreux.

Vous administrez un peu d’Ibuprofène pour qu’il tienne le coup toute la journée. Qu’il soit « juste » confortable pour passer au travers. Ce soir, après la journée de travail, on regardera ce qu’il a… s’il l’a toujours ! Ce n’est pas le matin que nous avons le temps de relativiser. Il y a le boss qui nous attend, des documents à remettre ou à présenter. Nos suppositions de maladies peuvent bien attendre. Le mal-être de notre enfant attendra. L’ibuprofène servira alors à cela.

Aucune collaboration de notre tout petit pour accélérer le pas. C’est qu’il nous retarde, ce matin ! Avec la courte nuit passée, difficile de rassembler nos esprits pour être à l’heure !

Arrivés au service de garde, on esquive un sourire à l’éducatrice en lui laissant notre petit trésor. Souhaitant qu’elle n’y voie que du feu. Espérant que la bonne humeur de notre enfant revienne à la vue des nombreux jouets qui s’offrent à lui, devant la disponibilité de son éducatrice, devant le bonheur des retrouvailles de ses copains de la journée, devant cette pièce remplie de comptines et de jeux qui l’attendent. Il va s’amuser… pourquoi s’inquiéter davantage.

On retourne à sa voiture. On a caché la mauvaise nuit à l’éducatrice. On a négligemment donné de mauvaises pistes sur la médication offerte pour soulager son état, son mal, ses maux. On pense à notre amour. On se sent coupable de ne pas avoir pris du temps, de ne pas avoir écouté son instinct de parent. On retourne à son travail, à ses préoccupations d’adulte. Notre enfant est entre bonnes mains. Tout ira bien. On jugera de la situation ce soir.

Puis le dîner passe. 15 h arrive. La sieste de votre enfant qui vient de prendre fin. Le téléphone sonne ou le texto arrive, bref, vous aviez fini par oublier. Non pas votre enfant, mais votre nuit et votre matinée désastreuses. L’éducatrice vous le rappelle pourtant. Votre petit ne va pas bien. Et oui, l’effet de l’ibuprofène s’est dissipé. Le décompte est bon. Ça fait huit heures. Et oui déjà. On doit quitter promptement… La journée était bientôt terminée de toute façon. Le temps de boucler les derniers trucs, de passer à la pharmacie ou à l’épicerie (la soirée sera longue, la nuit aussi probablement). Et nous sommes devant l’éducatrice à balbutier des « Ouin… il n’avait pas passé une super bonne nuit… »

Mais, qu’en est-il pour l’éducatrice qui a accueilli votre enfant ce matin-là ?

  • Bon matin à vous deux ! Oupidou ! Tu sembles avoir encore les yeux dans l’oreiller !

(Et oui, elle avait détecté, à ce même moment, qu’il avait passé une mauvaise nuit. Déjà !) Ces petits yeux‑là, elle les connaît. Malgré les couleurs qui changent, ces yeux-là, elle les a vus à maintes reprises, chez plein d’autres enfants. De petits yeux vitreux qui dégagent un « je ne me sens pas au top ! Mais la médication va tout calmer, va tout camoufler ! »  Ce petit rechignement-là aussi, elle le connaît. Cette petite crisette de vous voir partir au boulot tandis qu’il aimerait que vous restiez pour se lover dans vos bras. Elle connaît ça.

Toutefois, l’addition des constatations des deux minutes d’observations dans le cadrage de porte lui rappelle qu’elle devra être là pour votre enfant aujourd’hui. Qu’il en aura besoin. Que son expérience, sa patience, sa douceur lui seront salutaires. Elle préviendra les copains d’être conciliant avec votre enfant. Elle lui permettra de se retrouver seul, en jeu calme. Elle ne le forcera pas à se joindre aux amis lors des activités de groupe. Beaucoup trop bruyantes et énergisantes pour ce petit corps qui tient à peine le coup. Elle n’insistera pas pour qu’il avale « encore une bouchée pour être fort et grand ». Elle préparera son matelas en premier pour qu’il puisse enfin s’y retrouver. Elle s’assurera qu’il est bien, qu’il est confortable, qu’il est tranquille. Elle veillera sur lui. Votre enfant, elle le connaît aussi. Elle s’inquiète pour lui, comme vous.

Sa disponibilité envers votre trésor l’empêchera toutefois d’être aussi présente auprès les autres enfants. Cela l’obligera à revoir l’horaire de sa journée pour que votre trésor puisse bénéficier du meilleur d’elle. Le soir venu, elle passera à la désinfection en grande pompe pour éviter la contagion. Elle sait que les journées à venir seront des répétitions d’aujourd’hui. Tous y passeront assurément et elle aussi. Mais elle sera toujours au poste ! Toujours disponible ! Malgré le fait qu’elle aura puisé dans son énergie pour soutenir toute la marmaille avant que ce soit elle qui finisse par attraper le virus. À court d’énergie. Elle sera là !

Votre enfant a réussi à passer au travers, somme toute de façon relativement simple. Vous avez gagné à la loterie de ceux qui se relèvent facilement des microbes. Un vrai David contre Goliath ! Mais qu’en est-il pour son copain de jeux ? De la maman enceinte qui utilise le service de garde et qui ne peut prendre de médicaments pour soulager adéquatement ses maux ? Qu’en est-il de celui dont la santé est si fragile et pour qui chaque virus vire au cauchemar, l’obligeant à visiter l’hôpital presque à chaque fois ? Qu’en est-il de l’éducatrice qui devra peut-être prendre congé et se faire remplacer ou fermer le service de garde s’il s’agit d’un milieu familial ?

Quand vous agissez pour rendre « juste » confortable l’état de votre enfant pour qu’il soit en mesure de passer au travers de sa journée, votre envie de rendre confortable sa journée ne vous dit-elle pas qu’il serait mieux à la maison ? Vous endormez les maux, mais malheureusement, pas le processus de contamination. C’est important de prendre le temps de se poser des questions. Après la mauvaise nuit et avant de quitter pour le travail, le milieu de garde n’est malheureusement pas votre plan B comme celui exigé dans le contrat de service de garde.

Vous avez confiance en l’éducatrice de votre enfant. Vous l’avez choisie. Sa pédagogie, son environnement répondent en tous points aux valeurs que vous voulez transmettre à votre enfant. Pourtant, lorsqu’elle vous dit que votre enfant peine à suivre le groupe… dans ce moment-là, il importe aussi de lui faire confiance. Elle veille sur votre petit trésor comme sur la prunelle de ses yeux. Ces yeux-là, bienveillants, vous les connaissez pourtant. Vous espérez tellement de cette personne. Faites-lui confiance.

Il importe donc de toujours se poser la question à savoir si l’état de son enfant porte atteinte au reste du groupe qu’il côtoie et surtout… si un autre enfant était dans le même état que le sien et se retrouvait au service de garde… comment nous sentirions‑nous ?

Mylène Groleau

Les lettres de ta vie (TDAH/I)

La médication

Ce matin-là, le cadran a sonné à 5 h 30, comme

La médication

Ce matin-là, le cadran a sonné à 5 h 30, comme tous les matins. Contrairement à l’habitude, il ne m’a pas réveillée, je l’étais déjà. Je ne pourrais pas dire depuis quand je fixais le plafond. Une heure, deux, peut-être même trois. Je savais que ce matin-là serait différent. Car c’est ce matin-là que je te donnerais pour la première fois ta médication. On a vu le médecin la veille, il a confirmé ce que l’on savait déjà : TDAH/I,  beaucoup trop de lettres de l’alphabet pour une aussi petite fille.

Vers six heures, je vous ai réveillées, les trois merveilles de ma vie. J’étais de bonne humeur, trop, je ne suis pas comme ça le matin. Je rechigne, je bougonne. J’ai besoin de ma tasse de café et ensuite, je commence lentement ma journée. Pourtant, ce matin‑là, je faisais tout pour que tu ne voies pas mon stress. Que tu ne vois pas mon cœur en miettes. Que tu ne voies pas les larmes dans mes yeux ou encore ma main qui tremblait en te donnant la fameuse pilule.

Je ne doutais pas de notre décision. Ton impulsivité t’amenait dans un endroit sombre. Tu t’en voulais, tu regrettais, tu culpabilisais. La tristesse te gagnait à un tel point qu’un jour, tu as dit à ta grande sœur que tu voulais mourir. Ta grande sœur est rentrée en pleurs dans la maison, en me répétant tes mots. Mon cœur a sombré, je me suis écroulée. On ne peut pas vouloir mourir à six ans.

Tous nos efforts, nos rencontres avec la psychoéducatrice, nos interventions, ce n’était pas assez. Nous n’avions pas compris à quel point les lettres de ta vie t’affectaient.

Tu n’avais pas compris quelle petite fille merveilleuse tu es.

Nous devions agir et vite. Ton cerveau avait besoin d’aide, nous allions la lui donner.

Après tout, on ne prive pas un enfant qui voit mal de ses lunettes ou un enfant diabétique de son insuline. Ton cerveau en a besoin, pour trouver les bons chemins.

Il nous reste du travail à faire. Pour que tu te voies, comme nous te voyons. Une petite fille merveilleuse, avec un potentiel sans limites. On trouvera le chemin qui augmentera cette estime de toi.

On trouvera ensemble le chemin du bonheur. Parce ta vie, tu ne le sais peut-être pas, sera exceptionnelle.

 

Mélanie Paradis