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La cigarette, tabou des tabous.

Dans la famille

Dans la famille de mon enfance, il y a peu de tabous. On peut parler de sexe, de religion, d’argent. Mais le tabac et la fumée de cigarette, ayayaye. Si tu veux en parler ou même juste prononcer le mot « cigarette », attache ta tuque avec de la broche d’acier et arme-toi d’un bouclier blindé. Ça va barder.

Je suis pour la liberté. Tu veux fumer? Tu es un adulte informé? Fume. Tu connais les conséquences possibles. Tu es conscient que fumer peut avoir un impact sur ta santé (les campagnes publicitaires, dont certaines très… comment dire… graphiques! ne laissent personne indifférent). Sur tes proches (ça se peut, oui, qu’ils aient moins le goût de te coller, et peut-être que ça fait ton affaire après tout!). Sur ton travail (quarante heures par semaine, quand tu soustrais toutes les pauses-fumée, ça laisse moins de temps pour être efficace). Et évidemment sur ton portefeuille. À moins d’avoir un champ de tabac à même ta cour et de rouler tes propres clopes, fumer, ça coûte cher en ta. Et tu sais aussi que si tu choisis d’arrêter, des ressources existent et sont accessibles facilement.

Je suis aussi pour la liberté d’expression. Je ne te harcèlerai pas pour que tu arrêtes de fumer. C’est une décision qui doit venir de soi, si elle vient un jour. Si j’avais une baguette magique, c’est assez clair que je ferais disparaître cette dépendance. Mais je n’en ai pas. Tout ce que je peux faire, c’est te dire, une fois dans ma vie, jusqu’à quel point j’ai peur. Oui. J’ai peur.

J’ai peur parce que je te vois mourir à petit feu, au même rythme que ta cigarette raccourcit et que ton paquet se vide. Tu me répondras que de toute façon, on va tous mourir. En effet. Par définition, l’humain est un être mortel. Mais es-tu obligé d’accélérer ta mort? Es-tu obligé de te dépêcher de traverser le fil d’arrivée, et de le passer dans la souffrance d’un cancer des poumons ou de la gorge? Je t’entends tousser sans bon sens. Je te vois chercher ton air. Tu me dis que cette année, la grippe a été dure. L’année passée aussi, et l’autre d’avant tout autant. J’ai peur de te voir te battre avec les infirmières pour pouvoir fumer ta cigarette malgré la machine à oxygène qui te sert de meilleur ami. J’ai peur que par orgueil, tu refuses de consulter à temps et que tu nous caches la vérité : la cigarette a eu raison de toi. Elle, elle finira dans un cendrier et sera remplacée par une autre qui lui ressemblera et qui t’apportera autant de plaisir. Toi, tu finiras dans un lit d’hôpital, puis dans un cercueil, et personne ne pourra te remplacer.

J’ai peur parce que je te vois t’éloigner de moi, de nous. Quand j’ai osé mentionner que mon chum asthmatique était en train d’étouffer et devait sortir sur le balcon à -30 pour pouvoir respirer, on s’est moqué de moi, de lui. « Ben voyons donc, tite nature! » Quand j’ai osé imposer ma limite, dire que dans ma maison, il n’y a pas de cigarettes qui s’allument, tu m’as reniée. Des mois sans me parler, parce que j’avais osé parler.

J’ai peur parce que mes enfants commencent à rouspéter quand c’est le temps de te visiter. Ils t’adorent, mais ils ne comprennent pas cette habitude. Ils n’aiment pas cette odeur qu’on conserve des heures après notre départ. Quand ils me demandent pourquoi tu fumes, je leur dis que c’est un choix que tu fais, que c’est très difficile d’arrêter, que tu dois avoir tes raisons. Je sais qu’ils te retourneront la question, que ça créera un malaise parce que la cigarette, c’est tabou. C’est le « sujet-dont-il-ne-faut-pas-oser-parler ». Mais je ne leur dirai jamais qu’ils n’ont pas le droit d’en parler. Quand ils te disent : « Pourquoi tu fumes? » et que tu leur réponds « C’est mon seul défaut, celui-là, je le garde. », tu passes à côté d’un mot d’amour. Dans le fond, quand on ose affronter le tabou, ce qu’on te dit, c’est « je t’aime ».

 

Journée mondiale sans tabac 2017: http://www.who.int/campaigns/no-tobacco-day/2017/event/fr/

Québec sans tabac: https://quebecsanstabac.ca/

Santé Canada: http://hc-sc.gc.ca/hc-ps/tobac-tabac/quit-cesser/index-fra.php

Eva Staire

 

Attention au coup de chaleur!

L'été, le soleil, la chaleur... ça nous avait tant manqué! Certa

L’été, le soleil, la chaleur… ça nous avait tant manqué! Certaines personnes sont très sensibles aux températures élevées, notamment les enfants en bas âge. Le coup de chaleur tue chaque année! C’est un état de choc par déshydratation qui peut entraîner de graves séquelles. Comment réagir ? Comment le prévenir?

En premier lieu, il faut essayer de faire la différence entre un enfant qui a chaud (il transpire) et un enfant qui fait un coup de chaleur (il ne transpire pas). En coup de chaleur, la personne peut se sentir étourdie, confuse, sa peau est chaude et sèche, elle souffre de maux de tête, de maux de ventre, de nausées et même de vomissements ou de convulsions.
Si elle est confuse ou perd connaissance, c’est une urgence vitale, vous devez appeler le 911.

Il faut absolument faire baisser la température du corps et hydrater la victime.
Appliquer des serviettes d’eau froide sur la nuque et sur le front de l’enfant et mettre de la glace sous ses aisselles va aider à faire baisser rapidement la température de son corps. Essayez de déplacer la victime vers un endroit frais. Vous pouvez également l’immerger dans l’eau fraiche. Vous devez l’hydrater avec de petites quantités d’eau. Allez-y gorgée par gorgée.

Pour prévenir le coup de chaleur il est important de s’hydrater suffisamment (un verre d’eau toutes les 10 minutes en cas de canicule, surtout lors de la pratique d’une activité physique) et de se refroidir souvent (air climatisé, jeux d’eau, piscine, endroits aérés et ombragés). Et couvrez-vous la tête!

La consommation d’alcool et de caféine accélère le processus de deshydratation.
Les enfants n’ont pas la sensation de soif, il faut penser pour eux et leur donner de l’eau souvent!

Si l’enfant fait du sport pendant la canicule (sur un terrain de soccer, par exemple), vous pouvez ajouter un peu de sel dans son eau.

La prévention est le meilleur moyen de lutter contre le coup de chaleur et de profiter en sécurité de ce bel été qui s’installe!

Gwendoline Duchaine

Ode à une Rose magnifique

Elle avait un sourire si doux et des yeux moqueurs. Mais surtout, ell

Elle avait un sourire si doux et des yeux moqueurs. Mais surtout, elle avait le respect du village. Ma grand-mère, c’était une Rose, littéralement. Et elle s’est éteinte ce matin, à 7 h 45.

Rose habitait un petit village qui se nomme l’Île-du-Grand-Calumet. Une magnifique place où tout le monde se connaît, où il n’y a que deux rues, où la rivière coule à flot. Dans la grande maison où elle a élevé ses six garçons, il y a plusieurs doux souvenirs qui bordent les murs, les étagères et l’air, tout simplement — pis y avait toujours des sucreries dans l’armoire, ses carrés aux dattes étant les meilleurs au monde.

Puisque quatre heures de route nous séparaient, nous ne nous voyions pas aussi souvent que nous l’aurions aimé. Bien sûr, quatre heures, ce n’est pas si loin… Mais lorsqu’on a la vie d’une maman full time, avec un travail full time, des jeunes kids full time, il est plus difficile de voyager et de planifier des road trip (pour moi en tout cas). L’an passé, elle est venue me visiter à Montréal pour la première fois en seize ans. Et elle est revenue à plusieurs reprises ensuite. Elle était fière d’où j’étais rendue, de mon cheminement de vie, de mes choix. Elle m’aimait fort. Pis moi, je l’admirais tant.

Depuis que j’avais des enfants, on se voyait beaucoup. Les filles l’aimaient tellement et wow ! Que c’était réciproque. Elles étaient ses premières petites enfants. Elle CAPOTAIT sur mes filles. On dirait qu’en ayant moi-même des enfants, j’avais mille fois plus de respect pour elle. Quand on se voyait, j’en profitais pour lui poser des questions, lui demander des conseils, l’admirer, l’écouter. Parce que t’sais, après tout, elle en a élevé six. La madame savait de quoi elle parlait.

Au début de l’hiver, Rose a fait deux accidents cardio-vasculaires en moins de douze heures. En apprenant ça, j’ai paqueté mon char avec mes p’tites pis je suis partie pour l’hôpital fucking trop loin de chez nous. Il faisait si froid. En arrivant là-bas et après que j’ai expliqué la situation, l’infirmière nous a laissées entrer dans sa chambre aux soins intensifs, même si j’étais accompagnée de jeunes enfants. Je suis ressortie aussi rapidement que j’étais entrée, en m’obstinant pendant un bon dix minutes et en disant que non, cette dame couchée dans le lit, pluggée de tous bords tous côtés, n’était pas ma Rose. C’était bien elle… J’ai pleuré en tenant sa main dans la mienne, pendant cinq minutes, pendant que l’infirmière s’occupait de mes filles dans le corridor. Nous sommes ensuite revenues à Montréal. Huit heures de voiture avec une terrible two pis une five going on fifteen, pour un maigre cinq minutes, mais un cinq minutes qui voulait tout dire.

Juste après Noël, son état s’était amélioré et elle a été transférée dans un centre de réadaptation. Mon père, mon oncle, ma cousine et moi sommes allés l’installer dans sa magnifique chambre où le personnel était attentif et où les autres ti-vieux étaient ben heureux de voir un nouveau visage. « Pourquoi t’es icitte toi, ma Rose ?! », que les ti-vieux demandaient. Nous répondions que c’était à cause de deux ACV. Pis là, une multitude de bras se sont ouverts pour l’accueillir, parce qu’eux aussi étaient passés par ce chemin difficile. C’était crissement beau à voir. Le lendemain, j’ai amené les filles la visiter. Les yeux de ma grand-mère brillaient. Les filles se sont amusées à attacher les lacets détachés de Rose, elles lui ont fait des dessins et jamais au grand jamais, je n’aurais cru que ce serait la dernière fois que je la prendrais dans mes bras.

Mes filles et moi sommes venues rejoindre mes parents en Floride pour la relâche. Ce matin, je suis allée les retrouver à leur maison, puisque mes kids ont dormi là hier soir. En entrant, mes parents faisaient la vaisselle et les filles jouaient sur la tablette. Ma mère a chuchoté à mon père « Tu lui dis ?! » J’ai levé le regard vers mon père qui avait les yeux pleins d’eau et j’ai su. J’ai su que ma marraine, ma dernière grand-maman, mais surtout et avant tout, SA maman, était décédée. On le sait, ces affaires-là. On les sent. On a tendance à dire que c’est mieux ainsi, qu’elle était malade et que ses souffrances sont maintenant chose du passé. Mais il reste que le vide est immense quand même. Ma Rose est partie. Sa Rose n’est plus.

J’ai passé la journée à dire à mon père combien je l’aimais. J’ai expliqué à ma grande que Mémère Rose était maintenant une étoile. Elle m’a dit qu’elle aimerait bien aller la chercher pis on a pleuré ensemble. À mes yeux, une Rose qui termine sa vie en Étoile, ça prouve que ce fut une maudite belle vie réussie. Ma belle Rose à moi. Mais surtout le Rose de la famille et de tout le village brille ce soir dans le ciel.

Valérie La Salle

Mes bébés aux funérailles

Un cercueil. Plein de personnes qui pleurent. Certaines qui fument l

Un cercueil. Plein de personnes qui pleurent. Certaines qui fument leur millième cigarette sur le bord des escaliers extérieurs pour passer leur stress. Une gang d’ados qui se soutiennent dans leur malaise et leur peine d’avoir perdu leur ami, leur voisin de pupitre. Des bouquets de fleurs trop grands pour la pièce sombre, mais trop petits pour exprimer tout l’amour ressenti pour ce jeune homme qui venait de nous quitter. À l’entrée de la salle, la photo d’un jeune sans rides et sans sourire.

C’était il y a plusieurs années. Mon petit-cousin venait de s’enlever la vie. Il avait presque mon âge. Mon premier amour, mon premier kick. Impossible, pour moi, de ne pas être présente à sa dernière envolée, à son dernier adieu à notre monde terrestre. J’avais accouché de ma fille aînée quelques semaines auparavant. J’allaitais aux deux heures, ma fille était scotchée sur moi jour et nuit, les funérailles avaient lieu à quelques heures de route. Inutile de même penser à faire garder ma cocotte le temps de me rendre à cette réunion de parenté callée par le désespoir d’un des nôtres.

Au salon funéraire, la traditionnelle file de poignées de mains et de quête du mot qui apaise. « Mes condoléances, matante. J’ai vraiment hésité à venir, je ne voulais pas que ma petite dérange… t’sais, un nouveau-né dans des funérailles… »

« Ah ben là! Si tu savais comment je suis contente que tu sois venue et que tu aies amené ta petite poupée avec toi! Elle met de la joie dans la famille. Les événements tristes, il faut les vivre, mais il faut aussi regarder ce qui est beau dans la vie! »

Malgré toute sa peine d’avoir perdu un de ses petits-enfants, cette grand-maman était bien sage. Tout comme mon cousin, le papa de mon petit-cousin décédé : « Merci d’être ici. Tu amènes la vie qui continue. »

Moi qui m’étais demandé comment les personnes présentes réagiraient, j’ai été apaisée par leur apaisement à la vue de ma fille. Pour certains, leur réconfort est passé par un câlin qu’ils ont pu lui donner, par la joie de voir un si petit bébé, par le souvenir recréé de mon petit-cousin qui, dix-neuf ans auparavant, était aussi petit et rempli de vie que ma fille.

Pendant les funérailles, ma fille « jasait ». Elle a assurément dérangé l’assemblée réunie. Mais elle les a dérangés positivement, en déplaçant un peu de leur attention vers le gazouillement d’un enfant qui boit au sein de sa mère (et qui fait son rot bruyamment… quand on a quelques semaines, on n’a rien à cirer de la politesse et de la classe!).

Quelques années plus tard, j’ai amené mon autre fille à des funérailles. En route vers le cimetière, je me suis arrêtée avec elle dans un parc pour qu’elle puisse lâcher son fou. Parce qu’entre vous et moi, c’est beau de leur dire de se tenir tranquilles et de ne pas courir partout, ils sont des enfants et ont besoin qu’on pense à eux! En arrivant au cimetière, ma fille tenait dans sa main un magnifique bouquet de marguerites cueillies innocemment. Elle transportait avec elle la fraîcheur de la vie qui s’épanouit.

La beauté est partout, tout le temps. Surtout dans le cœur d’un enfant.

Nathalie Courcy

Être un parent orphelin de père

Quand jâ€

Quand j’étais enfant, tout ce que je voulais, c’était avoir un jour ma propre famille. Et aussi ma carrière.

Voyant les conditions dans lesquelles ma mère nous élevait (pauvreté, aide sociale avec des fins de mois difficiles, drogues, alcool, négligence, et j’en passe), je me disais que lorsque j’aurais des enfants, ils ne manqueraient de rien. Et surtout pas d’un père.

Mes sœurs avaient leur père, moi non. Moi, j’avais des oncles ou les chums de ma mère. Les deux seules figures paternelles que j’ai eues un certain temps dans ma vie ont été le père de mes sœurs (bien qu’il me traitât comme sa propre fille à plusieurs égards, il n’en restait pas moins le père de mes sœurs) et le mari de ma tante. Les deux sont morts alors que j’étais adolescente et ont fait partie de ma vie par intermittence, selon la bonne ou la mauvaise volonté de ma mère.

Donc, quand j’ai appris que j’étais enceinte, je tenais à ce que cet enfant ait son père. Par contre, je pensais qu’il fuirait comme le mien, d’autant plus qu’il n’arrêtait pas de dire qu’il ne voulait pas d’enfants!

Deux enfants (garçons) et quinze années plus tard, leur père est toujours là, et ils ont une belle complicité.

La difficulté, quand tu viens d’une famille de femmes indépendantes qui ont toujours clamé haut et fort qu’elles n’avaient pas besoin d’hommes dans leur vie, c’est de laisser la place à cet homme et de le laisser gérer quand il le faut. Par exemple, pour ce qui est de la discipline, ça a pris quelque temps avant que je sois d’accord avec sa façon de faire… qui somme toute, fonctionne bien!

Aussi, voir l’aspect masculin qui peut parfois être plus rude, entre gars surtout, alors que je n’ai pas vraiment eu de repères, c’est plutôt déconcertant. J’ai bien vu mes cousins et leur père se « tirailler ». Parfois, je trouvais que ce dernier jouait de façon un peu trop raide à mon goût, mais c’était encore l’époque où le jeune devait devenir un « vrai homme »… donc encore là, est-ce que c’est toujours valide ou d’actualité? Est-ce que, si j’avais eu un père, j’aurais pu comprendre cet aspect chez l’homme, pour avoir passé toute ma vie auprès de mon père? Je me pose souvent la question…

Mes enfants ont toutefois deux grands-pères, les parents de mon conjoint s’étant remariés (ce qui est mieux que rien, j’en suis tout de même consciente). Par contre, ils ne connaîtront pas l’héritage et le bagage que mon père aurait pu leur transmettre et souvent, c’est difficile à accepter. Mon père était grec et j’aurais aimé, au même titre que mes enfants sûrement, connaître cet aspect de ma culture.

Je sais qu’on peut aussi choisir sa famille et se constituer un modèle familial avec des personnes et des amis de toutes les générations qui sauront influencer nos enfants au même titre qu’un vrai grand-papa, ou qu’un père pour moi. Malgré tout, le vide est bel et bien présent…

 

Karinne Bouchard

Ceux que la route a tués

20 novembre : Journée mondiale du souvenir des victimes d

20 novembre : Journée mondiale du souvenir des victimes des accidents de la route.

C’est moins connu que la journée mondiale des droits de l’Homme ou celle de la prévention du suicide. Mais entre vous et moi, on connaît tous une victime de la route. Une personne qu’on aimait et que la route a avalée ou handicapée à jamais. Par imprudence parfois, par malchance souvent.

Il y a quelques jours, près de chez moi, le véhicule transportant une famille de quatre enfants s’est renversé dans un fossé. La vie du papa s’est évaporée dans les jours qui ont suivi. L’enquête est en cours, peut-être un cas de rage au volant. Mais vous imaginez la rage au cœur de ceux qui restent? Combien de fois me suis-je imaginé l’accident qui laisserait nos quatre enfants orphelins ou qui les emporterait?

Je suis de la génération qui a vu ses oncles conduire avec une caisse de six entre les cuisses. Vous savez, cette génération qui ne s’attachait pas en auto. Je suis aussi de cette génération qui textait au volant jusqu’à l’avènement de la loi. Mais je viens aussi d’une famille où le papa policier arrêtait les conducteurs imprudents et maintenait les blessés en vie après une embardée. Une famille où la maman conduit à 99 km/h sur l’autoroute et où j’ai dû attendre mes dix-huit ans pour tenir un volant. J’ai appris la prudence, merci! Mais on ne sait jamais si le conducteur dans l’autre voie a consommé, s’il est en retard à un rendez-vous ou s’il transporte sa rage sur son siège.

Quand j’étais adolescente, mon frère m’amenait parfois en moto. Une fois, il a refusé parce qu’il pleuvait. « La pluie, en moto, ça peut être mortel. Avec une passagère, c’est pire. Je ne veux pas nous mettre en danger ». Ça a pris des années et de la maturité pour comprendre qu’il me disait « Je t’aime ». Éventuellement, il a vendu sa moto. « Je veux voir mon gars grandir ».

Je me souviens d’une sonnerie de téléphone. C’était l’heure des appels des nouvelles qu’on préférerait ne jamais entendre. Ma mère qui décroche. Sa sÅ“ur, son beau-frère et leur fille de vingt-cinq ans venaient de mourir. Les parents ramenaient leur fille à la maison après sa soirée de travail. Et puis, le choc, les bruits de ferraille qu’ils n’ont jamais eu le temps d’entendre. Leur voiture s’était encastrée sous un camion de transport caché dans un nuage de brouillard. Ma cousine avait été retrouvée plusieurs mètres plus loin. L’aînée de la famille n’a eu que les cheveux de sa mère et la montre de son père pour les identifier. Une montre arrêtée à l’heure exacte de la fin. Le reste était…

Je vois encore l’article de journal en noir et blanc. Les trois cercueils alignés dans un salon funéraire trop étroit pour contenir autant d’amour et de peine. La famille décimée, étêtée de ses parents et d’une grande sœur adorée. La sœur aînée a recueilli son frère mineur et l’a élevé. Mais a-t-elle pu remplacer le père, la mère et la sœur? Quatre frères et sœurs endeuillés, vivant la dévastation de façons différentes.

J’ai la chance de mon côté. Le seul accident que j’ai subi m’a laissée avec des ongles cassés et une voiture remorquée jusqu’au bord de la 40. Une tempête pendant le temps des Fêtes. J’aurais dû rester chez moi au lieu de narguer Dame Nature. Ça m’a servi de leçon. La vie avant tout.

Aujourd’hui, malgré les lois et les publicités, les routes feront encore des morts. Des ambulances quitteront les autoroutes et les routes de campagne avec à leur bord des blessés, des bientôt disparus, des conducteurs sous le choc, des parents endeuillés ou des enfants orphelins. Des téléphones sonneront pour annoncer le décès d’une personne aimée qui n’arrivera jamais au prochain souper ou au bout de la nuit.

Nous avons deux responsabilités :

  • Nous souvenir de toutes ces victimes des accidents de la route.
  • Tout faire pour éviter d’être victimes d’un accident de la route et de rendre des familles endeuillées.

Soyons prudents. Aimons la vie.

Adieu petit ange…

On dit souvent que la vie est fragile, mais on ne comprend la signification qu'une fois qu'on est to

On dit souvent que la vie est fragile, mais on ne comprend la signification qu’une fois qu’on est touché par un drame. On prend pour acquis les êtres qui nous sont les plus chers. On embrasse nos enfants avant de les endormir avec la certitude qu’ils nous réveilleront avec leurs petites voix stridente afin que nous allions écouter pour la millième fois La reine des neiges. Pourtant, la vie fait ce qu’elle veut et elle peut parfois être si cruelle. Aujourd’hui, nous avons décidé de vous raconter l’histoire de Léane, la maman de Clara qui est maintenant un petit ange qui veille sur les siens … C’est après avoir discuté avec Léane qu’elle a accepté de raconter le drame qu’elle a vécu en espérant pouvoir aider d’autres personnes qui vivent la même chose.  Son message est simple et clair; prenez le temps de vivre tous les petits moments avec vos enfants. Aimez -les, chérissez-les et profitez au maximum des bons et des mauvais jours, parce qu’on ne vit tout ça qu’une seule fois.
C’est le soir du 6 octobre 2016 que je suis tombée sur une publication d’une amie Facebook qui m’a mise à l’envers pour le restant de la journée. Léane Rhéaume venait de perdre sa fille unique, son rayon de soleil..

 

Léane et Clara

Cette photo, fut notre dernière prise ensemble … Hier soir, avant ton dodo, tu voulais coller maman … Tu avais mal à ton bedon alors on s’est fait des câlins.
Je t’ai chanté des chansons et tu m’as dit de te placer ta couverture … 
Je t’ai embrassée et dit : À demain.

 
Ce fut notre dernier moment ensemble.  La vie de ma Clara s’est terminée. Ce matin, elle était sans vie pour une raison médicale encore inexpliquée.
Nous aimerions garder notre intimité durant cette dure épreuve, merci de respecter cela .
❤️ Pour ma petite Clara qui a écrit les plus belles pages de ma vie. Je souhaite remplir notre livre des plus belles histoires de bonheur et d’amour pour elle surtout de blagues; elle aimait tellement faire sa coquine ! Clara je t’aime tant !! J’aimerais que ceci ne soit qu’un mauvais rêve ….. reviens moi!
Au revoir ma puce

 

Clara n’était pas malade. C’était une petite fille espiègle et heureuse. Elle avait la vie devant elle! J’ai tellement été ébranlée par cette publication… Aucun parent ne devrait avoir à porter le deuil de son enfant! Léane a dit un dernier aurevoir à son amour et à tenu à partager le texte qu’elle a lu lors des funérailles.

 

” J’aimerais que tout ça ne soit seulement qu’un cauchemar… J’ai tellement le cÅ“ur gros ces temps-ci, mais recevoir autant de témoignages me fais me rendre compte que malheureusement c’est fréquent de perdre son enfant. Les autres mamans me répètent de ne pas avoir honte de sourire à nouveau, d’être bien! Je crois que mon texte pourrait peut-être en aider d’autres aussi à traverser cette épreuve ou juste ralentir comme moi j’ai su le faire avec ma Clara. Elle avait 19 mois, un vrai rayon de soleil rempli de caractère! J’espère l’instant d’un moment aider les gens à ralentir.La vie peut tellement changer d’un jour à l’autre et je suis fière de pouvoir me dire qu’avec elle on prenait notre temps. Si avec mon texte je peux aider des cÅ“urs tristes ou d’autres à profiter 100x plus des moments avec leur enfants tant mieux,  j’aurai réussi à accomplir quelque chose de bien” – Léane Rhéaume

Adieu petit ange - Clara

Crédit photo : Bianca Gaudreault

Clara,
J’ai découvert que tu étais dans mon bedon un matin.
J’ai d’abord fait un test de grossesse…puis, un second, pour finalement me rendre à 5, pour être bien certaine que les 4 autres ne se trompaient pas.
J’ai ensuite envoyé les photos de tous mes tests à ta marraine, à Katherine, Élyse, Annie et Vanessa; pour qu’elles aussi me confirment que les 5 tests étaient bel et bien positifs.
Je n’ai pas été capable d’attendre pour l’annoncer à ton papa.
J’ai pris le téléphone et je lui ai dit durant son travail.

À l’échographie, ils nous ont appris que tu étais une petite fille. J’étais tellement ravie de peut-être avoir une mini- moi. Déjà, dans mon ventre, je t’appelais Clara et j’espérais que tu sois identique à moi. Je t’imaginais drôle, surtout tannante et avec un bon caractère, chose que tu as.
Tu faisais des tours de magie en cachant ta suce et te trouvais tellement bonne de le réussir, même si je voyais toujours où elle était cachée.
Avec toi, j’attendais… Je me disais que dire : « Vite, vite! Nous allons être en retard » allait nous faire perdre plusieurs petits instants précieux.
Tu prenais ton temps pour mettre tes souliers et te fâchais contre moi si je voulais t’aider…. Alors je me plaçais devant toi… assise… et j’attendais…puis, tu insistais pour me mettre mes souliers et surtout que je ne t’aide pas.
À chaque matin, j’essayais de t’attraper à travers les barreaux du balcon. Je te laissais descendre les marches à ton rythme et surtout…nous recommencions.
Dans la voiture, je t’installais dans ton petit banc, puis tu avançais ton visage près du miroir placé devant et disais « Mamaaaan ».
Alors je collais mon visage au tien et disais : « Maman et Clara ».
Puis tu répétais : « Mamannnn » et je t’attachais.
Ma mini-moi je l’ai eu et dans la manière que tu avais de me dire maman, il y avait tout l’amour que tu éprouvais pour moi. Nous étions fusionnelles. Cuisiner sans t’avoir dans mes bras ou coller à mes jambes même à 18 mois était tout simplement impossible.

Au début, j’ai trouvé difficile de m’adapter au rôle de maman toute seule avec toi. Au fil du temps, mes moments d’épuisements sans beaucoup de répit ou, lorsque la fin de semaine tu quittais pour pleins d’aventures chez ton papa, se sont transformés en magnifiques moments, toujours de plus en plus faciles à vivre pour moi. La fin de semaine où tu quittais, je travaillais… puis, je revenais tout préparer et faire les courses pour qu’à ton retour tu ne manques de rien.
Ta manière de te fâcher en auto pour juste 1km.
Ta manière d’aller voler des Cheerios dans l’armoire à chaque matin.
Ta manière de toujours vouloir être avec moi.
Ta manière de toujours vouloir nous montrer avec tant de fierté que tu portes un chandail avec un chat dessus.
Ta manière de toujours vouloir aider Jason dans la maison et de t’endormir collé à lui au salon.
Ta manière de toujours suivre Charles partout.
Ta manière de toujours vouloir Lily près de toi durant tes repas.
Ta manière de jouer dans la cuisine pendant que Magali te prépare de bonnes choses.
Ta manière de toujours vouloir coller Romy.
Le 6 octobre j’ai perdu ma fille. Je me suis réveillée pour aller te chatouiller et je t’ai trouvée. J’ai tenté de te sauver. J’ai perdu la chose la plus importante à mes yeux, celle grâce à qui je me définissais.
J’étais ta maman, ta maman à toi.
Une partie de moi s’est envolée mais je sais que tu es partie avec en tête tout l’amour que j’avais pour toi et notre lien si spécial.
Au nom de Jérôme et moi, je vous remercie d’avoir été présents dans sa vie et d’avoir embelli la sienne autant qu’elle a embelli la nôtre, la mienne.
Promis Clara je vais sourire à nouveau.
Clara je t’aime, t’aime, t’aime…

Deuil périnatal : Mon bébé-lune-de-miel

J’ai rencontré l’homme de ma vie très jeune. Nous avons eu deu

J’ai rencontré l’homme de ma vie très jeune. Nous avons eu deux merveilleuses petites filles. Nous nous sommes mariés la journée exacte de nos 10 ans d’amour. Que c’était romantique ! Comble de bonheur, et de chance, je suis tombée enceinte le soir de ma lune de miel.

Les mois ont passé. J’étais comblée et je regardais mon ventre grossir de façon impressionnante, troisième grossesse oblige… J’ai entendu son petit cœur battre, et mon propre cœur se remplissait d’une émotion plus forte que descriptible.

Je n’arrivais pas à expliquer concrètement ce qui ne collait pas avec mes deux autres grossesses, mais je savais qu’étrangement, cette fois-ci, je n’avais ni nausée, ni rage de faim, ni saute d’humeur… Doc-Bédaine m’annonce qu’à 25 ans, c’est conseillé d’aller faire le fameux « triple test ». Je n’ai pas cru bon payer pour ces tests lors de mes précédentes grossesses. De toute façon, il n’arrivera rien… De toute façon, on n’a aucun antécédent génétique… De toute façon, on est si jeunes !

Mais puisque j’ai 25 ans, les tests sont gratuits ! J’y voyais une belle opportunité de voir mon bébé sur un écran, une fois de plus, tout simplement. Je suis jeune, j’ai plus de trois mois de grossesse, je sais que son petit cœur bat bien et je sens mon bébé bouger en moi. Que peut-il arriver de mal ? Peut-être même qu’ils vont pouvoir nous prédire le sexe de notre bébé…

Le jour de l’échographie, notre chance a tourné et notre monde s’est écroulé. À peine la sonde posée sur mon ventre rebondi, nous savions que rien n’irait plus. Dès que l’écran a montré les images de notre bébé, la technicienne a demandé au médecin responsable de venir nous voir. Il a revérifié ses mesures, avant de nous annoncer une terrible nouvelle. Notre bébé-lune-de-miel n’était pas normal…

Je n’ai pas tout écouté… Mais j’ai compris une chose… Peu importe ce qui clochait, il n’y avait absolument aucune chance que notre enfant soit normal, ni conscient. Le médecin voulait qu’on pousse des tests plus loin… plus longtemps… Après le décompte des handicaps certains, nous lui avons demandé de tout arrêter. Il nous a expliqué nos options…

Notre bébé restait « viable ». Il pouvait vivre… Nous allions finir par l’enterrer, ça c’était certain, mais c’était à nous de décider jusqu’à quand nous voulions l’accompagner… Mon choix fût rapide, décidé et assumé. J’ai demandé au médecin d’interrompre la grossesse. Il a refusé. Il insistait pour faire des tests plus poussés. Il parlait de faire avancer la science et de participer aux statistiques. Mais je n’en avais rien à faire… J’ai refusé de donner mon corps et mon propre enfant à la science.

Il m’a référée à une clinique externe, spécialisée dans les cas d’interruption de grossesse… Nous y sommes allés directement, les papiers de l’échographie en main. Là-bas, une infirmière nous a expliqué que c’était impossible de pratiquer l’intervention, pour plusieurs raisons. Ils n’avaient pas le temps. La chirurgienne refuserait. La décision était beaucoup trop précipitée. Il y avait des chances que je devienne stérile.

J’ai pleuré, crié, insisté. Nous savions tous que si j’attendais deux jours… Deux petits jours seulement… Je ne pourrais plus avoir recours à l’avortement vu l’état avancé de ma grossesse. J’ai insisté pour rencontrer la chirurgienne en personne. Elle a écouté. Elle a compris. Elle avait justement un trou dans son horaire… Maintenant.

Elle était humaine, douce et compréhensive. Elle avait peur pour moi, si peur que je regrette ma décision. Elle, elle savait mieux que quiconque le caractère indélébile et irréversible de l’acte que j’allais commettre. Moi, je savais que j’étais décidée. Décidée à vouloir offrir une vie remplie d’aventures, de voyages et de joies à mes deux filles déjà bien vivantes. Décidée à ne pas donner une vie de souffrances à un enfant, si je pouvais le lui éviter. Décidée à ne pas le garder, pour seule raison que je le voulais dans ma vie.

Je ne jugerai jamais les parents qui ont fait le choix de mettre leurs enfants au monde, aussi différents soient-ils. Moi, je n’avais pas cette force. Je l’ai vu à l’échographie… et je sentais à quel point il souffrait déjà. Je n’avais pas la force de lui en imposer davantage. Je n’avais pas la force de le prendre dans mes bras, sachant que je serais forcée de bientôt l’enterrer… Je savais que ma décision était la bonne.

Dans la salle, la chirurgienne a fait une dernière échographie, pour se situer et s’aider dans l’intervention. Elle a pris une pause, a pris ma main dans la sienne et m’a dit qu’elle comprenait maintenant. Après avoir vu l’état de mon bébé, elle comprenait l’urgence de ma décision et se sentait en paix avec ce qu’elle allait faire. Elle n’était pas obligée de me dire cela. Mais elle l’a fait. Et je lui en serai toujours reconnaissante.

Je suis revenue à la maison, le ventre vide et le cœur gros. Nous nous sommes assis avec nos filles pour leur expliquer que notre petit bébé n’était plus. Ma plus vieille, âgée de quatre ans, a compris et a pleuré. Nous avons fait incinérer ce minuscule petit ange et avons fait une cérémonie, près d’une rivière, pour lui dire Adieu une dernière fois.

Le 15 octobre est la journée de la sensibilisation au deuil périnatal. C’est aussi la date à laquelle je devais accoucher…

 

Deuil périnatal: Anthony aurait 10 ans

Selon des statistiques présentées récemment, une grossesse sur ci

Selon des statistiques présentées récemment, une grossesse sur cinq ne se rend pas à terme. Une sur cinq, c’est beaucoup! Ce qui me vient automatiquement en tête, en lisant cela, est le mot «fausse couche». C’est en effet, malheureusement, quelque chose de fréquent et le cauchemar de toute femme enceinte. Parfois, il arrive que le «1 sur 5» survienne plus tard, beaucoup plus tard et ce fut mon cas. À ce stade, on ne parle plus de fausse couche, mais de mort in utero.  Voici mon histoire, celle de mon conjoint et de notre petit ange, Anthony.

J’avais alors 32 ans et la grossesse s’était déroulée sans problèmes, pas même un diagnostic de diabète gestationnel. Un soir de juin, je me lève pour aller à la toilette et je sens quelque chose d’anormal: mes eaux viennent de crever. Je suis alors à 35 semaines de grossesse. Il n’y a pas beaucoup de liquide et il est foncé. Après un appel à Info Santé, on me dit de me rendre d’urgence à l’hôpital, ce que je fais. À mon arrivée, on cherche le battement du coeur de mon bébé, sans succès. L’infirmière me dit que c’est normal, selon la position il est possible qu’on ne l’entende pas, rien d’alarmant, une échographie sera faite pour vérifier que tout va bien.  Je suis seule avec ma mère dans la chambre, mon père est dans le corridor et mon conjoint est au travail croyant à un possible faux travail.

L’échographie est passée et quelques secondes avant l’annonce, mon cerveau comprend. Je vois mon fils sur l’écran et il a l’air de «flotter» dans mon ventre. Je ne vois pas le clignotement de son cœur sur le moniteur. «Mme St-Onge, nous sommes désolés…» et puis black-out total. Ma mère pleure et va chercher mon père. J’ai des larmes qui coulent, je suis dans un autre monde et je ne comprends pas ce qui se passe. Ma seule pensée est que je porte la mort en moi, alors que je devais donner la vie.

Mon conjoint appelle à la maternité pour avoir des nouvelles. C’est alors que je sors de mon état pour crier au téléphone : « Anthony est mort !!». Puis de nouveau, je retourne dans un état proche de celui de zombie pour plusieurs heures. Avant mon entrée à l’hôpital, je planifiais quand et comment le baptême se ferait et là, je devais planifier des funérailles.

Mon obstétricien m’annonce que je devrai accoucher normalement, ils vont aider le travail et j’aurai droit à tout ce que je veux pour soulager la douleur physique. Pour la douleur psychologique, il n’y a rien à faire.

Je passe donc de longues heures en salle d’accouchement, j’ai espoir jusqu’à la dernière minute que les médecins se soient trompés et qu’Anthony, contre toute attente, pousse un hurlement à sa sortie.

Ce fut le silence le plus complet et le plus total. On me demande si je veux voir mon bébé, pour moi ce n’est pas une question que l’on doit me poser. Je demande et j’exige de le voir, maintenant, tout de suite. «Mettez-le-moi dans les bras AVANT d’expulser le placenta et vérifier si j’ai déchiré, pas après comme vous me le proposez.»

anthony-lavigne1Il est là, dans mes bras, et il est parfait. Dix doigts, dix orteils, deux bras, deux jambes, deux belles grosses joues que je n’arrête pas d’embrasser. Il est beau, tellement beau. Un beau gros bébé, exactement comme celui dont j’avais tant rêvé. Je ne sais pas combien de temps je suis restée avec lui, dans mes bras, dans la salle d’accouchement, mais ce fut trop court.

On m’a ramenée à ma chambre, à un étage autre que celui des naissances pour ne pas que j’entende les bébés pleurer dans les chambres autour. On m’a dit que je pouvais demander qu’on m’apporte mon bébé à n’importe quel moment. Une fois seule dans ma chambre, tard en soirée, j’ai fait cette demande. On m’a apporté Anthony, il était froid et rougi. Je n’entendais plus les infirmières rire entre elles au poste de garde, c’était le silence le plus total. J’ai bercé Anthony, je lui ai chanté une berceuse, je lui ai demandé pourquoi il était parti et si j’avais fait quelque chose de mal pour qu’il ne veuille plus que je sois sa mère.

En juin dernier, Anthony aurait eu 10 ans. J’aimerais vous dire qu’avec le temps, la peine s’estompe, mais ce n’est pas vrai. On s’habitue à l’absence, mais on ne l’accepte pas. Le deuil périnatal, contrairement au deuil auquel nous sommes habitués, est un deuil d’avenir et d’espoir. Quand on perd un proche, nous nous accrochons aux souvenirs que nous avons avec cette personne et au temps passé avec elle. Un deuil périnatal, c’est le deuil de l’espoir que nous avions pour ce petit être en formation.

J’ai au total 12 photos de mon fils, car on m’a encouragée à le faire.  J’ai également la tuque qu’on lui a mise et la couverture qu’il avait à l’hôpital. Ce sont mes uniques souvenirs d’Anthony.

anthony-lavigne-2Je suis retournée travailler après les 18 semaines de congé de maternité auxquelles j’avais droit. Le papa a dû rentrer travailler le lundi suivant puisque le gouvernement ne reconnaît pas le congé de paternité dans ce genre de situation.

Le 15 octobre est la journée mondiale de la sensibilisation au deuil périnatal. Je vous invite à avoir une pensée pour toutes ces familles ayant eu un parcours similaire ou différent du mien et à leurs petits anges qui leur sourient là-haut sur leurs nuages.

Trois amies, trois bedaines et deux bébés

Il y a quatre ans, mes deux amies et moi avons vécu une chance ines

Il y a quatre ans, mes deux amies et moi avons vécu une chance inespérée. Nous étions enceintes, toutes les trois, en même temps! Je n’aurais même pas osé en rêver; vivre des moments aussi magiques, entourée de deux complices. Pour moi, c’était un deuxième enfant, pour l’une un quatrième et pour l’autre, un premier bébé tout neuf !

Les nausées, les premiers coups de pieds, les nuits blanches à se retourner, les envies de rien et de tout à la fois, les angoisses, les espoirs… tout ça multiplié par trois mamans comblées. Nous avons regardé nos ventres devenir énormes. Nous avons découvert que je portais un petit garçon et que mes deux amies allaient mettre au monde de jolies princesses.

Je devais accoucher la même date que l’une d’elles, mais sa fille fut ponctuelle et mon garçon, retardataire. Il est arrivé neuf jours plus tard que prévu. Nous avons donc patienté pour la venue de la troisième de notre trio, qui devait se pointer le bout du nez en mai, en berçant nos deux petits trésors en tous points parfaits.

De mon côté, les semaines passaient à une vitesse folle (les nouvelles mamans comprendront).  Le temps de le dire, nous étions déjà en mai. Le soleil avait commencé à réchauffer nos journées. Mon amie et moi attendions avec impatience que le téléphone sonne pour nous aviser de nous rendre à l’hôpital afin d’accueillir la petite dernière de notre trio.

Dans mon coin de pays (j’habite Havre-Saint-Pierre), les naissances ne se font pas dans notre village, faute de ressources. Nous devons nous rendre à l’hôpital de la ville la plus proche, située à environ deux heures de route, et ce, deux semaines avant la date prévue de notre accouchement. Une attente interminable lorsqu’on est loin de chez soi et souvent, sans son amoureux, sa famille et ses amis.

Nous étions donc prêtes à prendre la route pour rejoindre notre amie à tout moment.  Nous avions tellement hâte!

Puis, un matin, arriva la seule et unique chose qu’aucune d’entre nous n’aurait pu imaginer comme étant la suite logique des derniers mois incroyables que nous venions de vivre. Pendant une échographie, le médecin annonça è notre amie que le cœur de celle que je considérais déjà comme ma nièce avait cessé de battre.

Je me souviens encore du cri que j’ai poussé, faisant écho à celui de mon amie, lorsqu’elle m’a hurlé la nouvelle du fond de la pièce. Quand je suis allée chez elle, sa maison qui d’habitude est chaleureuse et pleine de vie grâce à ses quatre magnifiques filles, m’a semblé, tout à coup, si sombre et éteinte.

J’ai eu l’impression que l’éternité s’était installée, entre le voyage en voiture et nous deux dans le couloir de l’hôpital, à attendre la venue au monde de ce bébé qui ne pleurerait pas.

Cette nuit-là a été interminable. Je me rappelle précisément de tous les détails de la chambre d’hôpital dans laquelle nous étions assises à attendre. Je me rappelle le vide que je ressentais, le silence lourd et parsemé de sanglots qui habitait cette grande pièce froide. Je me rappelle que chaque seconde qui s’écoulait était empreinte d’une tristesse que je n’avais jamais ressentie auparavant.

Les semaines qui ont suivi ont été remplies de questionnements, de rage et d’impuissance. Tout doucement, les semaines sont devenues des mois et la noirceur s’est légèrement éclairée.

Ce qui faisait le plus de bien à mon amie ? Voir nos bébés, les cajoler, les aimer. Elle nous parlait souvent de sa fille, son ange, de comment elle était: grande et chevelue. Elle faisait partie de nous, de nos moments ensemble, qu’ils soient tristes ou joyeux.

Un jour, le désir d’un autre enfant s’est installé et ce n’était pas chose facile. Plusieurs fausses couches, plusieurs inséminations, tout était complexe, comme la fois précédente. Malgré les obstacles, j’ai vu mon amie se battre contre ciel et terre pour vivre le bonheur de prendre son enfant dans ses bras et le voir grandir. Entre tous ces efforts et ces échecs, un grand drame frappa à nouveau sa famille. Deux ans après que mon père se soit éteint d’un cancer, ce fut au tour du sien. Il quitta sa vie ici, serein, empreint d’une mission bien précise.

Un mois après son départ, sans science ni médecin, simplement par amour, une deuxième ligne rouge apparut sur son test de grossesse.

Les semaines passèrent et ce petit être s’accrocha à la vie. Neuf mois plus tard, un magnifique garçon, parfait en tous points, montra le bout de son nez tout rose, en pleurant à pleins poumons.

Aujourd’hui, c’est un petit bonhomme attachant, joufflu et plein de vie. Aujourd’hui, il est le petit frère d’une princesse qui veillera sur lui pour toute sa vie.

Le jour où on s’est dit aurevoir

Ça fait déjà trois semaines que tu es à l’hôpital, que tu n’as pas vu tes deux trésors…

Ça fait déjà trois semaines que tu es à l’hôpital, que tu n’as pas vu tes deux trésors… Nous sommes mercredi matin et aujourd’hui ce sera congé de maternelle et de garderie car ils font de la fièvre tous les deux. Je devrai aussi laisser tomber ma visite quotidienne à l’hôpital.

Rendez-vous chez le pédiatre en fin d’avant-midi. Scarlatine… Les deux. Deux cocos malades, un papa à l’hôpital…

* * *

Tu téléphones vers seize heures. Un appel qui changera notre vie à tout jamais…

Deux choix s’offrent à toi: les soins palliatifs, ou le coeur artificiel. On en a pourtant déjà discuté. Le coeur artificiel n’est pas une option pour toi. Pas après avoir vu ton père se battre pour sa vie et exister avec un coeur artificiel. Tu me demandes mon avis. Ma réponse est simple ; quel que soit ton choix, je t’accompagnerai dans ce combat. Je tiendrai ta main aussi longtemps qu’il le faudra. Je serai là.

Mais eux, ces deux petits anges de 4 et 6 ans qui n’ont pas vu leur papa depuis trois semaines ? Non, aucune visite possible ; ils sont contagieux. Et ta décision est prise. Tu entreras en salle d’opération vendredi matin pour te faire implanter des ventricules qui aideront ton coeur à régénérer tes organes internes pour ensuite penser à une greffe de coeur.

On se dit tout, on se promet tout. Tu dis Adieu aux enfants via Skype. Pas de dernière caresse, pas de dernier bisou…

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Après une longue opération de près de 14 heures, dix-sept jours aux soins intensifs avec quelques hauts mais surtout de très bas, il n’y avait plus rien à faire. Tu nous as quittés en héros. Pas ceux que ton fils aime tant, non, son propre héro à lui. Ce héros qui, depuis sa naissance, se bat contre la science. Ton repos est bien mérité, tu étais fatigué. Tu me le disais souvent : « Je suis fatigué de me battre. Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de vous laisser… »

Et maintenant, je suis là avec ces deux petits êtres. Ces deux enfants merveilleux qui illuminent mes journées et qui me rappellent à quel point tu les aimais, tu les aimes encore… Mais comment expliquer aux enfants que papa se repose pour toujours? Quels mots employer?

Au salon funéraire, une photo de papa, un pot et des fleurs. « Mais il est où, papa? » On répond quoi? Et à l’église, « pourquoi les gens pleurent?  C’est qui tout ces gens? » La famille, des collègues de travail, des amis, des connaissances… Et maintenant on fait quoi???

Après le choc de la perte, il faut se relever les manches et réorganiser nos vies. La vie d’aujourd’hui est déjà compliquée à deux avec le travail, les enfants, l’école, la garderie, les cours. Il faut tout replanifier en s’assurant qu’il n’y aura pas trop de changements pour ces deux petits coeurs qui ne comprennent rien à tout ce qui arrive. On a de l’aide de notre famille, de nos amis.  Mais la vie continue… Pour tout le monde.