Je suis la première à crier sur les toits qu’une femme peut tout
Je suis la première à crier sur les toits qu’une femme peut tout faire, qu’elle n’a rien à envier aux hommes…
Et puis, il y a eu ce jour-là. Ce jour d’après tempête où l’homme est parti travailler. Je regarde par la fenêtre et je vois la neige. Cette tonne de neige tombée en une seule nuit. Je me dis que ce n’est pas si grave, que je n’ai pas à sortir. Et là, le téléphone sonne.
« Madame Paradis, c’est le docteur de Leïla. La culture d’urine est revenue positive, il faudrait que je voie Leïla. J’ai une place à 11 h 15. » My God! C’est dans deux heures, ça.
« D’accord, on sera là. »
Et là, je pense au mur blanc qui m’empêche de sortir en voiture. En plus, l’homme étant pressé ce matin, a poussé sa neige à lui sur ma pile de neige à moi.
Allez! On habille la troupe (avec une collaboration plutôt absente) et on sort pelleter. Après trente minutes de pelle traîneau, le visage rouge suintant l’effort, la merde blanche étant beaucoup plus pesante que je pensais, la gorge en feu de ramener mes filles à l’ordre (bon, ok, d’essoufflement aussi), je capitule. Je regarde le foutu mur blanc et il est pratiquement intact, à croire que je pelletais avec une pelle d’enfant.
Je pense soudainement au souffleur de l’homme, dormant paisiblement dans le cabanon. Je me dis que la solution est là qui m’attend sagement.
Je me dirige difficilement vers le cabanon, j’ouvre la porte et je l’admire, mon miracle. J’étudie le tout un peu. Allez, la grande! Si l’homme est capable, toi aussi. Je pèse innocemment sur le démarreur électrique. Tout toooouuut toooooooout! Et bang ! Plus rien. J’essaie de nouveau, même résultat. Encore une fois… Cette fois, ce sera la bonne… non pas du tout. L’osti de gréement refuse de partir… J’ai juste une envie, c’est de le frapper à grands coups de pied en jurant.
J’essaie de le starter de façon manuelle, je suis toute pognée dans un racoin. J’essaie de bouger la chose qui, dans la main de l’homme a l’air de peser une plume, mais pour moi, c’est comme essayer de déplacer un bloqueur sur la ligne offensive au football. Tout ça prise dans mon culotton dernier cri un peu trop ajusté, l’homme, lui, n’étant jamais pris dans son culotton marine directement sorti des années 80.
Je tire sur la corde. Je n’obtiens même pas un rot de sa part, c’est comme si je m’étais contentée de le flatter. À quoi bon mettre un piton start là-dessus si on ne peut pas le starter avec? C’est pas supposé partir one shot? L’homme étant si fier de sa machine, on s’attendrait que celle-ci soit parfaite. Ben non, juste une cochonnerie de plus qui traîne dans le cabanon. Je fulmine, je regarde l’heure, je panique. Je n’y arriverai jamais… Parce qu’ici, on en a de la neige. De la grosse neige pesante, aussi lourde que les bottes du gars qui conduit le tracteur déneigeur. Tu sais, ce gars-là que l’homme refuse d’engager parce qu’il a son foutu souffleur à neige…
Et là, miracle… mon voisin qui pelletait chez lui arrive… Il m’a sûrement entendue répondre au moins cinquante fois à mes filles :
« Maman, quoi tu fais? »
« J’essaie de starter l’osti de souffleur à votre père. »
Donc, le voisin arrive avec son gros tracteur et dégage le mur avec une facilité déconcertante…
Je ravale mon orgueil féministe et lui fais un gentil signe de la main pour le remercier…
Et là, je plie mon linge, en endormant mes filles et en faisant les lunchs pour le lendemain, mais déneiger (chant d’oiseaux)…
Mélanie Paradis