Ce soir, je craque. J’en ai marre de courir tout le temps et d’a
Ce soir, je craque. J’en ai marre de courir tout le temps et d’avoir encore l’impression de n’en faire jamais assez. J’en ai marre de faire mon possible et d’avoir encore l’impression de ne jamais être à la hauteur, moi-même. Je suis fatiguée de voir la déception dans les yeux de ceux que j’aime et d’avoir la peur au ventre de ne jamais y arriver…
Dans les yeux de mon père, je ne suis pas assez aventureuse, fougueuse, voyageuse. Je reste encabanée dans ma petite vie et ma petite routine. Les enfants, le métro-boulot-dodo, les horaires de fous, c’est pourtant ça, mon quotidien… Mais ce n’est jamais assez.
Dans les yeux de ma mère, je ne prends pas assez soin de mon corps. Il faudrait que je m’entraîne, que je perde du poids, que je me coiffe et me maquille tous les jours. Alors que moi, je préfère arborer le jean un peu trop grand, le t-shirt confo et la toque-su’a-tête. Je ne serai jamais « assez ».
Mon frère aurait tout donné pour avoir une sœur plus jetset. Une fille branchée, à la mode, qui prend son petit mojito dans les 5 à 7. Avec trois enfants, mes 5 à 7 sont plus une course dans laquelle je veux arrêter le temps pour les bercer, sentir l’odeur de leurs cheveux et leurs petites mains dans la mienne…
Au travail, les piles de documents sont rendues tellement hautes que je me demande si elles ont une date d’expiration… Ça peut-tu sentir le moisi, du papier, à la longue? Moi qui prends toujours les plus gros dossiers, ceux dont personne ne veut. Moi qui ne dis jamais non. Moi qui travaille toujours en double, pas de pause, et deux fois plus vite que prévu. Pourquoi j’ai encore l’impression, à la fin de ma journée, que ce n’est pas encore « assez ».
Je finis ma journée. Cours chercher les enfants. Cuisine le souper. Ramasse. Donne les bains. Ramasse. Lis l’histoire (brosse les dents si j’y pense). Ramasse. Je n’arrête pas une seconde dans ce shift-là non plus… Pourtant, j’ai encore l’impression de ne pas être « assez » là avec eux aussi… Pas assez présente, pas assez patiente, pas assez à l’écoute… Jamais assez.
Et j’aimerais parler de ma vie sociale, mais la vérité, c’est que je n’en ai plus. Alors, je ne dois pas être « assez » dans cette sphère‑là aussi…
Ho! Et si je me fie à l’état actuel de ma maison, en passant par la quantité de poils de chien sur le plancher, jusqu’à la montagne de vaisselle sur le comptoir… J’ai encore l’impression de ne pas y arriver. Ma belle-mère voudrait que je sois la femme de maison parfaite, avec un plancher immaculé, des chaudrons propres et des plats de plastique bien rangés. Mais pour elle non plus, je ne serai jamais assez…
Au fond, peut-être que mes parents sont fiers de moi. Peut-être que mon frère envie ma p’tite vie de famille bien rangée. Peut-être que mes collègues de bureau se demandent comment j’en fais autant. Peut-être que ma belle-mère… Non, exagère pas, quand même!
Peut-être que c’est moi qui ne me trouve pas « assez ». Je voudrais tout faire, en même temps. Je voudrais être partout et tout vivre en même temps. Je voudrais accélérer le temps au boulot, et faire pause quand mes enfants se fondent dans mes bras. Mais la vérité, c’est que c’est impossible. Je ne peux pas en faire plus. Et je ne peux pas arrêter le temps. Et ce soir, je viens de m’en rendre compte. Et ce soir, je craque.
Quand les mères vont-elles enfin se sentir « assez »? Assez belles, assez aimantes, assez patientes, assez travaillantes, assez intelligentes, assez fortes… Juste « assez ». J’ai envie de créer le club des mamans juste « assez », vous en dites quoi?
Ce soir, j’envoie un gros câlin virtuel à toutes les mamans qui en ont besoin. C’est gratuit. Juste assez gratuit.
Joanie Fournier