Mes bébés aux funérailles
Un cercueil. Plein de personnes qui pleurent. Certaines qui fument leur millième cigarette sur le bord des escaliers extérieurs pour passer leur stress. Une gang d’ados qui se soutiennent dans leur malaise et leur peine d’avoir perdu leur ami, leur voisin de pupitre. Des bouquets de fleurs trop grands pour la pièce sombre, mais trop petits pour exprimer tout l’amour ressenti pour ce jeune homme qui venait de nous quitter. À l’entrée de la salle, la photo d’un jeune sans rides et sans sourire.
C’était il y a plusieurs années. Mon petit-cousin venait de s’enlever la vie. Il avait presque mon âge. Mon premier amour, mon premier kick. Impossible, pour moi, de ne pas être présente à sa dernière envolée, à son dernier adieu à notre monde terrestre. J’avais accouché de ma fille aînée quelques semaines auparavant. J’allaitais aux deux heures, ma fille était scotchée sur moi jour et nuit, les funérailles avaient lieu à quelques heures de route. Inutile de même penser à faire garder ma cocotte le temps de me rendre à cette réunion de parenté callée par le désespoir d’un des nôtres.
Au salon funéraire, la traditionnelle file de poignées de mains et de quête du mot qui apaise. « Mes condoléances, matante. J’ai vraiment hésité à venir, je ne voulais pas que ma petite dérange… t’sais, un nouveau-né dans des funérailles… »
« Ah ben là! Si tu savais comment je suis contente que tu sois venue et que tu aies amené ta petite poupée avec toi! Elle met de la joie dans la famille. Les événements tristes, il faut les vivre, mais il faut aussi regarder ce qui est beau dans la vie! »
Malgré toute sa peine d’avoir perdu un de ses petits-enfants, cette grand-maman était bien sage. Tout comme mon cousin, le papa de mon petit-cousin décédé : « Merci d’être ici. Tu amènes la vie qui continue. »
Moi qui m’étais demandé comment les personnes présentes réagiraient, j’ai été apaisée par leur apaisement à la vue de ma fille. Pour certains, leur réconfort est passé par un câlin qu’ils ont pu lui donner, par la joie de voir un si petit bébé, par le souvenir recréé de mon petit-cousin qui, dix-neuf ans auparavant, était aussi petit et rempli de vie que ma fille.
Pendant les funérailles, ma fille « jasait ». Elle a assurément dérangé l’assemblée réunie. Mais elle les a dérangés positivement, en déplaçant un peu de leur attention vers le gazouillement d’un enfant qui boit au sein de sa mère (et qui fait son rot bruyamment… quand on a quelques semaines, on n’a rien à cirer de la politesse et de la classe!).
Quelques années plus tard, j’ai amené mon autre fille à des funérailles. En route vers le cimetière, je me suis arrêtée avec elle dans un parc pour qu’elle puisse lâcher son fou. Parce qu’entre vous et moi, c’est beau de leur dire de se tenir tranquilles et de ne pas courir partout, ils sont des enfants et ont besoin qu’on pense à eux! En arrivant au cimetière, ma fille tenait dans sa main un magnifique bouquet de marguerites cueillies innocemment. Elle transportait avec elle la fraîcheur de la vie qui s’épanouit.
La beauté est partout, tout le temps. Surtout dans le cœur d’un enfant.
Nathalie Courcy