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Toi, tu es forte

« Ouais, mais toi, tu es forte. »

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« Ouais, mais toi, tu es forte. »

C’est ce qu’on a toujours dit de moi, mais surtout, c’est ce que j’ai toujours dit de moi.

Je me pensais forte parce que j’ai toujours été une personne travaillante.

Je me pensais forte parce que j’étais à l’écoute, toujours là pour aider mes amis et pour les faire sourire avec tout plein de petites attentions.

Je me pensais forte parce que j’ai toujours eu beaucoup d’énergie, parce ce que je suis la fille aux mille projets, parce que je fonce.

Je me pensais forte, ou plutôt, je m’imposais de l’être.

Mais il y a eu ce jour d’octobre, où je me suis sentie réellement forte et où j’ai compris que je l’étais réellement.

Ce jour-là, j’ai compris que je touchais le fond.

Ça faisait des mois que j’encaissais les coups, mais que je me relevais parce que je n’avais pas le droit de tomber trop longtemps. Je ne m’en donnais pas le droit. Je ne parlerai pas de ce qui m’a menée là, parce que ça peut être de petites comme de grandes choses qui font qu’on touche le fond, un jour ou l’autre. Je ne parlerai pas des grossesses difficiles, du harcèlement psychologique au travail, des bobos de mes bébés, de la maladie de belle‑maman, etc. Ça serait long pour rien.

Je vais seulement parler de ce jour-là, car il restera à jamais gravé dans ma mémoire.

C’était un dimanche d’octobre, en 2012. Mon bébé pleurait, encore et encore. Il souffrait, le pauvre. Ma grande fille de dix‑huit mois dormait.

Depuis beaucoup trop de jours, je perdais souvent patience. Je n’étais pas bien, je n’allais pas bien. J’étais fatiguée, mais c’était plus que ça. Je n’étais plus moi-même. Moi, une si bonne maman aux yeux de tous. Moi, toujours pleine d’énergie. Moi qui arrivais toujours à tout gérer seule. Moi… J’étais qui, moi?

Ce jour-là, c’en fut trop.

Le bébé a pleuré, comme toujours, quand je l’ai déposé.

Et moi, j’ai crié.

J’ai couru à la salle de bain, le souffle coupé.

J’ai encore crié à en avoir mal à la gorge et au ventre.

Et je suis tombée. Littéralement, je me suis effondrée, sans vouloir me relever.

Puis, une grande porte s’est ouverte en moi et les larmes ont commencé à tranquillement se déverser.

Et c’est vite devenu violent.

J’ai pris place dans le plus petit recoin possible, entre la toilette et un muret, et j’ai laissé brutalement sortir les larmes et tout ce qu’elles pouvaient contenir en elles, en moi.

J’ai crié et ordonné à mon mari de me laisser tranquille lorsqu’il a voulu venir me réconforter.

À ce moment précis, ce dont j’avais besoin, c’était d’avoir mal. La douleur contenue dans chaque sanglot était si intense, si vive, si vraie. Ça faisait mal, mais ça faisait tellement de bien.

Laisser sortir, me donner le droit « d’être ».

Simplement, à ce moment-là, être une femme et une maman imparfaite, qui est fatiguée, qui a mal, qui a trop accumulé.

Deux ou trois heures plus tard, je ne sais plus, la douleur a fini par doucement s’estomper pour laisser place à une grande fatigue et surtout, une grande lucidité.

Ça n’allait pas. Pas du tout.

Ce jour-là, incapable de parler, j’ai écrit à mes amies les plus proches ainsi qu’à mon frère.

Je leur ai clairement dit que j’allais avoir besoin d’eux.

Ne s’en est pas suivie une longue dépression par la suite. Non. L’histoire s’arrête presque là. Décevant comme texte, hein? Mais ce ne fut pas facile pour autant. Je ne parlerai pas de la maladie et des malchances qui ont suivi. De la conciliation travail-famille-école qui m’étourdissait. Du troisième bébé avec ses bobos bien à lui. De la mort. Des troubles sensoriels et anxieux d’un de mes enfants. Ça serait long pour rien.

Mais il reste que cette porte qui s’est ouvert ce jour d’octobre, elle ne s’est jamais complètement refermée.

Et je ne la fermerai jamais.

Grâce à elle, je sais qu’en un simple petit coup de vent, tout peut basculer.

Grâce à elle, j’ai compris que ce n’est pas en la gardant fermée et barrée à clé que je suis la plus forte. Au contraire.

Je suis forte quand j’admets mes faiblesses, quand j’admets que j’ai besoin d’une pause, quand j’admets que je ne suis pas parfaite.

Je suis forte et j’ai de droit de simplement « être ».

Je suis peut-être forte, mais je ne suis pas invincible.

Ma vie a un peu changé, ce jour-là, quand je l’ai compris.

Caroline Gauthier

Fatiguée pas à peu près

Selon ma montre intelligente, ma nuit moyenne compte à peine plus d

Selon ma montre intelligente, ma nuit moyenne compte à peine plus de trois heures de sommeil et l’équivalent de sommeil agité. Beau temps, mauvais temps. Avec des somnifères dans le système, je me rends parfois à cinq heures. Si je suis chanceuse.

Ça a quand même des avantages. Je ne me fais jamais réveiller par le beep beep beep agressant du réveil matin. Je souffre assez peu des nuits écourtées par les petits bobos des enfants ou par les insomnies temporaires. Au lieu d’avoir seize heures d’éveil quotidien pour être efficace, j’en ai une vingtaine. Yé! Yé?

Pourtant, je me suis améliorée. Il n’y a pas si longtemps, ma nuit normale commençait systématiquement par trois heures d’insomnie, de virage de bord, de tirage de couvertures, de jambes agitées. Gros party disco de hamsters dans le cerveau. Non-stop. Ça arrive encore, mais c’est rare. Et seulement quand je m’en donne la permission. Parfois, ça fait du bien de perdre le contrôle.

Quand j’étais une petite jeunesse, ça pouvait toujours aller. Le corps suivait, la tête réagissait au quart de tour. Mais à la longue, ça use, des nuits aussi courtes! Ça brise l’énergie, ça fragilise l’humeur, ça nuit à la famille, ça affaiblit le système immunitaire. Exit, la concentration. Ciao bye, les idées claires. Attention! Chute de quotient intellectuel à l’horizon!

Quand je suis devenue maman la première fois, je me souviens avoir pensé que c’était impossible de mourir de fatigue. Donc, le sommeil était LA chose à sacrifier pour survivre. Résultat : je me suis poussée à bout. Ma fille aînée se réveillait à 5 h du matin. Sa petite sœur vivait la nuit. Dans les quelques heures pendant lesquelles elles dormaient en simultané, je préparais mes cours et je corrigeais les travaux de mes étudiants. Et j’essayais de dormir. En réalité, je ne dormais pas : je m’effondrais.

Pendant plusieurs années, j’ai fonctionné sur le pilote automatique. Un robot. Gauche, droite, gauche, droite. J’avais l’impression que je contrôlais ma vie, j’étais efficace, je réussissais, je jonglais avec tellement de projets en même temps! On ne meurt pas de fatigue, n’est-ce pas?

Puis, les maladresses et les erreurs d’inattention se sont mises à s’empiler dans mon quotidien. Je portais mes jeans à l’envers et je m’en rendais compte en les enlevant le soir (merci, pull-up pants!), j’entendais mes collègues me dire : « Euh… ton chandail… les coutures sont en dehors…» Je portais deux souliers différents et je passais la journée à me demander si une de mes jambes avait grandi pendant la nuit. Je faisais des accrochages mineurs en auto…

Un jour, je revenais de chez ma mère. Cinq heures de route. Les quatre enfants endormis dans leur siège. Je venais de traverser le pont entre l’Ontario et le Québec. Il me restait moins de dix minutes de route avant d’arriver à destination. J’avais combattu le sommeil pendant tout le trajet. Je ne pouvais quand même pas louer une chambre d’hôtel en plein jour et y stationner toute la famille pendant que je ronflais! Lumière rouge. Je me suis endormie. Deux fois. La vie de mes enfants et la mienne entre les mains, juste à la place du volant. Je me suis endormie. Contre ma volonté. Contre la loi.

Je suis arrivée tant bien que mal chez moi. J’ai réveillé les enfants pour les faire entrer dans la maison. Et je me suis réveillée pour vrai. Il était plus que temps que je me repose. Que je prenne soin de moi. Que j’enfonce les freins à fond. Avant qu’il soit trop tard.

J’ai pris une pause de conduite automobile pour un bout. J’ai appris à faire des siestes. Je me suis forcée à me coucher un peu plus tôt, progressivement. J’ai regardé dans les yeux ma peur de ne pas m’endormir. Je me suis convaincue que j’avais du pouvoir sur mon sommeil et sur mon niveau de stress.

Je n’aurai probablement jamais besoin de huit heures de sommeil en ligne. Mais rien ne m’empêche de gérer mon repos autrement. Quelques minutes de calme sur l’heure du dîner, cinq minutes de méditation au retour du travail, un câlin de bonne nuit prolongé après l’histoire du dodo : ça maintient mon niveau de repos dans une zone sécuritaire, autant pour ma santé physique et mentale que pour mes enfants. C’est pas mal plus facile d’être heureuse et de prendre de bonnes décisions quand on est reposé!

On ne meurt pas de fatigue. Mais la fatigue peut nous tuer. Et je refuse.

Nathalie Courcy

 

Quand il fait noir

Tu te lèves le matin et il fait encore nuit. Les jours sont si peti

Tu te lèves le matin et il fait encore nuit. Les jours sont si petits… Chaque journée on te vole un peu de lumière… Tu te diriges doucement vers la salle de bain. Tu pars travailler en laissant ta maison endormie. Dehors c’est noir.

Tu ne peux t’empêcher de penser que ton corps a besoin de repos, de se lever avec le soleil et de se coucher avec la lune. Sauf que la vie lui impose un autre rythme. Ton organisme est malmené chaque jour. Le temps passe et tu puises un peu plus d’énergie dans tes réserves. Tes collègues s’effondrent un par un en burn-out… tes amis sont usés, minés… tes enfants sont épuisés et chialent sans arrêt. La lumière du jour manque cruellement à tous…

Dans ton char, en route pour ta job, tu pousses un grand soupir, tu frottes tes yeux encore collés… tu relèves la tête… et là…

Le ciel est rouge ! Il n’est pas jaune, mauve ou rose, il est rouge ! Bouche bée, tu admires ce spectacle que t’offre le ciel. C’est grandiose ! Il s’embrase !

C’est ainsi que tu réalises que c’est seulement quand il fait noir qu’on peut voir la lumière… que ça valait la peine de te lever si tôt afin d’admirer le show ! Le jour qui se lève, flamboyant, est rempli d’espoir et surprises !

Même quand il fait noir, la vie est belle !

Courage à tous, l’automne est difficile pour beaucoup de gens. Alors, je vous donne une tape dans le dos ! Prenez le temps de voir le beau, écoutez-vous, respectez-vous, tendez la main, reposez-vous, bougez et surtout : souriez ! Pour donner et partager un peu de lumière !

Gwendoline Duchaine

 

Septembre: pas de pitié pour les parents!

Comment vas-tu, parent? Es-tu comme moi : épuisée, dépassée, <e

Comment vas-tu, parent? Es-tu comme moi : épuisée, dépassée, surbookée, agressée par les requêtes infinies et ruinée par les frais de scolarité et autres dépenses hallucinantes de ce mois si intense?

Septembre. Il fait beau, il fait chaud, l’été s’étire sauf que… ce n’est pas du tout le même rythme!

Le matin, alors que tu as encore les yeux tous collés, ton réveil t’arrache de ton lit douillet. Tu as l’impression de peser une tonne. Tu mets un pied devant l’autre; chancelant, trébuchant dans le camion de ton gars, tu migres vers la douche.

TOO BAD!

Mademoiselle ton ado a déjà pris la place! Comme chaque fois que tu as envie de te soulager ou de brosser tes dents. L’ado passe des heures dans cette pièce-là.

Toi tu veux juste un café, un café ben relax, traîner en pyjama, regarder le chat jouer avec les reflets de soleil mais…

Tu dois t’assurer que les lunchs sont faits, que les enfants sont réveillés, que les chiens sont sortis, que les sacs sont prêts. Tu avales trop vite tes toasts et ton café trop chaud, tu sautes dans la douche entre deux portes qui s’ouvrent, tu cours déjà… Pourtant, la journée ne fait que commencer…

Tu te jettes le plus vite possible dans le trafic… Tu termines de boutonner ta chemise dans ton char, tu n’as pas eu le temps de te réveiller vraiment. Les centaines de véhicules autour de toi avancent au compte-goutte… tranquillement tu te rends vers le travail…

C’est là que le téléphone commence à sonner. Parce que ta progéniture ne trouve pas ses souliers de sport. Tu donnes les consignes habituelles… que tu répètes chaque fichue journée. Tu es tanné de courir. Tu es tanné de rabâcher. Ça sonne encore… la chicane est pognée dans ta demeure, tu entends les enfants hurler… tu gères à distance, tu négocies, tu punis, tu oublies de redémarrer quand la lumière passe au vert…

Tu penses : que va-t-on manger pour souper? Comment le grand va-t-il rentrer sans sa clé? La réunion est à quelle heure ce soir? Quel jour on est?

QUEL JOUR ON EST?

Y’a-tu du karaté, de la course, de la musique, du trampoline ou du soccer ce soir?

Quel mois? Septembre… C’est là que tu réalises que… ça ne fait que commencer. Chaque jour, il va falloir tenir ce rythme jusqu’en décembre!

Tu arrives au travail épuisé… découragé…

Comment fais-tu, cher parent, pour ne pas virer fou dans ce tourbillon?

Gwendoline Duchaine

 

Tirer sur la plug

Mon corps a tiré sur la plug. Tout seul. Sans prévenir. J

Mon corps a tiré sur la plug. Tout seul. Sans prévenir. J’enchaînais les patients, les appels, les requêtes, les messages, les enfants, les activités, les concerts, les sorties, les corvées, les chiens, la maison, les kilomètres, les entraînements… Il a dit STOP, d’un coup. Mon corps a tiré sur la plug. Et je me suis effondrée…

J’aurais pu m’en douter. J’aurais dû écouter les signes… Mais la fatigue, à force de la cumuler, on ne la sent même plus… Tu dis « oui » à tout parce que ton cœur est trop grand et tu t’uses… Mon trop-plein d’énergie est anéanti. Mon corps a tiré sur la plug.

Ce matin-là, ma salle d’attente était pleine. J’ai voulu me lever. Je ne voyais que des éclairs lumineux. J’ai frotté mes yeux, avalé une gorgée d’eau, passé un appel… ma vue empirait. Je ne voyais plus rien, tout scintillait. Je sentais mon esprit s’en aller. J’ai pris ma pression. Rien n’allait bien.

Mon corps a tiré sur la plug. Il m’a lâchée. Il m’avait prévenue, pourtant…

Je ne voyais plus, j’entendais mal, tout tournait et tanguait. J’avais de la difficulté à respirer, mes signes vitaux partaient dans tous les sens, rien n’était logique. Le médecin essayait de me rassurer. J’ai cru que j’allais mourir là. Que c’était fini. Mon corps a tiré sur la plug.

J’ai pensé à mes enfants, j’ai appelé mon amoureux, j’ai eu peur. On a eu peur. Je continue de trembler… parce que nous n’avons pas encore trouvé ce qui s’est réellement passé…

Je me suis relevée tout doucement, les jours ont passé, mais je n’arrive pas à me retrouver complètement. Chaque fois, mon organisme trouve un moyen de me ralentir encore. Je l’ai trop poussé. Je lui ai demandé l’impossible pendant presque quarante ans et il n’en peut plus. C’est ça, vieillir ? Je me sens abandonnée par moi-même… et depuis je suis… lente. J’ai peur que ça recommence. J’ai peur que ma santé me lâche. Je ne peux plus faire de sport. Je suis au ralenti. Tout le monde se demande où est passée la femme dynamique et hyperactive.

Son corps a tiré sur la plug.

C’est quand tu perds un morceau de ta forme que tu réalises à quel point c’est un luxe d’être en santé, que c’est si précieux et si beau.

Comme mon corps m’a débranchée, j’ai décidé de lever le pied. C’est un signal que je ne peux me permettre d’ignorer. Ce corps qui a porté trois enfants, qui les a nourris et élevés, n’est même plus capable de les accompagner. Ce corps qui n’arrive plus à aimer son amoureux comme je le souhaiterais… Ce corps qui n’a plus la productivité attendue au travail et dans la société… Il a tiré sur la plug.

Alors, il se peut que j’écrive un peu moins et que je lise plus. Il se peut que je coure moins et que je marche plus. Il se peut que je m’entraîne moins et que je me repose plus. Il se peut que je sorte moins et que je dorme plus. Il se peut que je donne moins et que je prenne plus. Il se peut que je travaille moins et que je relaxe plus. Il se peut que je réponde moins et que j’ignore plus. Chers enfants, amis, collègues, lecteurs, voisins, soyez indulgents… Soyez patients…

Mon corps a tiré sur la plug. Et moi, j’essaie de le rebrancher sans faire sauter les plombs…

Gwendoline Duchaine

 

Le sommeil des enfants est un sujet tabou! La face cachée de vos nuits…

Qu’on arrête de se mentir, le sommeil des enfants est un sujet ta

Qu’on arrête de se mentir, le sommeil des enfants est un sujet tabou. Personne n’osera dire ouvertement qu’il ne dort pas, qu’il est réveillé cinq fois par nuit ou que la nuit s’arrête toujours trop tôt! Oui, oui, soyons honnêtes pour une fois, avoir des enfants, ça scrape nos nuits, on hypothèque son capital sommeil! Vous en avez pour quinze ans encore à ne pas bien dormir. Voici un récapitulatif de la situation.

À peine sortie de la maternité, on vous demandera gentiment : « Pas trop fatiguée? »; « Tu arrives à te reposer? » Oui, oui vous dormez; en fait, vous vous endormez partout, n’importe quand, devant la télévision, dans votre bain, en poussant le carrosse, vous peinez à suivre une conversation de A à Z… Le sommeil vous guette, mais on dirait qu’il n’est pas réparateur. Vos cernes commencent alors à apparaître.

Après quelques mois, on vous demandera mesquinement : « Pis, il fait ses nuits? » La fameuse question qui fâche! On dirait une de ces phrases toutes faites qu’on se sent obligés de poser aux jeunes mamans. Vous vous questionnez : mentir ou dire la vérité? Honnêtement, on a toutes envie de mentir, parce que le bébé de la voisine, lui, fait ses nuits depuis qu’il a six semaines. C’est là que vous vous demandez ce qu’elle fait de plus que vous. Jalousie, quand tu nous guettes. Et si elle mentait? C’est sûrement ça! On connaît tous quelqu’un, qui connaît quelqu’un, qui a un bébé qui dort la nuit. Alors vous répondez comme vous pouvez : « Non, il ne fait pas ses nuits. »; « C’est normal, il se réveille toutes les trois heures pour boire; oui, oui, j’allaite! » On n’arrête pas de culpabiliser (encore). Les femmes qui donnent le biberon n’ont pas de bébés qui dorment plus! C’est faux, c’est un mythe, une légende urbaine!

Cododo ou non, dans votre chambre, dans sa chambre, le laisser pleurer, homéopathie… Vous voyant exténuée, tout le monde aura son opinion, son conseil, sa recommandation pour vous aider. C’est très gentil, mais à les regarder, ils ne dorment pas plus que vous, donc on peut présumer que leurs conseils sont à appliquer avec parcimonie.

Après ça, ça se calme un peu. Un répit, vous pensez que c’est gagné; une nuit complète, hourra, le jack pot! Il dort. Je vous rassure, ça ne dure pas. Vers huit mois, il y a la phase de la peur de l’abandon. Bébé vous réclame pour s’endormir. Vous avez beau lui offrir les plus belles peluches du monde, ce qu’il veut c’est vous, oui, sa maman adorée! Vous lui dévouez vos soirées et finissez inlassablement par vous endormir en lui tenant la main à travers les barreaux de son lit.

De zéro à un an, vous n’avez pas de répit, entre les douloureuses poussées dentaires, les rhumes, les gastros, la fièvre, les angines et autres microbes qui élisent domicile dans le corps de votre enfant. C’est ce que vous dites à votre entourage pour ne pas perdre la face. Votre nourrisson a toujours une bonne raison pour ne pas bien dormir. Vous commencez à détester la personne qui a inventé l’expression « dormir comme un bébé ». Parce que c’est faux! Votre bébé à vous ne dort pas paisiblement avec les petits poings fermés comme dans les pubs de Pampers!

De deux ans à trois ans, vous vous battez avec lui pour qu’il reste dans son lit. Parce que maintenant, il a un lit de grand et il peut en sortir! Il se lève dix fois par nuit, parce qu’il a froid, soif, envie de pipi ou simplement, et surtout, pour vous faire marcher. Lui, il s’en fout de ne pas dormir : à la garderie, il récupère. Quand son éducatrice vous dit qu’il a dormi trois heures pour la sieste, vous avez juste envie de vous rouler en boule et de pleurer!

De quatre ans à cinq ans, c’est la phase des cauchemars, des peurs, des angoisses nocturnes. Il n’est pas rare de voir ou d’entendre débarquer votre rejeton au milieu de la nuit. Pour préserver votre sommeil, vous l’accueillez chaleureusement avec vous. Mais encore une fois, qu’on se le dise honnêtement, vous ne dormez pas très bien, avec son genou dans les reins, sa main sur votre visage. Il prend toute la place et tire la couverture. Vous finissez par vous rendormir en grelottant dans le coin de votre lit.

Ah oui, j’ai aussi oublié de vous dire qu’il y a aussi les pipis au lit! Oui, oui, ça arrive! Vous entendez un couinement dans la pénombre : « Maman, j’ai fait pipi. » Comme si vous n’aviez pas assez de lavage à faire durant le jour, vous changez les draps et son pyjama, et vous restez à ses côtés le temps qu’il se rendorme. Le petit matin pointe alors le bout de son nez quand vous retrouvez votre lit froid pour quelques minutes de repos.

Il y a peut-être un espoir de sept ans à dix ans, mais encore là, c’est sans compter les soirées avec les copains où on les entend ricaner jusqu’à minuit, les levers aux aurores parce qu’il y a un événement important… À cette période, vous aurez toutes les misères du monde à les réveiller en semaine, mais la fin de semaine, ils font le pied de grue devant votre porte à sept heures tapantes. Et, si vous êtes chanceux, votre enfant ne fera pas de somnambulisme!

Et puis à cet âge, c’est fini les siestes, vous ne pouvez plus espérer rattraper quelques heures de sommeil durant la journée.

À l’adolescence, vous guettez en permanence le faisceau lumineux sous sa porte jusqu’aux petites heures. Vous répétez inlassablement à votre jeune de lâcher son téléphone et de fermer la lumière. D’autres soirs, vous attendez qu’il rentre d’un party, accoudée à la table de la cuisine et enveloppée dans votre robe de chambre. Il vous avait promis de rentrer à deux heures du matin, il est 2 h 10, vous pensez appeler la police, l’armée, alerter tout le quartier. Il finit par rentrer. Lui, il n’a aucun problème à s’endormir, il plonge dans son lit et tombe instantanément dans un profond sommeil. Vous, vous retournez dans votre lit en imaginant les pires horreurs.

Alors, soyons honnêtes, il n’y a pas de honte, vous n’êtes pas un mauvais parent si vos enfants se réveillent la nuit! La situation arrive dans tous les foyers. Oui, chez les voisins, les enfants sont au lit à 7 h 30, mais ce qu’ils ne vous disent pas, c’est qu’ils se réveillent dix fois aussi durant la nuit pour remettre la suce. Votre belle-sœur, toujours bien organisée, ses enfants ne dorment pas plus : elle se met des bouchons dans les oreilles pour ne pas les entendre!

La fatigue, on finit par ne plus la sentir, elle devient familière, s’incruste dans notre corps pour y dessiner de jolis cernes! Le manque de sommeil, on le compense avec d’autres choses : de l’amour, des câlins, des sourires, des mots doux! Nos enfants nous empêchent certainement de dormir, mais ils nous donnent aussi une force incroyable!

Sur ce, je vous souhaite une très bonne nuit!

Gabie Demers

Parfois maman est fatiguée

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M’étant sauvée de la folie urbaine le temps d’une courte journée, accompagnée de mes trois enfants, je suis appuyée contre la rampe du balcon, le regard vers les montagnes. C’est magnifique. Les larmes me montent aux yeux. Je suis exténuée, vidée, j’ai la simple envie de m’écrouler par terre.

Je regarde cette vue incroyable et j’ai peine à croire que je peux me sentir ainsi. J’ai envie d’éclater en sanglots afin de laisser ce trop-plein de stress, de responsabilités et de fatigue sortir de mon corps. J’ai envie de me recroqueviller en position fœtale l’espace d’un moment et d’être complètement vulnérable. Lamentable. Faible.

Parce que le temps semble s’être arrêté pendant cinq minuscules minutes, je prends conscience de tout ce poids que j’ai sur les épaules. Je suis sur le point de craquer. J’ai la folle envie de délaisser ce fardeau, que nous, adultes, traînons de nos épaules malmenées. Les factures, l’hypothèque, l’école, les rendez-vous, les responsabilités vis-à-vis nos enfants, l’éducation, le travail et j’en passe. Vous savez, ce putain de fardeau qui vient avec le fait d’être un adulte responsable.

Les larmes se mettent à couler silencieusement le long de mes joues. Je n’ai aucune raison valable de pleurer. Mes enfants sont en santé, j’ai un conjoint merveilleux et un toit pour ma famille, mais pourtant, j’ai une boule d’épuisement qui brûle en moi. Je me sens me consumer à petit feu.

Le regard vers le vide, j’essaie de me rappeler ce sentiment de légèreté. Je vois mon fils passer et j’envie tout à coup cette belle naïveté des enfants. Cette ignorance de bonheur. Je voudrais être dans ces petits souliers salis de boue, à chasser les monstres imaginaires. Tout comme ma fille, je voudrais faire virevolter ma jupe dans tous les sens simplement parce que je la trouve jolie. Au diable les fesses à l’air!

Mais je dois donner l’exemple. Même fatiguée, il faut continuer d’avancer.

Mon aîné vient me voir et me dit : « Tu pleures, maman? » Et je lui réponds tendrement : « Non mon chéri, maman est simplement fatiguée. » Et c’est vrai, je suis juste fatiguée, si fatiguée…

Ai-je le droit de dire que je suis fatiguée d’être fatiguée? Je voudrais avoir toute l’énergie du monde pour faire tout ce que je veux faire. Je voudrais avoir toute l’énergie du monde pour suivre mes enfants dans chaque activité qu’ils désirent faire. Je voudrais avoir toute l’énergie du monde pour prendre soin de chéri. Pour prendre soin de moi.

Voilà que ma plus jeune crie : « Maman! » Alors j’essuie mes larmes et je cours la retrouver. « Attrape-moi, maman! » Me voilà repartie. Malgré la fatigue, je cours après ma puce. Elle me fait rire, elle est magnifique. Mes garçons se mêlent au jeu. Un mélange de rires, de cris, de chatouilles, de pur bonheur me fait complètement oublier ce moment d’épuisement.

Mes enfants sont heureux, en santé et c’est tout ce qui compte réellement au fond.

 

Geneviève Dutrisac

Jamais assez

Ce soir, je craque. J’en ai marre de courir tout le temps et d’a

Ce soir, je craque. J’en ai marre de courir tout le temps et d’avoir encore l’impression de n’en faire jamais assez. J’en ai marre de faire mon possible et d’avoir encore l’impression de ne jamais être à la hauteur, moi-même. Je suis fatiguée de voir la déception dans les yeux de ceux que j’aime et d’avoir la peur au ventre de ne jamais y arriver…

Dans les yeux de mon père, je ne suis pas assez aventureuse, fougueuse, voyageuse. Je reste encabanée dans ma petite vie et ma petite routine. Les enfants, le métro-boulot-dodo, les horaires de fous, c’est pourtant ça, mon quotidien… Mais ce n’est jamais assez.

Dans les yeux de ma mère, je ne prends pas assez soin de mon corps. Il faudrait que je m’entraîne, que je perde du poids, que je me coiffe et me maquille tous les jours. Alors que moi, je préfère arborer le jean un peu trop grand, le t-shirt confo et la toque-su’a-tête. Je ne serai jamais « assez ».

Mon frère aurait tout donné pour avoir une sœur plus jetset. Une fille branchée, à la mode, qui prend son petit mojito dans les 5 à 7. Avec trois enfants, mes 5 à 7 sont plus une course dans laquelle je veux arrêter le temps pour les bercer, sentir l’odeur de leurs cheveux et leurs petites mains dans la mienne…

Au travail, les piles de documents sont rendues tellement hautes que je me demande si elles ont une date d’expiration… Ça peut-tu sentir le moisi, du papier, à la longue? Moi qui prends toujours les plus gros dossiers, ceux dont personne ne veut. Moi qui ne dis jamais non. Moi qui travaille toujours en double, pas de pause, et deux fois plus vite que prévu. Pourquoi j’ai encore l’impression, à la fin de ma journée, que ce n’est pas encore « assez ».

Je finis ma journée. Cours chercher les enfants. Cuisine le souper. Ramasse. Donne les bains. Ramasse. Lis l’histoire (brosse les dents si j’y pense). Ramasse. Je n’arrête pas une seconde dans ce shift-là non plus… Pourtant, j’ai encore l’impression de ne pas être « assez » là avec eux aussi… Pas assez présente, pas assez patiente, pas assez à l’écoute… Jamais assez.

Et j’aimerais parler de ma vie sociale, mais la vérité, c’est que je n’en ai plus. Alors, je ne dois pas être « assez » dans cette sphère‑là aussi…

Ho! Et si je me fie à l’état actuel de ma maison, en passant par la quantité de poils de chien sur le plancher, jusqu’à la montagne de vaisselle sur le comptoir… J’ai encore l’impression de ne pas y arriver. Ma belle-mère voudrait que je sois la femme de maison parfaite, avec un plancher immaculé, des chaudrons propres et des plats de plastique bien rangés. Mais pour elle non plus, je ne serai jamais assez…

Au fond, peut-être que mes parents sont fiers de moi. Peut-être que mon frère envie ma p’tite vie de famille bien rangée. Peut-être que mes collègues de bureau se demandent comment j’en fais autant. Peut-être que ma belle-mère… Non, exagère pas, quand même!

Peut-être que c’est moi qui ne me trouve pas « assez ». Je voudrais tout faire, en même temps. Je voudrais être partout et tout vivre en même temps. Je voudrais accélérer le temps au boulot, et faire pause quand mes enfants se fondent dans mes bras. Mais la vérité, c’est que c’est impossible. Je ne peux pas en faire plus. Et je ne peux pas arrêter le temps. Et ce soir, je viens de m’en rendre compte. Et ce soir, je craque.

Quand les mères vont-elles enfin se sentir « assez »? Assez belles, assez aimantes, assez patientes, assez travaillantes, assez intelligentes, assez fortes… Juste « assez ». J’ai envie de créer le club des mamans juste « assez », vous en dites quoi?

Ce soir, j’envoie un gros câlin virtuel à toutes les mamans qui en ont besoin. C’est gratuit. Juste assez gratuit.

Joanie Fournier

Quand le hamster court…

Tu sais, quand tu as couru toute la journée, quand tu poses ta têt

Tu sais, quand tu as couru toute la journée, quand tu poses ta tête sur l’oreiller, que tu es épuisée, que tu fermes les yeux et que… ton hamster se réveille!

C’est à quelle heure la game de soccer demain? Est-ce que j’ai barré la porte? J’ai oublié d’envoyer un courriel à mon client! Il reste du lait? Oh non! J’ai laissé une brassée de linge dans la sécheuse! Tu crois que ma fille va se remettre de sa blessure? Le dîner chez ma mère dimanche… on apporte quoi? Le vaccin du chien… je dois prendre un rendez-vous! Quand vais-je avoir le temps d’aller acheter des souliers pour numéro trois? Je mets quoi demain? Ils annoncent quelle météo cette semaine? Il est où, le jeu préféré de numéro deux? C’est quand, la parade annuelle des cadets? On va manger quoi pour le souper?

STOP! Je veux dormir!

C’est à cet instant que je fais cette erreur : je regarde l’heure…

Oh non! Je me lève dans sept heures et quatre minutes! Je vais être fatiguée! Je suis déjà si fatiguée… C’est quand que je vais avoir du temps pour faire du sport? Pourquoi mon client avait un air si bête tantôt? Mon oncle va-t-il s’en sortir? Pourquoi j’ai bu une tisane? J’ai encore envie de faire pipi!

STOP! Pendant ce temps, à mes côtés dans le lit, le mâle dort… sa respiration régulière m’énerve…

Comment il fait pour dormir, lui? Il ne s’inquiète de rien! J’espère qu’il ne va pas se mettre à ronfler… C’est quand la fête des Pères, au fait? Ça fait quoi, mourir? Et si je ne me réveille jamais? Que vont devenir les enfants si je meurs? Pourquoi je pense encore à la mort?

STOP! Je me lève, je vais aux toilettes. Il est presque minuit. Tout le monde dort. Et moi, je regarde la lune par la fenêtre de la cuisine. Mon réveil sonne dans six heures…

On fait comment pour tuer ce fichu hamster?

Gwendoline Duchaine

 

Quand supermaman accroche sa cape

Je suis fatiguée ces temps-ci. Changement de saison ? Peut-être

Je suis fatiguée ces temps-ci. Changement de saison ? Peut-être bien ! Tout ce que je sais, c’est que mon niveau d’énergie est bas, très bas. Les nuits ne sont plus assez longues. Les matins viennent beaucoup trop vite. Les fins de semaine sont une bénédiction. Je traîne de la patte.

Je voudrais pouvoir prendre un bain chaud, une coupe de vin et un bon livre m’accompagnant. Un bain sans interruption. T’sais celui où personne ne vient te rejoindre ou quand tu finis à quatre dans le bain sans trop savoir comment c’est arrivé. Ou quand personne ne vient faire son numéro deux, question d’embaumer ton moment de paix.

J’ai envie de ranger ma cape d’infirmière. Ne plus avoir à gérer le Tylenol de celle qui fait de la fièvre, l’antibio de celle qui a un streptocoque ou les pompes de la dernière qui bronchospasme à tout vent. J’ai pas envie de sortir le thermomètre aux quinze minutes parce qu’il y en a toujours une qui est bouillante au toucher.

J’ai envie de ranger ma cape de ménagère. Ne plus avoir à faire le ménage. À ramasser tout ce qui traîne dans la maison. J’ai envie d’oublier les paniers de vêtements sales qui débordent ou ceux de vêtements propres qui attendent depuis trop longtemps que je les plie et les range.

J’ai envie de ranger ma cape de cuisinière. Ne plus avoir à prévoir les repas de la semaine, pour finalement me rendre compte le moment venu que j’ai pas du tout le goût de manger ça. J’ai pas envie de consulter tous les sites de recettes possibles pour trouver de nouvelles idées et me rendre compte qu’il me manque toujours un ingrédient et qu’il faudrait que je passe à l’épicerie.

J’ai envie de ranger ma cape de secrétaire qui gère l’emploi du temps de tout le monde. Qui appelle pour les rendez-vous chez le docteur, l’optométriste, chez le chiro, à l’école, etc. Celle qui doit ensuite remanier son horaire pour honorer chacun de ces rendez-vous.

Je suis cette supermaman qui a juste besoin d’un petit moment à elle. Un pur moment de solitude, que certains qualifieraient d’égoïste (« Tu as voulu des enfants ben c’est ça… ») Me louer une chambre d’hôtel just for me. Toute seule une fin de semaine complète à prendre soin de moi, juste de moi.

Une fin de semaine pour accrocher toutes mes capes pour ne devenir que moi.

Et revenir à la maison et me rendre compte à quel point tout le monde m’a manqué…

Mélanie Paradis

Quand les larmes sonnent l’alarme

Dans deux semaines, mon militaire de mari reviendra de sa troisième

Dans deux semaines, mon militaire de mari reviendra de sa troisième mission à l’étranger. Six mois au Kosovo. Je ne suis pas une ennuyeuse de nature, alors je savais que l’éloignement ne serait pas trop souffrant pour moi. Mais l’épuisement parental, lui, devient rapidement douloureux quand on est seul pour gérer une marmaille intense qui, elle, réagit à l’absence.

Les premiers temps, la vie se gérait bien. L’adaptation à la vie monoparentale s’est déroulée bien mieux que je l’imaginais. Entre la rentrée scolaire, l’entrée en maternelle et au secondaire et les préparatifs d’Halloween, les journées se déroulaient dans la joie et la facilité. J’étais fière de moi, j’étais soulagée, et j’étais tellement fière de mes enfants! Ils semblaient plus stables, peut-être parce que l’autorité émanait d’une seule personne.

Puis, le party a commencé. Pas dans le sens de party où on se fait du fun et qu’on n’a pas le goût de quitter. Plutôt le genre « open house » : tu sais quand ça commence, mais tu ne sais plus comment y mettre fin. Tu sais que tu es la personne qui a lancé le OK pour faire le party, mais ça devient trop, trop vite. Tu perds le contrôle, tu perds les pédales, tu vois les dégâts qui s’accumulent et tu ne sais plus comment mettre un stop à tout ça. Et tu penses à appeler la police ou à t’auto-amener à l’urgence psychiatrique avant que ça ressemble à Hiroshima.

L’hiver a été pénible. Pas pour le pelletage, ça, j’aime ça et mon gentil voisin s’est occupé de la bordure de glace que je n’étais pas capable de pelleter. L’hiver a été pénible parce que les voitures ont brisé à tour de rôle (mille mercis, CAA! Je vous dois ma santé mentale!) Mais surtout parce que certains de nos enfants ont complètement dérapé malgré les filets de sécurité qu’on avait mis en place : psy, communication avec les profs, horaire dégagé de tout ce qui n’était pas nécessaire, Skype régulier avec papa.

Souvent, j’avais l’impression de me tenir sur le bout d’un seul orteil au bord du Grand Canyon. La respiration, les massages et quelques bons amis m’ont empêchée de tomber malgré toutes les fois où mes enfants me poussaient vers le précipice à grands coups de « T’es folle » et de « Je vais te tuer ». Chaque nouvelle obstination inutile (« Ça sert à rien de ranger mes vêtements, il va falloir que je recommence la semaine prochaine »; « Il est 9 : 02, pas 9 : 00 ») me mettait dans tous mes états. Ma carapace était usée, élimée. Je marchais sur le fil auquel ma famille s’accrochait en le brassant de tous les côtés. Chaque refus de collaborer m’amenait plus près du trou noir dans lequel le stress, la fatigue physique et mentale et l’absence de soutien m’entraînaient. Je ne compte pas les fois où j’ai eu le goût de mourir pour tout arrêter. Mais quand on est le seul soutien pour ses enfants, on ne peut pas mourir. On doit rester fort pour garder le fort.

La semaine dernière, j’ai éclaté. Ce n’était pas la première fois. Mais c’était la première fois devant les enfants. J’avais beau mettre toutes les chances de notre côté, tout faire pour intervenir de la bonne façon, prendre soin de moi pour prendre soin d’eux (ajuster mon masque à oxygène en premier pour ensuite ajuster celui des autres…), la situation familiale se dégradait. La mission était trop avancée pour exiger que mon mari soit rapatrié. Il restait un mois et je n’étais pas certaine de survivre.

À bout de ressources et de souffle, je me suis mise en time-out. Je me suis assise en position fœtale dans le coin du divan, une doudou douce autour des épaules, un coussin dans les bras. Et j’ai pleuré. Non. Sangloté. Je me suis vidée du trop-plein d’émotions sombres que je contenais. Je l’écris et le nez me pique tellement le souvenir est émotif.

Ma grande fille est venue me prendre dans ses bras, flatter mon dos, me répéter des « Je t’aime, maman ». Ma deuxième cocotte me parlait comme si de rien n’était. « Pourquoi tu ne réponds pas? Maman, je te parle! » Jusqu’à ce qu’elle voie que je pleurais. Si je ne répondais plus, c’est que j’en étais incapable. Toute mon énergie était réservée pour survivre à ces minutes de panique intérieure où tout en moi était à bout d’espoir. « Maman, pleure pas! Sois pas triste comme ça! », ce à quoi ma plus vieille a répondu : « Laisse-la pleurer. Elle a toutes les raisons de pleurer, et elle a le droit de pleurer. Ça fait tellement longtemps qu’elle se retient! »

Puis, mes deux garçons se sont approchés. « Pourquoi tu pleures, maman? »; « Tu as mal, maman? » Ma grande fille a trouvé les mots pour leur expliquer que maman était épuisée. Que maman n’était plus capable d’endurer les chicanes constantes, les « non » incessants et les menaces. Que maman avait besoin que chacun collabore à l’harmonie familiale. Que maman avait tout donné depuis des mois et que là, il était plus que temps qu’elle reçoive, elle aussi. Que maman avait besoin de ses enfants.

« On est là, maman. On a fait beaucoup d’erreurs. On aurait dû t’écouter depuis longtemps. Ça fait longtemps que tu nous demandes de faire notre part dans la maison et d’arrêter de se chicaner. On s’excuse. Ça va changer. Maintenant. On t’aime, maman! »

Ce soir-là, mes filles ont raconté l’histoire du dodo aux plus jeunes. Elles les ont bordés. « Maman, les garçons aimeraient que tu ailles leur donner un bisou. Mais ils comprennent que tu le feras juste quand tu auras repris des forces. Nous aussi, on va se coucher. On espère que tu dormiras vraiment bien même si tu as beaucoup de peine. Tu as raison d’être épuisée et de nous le montrer. On aurait dû comprendre plus tôt. Bonne nuit, maman. »

J’ai pris du temps pour moi, comme je le fais chaque soir. Mais ce soir-là, quelque chose en moi s’est reconstruit. Des briques qui s’effritaient de jour en jour depuis l’automne se sont recollées. Un peu. Quand je suis allée me coucher, j’ai trouvé sur mon oreiller un pendentif en forme de cœur que ma fille avait confectionné. Et une note : « Ma chère maman, j’avais pensé te donner ce collier pour la fête des Mères, mais je pense que c’est maintenant que tu en as besoin. Je t’aime. »

Depuis ce soir-là, je n’ai presque plus à répéter, à gérer de conflits, à empêcher la troisième guerre mondiale d’éclater sous mon toit. Je n’ai plus entendu de « Tu es la pire mère de la Terre » ni de « C’est de ta faute! » Je n’ai plus entendu mes enfants dire « Je veux mourir ». Ni moi.

Il arrive que les larmes qui dévalent lavent les traces de désespoir et de colère. Il arrive que les larmes sonnent l’alarme.

Nathalie Courcy