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Tumeur, au figuré – Texte: Audrey Boissonneault

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Photo de Akshay ES sur Pexels.com

Te rappelles-tu son regard ? Au travers de la couleur de ses pupilles, l’on pouvait apercevoir une histoire, un livre ou même un chapitre amorcé, mais non terminé. Te rappelles-tu le sourire qui illuminait son teint pâle ? Te rappelles-tu les couleurs qui se propageaient dans ses traits de personnalité ?

Je vois, encore, ton ombre. Un peu partout, je t’imagine avec moi. J’entends ta voix m’affirmer que je ne choisis certainement pas la bonne voie. Quand je ferme les yeux, j’arrive à percevoir chaque trait qui t’appartenait. Lorsque je fixe ce point aussi, celui qui est droit devant moi. Ma vision s’embue par les larmes qui s’empressent de rouler sur ma peau déshydratée. Brusquement, ma main les secoue loin de leur origine, avant que mes yeux se referment, fortement.

La chaleur qui se propage, tout d’abord à l’intérieur de mes jambes, avant de s’attaquer à la moitié supérieure de mon corps. À la même vitesse, la colère se démène entre mes organes. Ma rage contre toi, moi ou simplement la vie en général ? Ma rage de vive. La vérité, c’est que tu es dur à suivre, un centième de secondes et ça y est : t’es déjà ailleurs. Tu ne t’en es jamais pris à moi, radicalement. Cependant, 152 nouveaux diagnostics par jour, ce qui équivaut à plus ou moins 55 600 cas par année. Alors que chaque 24 minutes, quelqu’un décède par ta faute. On en compte 61 en l’espace de 24 heures.

CANCER | N.M.

  • AU FIGURÉ
    Ce qui ronge, détruit.
  • PROVENANT DE LA FONDATION QUÉBÉCOISE DU CANCER.
    « Lorsque les cellules se multiplient de façon anormale dans un tissu sain, cela mène à la formation d’une masse appelée tumeur. Il existe deux types de tumeurs, les bénignes et les malignes ou cancéreuses. »

Je n’arrive pas à comprendre le pourquoi du comment. En fait, on restera avec nos questions sans réponse, avec nos peurs, j’imagine ? J’aimerais juste te prendre, t’arracher tous les droits que tu as volés et que tu gardes en réserve pour ta prochaine victime. J’ai de la chance de ne jamais être tombée face à face avec toi, mais j’en connais plusieurs qui ont fait partie des calculs, des décès, et quelques-uns auront été dans les statistiques pendant quelques années. D’autres auront été en rémission, puis il y a ceux à qui tu as arraché la vie.

ARTWORK BY: @sreejithpa

Pourtant, j’ai l’impression que si l’on devait te décrire, je n’utiliserais aucune des définitions que l’on voit ci-dessus. T’avoir dans nos vies, de proche ou de loin, c’est perdre pied. C’est te regarder couler dans les systèmes et dans les organes de chaque personne que l’on côtoie. C’est facile de te repérer chez nos pairs. Tu laisses ta trace, t’aimes qu’on te remarque. Tu es collant, fatigant pis tu ne lâches jamais l’affaire. Je n’aurai jamais de réponse à mes questions, je vais vivre avec, faut croire. Je te demande une affaire, d’habitude je ne supplierais jamais quelqu’un ou quelque chose que je hais, mais avec toi, je vais prendre une chance. Tu m’en as déjà enlevé, tu as déjà fait assez de mal. Je veux juste que tu prennes du recul, que tu t’éloignes puis que t’arrêtes de t’appuyer sur 152 personnes chaque jour, parce que sincèrement, tu n’es pas seul à avoir besoin de t’appuyer pour te reposer.

Juste va t’en, c’est ton tour, maintenant.

 

Audrey Boissonneault

 

 

Comment tu as fait pour garder le sourire ? Texte : Nancy Tremblay

Maudit cancer ! Sérieusement, le cancer, c’est une atrocité. Non mais on va se dire les vraies

Maudit cancer ! Sérieusement, le cancer, c’est une atrocité. Non mais on va se dire les vraies affaires ! Pourquoi ça existe cette foutue maladie au juste ? Personne ne mérite d’être malade et surtout, personne ne mérite de souffrir pour faire sortir de son corps un parasite qui risque de tuer, non ? Respect, et ce, à jamais, à tous les combattants et à toutes les combattantes de cette horrible maladie. D’ailleurs, vous méritez le respect de tous !

On dit souvent que les gens qui sont atteints d’une maladie grave trouvent la force pour se battre afin de demeurer en vie. « Oh ! Il est vraiment fort, il va s’en sortir ! Quelle force de caractère ! Son courage va le garder en vie ! » C’est vrai, quelque part, que lorsqu’on affronte une situation extrêmement difficile dans la vie, on va puiser au plus profond de nous une bravoure qui nous était encore inconnue. Mais il y a des personnes qui ressortent du lot. Il y a des personnes qui réussissent à trouver du positif à travers une débandade de mauvaises nouvelles. Ma belle-sœur fait partie de ces êtres d’exceptions. Hey la belle-sœur ! Comment tu as fait pour garder le sourire ? Comment tu as fait pour ne pas t’effondrer malgré le cauchemar que tu vivais ? Honnêtement, je crois que ta force de caractère dépasse la normalité.

Ma belle-sœur a reçu un diagnostic de cancer du sein en septembre 2019. Jusque-là, son histoire ne sort pas de l’ordinaire. En effet, selon la Société canadienne du cancer, deux Canadiens sur cinq seront atteints d’un cancer au cours leur vie. Ouf ! C’est une statistique qui donne froid dans le dos, n’est-ce pas ? L’annonce de la mauvaise nouvelle a évidemment créé une onde de choc pour ma belle-sœur et pour toute la famille. Contre toute attente, elle s’est rapidement mise en mode : j’ai le cancer, je dois faire avec. Quelques semaines après l’annonce, la grosse machine s’est mise en branle. Chimiothérapie, radiothérapie et opération au menu, pour la prochaine année. Un menu qui, on va se le dire, n’est pas attrayant pour deux sous.

J’ai accompagné ma belle-sœur à quelques traitements de chimiothérapie. Je me souviens de la première fois, entre autres. Elle m’a fait visiter le centre d’oncologie de l’hôpital. Elle m’expliquait, tout bonnement et avec un calme déconcertant, qu’elle avait une carte d’accès et un casier pour déposer ses effets personnels. Je crois que la visite était importante pour elle car elle savait, tristement, que cet endroit serait sa deuxième maison, pour quelque temps. Elle était résignée et prête à se battre. Je crois également qu’elle essayait de nous rassurer en disant qu’elle allait recevoir de bons soins et qu’elle était entre bonnes mains à cet endroit.

Tout au long de notre présence à l’hôpital, elle gardait le sourire ! Comment c’est possible de garder le sourire quand tu t’en vas de te faire injecter un traitement qui va te rendre malade ? Toi, tu souriais et moi, j’étais effrayée. J’avais peur pour toi. « Es-tu correcte » ? Qu’elle me demande, après l’installation de son soluté de chimiothérapie. « Pardon ? TOI, es-tu correcte ? Pourquoi tu t’informes de moi ? », que je lui demande. « Je le sais, que tu n’aimes pas les hôpitaux et encore moins les aiguilles », qu’elle me dit. « Je ne veux plus que tu t’inquiètes pour moi, je suis là pour toi ! On peut-tu se concentrer sur toi svp ? Après tout, c’est toi la cancéreuse », que je lui dis. On a pouffé de rire. Comment tu as fait pour pouffer de rire ? Le nombre de fois où je me suis dit qu’à ta place, je serais effondrée en petite boule dans un lit. Toi, tu acceptais ta maladie et tout l’enfer qui allait s’en suivre avec un moral d’acier. J’étais tellement impressionnée par ta force de caractère et ton énergie. Voyons donc la belle-sœur, tu allais prendre ta marche tous les jours pour garder la forme et le moral, malgré tes nausées.

En décembre 2020, ma belle-sœur a été déclarée en rémission après plusieurs traitements de chimiothérapie, de radiothérapie, des embûches, des souffrances terribles et une opération pour enlever la tumeur. ENFIN qu’on se disait tous ! Mais non, PAS ENFIN finalement ! Comme si ce n’était pas assez, l’univers a décidé, injustement, qu’elle n’avait pas terminé d’en baver. On lui a refilé une récidive avec en prime, tenez-vous bien, un nouveau cancer. Le cancer inflammatoire du sein. Je me souviens de son appel, suite à cette annonce terrible. Je pleurais. Oh ! Mais pas elle ! Elle me racontait en détail les étapes à venir pour elle. Jamais, elle n’a fait allusion à ses chances de survie. Comme si la guérison était une évidence pour elle. Elle m’a dit : « Je suis vraiment tannée, mais je n’ai pas le choix, on repart ». Comment tu as fait, pour accepter l’inacceptable ? Encore une fois, une série de chimiothérapie l’attendait et une deuxième opération pour tout retirer et reconstruire. Je sais que vous n’allez pas me croire, mais ma belle-sœur a eu de l’infection suite à son opération. Selon le chirurgien, il y avait seulement 1 % de chance que cela survienne.

Ma belle-sœur, tu as gagné le gros lot à la loterie du cancer, on dirait bien. Comment tu as fait pour garder le sourire après ta troisième opération ? Tu sais, celle où ils ont dû te retirer le sein qu’ils avaient minutieusement reconstruit juste pour toi quelques mois avant ? Et ce n’était pas encore terminé ! Oh que non ! L’infection t’a suivie pendant plus de six mois. Tu as eu une machine accrochée à ton corps pendant des semaines pour drainer l’infection. Et comme si ce n’était pas assez, après tout le calvaire vécu, ils ont dû, encore une maudite fois, te réopérer pour enlever toute l’infection. Comment tu as fait pour garder le sourire, suite à cette quatrième opération ? Sérieux, cette force mentale incroyable dont tu as fait preuve au cours des deux dernières années et demie dépasse l’entendement. À travers cette tempête, tu devais réconforter tes filles, car tu étais encore une maman, une conjointe, une fille, une amie. Tu as réussi à jouer tous ces rôles avec brio, malgré ce foutu cancer.

Ma belle-sœur, tu as peut-être perdu un sein et bien plus encore, mais tu as gagné ta bataille contre ce maudit cancer et de surcroit, tu as gagné l’admiration et le respect de tous ceux qui t’aiment et qui t’entourent. Et surtout, tu n’as jamais perdu ton sourire notoire. Tu es tellement inspirante ! Merci pour cette belle leçon de vie !

À tous les combattants, pensez à Julie et essayez de garder le sourire pour mieux guérir. Et à toi, ma belle amie, ta maman Francine a été une combattante exceptionnelle. Je sais, comment elle était précieuse à tes yeux !

Nancy Tremblay

Dégénérative – Texte : Audrey Boissonneault             

  J’ouvre mes yeux, mes mains se dépêchent à couvrir ma bouche contre la toux qui s’Ã

 

J’ouvre mes yeux, mes mains se dépêchent à couvrir ma bouche contre la toux qui s’élève. Le chatouillement se fait aller dans la profondeur de mes bronches. La toux se fait de plus en plus forte et mes jambes se dépêchent de se poser sur le sol pour prendre la pompe qui se trouve à quelques mètres de mon lit. Une et puis deux bouffés. J’enfile mes bas chauds pour éviter que le froid se faufile tout le long de mon corps. Je m’installe à la table, la routine commence. Pilules, traitements, désinfection, pompes.

En inspirant le médicament, je n’arrive plus à détourner mes pensées. Chaque jugement, chaque mot, chaque insulte, je m’en souviens. À toi, la personne qui osait me dire que je me servais de ma maladie. À toi, celle qui disait que je me trouvais des défaites. À toi, celle qui disait que jamais je n’arriverais à trouver quelqu’un avec qui partager le restant de mes jours. À toi, cette personne qui m’a détruite. Si on se fiait à toi, la fibrose kystique n’est pas importante. On ne la voit pas physiquement, ça ne doit pas créer de vraie douleur. « Ça ne paraît pas qu’est malade », « A profite de sa maladie », « Ce n’est pas important, ça ne se voit même pas », « A devrait se calmer, ce n’est pas comme si a va mourir demain », « A l’aime ça parce qu’a se fait prendre en pitié », « C’est la préférée des professeurs, on le sait bien », « A fait rien de sa vie. », « Elle a toute son temps », « A travaille même pas pis elle chiale ». À toi qui as osé penser une de ces phrases. À toi qui as osé les dire. À toi qui penses que je vais bien et que j’aime être « malade ».

La fibrose kystique est une maladie dégénérative. Elle atteint les poumons et le système digestif principalement, bien que cela varie d’une personne à l’autre. Plusieurs organes peuvent s’ajouter à la liste. La fibrose kystique attaque l’organisme. Aucun traitement curatif n’existe. En ce moment même, je dois, déjà, avoir pris le double de vos respirations. Elle est la maladie mortelle la plus répandue chez les enfants et les jeunes adultes. Les infections chroniques et la constance de la maladie amènent une dégradation et une destruction des poumons et des capacités pulmonaires.

À toi qui oses prendre cette maladie à la légère. Qui oses affirmer que je suis heureuse d’avoir eu les gènes. À toi qui penses que vomir mes sécrétions me fait plaisir. À toi qui penses qu’être prise en pitié me rend confortable. J’aimerais te dire que tu as tort. J’aimerais te dire que, si j’avais eu la chance, jamais je n’aurais accepté cette maladie dans ma vie. J’aimerais te dire que même si je n’en ai pas l’air, j’ai mal. La gorge qui serre, l’air que je cherche, la toux qui m’irrite, les larmes de découragement ; je ne le souhaiterais même pas à mon pire ennemi. J’aimerais te dire que ce n’est pas ma faute si je n’arrive pas à travailler en allant à l’école et qu’au final, le verdict venait de mon médecin. J’aimerais te dire que tousser gruge mon énergie. Une nuit d’insomnie à tousser amène l’accumulation de fatigue. Le nombre d’heures que je dois dormir est essentiel à mon rétablissement. J’aimerais te dire que ce n’est plus un choix, c’est une roue qui n’arrête plus. Après chacune de ces années, on apprend, on comprend ce qui nous fait du bien ou non. J’aimerais te dire que c’est beaucoup plus que juste une condition défavorable. Cette maladie apporte tellement d’incompréhension. Elle apporte tant de douleurs invisibles, de questions sans réponse. Je ne suis pas heureuse d’avoir cette maladie, mais je suis fière de dire que je me bats depuis mon diagnostic. Je suis fière d’avoir surmonté chaque épreuve sur mon chemin, je suis fière de dire que je travaille fort pour continuer les routines et prendre soin de moi.

Un jour, sans que tu le réalises, je serais à mon plus bas. Cette journée-là, j’aurais, peut-être encore tes commentaires désagréables à écouter. Donc à toi qui n’acceptes pas la vérité, ce n’est pas parce que tu n’arrives pas à la voir que la douleur n’est pas présente. Le nombre d’heures passées à l’urgence, dans des rendez-vous rapprochés, hospitalisée, à me faire réveiller trois-quatre fois pour changer d’antibiotique, pour une prise de sang ou un taux de sucre, pour le cardiogramme ou même l’oxygène. J’aimerais te dire que ce n’est pas un choix d’apprendre à vivre avec et prouver à chaque personne que je vaux beaucoup plus que vos commentaires.

Audrey Boissonneault

 

Je ne sais pas comment je fais, mais je le fais – Texte : Kim Boisvert

La réceptionniste de ma chiro me racontait que son chien avait le cancer et qu’elle était inquiÃ

La réceptionniste de ma chiro me racontait que son chien avait le cancer et qu’elle était inquiète tous les jours quand elle partait travailler puisqu’elle ne sait pas combien de temps il lui reste. Ce matin-là, elle était émue. Il lui avait paru fatigué, qu’elle m’avait dit.

J’étais là, le dos barré, les cernes au talon, et je l’écoutais avec bienveillance parler de la mort imminente de son « bébé » de onze ans. Elle racontait qu’elle devait cacher son traitement de chimiothérapie dans ses croquettes pour qu’il le mange. Un monologue émouvant rempli d’inquiétude. Je le sentais dans sa voix. Je le voyais dans ses yeux ; elle était morte d’inquiétude.

Je ne sais pas comment elle en est venue à me parler de sa bête poilue qui a le cancer du rectum. J’étais peut-être trop occupée à tenter de respirer sans bouger afin d’éviter la douleur de mon tour de rein. Puis elle a dit :

« Je sais pas comment les parents d’enfants malades font. »

Et je me suis entendue lui répondre : « On le sait pas non plus. »

Silence.

J’ai alors vu ses yeux plissés passer au-dessus de son paravent en Plexiglas COVID-proof. Des yeux saisis par des mots lourds, un brin coupables.

« Ma fille a la leucémie », que je lui dis.

Elle s’est excusée de me parler du cancer de son chien. Je l’ai rassurée. Elle a de la peine. Elle est inquiète. Son chien, c’est comme son bébé. Je suis humaine, je peux facilement faire preuve de compassion. On s’attache à nos bébés à poils !

Je comprends. Très bien.

Devant le manque de mots évident, elle a changé de sujet. Je l’ai laissée parler de la pluie et du beau temps, mais ma tête était ailleurs. Pourquoi changer de sujet ?

Pourquoi ne pas justement en parler. Ma fille a la leucémie. Comment je fais ? Aucune idée. Mais je le fais. J’avance, je dors sur les chaises d’hôpital et je pleure dans la salle de bain de l’unité d’oncologie. Quand elle a des ponctions lombaires, chaque fois, je maudis le ciel que ça ne soit pas arrivé à moi au lieu d’elle. Avoir un enfant malade, c’est vivre avec le sentiment continuel que la mort te guette. Même si ça va bien, même si c’est de bon augure. Parce qu’on sait jamais quand ça peut virer de bord. Elle n’avait pas le cancer et BANG, le lendemain elle l’avait. Alors on avance, on crie, on pleure, on rit et on célèbre. On apprend nos limites et on les dépasse. Pas par choix. Le choix, on l’a pas.

Je fais le tour de mes choix de vie et le compte est facile à faire. Elle a quatre ans, j’en ai trente-cinq. Mes choix douteux dépassent les siens, on va se le dire. Quand je vois ses petits yeux fatigués me demander quand on rentre à la maison, devoir lui dire que le traitement n’est pas encore fini, à cet instant, je ne sais pas comment je fais.

Mais je le fais.

Kim Boisvert

Des mini humains sans masque – Texte : Mélanie Paradis

Ce matin, j’accueille une petite cocotte en larmes. Elle ne veut p

Ce matin, j’accueille une petite cocotte en larmes. Elle ne veut pas quitter maman, elle lui tient fermement le cou. Je lui parle doucement et je lui promets un moment de câlins avec doudou et mon amie la chaise berçante. Elle enfouit sa tête dans mon épaule, et par le fait même essuie son nez sur mon chandail au passage. Je sens l’humidité de mon épaule, un mélange de morve et de salive. Ma priorité n’est pas de me changer, non ! Je dois redonner le sourire à cette jolie petite puce, la rassurer, la calmer. Je porte mon masque, mes lunettes. Je ne sais pas trop si je suis protégée. Après deux sorties du gouvernement à propos des masques non conformes… j’ai un doute.

Plus tard dans la journée, j’aide un de mes mini-humains à découper. Je n’ai pas le temps de le voir venir, mais il éternue directement vers mon visage. Super ! Je change de masque, je m’essuie le visage, désinfecte mes lunettes et retourne à la supervision du découpage.

Lucie (nom fictif) est moche aujourd’hui. Elle joue mais elle n’a pas sa bonne humeur habituelle. Après la sortie extérieure, son petit nez coule. Pour le moment, je ne m’en formalise pas, nous étions dehors. Peut-être que la chaleur de la garderie en est la cause. Elle a deux ans, naturellement son premier réflexe est de s’essuyer le nez avec sa manche, qui bientôt est bien remplie. Oups… après le dodo, une petite fièvre s’installe. J’appelle les parents. Malheureusement, je dois la retirer du groupe.

Je retire de la salle tous les jouets qu’elle a pu toucher. Je dois soit les mettre en quarantaine soit les désinfecter pour les remettre. Dans les deux cas, je les manipule. J’ai les mains qui brûlent et piquent. Je les lave tellement souvent, j’utilise le désinfectant avec alcool dans les situations où je n’ai pas accès à un lavabo et à du savon.

Je m’inquiète un peu, je n’ai aucun contrôle sur la vie des familles qui fréquentent mon groupe. J’espère qu’elles respectent les consignes de la santé publique. Je n’ai pas envie d’exposer ma famille.

Chaque jour, je travaille avec mes mini-humains qui eux ne portent pas de masque. Maintenant, on nous dit que les variants s’attaquent aux plus jeunes. Chaque jour, je m’expose. Combien de corps de métier doivent travailler plus de 8 heures par jour avec 8 personnes qui ne portent pas le masque ?

J’aimerais être rapidement vaccinée. Pour me protéger, protéger les miens.

Parce que bien que j’aime mon métier, depuis un an, je travaille chaque jour dans la crainte.

Mélanie Paradis

Éducatrice

La menace fantôme – Texte : Annie St-Onge

Cela fait maintenant plus d’un an que nous vivons de manière confinée chez nous, faisons du tél

Cela fait maintenant plus d’un an que nous vivons de manière confinée chez nous, faisons du télétravail à temps plein, n’avons plus de contacts sociaux avec nos familles ou amis. Nous ne sortons que pour le nécessaire et le faisons de manière rapide. Normal, nous entendons parler de la gravité de la situation et des effets sur la santé, et nous avons hâte que ce soit notre tour d’être vacciné pour pouvoir avoir une chance de revivre normalement.

La COVID est un virus, elle est partout. Partout, mais où ? On fait attention, on se lave les mains, on porte un masque au cas où on le croiserait en choisissant des bananes à l’épicerie. Le virus est omniprésent, mais ce n’est pas encore « concret ». On l’a peut-être croisé, peut-être que non. C’est une menace qui pèse sur nous quotidiennement dès que l’on met le pied dehors. À la maison, nous sommes en sécurité, nous sommes maîtres de ce qui entre et sort de chez nous, nous sommes les rois de la désinfection intérieure, il n’y a pas de risques, le risque est dehors.

Toutefois, cela change si vous habitez dans un immeuble à appartements. Vous savez, les bons vieux « blocs à appartements » comme on les appelle. La COVID demeure une menace extérieure jusqu’à ce que dans ce bloc, il y ait un cas positif à la COVID, puis deux. Dans un bloc où il y a 23 appartements, le fait qu’il y a deux appartements touchés inquiète. Un cas ou deux de plus et l’immeuble est considéré comme un site d’éclosion. Soudainement, la menace est bien présente et sillonne les corridors à la recherche de sa prochaine victime.

Il est dorénavant demandé de porter un masque dès que les gens circulent dans les aires communes (corridors et entrée de l’immeuble). Le hic, les habitants de l’immeuble apprennent la consigne, et du même coup, le nombre de cas positif à la COVID dans l’immeuble en lisant une affiche située dans l’entrée du bloc. Une fois que vous avez pris connaissance de l’affiche… vous vous étiez déjà promené dans les aires communes sans masque, vous croyant en sécurité dans l’immeuble ! Soudainement, vous réalisez que même si vous faites attention depuis un an, vous êtes à risque en demeurant chez vous, même si vous suivez les recommandations de la santé publique. C’est le cas de le dire, l’ennemi est aux portes !

C’est dans cette situation bien précise, dans une microsociété de 23 appartements, qu’on réalise que les gens ne prennent pas tous la situation au sérieux. Deux appartements sont officiellement touchés par « la bête », mais on entend tousser vigoureusement dans six autres. Les locataires de ces derniers jurent à qui veut bien les entendre que ce n’est qu’une « petite grippe » et ils se promènent sans masque dans les aires communes malgré les recommandations. Les deux cas officiels sont connus parce que les locataires ont bien voulu en aviser la propriétaire, mais ils auraient très bien pu ne rien dire aussi. Vous voyez le problème ? Vous comprenez l’importance de l’effort collectif maintenant ?

La menace qui était présente mais sous une forme plus fantomatique depuis un an vient de se concrétiser : l’ennemi m’attend littéralement de l’autre côté de la porte et n’attend qu’un moment d’inattention de ma part pour s’inviter chez moi et faire des ravages ! Je me croise les doigts pour qu’il ne s’introduise pas par le conduit de ventilation de la salle de bain de manière sournoise ! La menace est concrète, bien présente et malheureusement à proximité de moi malgré tous mes efforts.

 

Annie St-Onge

Oui, ta mère va mourir – Texte : Kim Boisvert

J’aimerais ça te dire, ma belle grande brune aux cheveux sexy et

J’aimerais ça te dire, ma belle grande brune aux cheveux sexy et aux jambes longues comme l’hiver, que l’aventure qui commence pour toi va être le fun, sereine et pas si difficile que ça. Attache-toi bien, ce que je vais te dire sera pas doux.

Tu m’as écrit un courriel pour me dire que pour ta maman, les médecins avaient abandonné. C’est officiel, ils la laissent dériver dans une rivière qui bouge un peu trop à ton goût. Probablement à son goût à elle aussi. Au mien aussi, by the way. Ça m’attriste et en écrivant ces quelques lignes, je me rends compte que ça t’aidera peut-être pas tant que ça pour te réconforter, mais je mise sur le fait que tu me connais, tu sais que je vais pas t’écrire une belle chanson d’amour avec plein de rimettes pour te dire que la vie à venir va être chouette. Ça aura au moins le mérite d’être différent que ce que 90 % des gens vont te dire dans les prochains jours, mois, semaines. Plus difficile, mais pas vide.

Ta mère va mourir. C’est tough à lire, tu trouves ? Attends de le vivre. Moi, je n’ai pas eu la chance que t’as d’être proche de ma mère. En fait, c’est peut-être plus une chance pour moi, finalement. Bref, j’avais envie de te raconter des vérités.

— Elle va mourir. On ne sait pas quand. Alors, arrête de penser que ce sera demain. Parce que tout le temps que tu passes à attendre sa mort, tu oublies de vivre ta vie à toi. Ce serait bête que le cancer te gruge ta vie à toi aussi, tu ne trouves pas ?

— Elle aura certainement besoin que tu sois forte pendant les derniers jours. Mais t’as le droit de craquer. T’as ben beau avoir le cul tight, des beaux enfants, une belle carrière pis une superbe personnalité, calme-toi, t’es pas Wonder Woman. Pleure, crie, varge, mais sors ce qui te blesse. Accepte ta peine. Vis ta peine. Dis-le que t’as de la peine. Fais pas comme si t’en avais pas. Je ne te croirais pas.

— Tu vas te sentir impuissante. Y’a rien à faire, fais-toi à l’idée. Mais t’es juste impuissante face à sa maladie. T’as le pouvoir sur tout le reste. Comment tu vas réagir face aux prochains jours, semaines, mois et années. T’as le pouvoir de décider de vouloir profiter de chaque moment. T’as le pouvoir de lui dire tout ce que tu lui as jamais dit. T’as le pouvoir de décider de la faire rire le plus longtemps possible. T’as le pouvoir de continuer ta vie. T’as le pouvoir. Prends-le.

Ma belle grande brune au sourire éclatant, ça ne sera pas drôle. Mais ce qui est génial, c’est que t’as encore du temps, une famille, des souvenirs à chérir. T’es riche d’amour. Demande-lui de t’écrire ses recettes préférées, des recettes de ton enfance. Elle vivra alors gaiement dans tes chaudrons. Demande-lui de t’écrire une lettre que tu ouvriras à tes 40 ans. Payez-vous un shooting photo professionnel en famille pour célébrer la vie, et non vos souvenirs de la maladie. Demande-lui si elle a peur et écoute-la. Demande-lui qu’elle te dise trois choses qu’elle regrette de ne pas avoir faites dans sa vie et si vous n’avez pas assez de tours au compteur de lousses pour réussir à les faire avant son grand départ, fais-les plus tard, pour elle, pour vous.

C’est là, alors que tu sais que tu ne peux rien contrôler, que tu dois tout faire pour être en paix avec ce qui arrive.

C’est là, alors que je sais que je ne peux rien faire pour t’aider, que j’ai écrit quelques lignes pour te montrer mon soutien.

Parce que quand j’ai perdu ma mère, j’aurais préféré avoir le vrai et le laid.

Kim Boisvert

Moi aussi, j’ai peur – Texte : Kim Boisvert

Quand tu m’as annoncé ça, mon cœur a fendu, l’aorte m’a exp

Quand tu m’as annoncé ça, mon cœur a fendu, l’aorte m’a explosé. J’pensais pas que tu vivais ça toute seule, dans ton coin, toi pis ton orgueil de mâle cliché caché sous une brassière paddée. J’ai même un peu perdu pied quand tu me l’as annoncé avec le sourire aux lèvres. Parce que je savais ben que dans ta tête, t’étais ailleurs quand tu me disais ça. Y’a pas un sourire qui pouvait fitter avec tes yeux à cet instant précis où j’ai vu que ce que tu me disais, ce n’était pas ce qui s’en venait, mais tout ce qui pouvait arriver après.

Tu m’as dit que tu pensais y arriver seule, sans en parler, parce que c’est ça que tu fais d’habitude et que ton monde roule très bien comme ça. Entre toi pis moi, t’es plutôt médaillée en mode autruche. Vas-y, cache-toi la tête dans le sable, le fessier pointant vers l’au-delà.

Je le sais que t’as la chienne, mais quand même, prends ton courage, et garroche ta dignité, parce que c’est le temps d’enfiler ta jaquette. J’voudrais te serrer dans mes bras, mais je suis trop bouleversée moi-même par toute cette frayeur dans tes yeux. Ton monde s’écroule et je ne sais que trop pas quoi faire, comment m’y prendre ou t’prendre. Ça m’transperce le corps comme si c’était à moi que ça arrivait. Comme si c’était mon monde à moi qui était mis en mode « pause », le temps de savoir. Savoir la suite, ta suite. Et même la suite, elle est un peu nébuleuse.

Ça a commencé par une partie de jambe en l’air où ton amoureux t’a lancé à la blague que t’avais un mini troisième sein. Une masse grosse comme une fève edamame. Tu m’avais dit en riant que t’avais jamais aimé ça anyway, les fèves vertes de granoles au patchouli. On avait ri fort parce que moi, j’suis ta granole préférée.

Alors pendant que ton corps caché d’un coton d’un look douteux sera le centre d’attraction d’une dizaine de personnes, laisse-moi pleurer parce que moi aussi, j’ai peur.

Kim Boisvert

Quand la vie s’épuise – Texte : Marie-Eve Massé

La mère de mon chum est en phase terminale. Nous avons reçu le dia

La mère de mon chum est en phase terminale. Nous avons reçu le diagnostic du cancer mi‑janvier : phase 4, non opérable et guérison impossible. Le coup a été pas mal brutal. Elle a été hospitalisée deux semaines… Deux semaines épuisantes comme pas possible. Je passais tout mon temps à l’hôpital, mes journées entières à rencontrer des spécialistes, des médecins de tout genre, à répéter à ma belle-mère ce que le personnel lui expliquait, à expliquer encore et encore quel serait le prochain test, à vulgariser son dossier, à la réconforter et à l’accompagner dans tout ça. Je me suis découvert une force et des talents que je ne connaissais pas… et mon dieu que je me suis épuisée à la tâche.

Avant tout ça, elle était en forme malgré qu’elle soit affaiblie suite à un petit AVC et une pneumonie, nous avons bon espoir qu’elle sera admissible à certains traitements. Il lui reste entre six mois (sans traitements) et deux ans à vivre. Nous attendons impatiemment le rendez-vous avec l’oncologue dans deux semaines pour connaître la suite des choses. Elle s’affaiblit de jour en jour à cause de la pneumonie, mais nous gardons tous l’espoir d’une fin de vie relativement longue et dans le confort de son foyer. Son conjoint et elle parlent de se marier au printemps.

…

Le rendez-vous était censé être aujourd’hui. Samedi dernier, après notre départ de chez elle, elle se sentait très mal. Vers 8 h, elle est partie en ambulance parce que son taux d’oxygène était très bas et elle commençait à être déshydratée malgré que nous sommes aux petits soins. La roue de l’hospitalisation a recommencé à tourner. Mais elle s’est mise à tourner tellement vite ! Dimanche, nous parlions d’une infection au poumon et d’un retour à la maison avec de l’oxygène d’appoint. Puis lundi, les médecins sont venus nous dire que le cancer évoluait trop vite, qu’il y avait trop de dégâts. Lundi midi, j’ai expliqué à ma belle-mère qu’elle serait partie avant l’été. Qu’on pouvait à peine espérer le printemps. Qu’elle ne pourrait plus jamais retourner chez elle. J’ai annoncé à mon beau-père que les médecins estimaient qu’elle avait moins que trois mois à vivre… J’ai appris à mon chum que d’ici une petite poignée de semaines, il serait orphelin.

Hier, nous avons décidé de passer aux soins palliatifs. Ma belle-mère m’a demandé d’être présente avec son fils pour la discussion. J’ai essayé de faire garder ma puce, mais je ne suis pas arrivée à trouver quelqu’un. J’avais prévu l’installer avec un film et des écouteurs pour la protéger de la lourde discussion qui s’en venait mais, sous l’émotion, des bouts de phrases et des mots compliqués et lourds ont fusé avant que je sois prête. Finalement, je me suis isolée dans le couloir avec ma fille pour tenter de lui expliquer ce qui se passait. J’avais peur qu’elle reste seule à jongler avec des bouts d’information et qu’elle fasse sa propre interprétation en silence.

Hier soir, je me suis accroupie près de ma fille de huit ans à côté du bureau des infirmières pour lui expliquer ce qu’est un arrêt de traitement et ce que veut dire « aide médicale à mourir ».

Ce vendredi, c’est la Saint-Valentin, l’anniversaire de ma belle-mère et sa journée préférée dans l’année. Aujourd’hui, après avoir passé une longue entrevue pour un poste permanent au boulot, j’ai couru les magasins à la recherche des ingrédients parfaits pour fabriquer un miracle.

Vendredi, mon beau-père va demander à la femme qui partage sa vie depuis dix ans de l’épouser. Le miracle sur lequel je travaille, c’est de leur organiser un mariage splendide… malgré la jaquette d’hôpital, les cheveux en bataille et la possibilité qu’elle n’arrive pas à se lever du lit. Mon miracle, c’est d’arriver à faire oublier à ma belle-mère, l’espace d’un instant, qu’elle va mourir bientôt. Plus que tout, mon miracle c’est d’arriver, l’espace d’un instant, à chasser du regard de mon chum cet air d’enfant perdu qui l’habite depuis des jours. C’est de lui fabriquer un petit bout de souvenir doux et heureux à travers l’océan de détresse qui le submerge…

Je suis épuisée… Tellement épuisée… mais si j’arrive à le voir sourire vendredi, ça vaudra toutes les nuits blanches du monde.

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Nous voilà dimanche, ma belle-mère est décédée cet après-midi, entourée des deux hommes de sa vie. Elle est partie paisiblement dans les bras de son fils, son bébé. J’espère de tout cœur qu’elle emportera avec elle les souvenirs de cette journée. J’espère avoir réussi à fabriquer une dernière image de bonheur à mon homme pour que ces souvenirs soient un peu plus doux.

16 février 2020

Marie-Eve Massé

Éloge à mon corps — Texte : Karine Larouche

À toi, mon petit corps d’amour. C’est rare hein que je t’appe

À toi, mon petit corps d’amour. C’est rare hein que je t’appelle comme ça, avec autant de délicatesse ? Je le sais que notre relation n’a pas toujours été très bonne. Je n’ai pas pris soin de toi comme tu le méritais. Je ne t’ai pas souvent chouchouté. Je t’ai « bardassé », parfois plus brusquement que j’aurais dû. Je n’ai pas souvent pris le temps de t’écouter. Je t’ai souvent intimidé en te traitant de toutes sortes de noms, en te dénigrant. J’ai rarement pris la peine de te dire comment tu étais magnifique. Je t’ai ignoré. J’ai ignoré tes signes, j’ai préféré pousser ma limite… du même coup la tienne. Je m’en excuse, sincèrement.

Aujourd’hui mon petit corps d’amour, on a passé à travers toute qu’une épreuve. Au départ, je t’en ai voulu de m’envoyer un cancer à mon âge. Je jouais la victime en me demandant ce que j’avais bien pu te faire pour mériter ça. Plus tard, la colère s’est envolée et une certaine sagesse s’est installée. Là j’ai compris, j’ai vu, j’ai entendu les signes que tu m’as déjà envoyés et que je balayais sous le tapis. J’ai compris que je me devais d’être plus délicate, bienveillante et douce envers toi. J’ai compris que tu étais en train de te noyer et qu’avec ce cancer, tu espérais pouvoir sortir la tête de l’eau pour de bon.

Tu sais, mon petit corps d’amour, on a combattu ensemble le méchant, l’intrus comme je l’appelle. Puis, tu t’es tenu bien droit devant l’adversaire. Je n’ai pas été envoyée au plancher. J’ai continué de fonctionner. Par contre, cette fois je t’écoutais, je prenais le repos et l’amour dont j’avais besoin. Tu sais, le mot « chimiothérapie » fait peur en maudit. On s’imagine couché tous les jours pour quelques mois. On s’imagine vomir partout. On s’imagine chauve du coco, mais aussi sans sourcils et sans cils. On s’imagine avoir l’air malade. On s’imagine qu’on ne pourra plus faire d’activités. Le pire est qu’on imagine que le moral en prendra un coup et ira visiter les bas-fonds. Mais toi, mon petit corps d’amour, tu as déjoué mes pensées les plus sombres. Tu n’as pas vomi, tu n’en as pas vraiment eu envie. Tu m’as permis de monter des montagnes, de prendre des marches, de faire du vélo pendant les traitements. Oui, toi et moi on prenait quelques jours de repos, mais au final, ce n’était rien. On a déjoué les gens qui disaient que je n’aurais plus de cheveux, de cils et de sourcils. J’ai gardé un peu de tout, même qu’il me restait encore beaucoup de cheveux (ok, ok, je sais je les ai rasés à 1 pour qu’ils tombent beaucoup moins).

On a déjà fait trois rounds ensemble, on a travaillé en équipe cette fois et tu sais quoi ? J’ai confiance que cette expérience sera enrichissante pour notre relation. Je n’ai pas encore la confirmation à 100 % que le crabe est parti, mais la chirurgienne s’est tout de même avancée à me dire que ça lui surprendrait qu’il reste des traces de lui. Tu sais que c’est une merveilleuse nouvelle. Notre travail aura un beau résultat. Merci d’avoir été là pour moi. Je te promets qu’en retour, je serai là pour toi aussi.

Avec amour, Karine Larouche

P.-S. Ce texte ne veut en rien banaliser la chimiothérapie, je crois que certaines personnes peuvent l’avoir plus durement que je l’ai eue. Peut-être qu’à 34 ans les coups se prennent plus « facilement ». Courage à toutes celles qui passeront par là.

Semaine de sensibilisation aux troubles alimentaires | l’importance de s’entourer – Texte: Kim Boisvert

Si vous me suivez depuis quelque temps ou si vous me connaissez, vou

Si vous me suivez depuis quelque temps ou si vous me connaissez, vous ne serez pas surpris d’apprendre que j’ai souffert, et souffre encore, de boulimie. J’en parle maintenant beaucoup plus ouvertement puisque j’ai appris à faire mon chemin là‑dedans, à me pardonner et à avancer. Ce n’était toutefois pas le cas il n’y a pas si longtemps.

Laissez-moi vous parler de Julie, ma Julie, qui était intervenante à la Maison L’éclaircie (Maison sœur de ANEB, à Montréal) lorsque j’ai commencé mon processus de guérison. J’ai longtemps attribué mon évolution à tout l’amour qu’elle mettait dans chacune de nos rencontres, mais je sais bien qu’elle préférerait que je dise que c’est moi qui ai fait tout le boulot. Mais ce n’est pas tant vrai. C’était clairement un travail d’équipe. J’aimerais que vous compreniez que quand on souffre d’un trouble alimentaire, un des plus gros problèmes est qu’on se sent bien seul face à ce démon, ce petit monstre qui gruge absolument tout de notre personnalité et qui remplit notre tête de noirceur. Avec Julie, je ne me suis pas sentie seule. Au début, lorsque j’ai appris qu’elle était nouvelle, j’ai immédiatement été déstabilisée. Je ne retenais pas qu’elle était une professionnelle de qualité qui avait été choisie pour ses compétences, mais simplement le fait qu’elle venait d’entrer dans la Maison L’Éclaircie. Pour moi, elle ne connaissait rien, ne me comprendrait pas, ne saurait pas où aller. En partant, je perdrais mon temps, j’en étais convaincue. Le trouble en était convaincu.

J’ai quand même décidé de me prendre en main et d’aller à nos rencontres. Ça n’a pas été long et j’ai senti en moi le changement. Je ne savais pas à quel point mettre des mots sur des maux, bien que décousus, pourrait être aussi libérateur. Elle n’a jamais abandonné, elle ne m’a jamais abandonnée, même les fois où je l’ai fait moi-même. Son écoute honnête, remplie de compassion, a fait de nos réunions des moments de paix. À travers nos heures passées ensemble, j’ai appris à partager ce trouble, sans détour ni honte, puisqu’elle me permettait d’exister avec et sans le trouble. Elle comprenait ma manière de penser, anticipait mes réactions et comprenait la violence que je m’infligeais. Elle était là pour m’aider, pas me juger. Nos rencontres étaient sereines et tumultueuses à la fois et je me souviens de chacune d’elles. J’ai créé un lien fort avec mon intervenante et sans ce lien, mon cheminement n’aurait pas été le même.

J’ai longtemps voulu régler mon trouble alimentaire seule. Mais comprenez-moi bien, c’est presque impossible. C’est un processus long qui prend beaucoup de temps et d’amour. Souvent, au début, cet amour si nécessaire n’existe simplement pas envers nous et notre corps. Ça vient par après. Avec le soutien et l’aide. Osez tendre la main. Osez appeler et prendre rendez-vous. Je vous souhaite de trouver votre Julie, celle qui vous donnera l’espoir et qui vous fera voir que c’est possible de s’en sortir.

K.

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