Je m’excuse de pleurer… pourquoi, donc? Texte : Nathalie Courcy
Tes larmes montent aux yeux. Ta gorge se transforme en nœud coulant. Ta voix se tord et fond. Les pleurs creusent une rigole sur tes joues.
« Je m’excuse… »
Pourquoi t’excuses-tu? En quoi c’est important pour toi, de t’excuser? Parce qu’il faudrait donnnnncccc garder le contrôle sur ton visage, tes yeux et le regard des autres? Parce que tu veux prendre soin des autres avant de prendre soin de toi? Parce que les autres te jugent sûrement autant que tu te juges toi-même?
Tu t’excuses de quoi au juste? De pleurer? De te montrer vulnérable? Te laisser monter tes émotions? D’oser être toi-même? De prendre du temps pour vivre ce que tu as à vivre? De peut-être faire vivre des émotions aux autres? Et si tout ça avait sa raison d’être?
À qui t’excuses-tu? À ceux qui te regardent? À ceux qui t’entendent? À ceux qui peuvent t’écouter? À ceux qui t’ont fait pleurer?
Est-ce que quelqu’un t’a dit que tes larmes le dérangeaient? Ou peut-être que c’est toi, que tes larmes dérangent… Ou peut-être qu’elles te démangent depuis longtemps?
Et si ce dérangement était positif? Ben oui… voir quelqu’un s’émouvoir, ça peut rendre mal à l’aise, mais ça peut aussi donner l’exemple. Prouver que pleurer n’est pas dangereux. Montrer que pleurer, ça fait souvent du bien, peut-être sur le coup, peut-être après. Ça libère, n’est-ce pas… Ça dégage ce qui était pris en dedans. Ça désemprisonne. Ça crée de l’espace.
Combien de fois ai-je entendu des personnes, des femmes surtout, avouons-le, s’excuser parce qu’elles pleuraient devant une autre personne, devant un groupe? Ces temps-ci, parce que je suis en démarche de développement personnel, chaque semaine. Ça arrive systématiquement. Une personne s’exprime et pleure : « Je m’excuse ». Comme si c’était péché. Comme si on faisait du tort à l’autre en pleurant. C’est plutôt à soi qu’on fait du tort en ne se donnant pas la permission de pleurer. Ou en s’excusant de pleurer.
« Je m’excuse »… Ben non, vas-y, pleure si tu en ressens le besoin! Si ça monte, c’est que c’est là! Ça veut sortir, laisse aller! Si c’est devant d’autres personnes, c’est une bonne chose : tu n’es pas seule à porter ces larmes. Elles sont accueillies, guéries.
Quand tu pleures devant ton miroir, t’excuses-tu à la glace? T’excuses-tu à toi-même?
Quand tu pleures dans le bois ou dans la nuit, t’excuses-tu aux arbres, aux écureuils ou aux étoiles?
Et quand tu réprimes tes pleurs, t’excuses-tu à tes larmes de les garder pour toi? Leur dis-tu à quel point tu aimerais les laisser sortir, mais que tu ne t’en sens pas la force? Et si c’était plus facile que tu le penses… laisse aller, juste laisse aller.
Je suis loin d’être la plus grande Madeleine du monde. Mes larmes me surprennent parfois, au coin d’un œil, ou dans un racoin de mon cœur. Je les laisse être ce qu’elles ont le goût d’être : petites et humides, grandes et mouillantes, silencieuses ou bruyantes. Et j’essaie de les laisser être sans me sentir désolée qu’elles soient. Comme moi, elles ont le droit d’exister.
Et je ne m’en excuse pas.
Nathalie Courcy