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Le p’tit gâteau au caramel

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Il y a de ces images qui sont parfois si fortes et qui évoquent en nous tant de souvenirs…

 

Pour moi, c’est ce fameux p’tit gâteau au caramel Vachon. Celui dont tu raffolais, maman.

 

Savais-tu qu’à ton départ, j’avais conservé précieusement un plat dans lequel tu avais placé un de ces gâteaux? Ils viennent en paquet de deux et tu as toujours trouvé ça trop sucré. Ce gâteau, tu avais pris une bouchée dedans; le nombre de fois que je l’ai observé… La marque de tes dents sur cet objet, signe tangible qu’il n’y avait pas si longtemps, tu avais bel et bien croqué dedans.

 

J’ai mis du temps à le jeter. Beaucoup.

 

Quelques semaines avant ton décès, tu m’avais cuisiné ta recette de boulettes. J’avais congelé ce repas pour en profiter lors de ma rentrée universitaire.

 

À cet instant, j’ignorais que je la ferais sans toi.

 

Que tu ne me connaîtrais jamais en tant qu’enseignante.

 

Que jamais tu ne mettrais les pieds dans ma classe.

 

Que tu n’assisterais pas à mon mariage.

 

Que je ne voyagerais jamais avec toi.

 

Que tu ne connaîtrais jamais mes enfants.

 

Ton plat de boulettes, je l’ai déménagé plusieurs fois, tu sais. Mon p’tit trésor, au fond de ma glacière. Celui-là, j’ai mis des années à m’en départir.

 

Il suffit de si peu, d’un simple objet pour faire le pont entre nos âmes.

 

Le p’tit gâteau au caramel, quatorze ans plus tard, je le mange encore en pensant à toi, maman. Et tu sais quoi? Moi aussi, je n’en mange qu’un morceau à la fois! 💜

 

Karine Lamarche

Mon festival

J’atte

J’attendais cette soirée avec impatience, genre…

Une soirée mère-fille au Festival d’été. Pour l’appâter, j’avais mis toutes les chances de mon côté. Un accès VIP, avec table, repas raffiné… et alcool à volonté. Genre.

Le lien avec notre fille, des fois, il suit la vague. Vaguement utile actuellement. Pour emprunter des produits de beauté ou, même, pour porter mon linge sans me le demander. Au fait, je cherche encore ma belle blouse blanche…

Ça m’a bien fait rire, quand j’ai constaté que presque toutes mes amies rendaient disponible leur laissez-passer sur Facebook. Du Rap, à décibels assourdissants, pas trop notre tasse de thé. Genre.

Ma fille voulait tout particulièrement voir la performance de Future. Elle se moque de moi, car je parle du groupe. Il est seul, Future. Elle n’a jamais imaginé que le futur, il serait si près, si loin.

Elle est prête à l’heure. Un exploit digne de mention Nous sommes chanceuses, un stationnement trouvé à moins de dix minutes à pied du site. Je me dis que les fans, du genre, la majorité n’est peut-être même pas encore réveillée… Genre.

Pour l’accès, vite fait. Ma fille avait juste oublié la fouille. Trop de trucs gênants dans son sac-sacoche-bandoulière. Notre table est très bien située. J’ouvre avec un verre de rosé. Elle boit de l’eau. Elle se partira plus tard avec le rouge. Quelle assurance, pour indiquer à la serveuse qu’elle a dix‑neuf ans. Je reste sa complice silencieuse. Il ne lui manque que deux mois pour avoir la majorité. Elle mange une portion qui me rassure. Elle aura au moins son « fond ».

Le temps d’un selfie ensemble, un souvenir forcé par maman. Genre.

Puis, après le dessert, ça dégénère. Elle me sert (et se sert) quelques verres en rafale. Elle doit aller aux toilettes. Au retour, je devrais alors normalement la perdre pour le reste de la soirée. Elle veut aller dans la foule, pour en profiter davantage. Elle a déjà sûrement quelques rendez‑vous précis avec ses ami(e)s. Genre.

On vient me chercher !

« Votre fille est malade ! » Quand j’arrive, elle est déjà prise en charge par la sécurité. C’est pas chic chic. Ses si beaux cheveux longs imbibés rouge vin. Ça sera un voyage forcé en skate géant. Type civière. Pas trop discret, comme moyen de transport. Les jours suivants, c’est une de ses plus grandes craintes : tous ceux qui la connaissent et que nous avons croisés. La honte. Genre.

La tente médicale. Tout un choc. Une vingtaine de lits, tous occupés. Des blessures de chute, coupures et intoxication en tout genre. Genre. Même une personne en crise dans une section isolée. Son délire ressemble à du Rap, on ne comprend rien des paroles.

Soluté branché. Ma fille a de la difficulté à garder le bras tendu. Ça ne coule pas. Il faudra même lui réinstaller l’aiguille. Le lendemain, sa première question : « C’est quoi, ça ? »… en me montrant les trois endroits des piqures.

Je suis extrêmement reconnaissante au personnel dévoué et attentionné. La sécurité. L’infirmière et le médecin. On m’a dit que les gens de la tente médicale sont tous bénévoles. Wow !

Je souhaitais passer une soirée privilégiée avec ma fille. C’est totalement réussi ! La réconforter et la calmer. Pendant plusieurs heures. Jouer mon rôle de maman, avec amour et tendresse.

Au souper, j’étais dos au spectacle. En fait, je n’ai pas vu grand-chose de toute la soirée. La tente médicale était également très proche de la scène. Les décibels, je les ai bien absorbés. Moi.

Je vous fais une confidence… Ce n’est pas si pire que ça, le Rap. Genre.

Eva Staire

 

 

Ses premières angoisses d’ado

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Avant le départ du père de mes enfants, nous avons eu plusieurs discussions sur l’avenir. Ses demandes à lui étaient simples et claires : « Je veux que tu refasses ta vie, que tu sois heureuse. » C’est deux ans après son départ que j’ai commencé à ressentir l’envie de voir d’autres hommes. Mon but à ce moment n’était pas de trouver l’âme sœur une deuxième fois, mais bien d’avoir quelqu’un avec qui sortir, avec qui partager de bons moments, sans pour autant que ce soit sérieux. En fait, je ne suis pas certaine que même aujourd’hui, je suis prête pour une relation de couple sérieuse et engagée.


Il y a plus de quatre ans maintenant, j’ai rencontré un homme qui me permet de vivre ce genre de relation stable mais à temps partiel. On se voit une ou deux fois par semaine, parfois tard le soir; on fait une activité une fois par mois, on passe du bon temps ensemble, pour nous. J’ai bien expliqué aux enfants quand ils l’ont rencontré qu’il n’est pas dans nos vies pour prendre la place de papa, mais bien pour accompagner maman.


Cette relation avait toujours été bien acceptée des enfants, mais depuis un certain temps, quand je leur mentionnais qu’il venait souper ou faire un tour, ma fille roulait des yeux, paraissait irritée et fâchée. Elle n’avait jamais fait ça auparavant. Avant, quand je mentionnais son nom, elle était contente et avait hâte de le voir. Elle disait se sentir en sécurité lorsqu’il était dans la maison.

 

Ma grande a eu treize ans il y a quelques jours et je voyais bien qu’il y avait quelque chose qui la tracassait. Comme nous étions seules toutes les deux parce que son frère jouait avec un ami, je lui ai posé la question. Je lui ai demandé pourquoi elle avait ce comportement ces derniers temps. Sa réponse fut celle‑ci : « Maman, j’ai peur qu’il prenne la place de papa! »

 

Et voilà… comme toute jeune fille, je savais bien qu’il se passait quelque chose dans son petit coco. Les dernières années de vie de leur père, ma fille a passé beaucoup de temps seule avec lui. Ils avaient développé une belle relation père-fille. Je comprenais donc maintenant pourquoi j’avais droit à ce comportement quand je parlais d’un autre homme. Pourtant, en sa présence, elle ne laissait rien paraître, discutait avec lui, faisait des farces.


J’ai donc bien expliqué à ma grande que jamais personne ne remplacerait son père. Que son père est dans son cœur pour toujours et que ce qu’il désire plus que tout au monde, c’est qu’elle soit heureuse même s’il lui manque au plus haut point. Je lui ai fait comprendre que dans la vie, il n’y a personne qui peut remplacer une personne qu’on aime. Que les gens qui croisent notre chemin sont là pour nous apporter quelque chose, mais non pour en remplacer d’autres.


Ce soir‑là, c’est le cœur rassuré et la tête légère que ma belle grande fille est allée se coucher en prenant bien soin de me dire : « Merci d’être une maman aussi merveilleuse, ma belle maman! »


Ça fait tellement de bien…

 

Annie Corriveau

Toutes ces choses que j’aimerais te dire…

Les années ont passé depuis ton départ, maman. Depuis, je suis de

Les années ont passé depuis ton départ, maman. Depuis, je suis devenue mère à mon tour.

À mon tour, je fais de mon mieux. J’explique, je demande, je souhaite de tout mon cœur que mes filles, un jour, deviendront des adultes respectueuses et empathiques.

Maman, je me souviens de nos disputes de ces moments où, du haut de mes 12-15-17 ans, je croyais tout connaître de la vie.

Maman, souvent, j’aimerais que tu sois encore ici pour que je puisse te dire que ces valeurs que tu m’as transmises, non sans efforts, elles sont bien ancrées en moi.

J’aimerais te dire que je comprends tous les sacrifices que tu as pu faire, que maintenant, je comprends.

J’ai le sentiment que je n’ai pas eu le temps de te témoigner toute ma reconnaissance. J’aimerais te parler de mes filles, de leurs réussites. J’aimerais partager avec toi cette fierté.

Certains jours, j’aimerais te demander comment tu es parvenue à si bien nous éduquer, à faire de nous de bons humains, ma sœur et moi. Dis-moi que mes efforts ne seront pas vains, que c’est possible.

Parfois, je voudrais simplement rire avec toi.

Souvent, je voudrais juste te dire que tu me manques.

Karine Lamarche

 

Lettre à toi, mon fils malheureux

Aujourd’hui, ma tête de maman pense beaucoup. Chaque fois qu’un

Aujourd’hui, ma tête de maman pense beaucoup. Chaque fois qu’une crise survient, j’essaie tant bien que mal de comprendre ce qui se passe dans ta tête d’adolescent. Ce n’est probablement pas facile pour toi de trouver ta place. Toi qui t’es toujours senti dans un monde à part. Tu étais jeune et ne voyais pas l’utilité de vivre. Tu admets encore aujourd’hui que la majorité du temps, tu te sens malheureux, non compris et pas à ta place. J’aimerais t’aider, mais je ne sais plus comment m’y prendre.

Depuis toujours, nous sommes plusieurs à voir ce boulet que tu traînes avec toi jour après jour. Depuis le temps qu’il est là derrière toi, je sais que tu dois être tanné. Quand tu exploses comme ça peut t’arriver parfois, j’en suis venue à penser que pour toi, c’est peut‑être une façon d’essayer de l’alléger en nous le faisant vivre avec toi. Un côté de moi comprend, mais au fond, tout ce que cela amène est que tu sabotes encore plus tes chances d’être heureux. Cette façon de crier ta détresse t’a fait perdre des amis. Ça fait aussi que tes professeurs en viennent à te cibler, car ils ne te connaissent pas et te voient juste comme un fauteur de troubles.

Sache que toi aussi, tu mérites d’être heureux, autant que n’importe qui. Tu as le potentiel de te faire une belle vie. Tu dois juste apprendre à te contrôler et à te raisonner un peu. Tu dois voir tes qualités et tes forces. Comme tout le monde, tu as certains défauts, mais contrairement à ce que tu penses, tu n’as pas que cela.

J’ai bien hâte que tu détaches ton boulet et qu’enfin, tu commences à vivre. J’ai confiance que tu finiras par en être capable. D’ici là, je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’on pourrait faire de plus pour toi. Même si tu ne le crois pas, on t’aime plus que tu ne pourrais l’imaginer. Tu comprendras probablement cet amour seulement quand tu auras à ton tour un enfant. Malheureusement, c’est une chose en laquelle tu ne crois pas. Tu as souvent dit que tu serais seul toute ta vie, pensant que personne ne pourrait t’aimer autant. Sauf que ça t’arrivera. Tu dois arrêter de te faire des idées préconçues.

Tu ne vois pas tout le potentiel que tu as. Non seulement tu es très intelligent, curieux, comique, perspicace, audacieux, mais en plus au fond de toi, je sais que tu es empathique. Tu ne le vois peut-être pas, mais moi j’ai su le voir. Tout ça fera de toi quelqu’un de formidable. Pour le moment, tu dois accepter que tu apprends, que les erreurs sont normales et que tu dois apprendre de tout cela. La vie ne sera pas toujours parfaite, on fait des erreurs. On doit juste se relever et retenir la leçon qui devait être apprise de ce faux pas.

À travers de tout cela, tu grandis en maturité et tu me fais, moi aussi, grandir et réfléchir. Je deviens grâce à toi une meilleure personne. Sois confiant et crois en toi, car tout y est pour que le soleil brille pour toi, mon beau grand garçon.

Mireille Coutu Lessard

Ma fille est Cendrillon

Ma fille est Cendrillon. Pas tout à fait mais presque. Il faudrai

Ma fille est Cendrillon. Pas tout à fait mais presque. Il faudrait enlever le passage où la mère meurt et que le père se remarie avec la méchante belle‑mère.

La méchante dans notre histoire, ce n’est pas la belle-mère, mais moi, sa vraie mère. C’est vers l’âge de sept ans qu’elle a commencé à m’attribuer le rôle de tyran. C’était intermittent, je voguais entre le rôle de la meilleure maman du monde et celui de la pire.

Et là, elle a eu huit ans. Je suis de moins en moins cette super maman. Maintenant, je suis méchante presque en tout temps.

Si je ne lui permets pas d’aller chez une amie, si je ne lui permets pas d’inviter une amie, si je lui dis non pour la tablette, etc.

Elle se transforme en Cendrillon. Cette pauvre fille est malheureuse. Je ne comprends rien et je brise son avenir. Je ne fais preuve que d’injustesse (comme elle le dit si bien). Les mères de ses amies sont tellement plus hot et plus cool. Elles n’interdisent rien à leurs filles et moi, j’interdis tout.

Contrairement à Cendrillon qui partait tête baissée pour exécuter la tâche demandée, elle me donne droit à des crises spectaculaires, du boudage interminable, des répliques assassines.

J’ai une mini‑ado à la maison. Je me suis même surprise à lui sentir le t’sou de bras pour voir si elle puait. Ne me demandez pas pourquoi j’ai pensé à ça… je me pose toujours la question à ce jour.

Je me retrouve à faire plus de discipline avec ma huit ans qu’avec ma fucking four. L’argumentation est devenue son sport préféré et ça devient interminable. Elle a toujours raison, connaît tout et sait tout. Du haut de ses huit ans elle croit en savoir beaucoup plus que moi à trente‑neuf ans. Sorry girl! J’ai quelques années d’expérience de plus.

Je ne sais pas si c’est une préparation ou un avertissement pour l’adolescence à venir, mais je me demande si je vais y survivre. J’ai déjà l’envie presque incontrôlable de faire sa valise en lui disant : « Vas­­‑y chez ton amie, on se reparlera au bout d’une semaine! »

Elle s’apercevra bientôt que tout comme la fée des dents, les fées marraines ça n’existe pas et qu’elle devra vivre avec moi, sa marâtre de mère, encore un bon bout de temps.

Dans votre maison, y a‑t‑il aussi des Cendrillon?

Mélanie Paradis

À toi qui as volé ma vie

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Toi qui as volé ma vie alors que je n’avais même pas commencé à la vivre,

Toi qui as posé tes mains sur moi sans même avoir la permission,

Toi qui t’es servi d’une autorité parentale comme excuse,

Toi qui t’es permis de me salir sans que je ne puisse rien dire

 

Tu m’as entendue crier,

Tu m’as vue pleurer,

Tu m’as entendue te supplier de me lâcher,

Tu m’as vue me renfermer sur moi‑même

 

Pourquoi m’as-tu fait ça?

Pourquoi as-tu voulu me détruire?

Pourquoi as-tu volé ma jeunesse?

Pourquoi as-tu préféré me détruire plutôt que d’aller chercher de l’aide?

 

Comment as-tu pu recommencer presque tous les soirs?

Comment as-tu pu faire ça à des gens qui t’ont accueilli chez eux à bras ouverts?

Comment as-tu pu continuer de me regarder comme si de rien n’était lorsque nous étions en famille?

Comment as-tu pu continuer à faire des blagues déplacées alors que tu savais très bien ce que tu faisais?

 

Et toi maman, pourquoi l’as-tu laissé faire?

Pourquoi ne m’as-tu pas crue quand je t’ai tout avoué?

Pourquoi, maman, croyais-tu que j’inventais tout?

Pourquoi n’as-tu pas fait confiance à ton enfant?

 

Pourquoi, maman, ne m’as-tu pas sortie de cet enfer?

Pourquoi, maman, m’as-tu crié de m’excuser à celui qui m’effrayait le plus?

Pourquoi, maman, as-tu décidé de rester avec mon agresseur?

Pourquoi, maman, étais-tu fâchée contre moi?

 

Tu sais, ce jour où je t’ai tout avoué, tu ne m’as pas crue

Tu m’as même fait douter de moi

Pourquoi ne m’as-tu pas protégée?

Pourquoi n’as-tu pas rempli ton rôle de mère comme il se devait?

 

Je t’ai toujours prise comme idole

Je t’ai toujours vue comme une femme forte

Je t’ai toujours considérée comme la meilleure mère au monde

Celle qui donnerait tout pour ses enfants

 

Mais ce jour où tu ne m’as pas crue, tu es devenue pour moi un monstre

Le même genre de monstre que celui qui a volé mon enfance, ma vie

J’ai dû faire deux deuils, celui de voir à tout jamais ma vie s’envoler

Et celui de perdre ma mère, car pour moi tu ne méritais plus ce titre

 

C’est moi, maman, qui ai dû grandir avec ces blessures, cette rage

C’est moi qui ai dû réapprendre à faire confiance aux hommes

C’est moi, maman, qui a dit réapprendre à sourire, à vivre avec les rechutes

C’est moi, maman, qui vis maintenant avec une partie de moi en moins.

 

Aujourd’hui, tu es toujours avec cet homme

Je me demande ce qui est le plus douloureux : avoir subi ces agressions ou que ma mère ne m’ait pas crue et qu’elle continue à coucher, embrasser cet homme

Aujourd’hui, je ne suis pas capable de te renier, mais aujourd’hui, j’ai décidé de me choisir

De prendre soin de moi et d’imposer mes limites.

 

Tu as choisi de briser notre famille, et longtemps vous avez essayé de me faire sentir coupable, et tu sais quoi, jusqu’à tout récemment, ça a fonctionné

 

Mais maintenant, c’est fini, je ne suis plus une victime, je suis une battante, une survivante!

 

Eva Staire

 

Lorsque je ne serai plus là

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Jour après jour, je te chante une berceuse en te flattant tendrement la joue. Chaque jour. Chaque soir. À chaque coucher. Pourtant, l’une de ces fois ne fut pas comme les autres. Comme à l’habitude, je faisais glisser mon doigt le long de ta joue, tentant de te transmettre tout mon amour d’un seul mouvement beaucoup trop précis. Un geste si simple, mais rempli d’un amour inconditionnel. Mon regard plongé dans le noir de tes yeux, mon trop‑plein d’amour a débordé. D’une lucidité beaucoup trop agressante, je me suis dit : un jour, je ne serai plus là.

Ces mots sont apparus telle une bombe dans mon paisible petit bonheur et les vagues s’en font encore ressentir aujourd’hui. Un jour je ne serai plus là… pour toi. Pour vous, mes enfants. J’accepte le fait que je devrai mourir un jour, mais le fait que je ne pourrai plus être présente pour toi m’est littéralement insupportable. Et lorsque je dis ceci, je le pense non seulement pour toi, mais pour tes frères aussi.

Personne ne s’en sortira vivant, ainsi va la vie. C’est clair et précis. Et pourtant…

Tu es encore si petite. J’ai l’impression que je n’aurai jamais fini de vouloir te parler. Je n’aurai jamais fini d’être si fière de toi. Je n’aurai jamais fini de t’écouter. Je n’aurai jamais fini de vouloir de serrer dans mes bras. Je n’aurai jamais fini de simplement t’aimer. Je n’aurai jamais fini… et pourtant, je devrai un jour te quitter. T’abandonner à toi‑même.

Mais je t’aime tellement.

Comment faire pour te préparer à continuer sans moi? Comment, pendant que je suis encore à tes côtés, puis‑je te préparer à mon départ? Pourrais-je un jour me dire : Voilà, je crois qu’à partir d’aujourd’hui, tu sauras suivre ton chemin? Ou serais-je trop égoïste pour seulement m’en rendre compte? Parce qu’au final, c’est ça être parent : te guider afin que tu survives à ce bas monde et si la vie me le permet, m’assurer que tu aies tout ce dont tu as besoin pour en profiter pleinement.

Tu affronteras plusieurs défis au courant de ta vie. Parfois, tu auras même envie de tout abandonner, mais rappelle-toi une seule chose : demain est un jour nouveau. Qui sait ce que demain t’amènera? Sois curieuse et va voir ce que la vie te réserve. Et si jamais la vie n’est pas si belle ici pour toi, eh bien va voir si elle est plus belle ailleurs. Peut‑être ton bonheur se trouve‑t‑il dans un autre pays, dans une autre religion? Peu importe. Cherche ton bonheur, trouve‑le et cultive‑le. Le bonheur se présente sous différentes formes tout au long de ta vie, tu verras. Il est si précieux, si important.

Vois la beauté en chaque chose, en chaque personne. Ta vie n’en sera que plus belle.

Sache que de mon côté, mon bonheur, je l’ai trouvé. Je l’ai trouvé en vous trois, mes enfants, et bien sûr papa sans qui je serais encore à la poursuite de mon bonheur. Merci de m’avoir comblée de ta présence, de ton amour.

Je t’aime et je te souhaite de cultiver tellement de bonheur que tu en deviendras contagieuse. Simplement.

Maman.

Geneviève Dutrisac 

Entendre ta voix, à nouveau

La relâche rime souvent avec ménage.

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La relâche rime souvent avec ménage.

C’est en fouillant un tiroir de souvenirs que j’ai retrouvé un cahier si cher à mes yeux: des textes écrits par ma mère. Un journal qu’elle m’adressait.

Cela fera bientôt quatorze ans qu’elle est décédée. Lire ses mots, réentendre sa voix.

À travers ses écrits, comprendre. Parce que je suis mère à mon tour et parce que ses soucis, sa fierté, ses inquiétudes pour ses filles, c’est moi qui les porte à présent.

Comprendre pourquoi il s’est passé de longues périodes sans qu’elle écrive; c’est à mon tour de courir après le temps! 😉

Ce cahier, c’est mon plus bel héritage. 💜

Je constate chaque fois que ma mère, bien que peu instruite, avait un don inné pour l’écriture et pour la langue française. C’était aussi une grande lectrice. J’aurai hérité de cela d’elle, aussi, pour mon plus grand bonheur. 🌸

Parents qui me lisez, avez‑vous cette chance? Mieux encore, prenez‑vous le temps d’écrire pour vos enfants? Il faudrait bien que je m’y remette…

 

Karine Lamarche

 

On se ressemble plus qu’on pense!

Quand ma première fille est née, elle me ressemblait tellement que

Quand ma première fille est née, elle me ressemblait tellement que même sa grand-mère prenait les photos de moi nouveau-née pour les photos de sa petite-fille. La même crinière foncée, les mêmes frisous, les mêmes bajoues, la peau d’Amérindienne.

Ma peanut a grandi, jusqu’à atteindre les mêmes 5 pieds et presque 2 pouces que moi. Elle a volé le brun des yeux de mon papa et ne rentre plus dans mes souliers, mais sinon, c’est ma copie conforme. Les yeux en amandes, le même point de beauté sur le nez. Sans blague.

Même dans le caractère, elle me ressemble. Entêtée, timide qui s’ouvre avec le temps, passionnée, lève-tôt. Et elle aussi, elle parle plus vite que son ombre. À en être étourdissante. Comme moi (j’aimerais ajouter « au même âge », mais je n’ai pas changé!) Elle est devenue l’artiste de son école, la bolée en français, la lectrice infatigable. Celle qui déteste les maths et les cours d’éducation physique. Ce qui me rappelle une ado qui se faisait mettre à la porte des cours parce qu’elle dessinait et parlait… cette même ado qui refusait de faire certains exercices en édu, juste parce que.

Deux ans après la naissance de ma plus vieille, ma cocotte est née. À sa naissance, elle faisait presque deux pouces de plus que sa sœur au même moment. Les cheveux tout aussi noirs, mais raides comme des spaghettis pas cuits. Cheveux qui ont rapidement viré au blond (hein?! Si quelqu’un avait essayé de me faire croire que j’aurais un enfant blond, je me serais roulée par terre!) De grands yeux bleus, des doigts effilés, une peau presque translucide.

Hypersensible jusqu’au bout du bout de ses orteils, elle s’est réfugiée dans son imagination et son silence. Elle aime faire les choses au rythme de son lunatisme et des licornes droguées aux bonbons dont elle rêve. Elle se découvre des passions pour les maths, le sport, les sciences. Elle est ma Dre Doolittle, meilleure amie des animaux et grande protectrice de la nature. Pour elle, la nuit commence à 23 heures et se terminerait idéalement à 11 heures.

Quand elles étaient plus jeunes, mes filles passaient pour des amies tellement elles n’avaient rien en commun. Alors que la meilleure amie de ma fille aînée passait pour sa sœur jumelle…

Me faire dire que ma plus vieille me ressemble, c’est chouette. Mais ça me faisait de la peine pour mon autre fille. On se fait souvent dire comme parents de ne pas comparer nos enfants entre eux. Mais pas de ne pas comparer les enfants avec les parents.

« OMG qu’il ressemble à son père au même âge! »

« Elle a tellement le même sourire que sa mère! »

« On jurerait que c’est le facteur! » (Euh… oups!?)

Mes enfants ont grandi. Se sont définis. À un moment où je sentais que ma cocotte avait besoin de trouver des repères, je lui ai fait remarquer que moi aussi, quand j’avais son âge, je tripais sur la nature. Je me promenais seule en forêt en plein hiver parce que je m’y sentais en sécurité. J’ai toujours eu des chats, des chiens, des oiseaux, des hamsters. À l’université, j’étais membre du club environnemental. J’ai même écrit un article intitulé « Votre steak sourit-il? » Éclat de rire. On a le même sens de l’humour. Elle est d’ailleurs mon meilleur public. La seule qui rit sincèrement quand je demande « Quel est le pays où il y a le plus de mécaniciens? Le Lesotho… »

« Oui mais maman, tu n’aimais pas les mathématiques et moi j’adore ça! »

« C’est vrai que les maths et moi, c’est loin d’être un match parfait. Mais comme toi, j’adore les sciences. »

« Ben là, tu as étudié en littérature! »

« Oui parce que comme toi, j’adore les livres. Mais ce que j’aimais dans mes études en littérature, c’était la recherche, le côté scientifique de l’analyse littéraire. Sans compter qu’au secondaire, j’adorais faire des explosions dans le laboratoire de chimie! »

« Ah! Maman! »

Éclat de rire, encore.

J’ai les yeux verts, les cheveux châtain grisonnants, j’ai perdu mes bajoues, mais j’aurai toujours le teint foncé. Et je suis aussi contente de voir en mes filles des éclats de moi et des parties d’elles qui sont bien uniques. Ça me permet d’apprendre de chacune.

Et j’adore quand je les entends se confier l’une à l’autre : « Dans le fond, toi et moi, on se ressemble! »

Nathalie Courcy

Moi aussi j’ai peur pour toi, ma fille

Il pleut ce soir, et j’ai les blues. Mes trois enfants — toutes

Il pleut ce soir, et j’ai les blues. Mes trois enfants — toutes de sexe féminin — dorment et rêvent d’être grandes, sans se douter de ce qui les attend.

La récente pluie de #MoiAussi qui se dynamise sur les réseaux sociaux depuis quelques jours donne malheureusement l’impression à certains hommes pleins de mépris que les femmes sont toutes des saintes-nitouches en quête d’attention. Plusieurs grandes intellectuelles bien mieux outillées que moi pour leur répondre ont pris la parole. Pourtant, j’ai envie aujourd’hui de déposer mon petit grain de sable dans ce sablier médiatique. Et ce grain que je dépose a les couleurs et la texture d’une mère de trois petites filles qui rêvent au prince charmant.

Tout d’abord, j’aurais envie de dire que j’ai toujours été féministe, mais que je le suis devenue de façon encore plus appuyée le 11 décembre 2012 lorsque ma belle Lilianne est née. Les batailles livrées par ces clans de femmes fortes sont alors devenues les miennes, car je ne supportais pas l’idée que ma fille puisse être traitée différemment à cause de son vagin. L’idée qu’elle soit moins payée à cause de lui m’horripilait (et m’horripile toujours), l’idée qu’elle puisse se faire prendre moins au sérieux dans un contexte hiérarchique à cause de lui me hantait (et me hante toujours), l’idée qu’elle puisse être considérée comme une agace parce qu’elle se montre sympathique me damnerait…

Et je me suis rendu compte que je serais détruite que mes filles vivaient des situations semblables à certains événements de mon passé de jeune adulte. Avant de rencontrer l’homme de ma vie et le père de mes enfants, j’ai vécu un an de célibat durant lequel j’ai été pas mal sur le party, et durant lequel j’ai fait beaucoup de rencontres : des merveilleuses comme des affreuses. Durant cette année, j’ai appris à me méfier des buissons et des coins sombres dans les bars, des hommes intoxiqués aux mains baladeuses et aux paroles vicieuses.

Ces souvenirs, déposés sur mes filles plutôt que sur moi-même, auraient le potentiel de me tuer. Pourtant, à voir le nombre de #MoiAussi, peut-être vaut-il mieux que je me prépare psychologiquement à cette triste probabilité. Car même si la majorité des hommes ne sont pas des harceleurs et des agresseurs, les cas récents mettant en scène des vedettes montrent que pour un seul prédateur, il y a un nombre écrasant — et écrasé et écrasable, du moins à leurs yeux — de proies.

Sommes-nous rendus là, à préparer nos filles à cette traque ? À préparer nos filles à cet assaut plutôt qu’à préparer nos garçons à l’amour ?

Ma fille, tu rencontreras un ou plusieurs hommes significatifs dans ta vie. Ces hommes des amis, des amoureux t’adoreront, te chériront. Tu te marieras peut-être avec l’un d’eux, et vous aurez peut-être même des enfants.

Mais il est fort à parier qu’au moins une fois dans ta vie, un homme glissera soudainement sa main dans ton chandail pour empoigner tes seins durant un 5 à 7 à ta résidence cégépienne.

Il est fort à parier qu’un autre soulèvera ta jupe dans un bar pour te pogner le cul en te murmurant à l’oreille une cochonnerie que tu n’as jamais même entendue même dans un film porno.

Un autre essayera peut-être de glisser sa main dans tes culottes pendant que tu dors sur le sofa d’une amie à la fin d’un party.

Oh ! Peut-être aussi qu’on essayera de te forcer à faire une pipe à un gars que tu connais ni d’Ève… et ni d’Adam surtout.

Il y a aussi des risques que tes signaux de détresse ne soient pas pris en compte au moment d’expérimenter une nouvelle pratique sexuelle avec un gars qui visiblement ne te respectera pas tant que ça — ton petit chum d’une certaine époque.

Tu seras harcelée. Traquée, objectivée, agressée.

Tu seras peut-être même violée.

Et j’ai peur pour toi, ma fille.

Et après, on te dira que tu n’avais qu’à rester chez toi en pyjama.

Toutes ces expériences sont les miennes. Si elles n’ont pas été traumatiques pour moi, j’ai peur qu’elles le soient pour elles — et le mot peur est une atténuation. Je préfèrerais revivre mille fois ces intrusions si ça pouvait épargner une seule de ces situations à une seule de mes filles. Ces expériences ne sont pas les plus sensationnalistes que vous pourrez trouver lors de cette ruée médiatique : elles sont somme toute banales dans ce contexte, et c’est justement ça qui fait peur. Des mains glissantes et des bouches sales prêtes à susurrer des dégueulasseries, il y en a partout.

Je ne sais pas trop quelle conclusion je veux donner à ce billet, car je n’ai pas inventé la roue à trois boutons et ne prétends donc pas avoir quelque chose d’original ou d’inédit à proposer pour dénouer ce nœud sociétal. Je ne suis pas une journaliste établie, une chercheure en études féministes, une politicienne de gauche engagée. Je ne suis qu’une maman inquiète, qui souhaite un monde meilleur pour mes enfants : pour mes filles.

Véronique Foisy

 

 

Les idées exprimées dans ce texte appartiennent à l’auteure. Elles ne représentent pas l’opinion générale véhiculée par Ma Famille Mon Chaos ou par les responsables du blogue.