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J’ai perdu mon bébé…

Nous avons deux filles. Nous les chérissons depuis leur naissance e

Nous avons deux filles. Nous les chérissons depuis leur naissance et même bien avant. Sans rentrer dans les détails, nous avons eu huit grossesses pour deux belles filles, exceptionnelles. Je dis « nous », puisque je considère qu’il s’agit d’un exploit d’équipe. Nos deux petits miracles, nous les avons voulus, attendus.

Lorsque ma fille aînée est venue au monde, j’étais le papa le plus heureux sur Terre. Fier comme un paon, j’attendais ce moment depuis un bon moment. Quel sentiment incroyable que de vivre cet instant où l’on met au monde un enfant. J’ai mis mon enfant au monde au sens figuré bien naturellement, mais j’étais présent, soutien incontestable du coéquipier, prêt à tout, même maladroitement, pour faire ce qu’il faut pour aider ma douce moitié pour quoi que ce soit lors de ce moment. La venue de notre belle fille n’a pas été de tout repos lors de ses premiers jours.

J’étais là. J’ai eu le privilège de m’occuper d’elle dès ses premiers instants. Allaitements, biberons, changements de couches, tout le kit qui vient avec un bébé. Notre petite caresse a passé ses premiers jours en confinement dans un incubateur. J’appelais cela « son désert du Sahara ». Après quelques jours, mon épouse a pu avoir son congé, mais pas bébé. Le titan en moi était en furie. Heureusement, nous avons eu un bon médecin qui a autorisé le congé de maman quand bébé serait prêt. Quelques jours ont passé et nous avons pu quitter l’hôpital et nous retrouver dans notre chez-nous avec notre poussière d’étoile, la première venue dans la famille.

J’ai eu l’occasion d’avoir ce beau congé parental avec ma fille puisque mon épouse était travailleuse autonome à cette époque et je ne pouvais lui transférer mes semaines de congé parental. Je crois que c’était au tout début du régime gouvernemental. J’étais déchiré pour mon épouse, mais heureux en silence pour moi. Je n’ai que de beaux et bons souvenirs de ce passage. Merci la vie de m’avoir permis de vivre tout cela.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis cela. Naturellement, j’écourte l’histoire puisque nous avons vécu de beaux moments jusqu’à maintenant avec elle. Lorsqu’elle avait deux ans et demi, ma fille aînée a eu une acolyte qui est venue au monde. Complice du crime, elle pouvait enfin avoir une partenaire pour faire ses folies et ses mauvais coups. Mon bébé fille est né au mois de décembre. On l’appelle notre bébé d’hiver. Elle a toujours chaud, elle aime jouer dehors tout le temps même lorsqu’il fait -1000 degrés, elle est un petit calorifère. À mes yeux, mes filles ont une belle relation de sœurs. Bien entendu, elles se chamaillent, se chicanent et se tombent sur les nerfs à l’occasion, mais je crois qu’il s’agit d’un passage temporaire.

Pour revenir à ma fille aînée, elle est maintenant à l’adolescence. Eh oui, en plein dedans. Je trouve cela parfois difficile en tant que Papa. Pour être franc, les trucs de filles, de femmes, je passe à côté. Je crois que par gêne ou maladresse, ma fille en parle plus avec maman, ce que je respecte et comprends. J’ai une chance immense d’avoir une épouse qui est une maman hors du commun pour mes deux filles. Elles sont entre bonnes mains pour tout ce qui concerne les questionnements d’une jeune fille qui sera, dans quelques années, une jeune femme.

De mon côté, je me sens un peu seul dans mon team, parfois. Le seul sur qui je peux me tourner est notre tortue et même lui, il ne jase pas trop. Ce que j’ai trouvé le plus difficile depuis l’adolescence de ma fille, c’est la fermeture, l’éloignement, les conversations restreintes et moins présentes que nous avions avant. Je me suis rendu compte avec le temps que tout cela était créé par moi et non par elle. Le fait de la voir vieillir m’inquiétait, me faisait peur. Voir grandir son enfant est vraiment superbe, mais chaque étape a son lot de contraintes. J’avais peur qu’elle ne m’aime plus. Que ma place dans son cœur soit réduite. Que les conversations que nous avions soient rendues monotones pour elle. Les sujets plus croustillants sur la sexualité, la puberté, les changements corporels ou autres, que j’avais crainte d’aborder, et bien, je ne les abordais tout simplement pas par peur de la rendre mal à l’aise. Ces barrières entre elle et moi, je les ai érigées moi-même.

Il y a bientôt deux ans, j’ai fait une dépression majeure. Cet évènement m’a permis de faire un arrêt temporaire sur un bobo qui laisse des cicatrices. Personne n’est à l’abri de cela, je dis bien personne. Quelques mois se sont écoulés et je répétais les mêmes erreurs qu’avant : manque d’écoute, opinion arrêtée sur divers sujets et conversations avec ma fille et j’en passe. Par contre, j’avais les outils pour m’en sortir. On grandit, on évolue, chaque jour.

Aujourd’hui, pour ma fille aînée, je m’intéresse, j’écoute et je prends le temps d’une véritable conversation. Je ne réponds pas tout de suite à ses commentaires, paroles ou questions, mais je prends le temps d’y réfléchir. On m’a appris que lorsque l’on écoute quelqu’un et que l’on réfléchit à ce que l’on va répondre pendant que l’autre personne nous parle, il ne s’agit pas d’une réelle écoute active et attentive. J’ai appris que dans l’écoute active, souvent, nous n’avons pas nécessairement besoin de répondre. L’autre personne qui nous parle veut une oreille à l’écoute, simplement.

Ma fille aînée est une jeune fille géniale remplie d’amour, avec plein de qualités et de défauts. Elle me ressemble beaucoup à plusieurs niveaux et je la comprends. Quand elle était plus jeune, j’étais son jouet. Avec le temps qui passe, je suis devenu, pas à pas, un parent aimant à l’écoute et un guide qui l’accompagne sur le chemin de la vie qui peut être cahoteux par moments et magnifique à d’autres heures.

Je croyais avoir perdu mon bébé, mais elle le restera, dans mon cœur de Papa, toute sa vie.

Merci la vie, merci parce que ma fille a choisi d’atterrir dans ma vie.

Elle m’apprend beaucoup sur moi, seulement en étant qui elle est.

Elle me ramène et m’offre un voyage à mes souvenirs d’enfance, seulement en me racontant ce qu’il y a dans sa tête, dans son cœur, ses joies, ses peines. Je me rappelle, moi, il n’y a pas si longtemps…..

Karl Wilky

 

Triste anniversaire

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Il y a 5 ans, dans la nuit du 16 au 17 avril, mon père est décédé. Une histoire de fou qui me semble encore invraisemblable aujourd’hui. En voici les grandes lignes.

2 janvier : Mon père et sa blonde partent pour un voyage de trois mois au Mexique.

Début avril : Retour au pays. Mon père a mal dans le cou, il croit avoir une hernie (il était physiothérapeute). Il a tellement mal qu’il ne dort plus. Durant la semaine, il s’aperçoit qu’il a beaucoup d’ecchymoses… il décide donc de consulter. Hépatite virale. Son foie est très enflé. Il n’y a pas de traitement, le foie va se rétablir avec le temps. Il passe une semaine à l’hôpital, il est de plus en plus confus, car son foie ne fait plus son travail.

Le vendredi, il passe une radiographie pour déterminer la cause de sa douleur au cou. C’est à ce moment que le ciel m’est tombé sur la tête. On apprend que la douleur est due à une vertèbre cassée… cassée par des métastases. Cancer du poumon, avec environ trois mois à vivre. Nous sommes le vendredi soir. Mon père n’est presque plus lucide. À partir de la nuit du dimanche au lundi, on ne peut plus le laisser seul. Il souffre énormément, mais il n’est plus vraiment éveillé. Le mardi, je passe toute la journée avec lui. J’ai à peine le temps de retourner à la maison que le téléphone sonne déjà pour m’apprendre que les médecins n’allaient plus tenter de désintoxiquer le foie de mon père. Ils allaient seulement soulager la douleur. C’est le cœur gros que j’ai bordé mes enfants et que je suis repartie en direction de l’hôpital pour accompagner mon père dans ses derniers moments. Je lui ai tenu la main jusqu’à son dernier souffle.

C’est de cette façon qu’en l’espace de quatre jours, j’ai perdu mon papa que j’aimais tant. Il était bien trop jeune, il avait 65 ans et moi 35. Je n’étais pas prête… pas du tout. La vie m’a volé mon père.

J’ai la tête et le cœur pleins de souvenirs ; tous les dimanches matin passés ensemble à faire des mots croisés, tous les matchs de hockey et de football regardés, toutes les fois où je l’accompagnais à l’aréna, notre amour de la forêt, on a même suivi des cours à l’université en même temps. Je me considère chanceuse, car dans les quinze dernières années de sa vie, il a pu être présent dans les moments forts de ma vie. Il a eu le temps de me conduire dans l’allée le jour de mes noces, j’en garde un souvenir impérissable. Il a eu le temps de connaître mes trois enfants : ils avaient sept ans, quatre ans et demi et un an et demi lors de son décès. Il les trouvait extraordinaires, il en était si fier.

Malgré tous ces beaux souvenirs, je ne peux m’empêcher d’être envahie par la tristesse. Papa, chaque anniversaire ou journée spéciale sans toi est difficile. J’aurais tellement voulu que tu voies mes enfants grandir, que tu puisses les encourager dans leurs études, dans leurs sports, dans leurs activités… que tu sois présent dans leur quotidien, dans leurs joies, leurs peines et leurs difficultés. Tu serais épaté de les voir aujourd’hui ; ce n’est pas toujours facile, mais tes petits-enfants sont ma plus grande réussite. Ton absence me brise le cœur. Je regrette de ne pas avoir passé assez de temps à tes côtés. Ta présence chaleureuse, tes conseils, notre complicité et ton grand sens de l’humour me manquent horriblement. J’aurais voulu avoir du temps en tête‑à‑tête avec toi pour te dire un vrai « au revoir » et boucler la boucle.

Et plus que tout, j’aurais souhaité te dire « je t’aime » tellement plus souvent que je l’ai fait et avoir la chance de te le dire encore un million de fois…

 

Myriam S-F

 

Je ne t’aime pas, Alzheimer

Je ne t’aime pas, Alzheimer! Tu as décidé d’ériger domicile d

Je ne t’aime pas, Alzheimer! Tu as décidé d’ériger domicile dans la tête de mon père, dans son être. Plus tu prends domicile, plus tu enlèves de la place pour sa mémoire. Sans être invité, tu t’es installé… Sans cogner, sans demander si tu pouvais t’ingérer dans nos vies.

Depuis bientôt deux ans, tu es présent

Dans nos conversations, à travers nos activités, à nos soupers

Et surtout, Alzheimer, tu es là, tu prends toute la place quand mon père se retire de nos échanges;

Comme s’il était trop occupé à te gérer.

Quelquefois tu n’es pas là, Alzheimer, tu t’estompes;

Et mon père revit, fait des liens qui n’étaient plus

Pendant ce bref instant, aussi petit soit-il

On s’accroche à la moindre seconde

Une seconde qui crée un immense espoir.

L’espoir que tu n’es plus, que tu es parti en un claquement de doigts;

Qu’il y a eu erreur de diagnostic et que tout se replace.

Mais toujours tu reviens, Alzheimer

Tu reprends possession de quelques neurones parfois même de quelques-uns de plus. Je ne t’aime pas, Alzheimer! Je ne t’aimais pas quand je te côtoyais à travers mon travail

Je ne t’aimais pas non plus quand je te voyais à travers mes yeux d’intervenante

Je te trouvais impitoyable quand je te voyais à travers les yeux de la conjointe, du conjoint, de la fille, du fils, de la sœur ou du frère

Je t’aime encore moins depuis que tu es dans la vie de mon père, dans nos vies Je ne t’aime pas d’avoir osé t’infiltrer dans son cerveau à peine dépassé ses 68 ans. Je voudrais que tu disparaisses comme ce que tu fais avec chacun des souvenirs de mon père Tranquillement, sournoisement : tu les fais disparaître;

Alors, pourquoi ne pas faire la même chose pour toi, Alzheimer?

Disparais tranquillement si tu veux, mais va-t’en. J’aimerais tant te faire disparaître petit à petit dans l’optique que tu n’existes plus

Que tu arrêtes de briser des vies Je n’étais pas prête à partager notre quotidien avec toi, Alzheimer Non, je n’étais pas prête à 26 ans à faire le deuil de la présence rassurante de mon père Comme nous ne sommes pas prêts à bien des épreuves

Je n’étais pas prête à vivre avec le fait que mon père a parfois de la difficulté à me reconnaître, qu’il oublie le nom de mon conjoint

Je n’étais pas prête à l’aider à se retrouver dans ma maison

Je n’étais pas prête à voir mon père qui doit partager sa vie avec toi, Alzheimer

Je ne t’aime pas, Alzheimer! Mais sache, Alzheimer, que tu ne nous auras pas Tu auras peut‑être le contrôle des souvenirs de mon père, mais on sera plus forts que toi Non! Tu n’auras pas mon père, Alzheimer!

Car même si tu es là Mon père aussi demeure Et il est bien plus que juste l’Alzheimer Il est l’homme le plus important dans ma vie, dans nos vies Il EST, tout simplement Peu importe l’espace que tu occuperas, mon père est là Nous n’allons pas te laisser prendre sa place Il demeure présent, vivant chaque instant de bonheur Il demeure le plus important, bien plus important que ces oublis ou sa confusion Alzheimer, je ne t’aime pas! Je te hais même parfois! Mais j’aime mon père

Et tu ne gagneras pas Alzheimer, tu es une maladie impitoyable

Une des pires maladies que j’ai côtoyée Mais TU n’es pas mon père Tu resteras toujours en second plan derrière le bonheur de mon père

Derrière son bien‑être

Derrière tout ce qu’il a parcouru

Derrière toutes ses qualités et aussi un peu de ses défauts!

Alzheimer, sois assuré que tu resteras TOUJOURS en second plan, derrière mon père.

AL

Party et ébriété riment avec nausée!

Je reçois un message texte, il est 23 h 43…

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Je reçois un message texte, il est 23 h 43…

C’est l’amie avec laquelle ma fille est allée à un party. Le lift de retour était pourtant convenu vers minuit et quart. « Je pense qu’il serait temps que vous veniez la chercher! » Avec quelques détails, qui donnent tout leur sens au mot « relâche ». Heureusement, c’est à moins de dix minutes de la maison.

Papiers essuie-tout, grand bol en inox. Je pars…

Je stationne devant l’entrée. Une maison de banlieue des plus anodines. Il y a quelques jeunes qui sont sortis prendre l’air. Un party d’adolescents, comme bien d’autres. Ma fille me dira que la grande sœur, adulte, était responsable. Mais qu’elle a plutôt décidé de faire la fête avec eux. Je texte l’amie, en lui demandant si elle veut également un lift. « Merci! Je dois aussi prendre soin d’un autre ami. »

Au bout d’un certain temps, trois filles arrivent. La mienne, bien encadrée de deux béquilles. Ma fille est comme un pantin euphorique. La bouche molle et le langage vague. L’œil qui vacille. Elle doit se croire sur le pont d’un navire, en pleine tempête. Je leur souris.

Ses amies ont dû me trouver pas mal cool.

On la glisse sur le siège arrière, côté passager. Elle serait à ma portée, s’il le faut. Surtout pas comme passager à l’avant. Malgré l’heure tardive, je ne suis pas complètement imbécile. Elle est incapable de boucler sa ceinture. Ça empeste l’alcool. J’ai entrouvert les fenêtres. Je roule quelques secondes. Sa tête, sans retenue, tombe dans le bol en inox. Premier tournant, la marée de son corps inerte suit lentement le mouvement. Je souris.

Nous arrivons à la maison. Je dois la réveiller et l’aider à sortir. À marcher. Elle tente d’enlever ses espadrilles seule. Impossible. Elle n’a pas de bas, son pied adhère. Il faut tirer fort. Je laisse son bras, pour ôter le deuxième soulier. À deux mains. Elle tombe, au ralenti. Je l’aide à monter à l’étage. Bang, la brique dans son lit! J’imagine déjà sa gueule de bois. Je souris.

Tout ce temps, je repense à mon adolescence. Quand, comme elle, j’avais seize ans et demi. Je revois toutes mes entrées titubantes à la maison. Il me fallait tenir les murs, de chaque côté du corridor, pour me rendre à ma chambre. Vous savez bien, ce navire en pleine mer… Et ma mère qui me demandait, avec le sourire dans la voix, si j’étais OK. Ma réponse, la bouche molle et le langage vague.

Elle va aux toilettes vers 3 h 30. Évidemment, avec toute la subtilité d’un éléphant. Je tends l’oreille, au cas où. Tout est OK, la brique retourne à l’horizontale par elle-même. Je souris.

Le lendemain, j’apprends quelques éléments de sa soirée. Du moins de ce dont elle se souvient. C’était de la vodka, agrémentée aux agrumes. L’alcool, c’est un des pères qui l’a acheté. Son ivresse, c’est qu’elles sont arrivées trop tard et qu’il ne restait plus rien à grignoter en même temps. J’entends l’armée défiler dans sa tête. Elle en paye le prix fort. Je tente de garder mon sérieux.

Plus tard, dans la journée, ça sera l’occasion des messages. Que certains garçons n’attendent que cet état. Pour en profiter. Et tout le reste du discours parental. Mais dans sa version légère. J’ai peine à m’empêcher de sourire. Surtout quand, là, depuis et fréquemment, je lui souligne son état.

En détails…

michel

Maîtriser l’allergie…

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Moments privilégiés hier avec mon adolescente…

Quand je le lui avais annoncé, elle était super contente. Elle manquerait l’école. Je passe la chercher. La vie moderne : « Texte-moi quand tu seras là! » Je suis souvent las. Comme la majorité de mes blagues, elle roulerait des yeux. Je suis souvent perdu aussi. Je comptais trop sur une compagne pour élever ma progéniture. Je sais, un peu vieux jeu. J’ai beaucoup mûri depuis. Au moins sur le plan du partage de toutes les tâches.

Sa mère est morte, je ne les partage plus.

Nous allons à la clinique pédiatrique. Pour des tests d’allergie. La deuxième plaie d’Égypte moderne (tout juste après le TDAH). Celle des aliments Transformer. Les siennes sont plus faciles à gérer. Les fraises, kiwis et… bananes. Bananes, sérieux! Je n’avais jamais entendu ça avant. Que certains y étaient allergiques. Au moins, ça ne limite pas trop les repas familiaux. Ni les sorties. Quoi que, certains restaurateurs aiment mettre de la couleur dans tous les plats. Fleurs, fruits. Le rouge, c’est coloré. Ça fait concept passion. Étouffe-toi avec!

Premiers contacts seuls à seuls avec le tigre. Elle roule encore des yeux. « Tacos ». C’est son nouveau patois pour ce genre de choses inutiles que je dis. Tout. Je crois que je vais beaucoup l’entendre aujourd’hui. « À quelle heure le rendez-vous? » Le tout formulé sur le ton du PDG qui a un agenda chargé. Nous sommes appelés, presque à l’heure. Je donne mon contenant. Eh oui, il faut apporter les aliments à tester. Encore chanceux que des fraises se trouvent désormais à l’année. Jadis, elles n’étaient disponibles qu’au temps de leur récolte. Elles n’étaient pas Transformer. Mûries dans le transport.

Il y avait moins d’allergies…

Le Dr Tremblay a plein de questions. Avec son fort accent du Lac. Genre : « Elle a été allaitée? Jusqu’à quel âge? » Tout homme amoureux peut répondre à la première. L’autre… je réponds avec assurance, l’âge normal, deux ou trois ans! Il me regarde, dubitatif. Je comprends que ce n’est pas l’âge normal. Il notera autre chose au dossier. Je ne suis pas ce genre de père. Qui peut donner par cœur toutes les étapes. Les premiers mots, les premiers pas, etc. Je me souviens seulement que j’ai perdu pendant un temps la disponibilité de mes jouets (utilisés avec le consentement de leur propriétaire, toujours).

Bonnes nouvelles, les réactions sont minimes. Ma fille pourra réintroduire tous les aliments proscrits. Par étapes, du plus Transformer (c’est-à-dire des fruits cuits) au plus naturel. Elle est surtout contente pour les fraises.

Je devrais aller la reconduire à l’école. Elle y serait à temps pour terminer un cours.

Mais je vais plutôt faire ce que j’aurais aimé faire, à son âge. Foxer, loafer (sécher l’école). Avec elle. « Tu n’as pas des trucs à acheter? » La clinique est dans un des centres commerciaux principaux de la région. Elle adore magasiner.

« J’aimerais bien avoir un coton ouaté… » Elle les emprunte habituellement à des garçons. Et, en ce moment, elle a « cassé » avec son chum. Encore. Je le pense, sans rouler des yeux.

− Il veut ravoir les siens?

− Non, juste ne plus les porter…

Nous faisons quelques boutiques. Je pousse pour des matériaux techniques. Polyester. Avec des commentaires de parent. « Ça reste chaud même quand c’est mouillé. » Elle roule des yeux. Nous en trouvons deux. Elle les essaye. Elle hésite. Le noir, le gris…

– Prends les deux!

Elle ne roule pas des yeux, ils brillent…

michel

 

Les saisons d’une orpheline

Mon papa. Il est mort quand j’avais sept ans. La même année que

Mon papa. Il est mort quand j’avais sept ans. La même année que mon cousin. Et que ma grand-mère. Ça fait trente-trois ans de ça. Oh my God! Je viens de révéler mon âge vénérable! (Ben non, je l’ai déjà écrit et je le dis ouvertement…)

Revenons à nos défunts.

Donc, mon papa. Il était tout jeune, trente-trois ans. Un beau pétard aux yeux et aux cheveux noirs. Policier, père de trois enfants, époux, frère, fils, ami. Il croyait en Dieu et en l’humain. Il écrivait un livre, Prière pour la vie. Il avait des projets. Il aimait la vie. Et il souffrait d’un cancer du cerveau depuis plus de deux ans.

C’est long, deux ans, avec un crabe dans la tête. À la fin, il ne parlait plus, il déparlait à peine. Les neurones étaient en bouillie. Les fonctions vitales le lâchaient au fur et à mesure que la maladie se répandait dans son corps amaigri. Il ne bougeait plus. Il ne souriait plus.

Pendant cette période, j’ai peu vu mon papa. Les heures de visites des enfants étaient limitées, on était trop fatigants pour les malades. De toute façon, c’était pénible aussi pour les enfants bouleversés que nous étions. J’avais beau adorer mon père, je trouvais ça plate, aller à l’hôpital. C’était long. Il ne fallait pas faire de bruit. Et moi, ce que je voulais, c’était jouer des percussions sur les tuyaux de chauffage. Pour me désennuyer, une amie de la famille m’avait offert une bouteille d’eau gazeuse. Trois décennies plus tard, je déteste toujours autant l’eau gazeuse. Mauvais souvenirs associés.

Mais quand même, mon papa me manquait. Maman nous avait expliqué « les vraies affaires » : il ne s’en sortirait pas. Il est arrivé que des infirmières à l’âme empathique m’aient donné une permission spéciale : rendre visite à mon père un soir où les enfants n’étaient pas admis. J’ai dû jouer au ninja pour passer par l’escalier de secours sans me faire remarquer… C’était rassurant de savoir que je pouvais aimer mon papa malgré les règlements, malgré la maladie, malgré tout.

Mon dernier souvenir « normal » de lui, c’est une soirée avec la parenté, dans notre salon. J’étais assise sur ses genoux pendant qu’il buvait sa 50 entouré de ses frères et sœurs. L’hôpital (lire : ce qui était devenu sa résidence principale) lui avait accordé un congé spécial. La fois suivante où toute sa famille a été présente autour de lui, c’était aux soins palliatifs alors qu’il pleurait ses dernières larmes et expirait pour la dernière fois. Je n’y étais pas. J’étais trop petite.

J’avais sept ans. J’ai manqué une semaine d’école. Ma professeure a amené tous mes copains aux funérailles. Quand je les ai revus, c’était à notre Première Communion. Sur la photo de groupe, je ne souriais pas. J’étais trop stressée : je n’avais pas pu pratiquer avant la cérémonie. Et la messe avait lieu dans la même église que les funérailles.

Quinze ans plus tard, je me suis retrouvée dans une autre chapelle, cette fois pour me marier. J’avais demandé au prêtre la permission de lire une prière aux défunts dès le début de la cérémonie. C’était bizarre, mais essentiel pour moi. C’était ma façon de dire à mon papa, ma grand-maman, mon cousin, mon oncle décédé quelques mois plus tôt, et aussi à toutes les personnes aimées qui nous avaient quittés, qu’on les invitait eux aussi. Qu’on leur avait gardé une place dans nos pensées.

Cette journée-là, c’est mon frère et ma mère qui m’ont accompagnée dans l’allée jusqu’à mon futur mari. Vous dire la fébrilité qui m’habitait quand je suis entrée dans cette chapelle pleine à craquer! La veille, on avait déplacé chaque banc de quelques millimètres pour ajouter quelques places assises. Certains de mes amis étaient même debout à l’arrière. Quand on dit « bondé de monde », c’est l’image qu’on a en tête. On ne devait même pas être légaux en termes de sécurité tellement il y avait de l’humain au pouce carré.

Quand je suis arrivée à l’avant et que je me suis tournée vers l’assemblée, j’ai vu un vide bouleversant. Dans cette marée de monde cordé comme des sardines en conserve, il y avait un banc complètement vide, dans la première rangée, du côté de ma famille. Ce banc n’était pas réservé, mais personne n’avait osé s’y asseoir. Tout de suite, j’ai su que c’était la place que mon papa avait choisie pour assister à mon mariage. Il voulait être aux premières loges pour accompagner sa fille dans ce grand saut. Je sais qu’il y était, avec mon cousin, ma grand-mère, mon oncle…

La prière aux défunts a été très émouvante. Pour moi et pour les personnes présentes. Un silence de mort, pourrait-on dire. Mais je dirais plus « un silence de vie ». Ils étaient là. Ils étaient parmi nous. L’orpheline en moi s’est sentie un peu moins orpheline.

 

P.S.: Le lendemain de l’écriture de ce texte, j’ai regardé avec beaucoup de larmes et de «c’est tellement ça!» la vidéo de la chanson «La saison des pluies» de Patrice Michaud, scénarisée par Yan England. Maman, je te la dédie. Tu as été mon papa, toi aussi. https://www.youtube.com/watch?v=FovZ7AefAmo

 

Nathalie Courcy

Désemparent!

J’ai très peu dormi, à peine quelques heures…<

J’ai très peu dormi, à peine quelques heures…

Ma fille était en pleurs au souper hier. Une belle adolescente qui te lance au visage son mal de vivre. Total. « Pourquoi faut-il toujours faire semblant que tout va bien! » Elle n’arrive pas à communiquer. L’effort provoque encore plus de sanglots. Elle a même demandé, d’elle-même, à rencontrer le psychologue de l’école.

Je me sens si seul.

Sa mère est morte depuis cinq ans. Déjà. Avant son dernier souffle, je lui avais promis que tout irait bien… Sans doute l’influence de l’homme à la cape rouge. Ce héros masculin rassurant. Mais nous avons tous notre kryptonite. Moi, c’est le désarroi d’une femme.

Une mère, ça sait comment faire dans ces moments-là. Naturellement. C’est l’image que j’ai retenue. Comme une définition de tâches. Imaginons la pression qui pèse sur elles. Et tous ces hommes qui prennent cette fuite, dès qu’ils en ont l’occasion. Le singe dont on fait cadeau. Sans dire merci. Impossible dans mon cas.

Me voilà plutôt à blaguer. À faire le clown. Triste.

Mais je lui dis au moins l’essentiel. Que je vais l’aider. Que je l’aime. Au travers de mots superflus. De phrases mal dites. Michel, enlève donc ton masque. Tes filtres. Sois la personne sensible que tu es. Pas facile de m’écouter. La carapace est solide. Bâtie depuis l’enfance. Très peu m’ont vu sans.

Je ne lui dis surtout pas ce que je pense des psychologues. Des panneaux sur le bord de l’autoroute. Aux messages variés, voire contradictoires. On espère juste qu’ils veulent nous amener où on veut vraiment aller. Rien comme un être perdu pour égarer tous les autres dans son sillage. S’en rendre compte après toutes ces séances. C’est chèrement payé, un domaine aussi vague. Je sais, plutôt sarcastique.

Si c’était mon amoureuse, je la prendrais dans mes bras. Juste le réconfort. La chaleur d’un câlin. J’ai trop peur. D’elle. Pas capable d’oser. La crainte de l’animal sauvage de cet âge ingrat. Un père, est-ce que ça peut être affectueux avec sa fille? Dans mes modèles, un père n’était affectueux avec personne.

Je suis si perdu.

Je lui parle de sommeil (elle dort moins que moi). D’utiliser moins sa tablette. Que l’équilibre mental, c’est fragile. Que la météo n’aide pas. Que ça peut même être lié à un dérèglement chimique. Une carence. Qu’elle devrait recommencer à prendre des multivitamines. Que je le fais encore. N’importe quoi, qu’elle doit se dire.

Depuis, l’angoisse. Toutes ces heures à penser. Des solutions, c’est plus aisé à trouver pour soi. Le sort de ceux qu’on aime, ça embrume le cerveau. Solide. J’ai même encore entendu le début du chant des oiseaux. Ça prendra juste un peu plus de café pour faire ma journée.

Elle a manqué son autobus ce matin. J’étais content d’aller la reconduire à l’école. Juste être là. Tenter de lui glisser quelques mots de réconfort. Tout croche.

Je sais au moins que j’ai changé. Je n’hésiterai pas à demander de l’aide. À impliquer son entourage. Le mien. Facile, ce n’est pas pour moi. Vous commencez à connaître le personnage. Ne riez pas!

Son frère n’est pas de mon moule. Il est chanceux. Il me dira ce matin qu’il est inquiet pour sa sœur. J’en profite pour lui dire de ne jamais attendre d’en parler quand ça ne va pas. Je le rassure, je prendrai soin d’elle.

Serais-je un bon modèle? Malgré tout, malgré moi…

 

michel

 

Lettre d’un père à son adolescente

Chère fille,

Que la vie passe

Chère fille,

Que la vie passe vite, trop vite même. Te voilà déjà rendu à quatorze ans. Il me semble qu’il n’y a pas si longtemps, nous avions encore du plaisir à colorier, à écouter Caillou ou encore à jouer avec tes toutous. Dans ma tête, tu es encore ma petite fille, mais j’ai quand même fait une constatation dans les dernières semaines.

Nous revenons tout juste de Cuba où nous avons passé une superbe semaine et j’ai eu un choc. Oui, le papa de la petite fille devenue adolescente a eu un choc. J’ai été confronté au regard que des jeunes hommes posaient sur toi. J’ai aussi été confronté à tes regards sur ces jeunes hommes. J’ai du mal à imaginer que les jeunes hommes te regardent comme ça, car tu es ma petite fille. J’ai dû me rendre à l’évidence que tu es une jeune femme avec un corps de jeune femme et probablement avec des envies de séduire. On est rendus là, je crois, et ça frappe le papa en pleine face. J’ai toujours su que ça arriverait et je m’y suis préparé comme je pouvais. Mais peut-on être prêt à ça? Moi qui suis un homme et qui ai vu neigé avant aujourd’hui, voici ce que j’ai envie de te dire.

Sachant tout ce qui s’en vient pour toi dans tes relations futures, j’ai envie de te parler. J’ai envie de te donner quelques conseils. Car je dois me rendre à l’évidence que tu vas t’intéresser de plus en plus aux hommes et aux relations amoureuses. Tu es une magnifique jeune femme à l’intérieur comme à l’extérieur. Les conseils que j’ai envie de te donner, je les donne aussi à toutes les adolescentes au nom de vos papas.

Mon premier conseil est de toujours te choisir toi en premier. Faire les choses pour faire plaisir aux autres n’est pas la meilleure solution. Apprends à t’aimer avec tes forces et tes faiblesses. Apprends à être bien avec toi‑même pour que ton futur amoureux ne soit qu’un complément à ton bonheur. Quand on a absolument besoin d’un amoureux pour être heureuse, on risque de moins bien choisir et de prendre le premier venu pour combler ce manque. Prends le temps de bien le choisir. La priorité en amour est le respect. Celui qui t’aimera doit te respecter dans les bons moments comme dans les mauvais. Il doit respecter tes limites et tes besoins.

Je ne te ferai pas de cachettes : les hommes ne sont pas tous géniaux. Il y aura des profiteurs qui ne seront pas là pour les bonnes raisons. Je te sais assez intelligente et allumée pour deviner lesquels seront de bons candidats. L’amour, ça ne s’achète pas. L’amour, ça ne se magasine pas. L’amour, ça ne s’invente pas et ça ne se force pas. C’est censé apparaître soudainement et tu le sais quand ça te frappe.

Ton chum ne t’appartiendra pas et tu n’appartiendras pas à ton chum. La jalousie ne fait que du mal. La jalousie brise l’amour et le respect. Être jalouse de ton amoureux signifie que tu ne lui fais pas confiance. Cela signifie souvent aussi que tu ne te fais pas confiance à toi. Souviens-toi que s’il t’a choisie, c’est qu’il désire être avec toi. Il a le droit d’avoir des amis de gars et des amies de filles. Cela ne change en rien ce qu’il ressent pour toi. L’inverse est tout aussi vrai. Tu ne lui appartiendras pas. Il doit apprendre à te laisser libre. C’est à toi de prendre tes propres décisions sans aucune pression de personne.

Je suis fier de qui tu es. Je sais que tu seras une très bonne amoureuse. Tu as un cœur gros comme la Terre. Tu as même tendance à t’oublier pour les autres. Il faut faire attention à cela, mais je crois que je t’ai donné cet exemple. J’espère que tu seras aimée comme tu le mérites.

Il n’y a pas meilleur sentiment que d’être amoureux. J’ai été adolescent et je sais à quel point c’est important. Mais je me permets un tout petit dernier conseil sur le genre de chose qui arrive excessivement souvent aux ados qui tombent amoureux.

L’amitié est importante. L’amitié reste dans le temps. Tes amies seront là avant ton chum, pendant ton chum et après également. Ne laisse jamais tes amies de côté quand tu as un chum. Continue à fréquenter tes amies même si c’est juste avec lui que tu voudrais être. Si tu les laisses de côté le temps de ta relation, il n’y a aucune garantie qu’elles seront là si ta relation cesse. En plus, c’est une excellente manière de vérifier si ton amoureux te respecte dans tes choix. Si tu choisis de voir tes amis et qu’il te fait la baboune ou encore s’il te le reproche, c’est qu’il te démontre déjà qu’il ne respecte pas tes choix. Bien sûr, le petit futé tentera peut-être de te manipuler en te disant que tu es sa priorité et que si tu ne veux pas le voir, c’est que tu ne l’aimes pas, que tu es tout pour lui…….. DANGER! C’est un début de jalousie et de contrôle. Tiens ton bout. N’oublie pas mon premier conseil : choisis-toi en premier. Même si toi aussi, tu n’as envie que de le voir lui, force-toi à ne pas laisser tes amies de côtés. Crois-moi, ce conseil te servira assurément puisque tu seras confrontée à cette situation.

Donc, finalement, prends le temps de bien choisir ton amoureux. Il n’y a tellement aucune presse! J’ai même envie de te dire que la beauté intérieure devra être plus importante que la beauté extérieure. Dans notre monde axé sur l’apparence, je sais que mon message n’est pas ben ben winner, mais crois-moi, c’est tout de même très important. C’est son intérieur qui te rendra heureuse à long terme, pas son physique ni son apparence.

Voilà. Il s’agit ici de conseils de base de la part d’un papa qui accepte que tu ne sois plus une petite fille, mais une jeune femme. J’espère que mes conseils seront lus par toi, mais aussi par toutes les adolescentes qui ont accès à ce blogue. N’oubliez pas que vous n’êtes plus des petites filles, mais que vous resterez les petites filles de vos pères pour toujours.

Je t’aime ma Coccinnelle!

De ton Papounai

 

 

J’ai grandi sans père

J’ai grandi sans père, le mien étant décédé lorsque j’avais

J’ai grandi sans père, le mien étant décédé lorsque j’avais un an. J’ai grandi en ne sachant pas ce que c’est de vivre avec cet homme superhéros dont mes amis me parlaient. À la fête des Pères, on fêtait dans ma famille les autres pères. Je ne comprenais pas ce que cela voulait dire, « fêter mon père ». Ma tendre mère qui jonglait avec toutes les sphères parentales sans relâche, était « ma » fêtée du jour. Elle n’arrivait pas, bien sûr, à nous offrir le contact d’un père malgré tous ses efforts pour ne pas que nous en souffrions. Par contre, je n’ai jamais ressenti qu’il me manquait un père, car….

J’avais Gilles. Il est (était) le frère de ma mère. Cardiaque de son état. Il avait tellement bon cœur et généreux que son cœur avait des failles. Il était propriétaire d’un chalet en Estrie. Le vendredi, il terminait tard et venait nous chercher, ma mère et nous, pour aller passer des fins de semaine fantastiques au chalet. L’hiver, Gilles se couchait dans notre lit en arrivant pour ne pas que nous ayons froid. Je pouvais passer des heures le dimanche, assise sur le bol de toilette, à le regarder se raser. Son odeur de preferred stock était pour moi un réconfort à humer. Quand il me gardait, il m’emmenait à mon restaurant préféré, même s’il trouvait ce qu’on y servait « pas ben bon pantoute ». Il était là, pour nous, comme un père. Si bien qu’un jour…

Lorsque mon frère s’est enlevé la vie, il a été le seul à qui j’avais besoin de parler. Il ne parlait pas toujours, Gilles, mais il était tellement sécurisant par sa présence. Je savais qu’il saurait s’occuper de moi et de ma mère.

Il est décédé il y a quelques années… du cœur. Son départ a été pour moi comme si mon père était décédé. Il m’a permis de savoir ce que c’est qu’un père, même si je n’ai réalisé cela qu’après son départ. Merci Gilles !

On dit que cela prend un village pour élever un enfant. J’y crois tellement, car on ne sait jamais quelle différence nous pouvons faire pour les autres. Il n’y a pas que les pères de sang qui portent la cape de superhéros paternels…

Martine Wilky

Papa! M’as-tu déjà laissée être ta petite fille?

Papa,

Dans ma tête de petite f

Papa,

Dans ma tête de petite fille, l’amour d’un père pour sa fille, c’est grandiose. Comme dans les contes de fées, j’ai souvent rêvé d’être ta petite princesse. D’être la prunelle de tes yeux. D’être une de tes raisons de vivre.

Malheureusement, la réalité est tout autre dans notre cas. Plus j’étais invisible à tes yeux, plus je voulais que tu m’aimes. Dans mes plus lointains souvenirs, j’ai toujours cherché à te plaire. Je cherchais tant la fierté dans tes yeux que ça m’angoissait… Comme je ne suis jamais arrivée à te plaire, le sentiment d’échec s’est vite montré le bout du nez. Je ne me sentais jamais à ta hauteur… Et pourtant!

Je n’étais jamais assez… Sais-tu à quel point c’est épuisant? L’anxiété a débuté à ce moment, je n’avais pas dix ans.

Je ne te sentais pas heureux. Heureux d’être mon papa, heureux d’être là. Les seuls sourires allaient à ma mère ou à la visite. Avec moi, c’était l’hiver.

La culpabilité, je l’ai portée sur mon dos d’adolescente. La peur de tes reproches me rendait grise et terne. La vie était une suite de « Qu’est-ce que j’ai encore fait pour te mettre dans cet état? »

Malgré tout? Je t’ai aimé. J’avais tant espoir que tu voies cet amour dans mes yeux et que ça te touche… J’attends encore…

Je n’ai jamais réussi à te comprendre. À comprendre ton comportement. Un jour, tu dépensais comme un fou, tu avais les plus hautes ambitions… Le lendemain, tu ne voulais pas te lever et tu ne voulais plus rien savoir de personne. Je n’ai jamais compris non plus tes tentatives de suicide. La vie est si belle. Elle aurait pu être si belle…

Tu sais papa, l’amour paternel, je l’ai cherché tellement longtemps que je n’ai jamais pris ce temps pour m’apprécier. Pour construire ma confiance en moi. Si mon papa ne m’aime pas, pourquoi les autres m’aimeraient? Mes histoires d’amour en ont souffert terriblement…

Plus je grandissais, plus je voyais que ma maman aussi était malheureuse. Plus je grandissais, plus tu devenais contrôlant. Tu n’avais d’yeux que pour elle… tellement… trop… Je te mentais pour que maman ait un peu d’air. En vingt ans, tu lui as pris tout celui qu’elle avait. Ma mère, si douce, devait s’en aller. Encore dans la fleur de l’âge, elle aurait tout le temps de refaire sa vie et de vivre enfin le vrai bonheur.

Un an après le divorce, tu m’as amenée au restaurant. Juste toi et moi. Si tu savais comment mon cœur battait la chamaille… Peut-être que la vie nous donnait enfin une chance! Je me suis mise toute belle. Je voulais être enfin ta petite princesse malgré mes dix-huit ans.

Ce soir-là, ce fut la dernière fois que je t’ai vu. Je ressemblais trop à ma mère, m’as‑tu dit, alors tu n’étais plus capable de me regarder. Pour toi, c’était trop pénible. J’étais trop pénible! Le cœur en miettes, j’ai réalisé à ce moment-là que tu ne ferais plus jamais partie de ma vie. Que je devrais vivre avec ton départ sans vraiment comprendre ce que j’avais fait pour mériter tout ça.

Les années ont passé et j’ai su que tu avais été diagnostiqué bipolaire. Ça a tellement de sens… Ça fait tellement de bien! Je peux enfin enlever tout ce fardeau de mes épaules. Je peux enfin commencer à vivre. Je n’avais rien à voir avec ton mal-être. Je peux enfin me reconstruire et apprendre à me connaître.

Je suis maintenant mariée à un homme formidable. Je l’ai choisi, car je savais pertinemment qu’il ne serait jamais le père que tu as été. Ma fille aura son roi. Ma fille ne manquera jamais d’amour. Compte sur moi, j’y veillerai.

Papa, je te souhaite de trouver la paix qui te permettra d’avancer. Nous la méritons tous.

Bonne route!

Alexandra Loiselle

Pas de vacances pour le deuil

Depuis 1985, je traverse les fê

Depuis 1985, je traverse les fêtes des Pères sans mon père à moi. Heureusement, maintenant, le père de mes enfants occupe ce siège réservé aux paternels. Mon beau-papa, aussi, joue un rôle important dans notre vie. Mais il reste que le trône glorieux, celui du papa qui m’a donné la vie et qui devait m’accompagner à l’autel lors de mon mariage, est vide. Rempli par son silence de mort. Par son invisibilité de disparu.

Et son absence se fait sentir tout l’été. Une ombre sous le soleil.

Ça commence avec la fête des Pères, ça va de soi. Une fête qui n’en est pas une. Quand j’étais petite, je participais à la procession des offrandes à la messe de la fête des Pères. J’avais choisi d’offrir une carte de fête pour mon papa. Le pauvre curé à lunettes qui avait enterré mon père l’année précédente a bien failli aller le rejoindre tellement il était choqué. Le deuil d’une fillette s’exprime comme il peut…

Traditionnellement, le 23 juin, c’est fête. La saison estivale est commencée (b’ah, cette année, on n’en est pas encore certains!), on dit adieu à l’année scolaire et coucou aux vacances. Mais par chez nous, le 23 juin, c’est aussi la date de naissance de mon papa. Un Cancer, comme moi. Mais lui, il a joué le jeu jusqu’au bout et il est mort d’un cancer. Le cerveau qui a été touché, gangrené, ravagé.

Puis, c’était le tour de la fête de tous les enfants, mes frères, moi. Tous devenus grands depuis belle lurette. Même mon mari est né en août. Même mon mariage est né en août. Même mon bébé pas né, est né en juillet. Ça en fait, des journées à célébrer ou à se remémorer. Et maintenant, ça en fait, des journées à se souvenir.

Me souvenir que lui, il n’y est pas. Le vide est là, mais il n’y est plus tant que ça. Il fut des années, de trop nombreuses années, où l’absence occupait toute la place. Une absence omniprésente. Je n’étais pas en deuil, j’étais un deuil.

Contre sa volonté de vivre, mon papa a quitté la santé et la maison quand j’avais cinq ans. L’âge de l’Œdipe dans le piton. L’âge où c’est si facile d’idéaliser l’homme de la famille. Puis, quand j’avais sept ans, cet homme, ce héros, cet idéal masculin (son seul défaut n’était-il pas d’être mourant?), un 15 mai, il est parti pour de bon. Ou plutôt pour de mal. Ça fait mal, chercher son papa pendant trente ans. Stromae n’est pas le seul à chercher son père… Où t’es, Papa, où t’es?

Je savais que l’été de mes trente-trois ans passerait comme un hameçon tordu dans ma gorge. Il était décédé à cet âge. Si jeune, si peu vécu! Il y a sept ans, la femme que j’étais avait alors une fille de sept ans, mon âge au moment où j’ai dû assister aux funérailles de mon papa. Trop de circonstances anti-atténuantes.

Mais la beauté de la chose, c’est que je me suis préparée mentalement et émotivement à vivre cette portion du deuil. Certains diront que je me suis piégée dans la pataugeoire du manque pendant trop longtemps. Mais le deuil, il fait son temps, il revient de temps en temps, il s’effrite, il se reconstruit, et il avance. Cette année-là, j’ai fait un grand bout de chemin. Plutôt que de m’effondrer, j’ai pris mes cartons en patience et j’ai bricolé.

J’ai refait un parcours de la vie de mon père, de notre vie de père-fille, à travers les pages d’un album de collage. Des photos en noir et blanc, en couleurs, des articles de journaux, ses diplômes, des lettres, l’homélie prononcée lors de ses funérailles, des souvenirs partagés par ses frères, ses sœurs, sa marraine… En trente-trois pages, j’ai rebâti un souvenir que la maladie m’avait volé. J’ai récupéré auprès des siens des paroles, des blagues (oui, j’ai découvert en lui un farceur), des prières, des ambitions. Et à travers leurs témoignages, j’ai compris, un peu, d’où je venais.

Et maintenant, je sais. Je suis née un jour de juillet, au cœur d’un été à peine entamé mais déjà rempli de promesses et de fêtes, sous les rayons d’une famille qui allait m’entourer pendant un temps, le temps que chacun allait durer. Mon père n’a duré que trente-trois étés. Son corps s’est fané, sa présence s’est étiolée, mais son souvenir est resté et reste gravé.

Quelles sont les personnes qui vous manquent, et que faites-vous pour traverser les étapes du deuil?

 

Nathalie Courcy