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Maman dinosaure et fière de l’être! Texte: Nathalie Courcy

Mes enfants adorent se moquer de mon âge vénérable. Un IMMEEEEEEE

Mes enfants adorent se moquer de mon âge vénérable. Un IMMEEEEEEEENSE 45 ans. Haha! On s’entend que je suis loin d’être vieille! Après tout, on devient vieux quand on se sent vieux. Avant, on a l’âge qu’on a, point. Ou même moins. 

Un de leurs passe-temps préférés, c’est de me rappeler que je suis née pendant l’ère des dinosaures. Pour eux, tous nés dans les années 2000, les années 1970, c’est encore plus lointain que l’Antiquité. Au moins, comme je viens de traverser une série de confinements, je suis capable de me servir de Teams, Zoom et autres technologies modernes! La plupart du temps, je comprends même comment la télécommande fonctionne… Pour le reste, ils sont là! Ça les fait se sentir utiles…

Ils savent que je ne réagis pas (ou que j’en rajoute, juste pour les faire rire encore plus!) parce que sincèrement, à part les douleurs par-ci par-là, vieillir, ça ne me dérange pas. En réalité, je trouve ça cool de me rendre d’une année à l’autre. De jouer le jeu de la vie, d’explorer, d’évoluer. Je trouve ça chouette d’observer les highlights de la ligne du temps qui s’étend derrière moi.

Le jour de mes 34 ans, j’ai eu un nouveau regard sur l’existence et le temps qui passe. Je me suis dit que chaque jour qui passait, c’était un jour que je vivais de plus que mon père. C’était une chance de plus que j’avais pour être heureuse, pour faire un changement dans le monde, pour faire du bien à quelqu’un, pour apprendre quelque chose. Pour voir mes enfants grandir et devenir des « vieux » eux aussi. Déjà que parfois, mes aînées pognent un coup de vieux en regardant leurs petits frères…

Est-ce que je suis tout le temps contente de voir un cheveu blanc sur ma tête ou de bouger avec plus de raideur? Non. Est-ce que ça fait que vieillir, c’est laid ou condamnable? Non plus. Ça dépend de ce qu’on fait avec ce temps supplémentaire que nous a gracieusement offert la Vie. 

Moi je vote pour qu’on profite de ce temps-là et qu’on rigole nous aussi quand nos enfants nous traitent (avec amour et humour) de vieux mammouths laineux, de vieilles branches, de stégosaures ou de représentants d’une espèce d’une autre ère. Un jour, eux aussi atteindront l’âge vénérable de 45 ans, et ils seront très heureux d’avoir encore leur « vieille » maman. 

Nathalie Courcy

La mémoire du coeur – Texte : Marie-Ève Massé

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Je suis préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD. Une institution comme les autres qu’on appelle « milieu de vie » mais qui a, malgré tous nos efforts, malheureusement la froideur d’un hôpital. Nous nous efforçons, jour après jour, d’y répandre toute la douceur et tout l’amour du monde, mais la solitude et l’odeur des médicaments sont difficiles à chasser quand elles résonnent entre les murs. Parfois, certains résidents ont l’immesurable chance d’avoir la visite de gens qu’ils aiment. Ils les aiment au travers de la maladie et de la souffrance. C’est tellement touchant de voir leur sourire s’éveiller comme d’un long sommeil, leurs yeux briller silencieusement. Je sais que la démence est difficile à affronter pour l’entourage, la mémoire s’effrite lentement jusqu’à ce que la personne n’arrive plus à se rappeler votre nom ou le rôle que vous avez occupé dans sa vie. Mais la présence de ces personnes aimées reste tellement importante… plus qu’elles ne peuvent l’imaginer. Silencieux témoin des miracles qu’a sur eux cette présence, je suis toujours touchée, souvent émue, de voir leur amour percer leur regard.

Je travaille justement avec un résident que j’aime particulièrement. Un peu perdu à cause de la démence, il reconnait de plus en plus difficilement ce qui se passe autour de lui et il entre en communication de moins en moins. Ses enfants vivent loin et sa femme prend également de l’âge. Les visites se font rares pour lui. Sa conjointe lui a offert un chien en peluche récemment. Ce matin, à son réveil, il était vraiment fier de me le présenter et tentait de m’expliquer qu’il l’a nommé Gustave et qu’il le place toujours dans le coin de son lit, comme ça il ne dort plus seul, que sa conjointe est comme un peu là. Il a de moins en moins de mots dans lesquels piger pour construire ses phrases, mais il y mettait toute la passion possible pour arriver à m’expliquer la place de Gustave dans son quotidien. Une fois le repas du midi achevé, sa belle est justement venue le visiter. Il était tellement heureux de la voir, c’était bouleversant. Je me suis arrêtée un instant pour la saluer, pour souligner l’importance de sa présence et à quel point il était heureux de la voir. Je sais qu’il a de la difficulté à exprimer ce qu’il ressent et je trouve important d’essayer de le transmettre un peu pour lui. Elle me raconte comment elle s’ennuie et trouve la maison vide depuis qu’il ne vit plus avec elle. Elle me raconte la monotonie de son quotidien et le vide de sa solitude. Mon boulot est de m’occuper de mes résidents, mais il n’est pas rare que ce soit aussi de tendre la main à leur entourage l’espace d’un instant. Je l’écoute, n’ayant que ça à lui offrir pour alléger sa souffrance, de l’empathie. Au travers de la brume de ses idées qui s’est éclaircie en voyant sa conjointe arriver, il m’a soufflé :

— 66 ans de mariage, ma petite. Je suis tellement chanceux…

Cet homme dort généralement beaucoup, parfois je me demande s’il est vraiment fatigué à ce point. Avant la covid, il passait une partie de ces nuits debout avec moi, on regardait la télé ou il lisait un grand livre sur l’histoire. On jasait un peu, il me parlait, les yeux brillants, des trains qu’il conduisait quand il était plus jeune, des enfants, de l’anglais qu’il avait appris sur le tas à force de voyager. Il me racontait la langue amérindienne qu’il avait regretté ne pas avoir pris le temps d’apprendre quand il travaillait près de la réserve. Mais depuis quelque temps, je le croise aux repas ou lors des soins mais sinon, il dort tout le temps. Aujourd’hui, il est resté éveillé. Tout l’après-midi, il l’a passé avec elle. Le cœur un peu lourd, j’ai réalisé qu’il dort constamment peut-être juste par ennui. On fait notre possible, mais on n’arrivera jamais à remplacer leurs êtres aimés.

Au moment de partir, je les vois du coin de l’œil se dire au revoir près de l’ascenseur. Moi, je m’affaire auprès d’un autre résident, puis mon regard revient à lui. Il est là, la marchette devant lui, fixant son reflet dans la porte de l’ascenseur fermée.

Je m’approche de lui et mets doucement ma main sur son épaule.

— Qu’est-ce que vous faites ?

— Je suis allée reconduire ma femme.

— Oh ! Vous êtes galant !

— Oui.

— Venez, on va retourner dans la salle commune.

Il acquiesce et on marche lentement et en silence en écoutant le claquement de sa marchette qui accompagne ses pas. Je vois une grosse larme couler sur sa joue. Je m’arrête, passe un bras derrière ses épaules.

— Vous pleurez ? Ça ne va pas ?

— …

— Qu’est-ce qu’il y a, mon homme ?

— Je l’aime tellement…

Quoi répondre à ça…

Nous sommes allés la saluer dans la fenêtre donnant sur le stationnement. Il a attendu longtemps, trop pour ses jambes tremblantes. Posté là, debout entre deux fauteuils vides, il a attendu jusqu’à voir la belle tête blanche qu’il aime tant marcher vers le véhicule d’un pas assuré. Et il a attendu qu’elle trouve ses clés au fond de sa sacoche. J’ai espéré fort qu’elle se retourne, mais en voyant la voiture démarrer, j’ai lâché prise.

— Venez.

— Attends.

On regarde la voiture s’éloigner, puis je vois une main délicate saluer par la vitre du côté conducteur. Il a renvoyé le salut, un sourire fier au visage. De la fierté de l’homme qui ne pleure pas, celui à qui on a appris à se tenir droit malgré les remous. Puis, en marchant vers la salle commune, il a pleuré dans mes bras un bon moment. Laissant enfin place à toute la peine du monde…

« Je l’aime tellement. »

Ces moments-là sont tellement importants, mais parfois, la séparation est déchirante…

L’âge et la maladie font que la mémoire s’effrite comme un arbre à l’automne perd ses feuilles au gré du vent. Mais saviez-vous que la mémoire émotive, elle, ne meurt jamais ? Que même si, un jour, les personnes que vous aimez n’arrivent plus à se souvenir de votre nom ou du rôle que vous avez, elles se rappellent l’amour que leur inspire votre présence ?

La mémoire se dissipe telle une cuillère de sucre dans un verre d’eau, mais l’amour reste fleurissant et éclatant à jamais.

Marie-Ève Massé

Et si c’était beau vieillir ? Texte : Kim Racicot

Je me souviens très clairement qu’à 10 ans, je rêvais d’en avoir 16. Quelque part, en tou

Je me souviens très clairement qu’à 10 ans, je rêvais d’en avoir 16.

Quelque part, en toute innocence,  je me disais probablement que 16 ans c’était l’âge magique situé tout près de l’âge adulte et où les possibilités devaient être infinies.

Une semi-liberté axée sur une fin de secondaire, un travail d’été et un futur, je l’espérais tant, définie par des soirées entre amis à se coucher à des heures pas possibles.

Puis, mes 16 ans sont arrivés au même moment que cette terrible déception. Aucune magie : c’était loin d’être comme ce que j’imaginais.

À 16 ans, constatant qu’aucun changement radical n’était à ma portée, j’ai eu vraiment hâte d’atteindre la majorité.  Cette fois encore, c’était seulement la suite d’une petite vie sans grands mouvements.

À 18 ans, vous le comprendrez, j’espérais en avoir 25. Je m’imaginais déjà avec une famille, un chien, un bon travail. Je me voyais comblée par la vie, profitant de ma maison à la campagne. C’était une vie rêvée pour une jeune femme de 18 ans qui ne savait pas encore quoi faire de son avenir. Cette fois-ci, heureusement, la vie m’a apporté de belles surprises et malgré quelques différences près, je peux confirmer que mes réelles 25 années de vie étaient similaires à mon souhait initial.

Mais un peu plus tard, vers la fin de la vingtaine, j’ai cessé de souhaiter d’être ailleurs sur ma ligne du temps. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis mise à avoir peur  d’arriver aux prochaines années et aux futurs lendemains. Moi qui, dès mes 10 ans, souhaitais tant vieillir, j’étais désormais angoissée à l’idée de voir filer le temps. Je voulais l’arrêter pour pouvoir profiter encore et encore de tout ce que la vie m’avait offert. Sans devenir maladive, la peur de vieillir et de laisser passer des parcelles de mémoire entre mes doigts était bien présente.

Aujourd’hui, je me rapproche chaque jour un peu plus de mes 40 ans. Ma relation avec les années qui passent est plus sereine que je l’aurais pensé, même si ça m’évoque tout de même certaines craintes. Plus sereine parce qu’on m’a fait comprendre que je n’avais aucun contrôle sur la suite des choses et que même si je le voulais, je n’étais pas celle qui avait le dernier mot. J’ai aussi compris que je devenais perdante en mettant cette peur sur un piédestal. C’est sur ma famille et les gens qui me sont chers que je devais mettre toute mon énergie.

Je suis consciente que l’existence va vite et c’est comme ça. Justement, je devrais plutôt vivre dans le moment présent et ralentir le pas si je veux la faire durer.

Avec ces prises de conscience, j’ai saisi que vieillir c’est beau et qu’au lieu de conserver la peur, il est préférable de faire croître l’amour.

Un jour, j’en suis convaincue, mes enfants m’exprimeront leur hâte d’en arriver à 16, 18 ou 25 ans. Je leur dirai, le cœur gros, que je les comprends parce que, comme le disait Félix Leclerc, il ne faut pas regretter de vieillir. C’est un privilège refusé à beaucoup !

Kim Racicot

 

J’ai hâte de vieillir – Texte: Joanie Fournier

J’ai hâte de vieillir. Je profite de mes petits pendant qu’ils sont petits, et j’espère en p

J’ai hâte de vieillir. Je profite de mes petits pendant qu’ils sont petits, et j’espère en profiter tout autant quand ils seront grands. On me répète qu’ils ont tellement besoin de leur maman maintenant. Moi, j’espère qu’ils auront envie d’avoir encore besoin de moi plus tard. On me répète qu’un jour, ils partiront de la maison. Moi, j’espère que je serai la bienvenue dans leur demeure.

J’espère tellement que je ferai toujours partie de leur vie… En fait, j’espère même plus que ça. J’espère partager leur vie. Je veux être cette maman qui sera là quand ils en auront besoin. Adolescents, je veux qu’ils pensent à m’appeler à 3 h du matin parce qu’ils ont trop bu pour conduire. Je veux qu’ils me textent de ramener plus de condoms à la maison en finissant ma journée de travail. Je veux les accompagner à leurs premières entrevues de jobs et rester dans l’auto. Je suis prête à fournir le café avant de les laisser sortir de l’auto. Puis, à offrir mes bras s’ils sentent que l’entrevue ne s’est pas bien passée.

J’ai hâte d’être assise sur le siège passager, pour leur apprendre à conduire, même si je ferai probablement quelques presque-crises de cœur en chemin. Je veux être cette maman qu’ils viennent voir pour réviser un examen d’histoire, pour pratiquer un texte de théâtre, ou pour avoir des trucs en rédaction de texte. Je veux être présente s’ils ont envie de me parler, de poser des questions, de philosopher sur tout et sur rien.

Je préfère qu’ils fument leur premier joint avec leurs amis à la maison. Je préfère savoir qu’ils ne sont pas bien loin et qu’ils viendront demander de l’aide s’ils en ont besoin. J’ai envie que les premières expériences se passent sous mon toit, en toute intimité, confiance et sécurité.

Je ne serai pas une mère collante, qui rentre dans leur appartement n’important quand, qui débarque avec des plats préparés ou qui appelle à toute heure du jour. Je veux qu’ils aient envie de m’appeler, je veux qu’ils aient envie de partager leurs dimanches soirs avec moi. Je veux qu’ils s’ennuient de manger mes bons petits plats.

Je veux leur offrir de repartir avec une poche de linge à laver. Je veux leur offrir ma présence s’ils la souhaitent. Je veux qu’ils sachent que je serai toujours là, s’ils m’appellent. Je veux garder leurs enfants toutes les semaines. Je veux mettre ma vie sociale de retraitée sur pause pour qu’eux puissent encore en avoir une. Je veux connaître mes petits-enfants et les voir grandir. Je veux les prendre dans mes bras, les bercer et leur apprendre les berceuses de l’enfance de leurs parents.

Je veux que tout ce beau monde vienne chez nous et qu’ils s’y sentent comme chez eux. Je veux que mes petits-enfants dorment dans le lit d’enfance de leurs parents. Je veux qu’ils jouent avec le même vieux train en bois ou la tondeuse qui fait des bulles. Je veux qu’ils restent coucher toute la gang dans la maison de leur enfance et qu’ils aient encore l’impression que leur chambre leur appartient. Je veux être là quand mes petits-enfants se lèveront et que le père Noël aura passé… Je veux qu’ils aient envie de nous inviter à passer les vacances avec eux.

J’espère que je serai une grand-mère ni trop, ni pas assez. Impliquée, quand ils le voudront. Engagée, autant qu’ils le souhaiteront. Présente, autant qu’ils le demanderont. Je veux qu’ils me posent la question « Es-tu disponible pour garder les enfants demain? On aimerait aller souper en amoureux… » de façon rhétorique. Parce que je veux que ce soit évident que la réponse sera toujours oui. Je veux faire partie de leur vie. Je ne veux pas m’imposer, mais je veux rester disponible pour eux.

J’espère que je serai une belle-mère aimante et compréhensive. J’espère que je serai capable d’être ouverte à leur génération, à leurs valeurs et à leurs choix. J’espère que je serai une mère présente et pas étouffante. J’espère que je serai une grand-mère impliquée.

Je veux que mes petits-enfants me racontent leur vie. Je veux qu’ils me parlent de leurs amis, de leurs jouets préférés et de leurs couleurs favorites dans l’arc-en-ciel. Je veux les connaître, réellement. Et je veux qu’à leur tour, ils aient aussi envie de m’appeler pour me poser toutes les questions du monde.

J’ai hâte de vieillir. Je trouve cet avenir prometteur, et magnifique. Et si la vie me donne la chance de le vivre, je promets d’en profiter chaque jour, jusqu’au dernier.

Joanie Fournier

 

 

J’haïs vieillir – Texte : Nancy Pedneault

Attention, ce texte contient beaucoup trop de chialage pour rien. Veuillez le prendre à la légère

Attention, ce texte contient beaucoup trop de chialage pour rien. Veuillez le prendre à la légère.

En lisant cette intro, vous êtes perdus. Vous avez raison, ce n’est pas moi, ça ! Même moi, je ne me reconnais plus. Je suis habituée de voir la vie en rose bonbon bien pailleté. Mais là, non, je n’y arrive pas ! J’haïs vieillir. Est-ce que j’ai le droit de dire ça ?

Oui, oui, je vous entends, il y a plein de côtés positifs au fait de vieillir: la sagesse, l’expérience, le calme. Tout ça ne compense pas tout le reste, non de non !

Vieillir, c’est avoir des cheveux blancs à cacher ou à assumer. « Oh ! T’es belle avec tes cheveux blancs ! », qu’on me dit. Je les aimais mes cheveux sans fils argentés indomptables. Ça va dans tous les sens et ça pousse trop vite.

Vieillir demande probablement beaucoup d’énergie puisque je vais au lit de plus en plus tôt. J’aimais bien les nuits blanches à danser, mais c’est terminé. Je m’en remettrais pendant un mois. Je mets une croix là-dessus. Allez ! Au lit !

Vieillir, c’est avoir chaud, trop chaud. J’ai l’impression qu’on a mis douze bûches dans le foyer. Est-ce qu’on pourrait baisser le chauffage ?

Vieillir, c’est avoir la mémoire qui flanche. Il y a des gens qui me disent que je me répète. Dire que je me moquais de ma mère à ce sujet, il n’y a pas si longtemps.

Vieillir, c’est avoir l’estomac qui commence à faire des caprices. Oui, oui, cher estomac, tu as toujours aimé les concombres. Pourquoi, aujourd’hui, les détestes‑tu ?

Vieillir, c’est remarquer les petites jeunesses avec leur fraîcheur et les trouver tellement jolies (et envier un peu leur pétillement).

Puis, je ne vous parle pas du corps qui subit l’attraction terrestre ou des poils incongrus qui apparaissent sans crier gare. On pourrait en parler longuement.

Bon, en attendant que la sagesse me regagne, je vais aller me reposer. Je vais me faire un petit thé et tricoter un peu. Demain est un autre jour. Qui sait, peut-être que j’apprendrai à apprécier toutes les nouveautés que la vie me réserve.

 

Nancy Pedneault

Vivre le pire cauchemar de sa mère – Texte : Eva Staire

Notre histoire était simple. Je suis ton seul enfant. Tu avais tellement organisé tes vieux

Notre histoire était simple.

Je suis ton seul enfant.

Tu avais tellement organisé tes vieux jours.

Tous tes souhaits de vie ou de fin de vie, tu les avais couchés sur papier et notariés.

« Une chance qu’on s’a » qu’on se disait souvent.

Nous avons été une équipe toute notre vie, maman.

On a fait le choix ensemble qu’on prendrait soin de toi le plus longtemps possible, afin que tu repousses le plus possible une vie en CHSLD.

Nous avions notre plan et nous étions en paix avec la suite.

Tu avais tellement peur de devenir méchante.

De te transformer en quelque chose que tu n’as jamais été.

Malheureusement aujourd’hui, tu es et tu vis ton pire cauchemar.

Surtout que tu es maintenant entre les mains de personnes mal intentionnées.

Tu es le pantin de la personne à qui tu nous avais tant prévenus de faire attention.

Des mains qui ne voulaient que changer ton testament.

Des mains qui essaient de déconstruire à tes yeux toute notre vie ensemble, maman.

Des mains qui se lèvent pour me faire du mal et t’aliéner.

Mais tu ne peux plus le voir, tu n’as plus toute ta tête.

Tu vis ton pire cauchemar et je suis impuissante.

Comment j’aurais pu savoir qu’à vouloir prendre soin de toi, je me mettrais dans la marde ?

Comment j’aurais pu savoir qu’en faisant exactement ce que tu désirais, j’étais pour nous mettre, ma famille et moi, dans une situation impossible à vivre ?

Comment j’aurais pu penser que je devrais faire une liste détaillée de tout ce que tu m’as offert dans ma vie comme cadeau ?

Comment j’aurais pu croire qu’un jour, tu me ferais arrêter ?

Même si je sais que ce n’est plus toi.

Tu ne ferais jamais cela.

Mais c’est quand même toi.

Nous vivons depuis des mois un cauchemar qui ferait frissonner les adeptes de films d’horreur.

Je te raconterais en détail ce que nous vivons, toi qui lis ces lignes, mais tu ne me croirais pas.

Surtout si tu as pu croiser un jour ma maman et nous voir en relation.

Jamais tu n’aurais pu croire que notre histoire à ma maman et moi finirait comme cela.

Quelqu’un me vole actuellement les derniers moments de lucidité de ma mère et je ne peux rien faire contre cela.

Va voir la police : c’est fait

Parle avec des avocats : nous sommes en processus, mais nous avons les mains liées.

Parle avec des organismes : c’est tout fait… nous tombons systématiquement dans les trous du système.

Je me dis que je ne dois pas être la seule.

Mais comment cela se fait-il que personne ne parle ouvertement de toutes ces choses ?

Comment cela se fait-il que des personnes âgées se sentent protégées, mais que tout puisse changer ?

Surtout si elles ne se sont pas protégées d’elles-mêmes.

Ma mère avait tout fait dans les règles de l’art.

Elle a payé le gros prix pour se faire conseiller et organiser ses désirs, pour finir par devenir sa propre victime et apporter une énorme souffrance sur son passage.

J’ai un conseil à donner en ce moment et sache que ce conseil, jamais je n’aurais cru le dire puisque c’est littéralement aux antipodes de mes valeurs.

Mais je te suggère de filmer et de faire signer tes parents chaque fois qu’ils te donnent un cadeau, peu importe leur âge. Il est important que tu aies des preuves et qu’ils témoignent de leur volonté de t’offrir ce cadeau.

Ne laisse jamais tes parents te donner un héritage avant décès et ne sois jamais leur moyen de cacher leur argent sans que ce soit notarié et que tu aies des preuves de leur geste. Garde surtout des preuves de leur capacité à penser. Même s’ils disent que c’est pour ton bien et qu’ils veulent te voir profiter de la vie avant qu’ils n’en soient plus capables.

Les personnes âgées savent qu’elles doivent se départir de leur argent avant d’entrer en RPA ou en CHSLD, car leurs frais de résidence seront basés sur leur actif. En tout cas, c’est ce que l’on m’a dit toute ma vie et j’ai eu certaines confirmations à ce sujet.

Je te suggère de ne JAMAIS prendre ton parent en charge ou de cohabiter avec lui ou elle, car tu n’as plus de témoins.

À la place, même si cela crève le cœur, tu dois laisser la personne que tu aimes perdre son autonomie.

La laisser dépérir malgré le manque de dignité que cette personne peut vivre, attendre que quelque chose arrive et que cette personne devienne inapte avant à prendre soin d’elle.

Tu peux lire ceci et te dire que cela ne t’arrivera jamais.

Je croyais cela aussi.

Nous avions l’histoire la plus simple du monde.

Nous n’étions que ma mère et moi…

 

Eva Staire

 

Je pensais être trop vieille pour tout ça – Texte : Joanie Fournier

J’ai commencé ma famille quand j’étais très jeune. C’était voulu

J’ai commencé ma famille quand j’étais très jeune. C’était voulu, c’était ça mon plan de vie. Je voulais profiter d’eux, avoir de l’énergie et être cette jeune maman cool qui peut les suivre dans toutes leurs activités.

Mais la vie décide de bien des choses à notre place et parfois, son plan à elle est plus fort que le nôtre. Dix ans plus tard, je retombais enceinte. Même papa, même amour, même bonheur, mais quelle surprise !

Et je vais être honnête, après 30 ans, je pensais vraiment être trop vieille pour tout ça. Je pense que c’est un gros tabou dans notre société. J’ai souvent eu peur de l’admettre devant les autres. Parce que certaines femmes décident d’avoir des enfants plus tard et que je respecte leur choix à 100 %. Certaines femmes aussi ne pensaient pas en vouloir et finissent par changer d’avis en vieillissant. D’autres rencontrent le bon partenaire plus tard. Bref, à chacune son parcours et c’est bien correct comme ça.

Mais MOI, moi avec moi, je pensais être trop vieille pour recommencer. Quand j’ai su que j’étais enceinte et que la vie nous avait fait cette surprise, j’ai eu peur. J’ai commencé à calculer l’âge que j’aurai quand ce bébé sera adolescent… J’ai commencé à me demander à quel âge les enfants partiront de la maison. Je me suis demandé si j’avais encore la force d’accoucher. Si j’avais encore la patience de bercer toute la nuit. Si j’avais encore assez de douceur pour allaiter, pour chanter des berceuses… Je me suis demandé, puisque tous mes autres enfants étaient maintenant grands, si j’étais trop vieille pour tout cela.

Puis, bébé est arrivé. Et je suis retombée en amour. Une cinquième et dernière fois. Je suis tombée en amour avec ce petit être, qui ne demandait qu’à être aimé. Je me suis surprise à le sentir, mille fois par jour, pour que son odeur s’imprègne dans ma mémoire. Je me suis surprise à le regarder dormir la nuit, moi qui me demandais quelques mois plus tôt si j’allais arriver à le veiller tard. Je me surprends chaque jour à être attendrie par son sourire et ses yeux coquins. Je suis en amour. En amour « ben raide ».

Mais bon, pour avoir eu des enfants dans la vingtaine, je peux affirmer que, dix ans plus tard, c’est vraiment pas la même game. Ho que non ! Faire des nuits blanches à 25 ans, c’est facile. Faire des nuits blanches à 35 ans, c’est de la torture. Allaiter à 25 ans, c’est doux et fusionnel. À 35 ans, ça l’est tout autant, mais mausus que j’ai eu plus hâte de retrouver mon corps à moi et juste à moi. Accoucher à 25 ans, c’est comme courir un marathon. C’est un gros défi, c’est souffrant, mais tu t’en remets vite après ! À 35 ans… accoucher, c’est comme courir un marathon, avec une jambe dans le plâtre, sous la pluie et avec une poche de patates dans le dos. C’est pas mal plus souffrant, pis non, tu ne t’en remets pas aussi vite. Dans la vingtaine, j’ai eu quatre grossesses en quatre ans et je n’ai gardé aucune vergeture. Dans la trentaine, une seule grossesse et j’ai l’air d’une tigresse.

Parce que le corps a vieilli, pis il est fatigué. Pis là, j’ai compris pourquoi les femmes commençaient à avoir des enfants bien plus tôt dans l’temps… parce que je suis persuadée que plus t’es jeune, plus c’est facile pour le corps.

Évidemment, avoir des enfants plus tard, ça apporte de la sagesse, de la maturité, une sécurité financière et professionnelle, etc. Mais je vais vous le dire, moi. Pour avoir vécu des grossesses dans la vingtaine et dans la trentaine… c’est sur le corps qu’il y a une différence ! Je ne me plains pas du tout. Je constate.

Et je veux lever le voile sur ce tabou. J’aurais aimé ça que quelqu’un me parle de tout cela quand j’étais jeune. Je pense que certaines mères ont tellement peur d’offenser les autres, qu’elles ne parlent que du positif. Comme si une mère n’avait pas le droit d’être épuisée. Comme si ça faisait d’elle une mauvaise mère, une mère ingrate.

Je refuse. Je suis fatiguée. Je suis épuisée. Et je remercie la vie chaque jour de m’avoir offert la chance de vivre ce bonheur une dernière fois. Je suis une bonne mère. Et j’ai le droit de dire qu’après 30 ans, je trouve ça plus dur. Mon corps est vieux, bon. C’est un fait. J’adore mon bébé, je suis en amour avec lui. Mais oui, quand je fais le cheval à quatre pattes avec bébé sur mon dos, c’est vraiment plus souffrant qu’avant de me relever ! Ça fait que je reste couchée un peu plus longtemps par terre avec lui, pour reprendre mon souffle, mais aussi pour savourer l’odeur de son cou juste encore un peu.

Joanie Fournier

 

Cap de Bonne-Espérance

Une autre dizaine…

Sans doute

Une autre dizaine…

Sans doute, vous le faites également. Comme à chaque décennie depuis le cap de la trentaine. Dès qu’on quitte les années de pure insouciance. Celles qui ne comptent pas… trop! Le bilan. Ce bilan. Suis-je là où je le voulais? Avec qui je le souhaitais? Une personne heureuse? Du moins, vais-je dans la bonne direction?

Un regard que l’on voudrait positif. Pour se rassurer.

À la mesure de nos ambitions, nous révisons alors soit notre situation amoureuse, soit celle de notre emploi. Ou toute notre vie. L’insécurité est-elle maître du lendemain? Sans elle/lui, je ferais quoi? Un boulot, ça ne peut être parfait, non? Dans les deux cas, souvent, la passion s’est éteinte. Il y a autre chose, un quotidien. Que nous ne voulons surtout pas célébrer. Particulièrement si c’étaient des items négatifs déjà identifiés… y a déjà dix ans!

Avec constance, la liste des obligations s’est allongée. Seulement financièrement ou, en plus, bien vivante. Des amours, différents de l’amour. Un centre de l’univers, pour éviter de trop penser. Pour se convaincre facilement que le plus important, c’est eux.

Et si le bonheur n’est qu’un état? Je ne dois alors changer que ma vision des choses…

Le bonheur est sans doute bien plus un voyage. Avec des personnes particulières. Pour un partage agréable. De valeurs, de respect. Mais qui fait aussi de nous une meilleure personne. Le bon ingrédient, dans une bonne recette.

Il faut un soi, pour un nous. Comme il faut un soi, pour aimer.

Alors si, avec les années, nous avons la possibilité d’être ce soi un peu meilleur, même encore en cheminement, la prochaine dizaine est bien amorcée. C’est ce que je retiens. Mon cap à suivre, pour éviter la tourmente.

Prochain bilan, dans dix ans…

michel

 

Quand vieillir tourne au cauchemar…

J’ai déjà écrit un texte intitulé <a href="http://www.mafamill

J’ai déjà écrit un texte intitulé Papi a les idées qui se mélangent dans sa tête. J’y ai décrit mes premières visites dans un centre spécialisé pour la démence sénile, où je suis allée visiter mon précieux grand-père plusieurs fois.

Cette année, mes visites ont commencé à s’espacer… Je pourrais me justifier en disant que j’étais trop prise avec un déménagement, ou que mes trois enfants prennent tout mon temps, ou que j’ai travaillé beaucoup d’heures… mais je ne tomberai pas dans ces justifications vides de sens. Je serai honnête avec vous, comme je l’ai toujours été. La vraie raison qui m’a poussée à espacer mes visites, c’est tout simplement que je n’ai plus la force de le voir se ternir à chaque fois.

La semaine dernière, j’ai profité d’un après-midi avec ma mère pour aller le visiter avec elle. Dans la voiture, elle a tenté de me prévenir que son état s’était vraiment détérioré dans les dernières semaines… Elle a tenté de me prévenir du choc que ça allait me causer. Mais moi, orgueilleuse comme mille, je me suis prétendue plus forte que ça. J’ai fait la sourde oreille…

Après avoir passé par les portes verrouillées, entré le code pour avoir accès à l’étage et traversé le couloir gardé par le vigile de sécurité, j’étais encore en zone connue. Ces accès sécurisés servent à garantir la surveillance des personnes âgées qui sont agitées, perdues et qui tentent de se sauver pour retrouver un chez-soi qui n’existe hélas plus depuis longtemps. Je comprends tout ça.

Arrivées dans le salon principal, ma mère me pointe la file de chaises berçantes alignées devant un téléviseur. Elle me signale que mon grand-père est assis dans la dernière chaise, tout au fond. J’ai beau me rapprocher, m’avancer et le scruter, ce vieil homme devant moi m’est totalement inconnu… Sans aucune exagération, je peux jurer que sans l’insistance de ma mère, je ne l’aurais jamais reconnu. Ça me fait du mal de l’avouer. Il a perdu beaucoup trop de kilos et son squelette est bien apparent. Ses cernes noirs sont tellement prononcés qu’on ne perçoit plus aucune lumière dans son regard…

En s’approchant, ma mère sursaute en voyant son visage, et ses yeux se remplissent de larmes. Elle n’arrive pas à contenir son émotion et c’est en m’approchant que je comprends pourquoi… Le visage de mon grand-père est déformé par une cicatrice qui le traverse d’un bout à l’autre. Une dizaine de points de rapprochements tentent de la refermer. Ma mère ne gère pas son émotion, et moi, je ne sais plus où me mettre.

On tente tant bien que mal de savoir ce qui s’est passé. On se dirige vers les quatre préposées de l’étage, qui sont assises à une table en train de jouer aux cartes. Aucun signe de compassion. Une femme passe devant nous et on remarque tout de suite à son badge qu’il s’agit de l’infirmière. Ma mère lui demande simplement ce qui s’est passé, en pointant le visage de son père. L’infirmière nous répond sèchement qu’elle n’a pas que ça à faire et qu’elle a déjà laissé un message sur le répondeur de la personne de référence au dossier. Aucune compassion.

Mon grand-père ne cesse de se taper sur les hanches. Moi, je ne comprends pas pourquoi il répète ce geste. Puis, en m’approchant pour le rassurer, je constate qu’il est attaché à l’aide d’un ceinturon à la chaise berçante. Je constate du même coup que toutes les personnes âgées sont attachées dans leurs chaises. Les préposées, quant à elle, continuent leur partie de cartes.

Je le détache pour l’amener marcher un peu, en ignorant le fait que son pantalon est imbibé d’urine. L’une des préposées nous lance qu’il était trop agité aujourd’hui. Pas le choix de l’attacher.

Une autre préposée se lève et commence à distribuer des collations. Elle perd patience et crie sur mon grand-père qui a tenté d’agripper une collation dans le chariot, sans demander la permission. Elle crie sur lui, le doigt en l’air, comme une vieille femme gronderait son chien. Aucune compassion. Je me sens moi-même intimidée par l’agressivité de son ton, contrairement à ses collègues qui restent bien assises et semblent trouver cette scène tout à fait normale.

Je suis choquée, outrée, insultée pour lui. Pour eux tous. Mais j’ai une boule d’émotion qui m’empêche de dire quoi que ce soit… Ma mère n’a pas su contenir ses larmes depuis le début de la visite et tente simplement de le distraire de son mieux. Il insiste pour garder la collation qu’il a réussi à subtiliser et la préposée le menace de le rattacher s’il n’écoute pas ce qu’elle dit. Elle se tourne vers nous et nous explique qu’il est vraiment trop agité aujourd’hui, comme pour justifier son propre comportement.

J’ai intitulé ce texte-ci « Quand vieillir tourne au cauchemar ». Parce que selon moi, si une personne est négligée, attachée, menacée, affamée et blessée, c’est bien ce que c’est : un cauchemar. On ne traiterait jamais un chien comme ça. Jamais.

Le lendemain, le CHSLD appelait pour annoncer que dorénavant, mon grand-père serait attaché en tout temps, pour sa propre sécurité. Et comme il souffre d’une maladie qui cause la détérioration de ses capacités mentales, il n’aura jamais droit à une aide médicale à mourir.

Il vivra dans ce cauchemar, attaché, en attendant sa propre mort, sans aucune possibilité de mettre fin à tout cela. Sans aucun contrôle sur sa maladie, ni sur sa vie, ni sur sa mort. Et nous, on doit le regarder mourir, attaché à un lit, en espérant qu’un virus l’emporte rapidement. Parce que si une simple grippe pouvait abréger ses souffrances, je serais prête à le contaminer moi-même. Ce n’est pas une belle vie. Ce n’est pas une belle mort. La prochaine fois que je le verrai, il sera endormi et paisible dans son cercueil. Et avec tout mon amour, je me donne le droit d’espérer que ça arrive plus tôt que tard.

Joanie Fournier

 

Mes cinquante-trois printemps

Je suis une fille, mais je ne suis plus une jeune fille. Je suis une

Je suis une fille, mais je ne suis plus une jeune fille. Je suis une femme, mais je ne suis plus une jeune femme. Je suis une mère, mais je ne suis plus une jeune mère. J’ai dépassé le cap de la cinquantaine. J’ai cinquante-trois printemps.

Mes enfants sont maintenant de jeunes adultes. J’ai plus de temps libres, mais je ne sais pas toujours quoi en faire. Ils ont moins besoin de moi. Mon plus vieux a même quitté le nid familial. Mes deux plus jeunes ont dix-huit ans et ils travaillent à temps partiel, plus les études, les amis, les sorties, les amours… Je suis en déséquilibre maternel.

Je pourrais enfin profiter de mes temps libres avec mon conjoint, faire des sorties entre amis, partir une fin de semaine en amoureux, concrétiser certains projets… mais mon amoureux est maintenant l’heureux propriétaire de son entreprise, donc beaucoup moins présent et disponible. Je me retrouve plus souvent seule à la maison. J’ai perdu mes repères.

J’ai moins d’énergie lorsque je reviens du travail. Mes batteries sont plus longues à recharger. Mon corps change. Mon corps a changé. Je fais de l’apnée du sommeil depuis cinq ans. J’ai des douleurs aux articulations, j’ai pris du poids et je suis ménopausée. J’ai toujours chaud. La peau de mes mains est plissée. Je n’ai pratiquement aucune ride, puisque je suis bien enrobée. J’ai des cheveux gris, de plus en plus. Mes lunettes sont toujours bien installées sur le bout de mon nez.

Les fossettes que j’avais sur les joues sont maintenant de petits sillons. J’ai des petits points rouges sur la peau qu’on appelle des rubis. De petits poils s’incrustent sur mon menton et je ne les vois pas toujours, car ma vue a baissé.

J’ai besoin de faire une sieste en après-midi. J’aimerais bien faire la grasse matinée aussi, mais dès six heures, mon corps se réveille. Maintenant que je pourrais dormir plus longtemps puisque les enfants sont grands, c’est le contraire qui se produit. Eux dorment jusqu’à onze heures et moi, j’écoute les émissions du matin.

Si j’éternue, je dois croiser mes jambes pour ne pas faire pipi dans ma culotte. Lorsque je ris, c’est pareil.

Ma mémoire me joue aussi des tours. Je cherche plus souvent mes choses, je me questionne sur ce que j’allais faire. J’oublie et je suis facilement déconcentrée.

Si je fais une sortie avec des amis, à dix heures, je tombe de sommeil. Mes enfants, eux, quittent la maison à dix heures pour sortir dans les bars.

Dans mon nouveau milieu de travail, mes collègues sont assez jeunes pour que je sois leur mère. En fait, j’ai l’âge de leur mère. Ouche!

Pourtant quand je pense à moi dans ma tête, j’ai toujours trente ans.

Mais bon! C’est la vie! Je suis contente d’avoir dépassé le cap des cinquante ans. Je me considère choyée de pouvoir me réveiller chaque matin, d’avoir la chance d’ouvrir les yeux. J’ai grandi, vieilli, mûri et compris que c’est dans le cœur que l’on entrepose notre jeunesse et dans la tête que les souvenirs se déposent. Je vais bien trouver une façon de rééquilibrer ma vie. Juste d’en prendre conscience, c’est un début.

Merci la vie!

Line Ferraro

 

Vieillir ensemble !

L’autre jour, mon chum m’a dit qu’il se sentait vieillir. Étr

L’autre jour, mon chum m’a dit qu’il se sentait vieillir. Étrange sensation qui parcourt notre corps. Car, oui c’est vrai, on vieillit, les années passent et ne se ressemblent pas ! Ses yeux commencent à se fatiguer, ses petites rides sont de plus en plus apparentes, dès qu’on se couche un peu tard, on met une semaine à s’en remettre, et mes cheveux blancs me trahissent ! Oui, c’est ça de vieillir, c’est voir tous ces petits changements qui marquent notre quotidien un peu plus chaque jour. Nos corps changent, nos idéaux évoluent, nos passions se transforment, mais notre amour se bonifie avec le temps, comme un bon vin !

Je suis toujours touchée quand je vois de « vieux couples » dans la rue. Parce que oui, ça existe encore, ce n’est pas une espèce en voie d’extinction. Parce que oui, l’amour n’a pas forcément de date de péremption, ce n’est pas un bien consommable et puis jetable. Alors, je lui dis au creux de l’oreille que je veux être comme ça dans trente ans ! Quand je m’imagine en vieille bonne femme, je ne peux pas m’imaginer sans lui. Toujours amoureuse, toujours complices, parce que vieillir à deux, c’est traverser le temps main dans la main. Une citation dit que vieillir ensemble, ce n’est pas compter les années, mais c’est faire en sorte que les années comptent ! Vieillir à ses côtés, c’est pour moi la plus grande aventure, le plus beau voyage que je peux faire. Il me fait voir tous les paysages possibles. Avec lui, il y a des jours où je monte le Kilimandjaro des émotions, parfois il est ma tornade, mon coup de vent pour me ramener à la réalité, il est ma montagne, mon phare dans la nuit ; des fois, je me sens perdue pour mieux le retrouver… Chaque jour, je me rends compte qu’il est la parfaite personne imparfaite pour moi !

Vieillir ensemble, c’est avancer dans ce voyage extraordinaire de notre vie, être surpris, parfois déçus, de rire, de pleurer à deux. C’est voir grandir nos enfants, les accompagner vers leur indépendance, c’est construire quelque chose. Vieillir ne me fait pas peur, car je vieillis à ses côtés. Je me dis que je ne suis pas seule, qu’il est là ! J’ai envie de dire fuck aux rides, aux cheveux blancs, aux seins qui tombent, à la mémoire qui flanche, au cholestérol, à l’humeur grognonne… parce que vieillir avec lui, c’est dépasser tout ça et aller encore plus loin !

Gabie Demers