Deux mois sans toi, petit ange acrobate – Texte : Valérie Marcoux
12 mars 2021
Aujourd’hui, ça fait deux mois.
Deux mois qu’ils m’ont endormie. Pour que mon cœur souffre moins, pour que je n’ajoute pas un traumatisme de plus à ceux d’avoir porté la mort et d’avoir appris, seule avec l’équipe médicale, que ton petit cœur ne battait plus, la veille. Parce que j’étais quand même « chanceuse » dans les circonstances de devoir avoir une césarienne et de pouvoir être endormie.
Ça fait deux mois.
Deux mois que tu es né sans bruit, sans cris. Dans cette salle d’opération blanche et froide, entourée d’humaines extraordinaires, toutes des femmes, dont plusieurs mamans, qui ont dû t’accoucher les larmes aux yeux et les sanglots dans la voix.
Ça fait deux mois.
Deux mois qu’ils ont apporté dans la chambre d’hôpital ton petit corps tout formé, tout propre avec un petit chapeau tricoté et une doudou d’hôpital.
Ça fait deux mois.
Deux mois que ton papa t’a pris pour te déposer sur moi. Tu semblais dormir, simplement. Deux mois que notre première réaction, lorsqu’on t’a vu, a été de dire que tu ressemblais tellement à tes frères !
Ça fait deux mois.
Deux mois que j’ai demandé à ce qu’on t’emmaillote dans ta doudou, celle que j’avais choisie juste pour toi, et qu’on change ton bonnet pour celui que j’avais apporté. Deux mois que j’ai caressé ta joue, embrassé ton front, que je t’ai collé contre mon cœur.
Ça fait deux mois.
Deux mois que j’ai passé de longues minutes à observer ton beau visage, essayant de m’imprégner de toi. Deux mois que j’ai dormi avec toi dans les bras.
Ça fait deux mois.
Deux mois que j’ai pris ta main dans la mienne pour voir tes longs doigts, que je t’ai déshabillé pour voir tes grands pieds. Deux mois que l’infirmière m’a montré le nœud dans ton cordon, celui qui a causé ton décès. Tu as dû en faire des acrobaties pour réussir à faire un nœud franc, voilà pourquoi nous t’appelons notre ange acrobate.
Ça fait deux mois.
Deux mois que je t’ai serré fort, que je t’ai parlé, que je t’ai fait sourire avec mes doigts. Deux mois où j’ai essayé, du mieux que je pouvais, de te donner une vie d’amour en quelques heures.
Ça fait deux mois.
Deux mois que je t’ai laissé aller, pleurant en silence. Deux mois que je me sens si vide…
Je t’aime mon ange acrobate !
Valérie Marcoux