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Deux mois sans toi, petit ange acrobate – Texte : Valérie Marcoux

12 mars 2021 Aujourd’hui, ça fait deux mois. Deux mois qu’ils m’ont endormie. Pour que mo

12 mars 2021

Aujourd’hui, ça fait deux mois.
Deux mois qu’ils m’ont endormie. Pour que mon cœur souffre moins, pour que je n’ajoute pas un traumatisme de plus à ceux d’avoir porté la mort et d’avoir appris, seule avec l’équipe médicale, que ton petit cœur ne battait plus, la veille. Parce que j’étais quand même « chanceuse » dans les circonstances de devoir avoir une césarienne et de pouvoir être endormie.

Ça fait deux mois.
Deux mois que tu es né sans bruit, sans cris. Dans cette salle d’opération blanche et froide, entourée d’humaines extraordinaires, toutes des femmes, dont plusieurs mamans, qui ont dû t’accoucher les larmes aux yeux et les sanglots dans la voix.

Ça fait deux mois.
Deux mois qu’ils ont apporté dans la chambre d’hôpital ton petit corps tout formé, tout propre avec un petit chapeau tricoté et une doudou d’hôpital.

Ça fait deux mois.
Deux mois que ton papa t’a pris pour te déposer sur moi. Tu semblais dormir, simplement. Deux mois que notre première réaction, lorsqu’on t’a vu, a été de dire que tu ressemblais tellement à tes frères !

Ça fait deux mois.
Deux mois que j’ai demandé à ce qu’on t’emmaillote dans ta doudou, celle que j’avais choisie juste pour toi, et qu’on change ton bonnet pour celui que j’avais apporté. Deux mois que j’ai caressé ta joue, embrassé ton front, que je t’ai collé contre mon cœur.

Ça fait deux mois.
Deux mois que j’ai passé de longues minutes à observer ton beau visage, essayant de m’imprégner de toi. Deux mois que j’ai dormi avec toi dans les bras.

Ça fait deux mois.
Deux mois que j’ai pris ta main dans la mienne pour voir tes longs doigts, que je t’ai déshabillé pour voir tes grands pieds. Deux mois que l’infirmière m’a montré le nœud dans ton cordon, celui qui a causé ton décès. Tu as dû en faire des acrobaties pour réussir à faire un nœud franc, voilà pourquoi nous t’appelons notre ange acrobate.

Ça fait deux mois.
Deux mois que je t’ai serré fort, que je t’ai parlé, que je t’ai fait sourire avec mes doigts. Deux mois où j’ai essayé, du mieux que je pouvais, de te donner une vie d’amour en quelques heures.

Ça fait deux mois.
Deux mois que je t’ai laissé aller, pleurant en silence. Deux mois que je me sens si vide…
Je t’aime mon ange acrobate !

Valérie Marcoux

Mes enfants sans visage — Texte : Stéphanie Dumas

Il s’agit ici d’un sujet délicat qui peut mettre certaines personnes mal à l’aise. Toutefois

Il s’agit ici d’un sujet délicat qui peut mettre certaines personnes mal à l’aise. Toutefois, pour ceux ayant vécu la difficile épreuve de la fausse couche ou d’un arrêt de grossesse, une fois ou plusieurs, ces bébés font désormais partie intégrante de leur propre personne. On peut comparer cette situation à un voile qui reste dans notre mémoire et qui refait parfois surface l’espace d’un instant. Un souvenir qui revient en mémoire sans crier gare à tout moment.

J’ai vécu cette difficile épreuve à six reprises. C’est un peu comme avoir six enfants sans visage. Parfois, j’imagine ce à quoi ils auraient pu ressembler. Je pense aussi à des moments que j’aurais pu vivre avec eux. Comment auraient été les repas à table avec nos six enfants ? J’imagine que tous les parents vivent aussi cela. Peut-être même qu’une petite boîte rangée quelque part renferme des objets qui étaient destinés à un bébé parti avant même de naître. C’est un sentiment étrange d’aimer un être qu’on n’a pas connu. Une chose est certaine, ils sont gravés en nous à jamais.

Il nous arrive d’en parler aux gens autour de nous. Cela crée parfois un silence ou un malaise chez nos interlocuteurs. Bien des gens ne savent pas comment parler d’un sujet délicat comme celui-là. Nous en sommes bien conscients. Néanmoins, nous avons parfois besoin de faire vivre nos bébés à travers nos paroles.

Tous ces enfants sans visage ont été réels l’espace d’un court instant dans notre monde. Leur maman les a sentis en elle et leur papa les a attendus. Ils les ont peut-être vus durant une échographie. Ils ont vu battre leur petit cœur. Leurs proches attendaient aussi leur arrivée dans la famille. Ces bébés ont laissé une trace qui ne partira jamais complètement du cœur des parents. Ils ont pris une partie de ces cœurs et se sont envolés avec eux à tout jamais.

Stéphanie Dumas

La fausse couche РTexte : Val̩rie

J’étais enceinte. Je l’espérais depuis plusieurs mois déjà, alors j’étais très heureuse

J’étais enceinte. Je l’espérais depuis plusieurs mois déjà, alors j’étais très heureuse de voir enfin apparaître le petit + sur mon test de grossesse. Huit jours plus tard, l’indésirable sang est apparu. Un petit peu au début, puis de plus en plus. Je savais. J’avais beau savoir, tant que rien n’était confirmé, une infime partie de moi y croyait encore.

J’appelle à ma clinique pour demander une requête pour une de prise de sang. À ma grande surprise, une infirmière me répond dès la première sonnerie. Calmement, je lui explique que je crois être en train de faire une fausse couche et que j’aimerais pouvoir confirmer le tout avec une prise de sang. Elle ne semble pas trop savoir quoi me dire outre que si ça ne fait qu’une semaine que je suis enceinte, ce sont mes règles tout simplement. J’insiste alors elle me met en attente pour en discuter avec le médecin. Elle me revient en me disant que comme je n’ai pas mal, il n’y a pas d’urgence et que ça peut attendre la semaine suivante. Jusque-là, j’étais calme, mais là les larmes me montent aux yeux.

Je comprends tout à fait que médicalement parlant, je ne représente pas une urgence. Cependant, je sais que je suis enceinte et présentement, je saigne abondamment et j’ai besoin d’avoir une réponse. Elle ne veut rien savoir. Elle me dit que si je saigne à ce stade, ils ne peuvent rien faire. Pourtant, à aucun moment je n’ai demandé à ce qu’on sauve ma grossesse. Je sais pertinemment qu’ils ne peuvent rien pour moi, ce que je veux, c’est une réponse. Oui, tout porte à croire que j’ai perdu ce petit être que j’espérais, mais j’ai entendu tellement d’histoires de femmes qui ont saigné abondamment en début de grossesse, mais qui ont tout de même eu un bébé en santé que j’ai besoin d’avoir l’heure juste.

De son côté, elle n’ouvre même pas la porte à l’espoir puisqu’elle me dit que c’est pour le mieux que je sois en train de faire une fausse couche car si je le perds, c’est que le bébé n’était pas viable. Probablement en guise de réconfort car à ce stade, mes paroles sont entrecoupées de larmes, elle croit bon d’ajouter qu’elle entend mon bébé pleurer en arrière et que donc, si j’ai déjà eu un enfant, j’en aurai bien un autre ! Il a fallu que je lui parle du bébé que j’ai perdu à 39 semaines de grossesse pour qu’elle finisse par m’envoyer la c*** de requête. Ça m’a arraché le cœur de devoir utiliser mon bébé décédé pour obtenir le formulaire que j’aurais dû avoir dès le début de cette conversation. C’est donc dire que sans mon historique, ce que je vivais à ce moment-là était absolument invalide ?

Si j’écris ce texte, ce n’est pas pour « basher » l’infirmière (malgré que je n’irais pas prendre un café avec elle demain !). Ce que je veux, c’est que l’on cesse de banaliser les fausses couches. Aucune femme qui perd un bébé, et ce, peu importe le nombre de semaines, n’a besoin de se faire dire que ce n’est rien, que ce n’est pas urgent ou grave. Aucune femme qui fait une fausse couche, même si c’est dans l’heure qui suit le test de grossesse positif, ne regardera le sang couler sans émotions.

Oui, selon les statistiques c’est une femme sur cinq qui fera une fausse couche lors du premier trimestre. Oui, le personnel médical voit des cas chaque jour. Mais chaque cas, c’est une femme qui souffre. Chaque fois, c’est une maman qui dit au revoir à un être qu’elle voyait déjà dans ses bras. En huit jours, j’ai eu le temps d’imaginer ce futur bébé, de me demander si c’était un garçon ou une fille, de penser à l’accouchement et de me réjouir grandement d’enfin vivre une grossesse en même temps que ma belle-sœur.

Il faut arrêter de dire aux femmes d’en revenir ou de faire comme si rien ne s’était passé. Si une femme que tu connais est passée par là, prends le temps de lui demander comment elle va. N’insinue pas qu’elle n’y pense plus parce que ça fait longtemps ou parce qu’elle n’en parle pas. Peut-être qu’elle n’ose pas en parler par peur de se faire refermer la porte au nez parce que c’est en général ce que les gens font. Ouvre-lui la porte. Et si tu l’as toi-même vécu, parles-en, tu verras, ça fait du bien. Jamais une femme ne devrait souffrir seule et en silence. Une fausse couche, ce n’est jamais banal, point.

 

Valérie

 

Ta non-naissance – Texte : Nathalie Courcy

Aujourd’hui, je célèbre ta non-naissance, comme chaque année. Il y a onze ans, tu es sorti de m

Aujourd’hui, je célèbre ta non-naissance, comme chaque année. Il y a onze ans, tu es sorti de mon ventre, mais tu n’es pas né(e). Je t’ai pris(e) dans ma main, mais je ne t’ai pas bercé(e). Tu es venu(e) dans ce monde pour en repartir aussi tôt. Je ne t’ai présenté(e) à personne, mais je n’ai pas non plus pu te garder pour moi. J’ai dû accepter de te laisser partir sans savoir sous quelle forme tu reviendrais vers nous ni quand. Ni si.

Il y a onze ans, mon bébé, tu as quitté le piège de mon ventre où tu étais mort depuis… quelques jours ? Quelques semaines ? Mon intuition de maman me disait depuis un mois que je ne te donnerais pas la vie. Mon ventre grossissait, bougeait, oui, déjà à trois mois de grossesse. Je sais maintenant que c’était ton frère qui s’exprimait. Peut-être cognait-il à la porte de ta part : « Hey, maman ! Quelqu’un veut sortir d’ici ! ». Savait-il, lui, si tu étais un garçon ou une fille ? Savait-il, lui, que tu étais déjà décédé intra-utéro ? Savait-il, lui, si ton cœur qui avait lâché, ou si ton cerveau fonctionnait mal, ou quel gène était défectueux ? Savait-il, lui, qu’il ne te suivrait pas malgré la porte que tu laisserais ouverte ?

Ton grand frère né après toi a maintenant dix ans et demi. Il est né en janvier, plusieurs mois après toi. Le médecin m’avait pourtant dit : « À partir de maintenant, madame, votre autre bébé a 50 % des chances de s’accrocher et 50 % des chances de partir. Il est en pleine forme, il mesure 10 centimètres, mais la porte est ouverte. Peu importe ce que vous ferez, c’est à lui de décider s’il reste ou non. » J’avais accepté que le meilleur se produirait, comme pour toi. Parfois, on ne comprend pas pourquoi, mais on l’accepte.

Il est resté.

Pendant des mois, je ne l’ai plus senti bouger. Toute la place que tu avais laissée… il barbotait dans le vide. Il devait te chercher. Même après sa naissance, il a continué. Il avait besoin de ta présence et ne comprenait pas que son partner des premiers temps n’y était plus. Encore maintenant, tu lui manques. Vous auriez fait une équipe du tonnerre !

Un intuitif m’a dit un jour que tu avais senti que je n’étais pas prête à avoir des jumeaux et que tu étais parti(e) pour me protéger. Peut-être. On ne le saura jamais. Ce que je sais, c’est que j’avais tout fait pour que tu sois bien, en santé, fort(e). Je n’ai aucun remords, aucun regret. J’aurais aimé te connaître plus longtemps, jouer avec toi, t’enseigner la vie, te voir grandir comme je vois grandir ton frère. Tu serais déjà presque aussi grand(e) que moi ! Tu aurais ta personnalité et non celle qu’on t’a imaginée. Tu aurais tes amis, tes petites habitudes, tes goûts, tes colères et tes joies. Tu aurais ta chambre, ou peut-être voudrais-tu partager celle de ton frère jumeau. Comme le fait votre petit frère, né deux ans plus tard…

Ce petit frère qui vient du même don de sperme que vous deux. Ce petit frère qui vient d’un autre monde tellement il est connecté à l’Univers. Ce petit frère fusionnel, si complice de son grand frère. Ce petit frère qui, chaque fois qu’il regarde vers le ciel noir, s’exclame : « Regarde, maman ! C’est bébé-étoile qui nous dit bonjour ! ». Ce petit frère qui est peut-être toi.

Nathalie Courcy

Ma première fausse couche

Mon conjoint et moi venions d’acheter et d’emménager dans notre premiÃ

Mon conjoint et moi venions d’acheter et d’emménager dans notre première maison. Ça faisait quatre ans que nous étions ensemble, j’étais impatiente à l’idée de devenir maman. Après un mois dans notre maison, nous avons décidé d’essayer d’avoir un enfant. Après neuf mois, j’étais enceinte, mais la grossesse me semblait off ; une petite voix me disait que quelque chose clochait.
J’ai passé une échographie vers cinq semaines, mais on ne voyait pas bien. Mes hormones n’étaient jamais stables, donc les médecins ne savaient pas ce qui se passait. La journée de mes onze semaines, j’ai commencé à faire du spotting rendue au travail, mais aucune douleur. Je suis allée à l’urgence avec mon conjoint. Nous avons attendu quatre heures avant de passer l’échographie. Sur l’écran, on voyait un petit sac noir. Quand nous sommes sortis de la pièce, mon conjoint semblait rassuré, mais j’ai dû lui expliquer qu’à onze semaines de grossesse, nous serions censés voir un petit bébé. J’ai vu son visage se décomposer devant moi. J’avais le cœur brisé. Le médecin m’a expliqué que je faisais une grossesse chimique (ou œuf vide). C’est un ovule qui a été fécondé sans qu’aucun fœtus ne se développe. Par contre, le placenta grossit. J’avais même commencé à avoir un petit bedon. Le médecin m’a prescrit des médicaments pour déclencher l’évacuation.
De retour à la maison, j’ai dit à mon chum que je voulais prendre 24 heures pour digérer la nouvelle avant de m’insérer ces foutues pilules. Il a accepté et soutenait totalement ma décision. Le lendemain, nous avons décidé d’aller chez mes beaux-parents pour nous changer les idées.
Rendue là-bas, j’ai commencé à me sentir bizarre, je suis donc allée me coucher. Quelques heures plus tard, je me suis réveillée avec des vagues de douleur dans le ventre. Je suis allée à la toilette et j’ai mis une serviette hygiénique par précaution, même si je n’avais aucun saignement. Une heure plus tard, les vagues de douleur devenaient de plus en plus intenses et fréquentes, alors j’ai demandé à retourner à la maison. La route entre Repentigny à St Eustache ne m’a jamais semblé aussi longue. À Mascouche, je ne supportais plus les douleurs, je hurlais dans la voiture. Nous avons décidé d’aller directement à l’hôpital de St Eustache.
Arrivés à l’hôpital, on m’a amené une chaise roulante, mais quand j’ai essayé de me lever, un flux de liquide est sorti de mon vagin. Je me suis assise super vite dans la chaise. Nous sommes allés dans la salle d’attente du triage. Les vagues de douleurs étaient aux minutes, je n’avais pas de pause, je ne pouvais m’empêcher de crier. Quand mon tour est arrivé, mon conjoint a expliqué que nous étions ici la veille et que je faisais une fausse couche. Quand l’infirmière m’a demandé de me lever, je lui ai dit que c’était impossible, dès que je forçais un minimum, ça coulait à flots entre mes jambes. Elle m’a demandé de voir mes pantalons, j’ai ouvert les jambes, un peu de sang était sur mes pantalons. Elle m’a donné un lit à l’urgence.
Quand je suis arrivée, l’infirmière qui finissait son shift m’a demandé brusquement de m’installer dans le lit. Je lui ai répété à plusieurs reprises que je ne pouvais pas forcer sinon ça coulait vraiment beaucoup. Elle a roulé des yeux et a finalement demandé à des préposés de venir m’aider. Les préposés étaient hyper gentils et délicats. J’étais installée juste devant le bureau de l’infirmière, elle racontait sa journée à celui qui allait la remplacer. J’ai vu que c’était un homme. Je vous jure, mon cœur s’est brisé en deux. Si une femme avait du dégoût pour moi sans même m’avoir examinée ou même questionnée, comment cet infirmier allait il pouvoir s’occuper de moi sans éprouver du dédain ? Je voulais rentrer chez moi tellement j’avais honte. L’infirmière a dit à l’infirmier avant de partir : « Bonne chance avec elle, c’est une fausse couche, mais ça semble être exagéré son affaire ! » Elle pensait sûrement que je n’avais rien entendu, mais c’était ses mots s’étaient rendus jusqu’à moi.
Finalement, l’infirmier est venu me voir. Il a fermé le rideau, ce que l’autre infirmière n’avait pas fait. Au contraire, elle l’avait ouvert au complet. Il s’est approché de moi, il m’a pris la main et m’a dit super doucement : « Me permets tu de t’examiner ? Au besoin, je vais te changer. J’ai déjà avisé le médecin de ta douleur, on prépare ta morphine bientôt. » Je me suis mise à pleurer et j’ai dit oui. J’étais stupéfaite de sa gentillesse. Il m’a demandé de soulever mes fesses, je lui ai expliqué que je ne pouvais pas forcer. Il a alors demandé à une préposée de venir l’aider. Ils ont soulevé mon bassin, descendu mes pantalons. J’ai vu le visage de l’infirmier changer. Il a demandé à la préposée d’aller chercher de l’aide, des serviettes chaudes, de nouveaux draps et plusieurs piqués.
Plusieurs infirmières sont arrivées, ils m’ont lavé et ont changé mes draps deux fois de suite. Pendant qu’on me lavait, une infirmière me faisait une prise de sang et un test pour connaître mon groupe sanguin. Le médecin est arrivé très rapidement. J’étais en hémorragie. J’avais du sang du nombril jusqu’au milieu du dos. Chaque fois que je forçais, un flot de sang sortait. Ensuite, ce furent des caillots gros comme des clémentines. Je perdais conscience ou presque chaque fois qu’un caillot sortait.
Ma situation qui avait été jugée exagérée était en fait une situation de vie ou de mort. J’étais littéralement en train de me vider de mon sang. Ils ont été capables d’arrêter l’hémorragie juste avant que j’aie besoin d’une transfusion sanguine. Ce fut un des pires moments de ma vie, mais cet infirmier a été un pilier pour moi. Il a pris soin de moi avec tellement de bienveillance, de douceur. J’avais si honte qu’un homme s’occupe de moi durant cette épreuve, mais finalement, il a été pour mon conjoint et moi un soutien incroyable. Il était à l’écoute et très attentif. Il a fait en sorte que cette épreuve soit un peu plus tolérable.

Cindy LB

Ta fausse couche, ton vrai bébé

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Pourquoi on utilise ce terme‑là? Faire une fausse couche? Faux en quoi?

Toi, ce bébé qui grandissait au creux de ton ventre, tu l’aimais de tout ton être… Il était vrai… le peu de temps où son petit cÅ“ur a battu, ce bébé, oui, il était vrai.

Un matin, tu as ressenti cette douleur dans tes entrailles… Tu te sentais si mal… Tu as baissé tes culottes… Il y avait tout ce sang… Tu as eu si peur…

Mon bébé? Es-tu correct? Que se passe-t-il? Je t’en prie, ne t’en va pas! Je t’en supplie!

Puis, le pire mal que tu n’aies jamais ressenti a commencé. La souffrance te levait le cÅ“ur. Le sang coulait de plus en plus. Et… tu l’as vu.

Ce n’est pas toi mon enfant… tu es si petit… si gluant… ça doit être autre chose! Ça ne peut pas être toi! Je t’en prie, NON!

Le lendemain à la clinique, l’infirmière te pose trop de questions. Tu es dévastée. Tu pleures. Tu as peur. Tu saignes encore tellement que l’espoir s’échappe un peu plus chaque minute. Tu réponds comme une automate…

Dites-moi qu’il n’est pas mort? Vous pouvez m’aider? C’est mon bébé! On a entendu son petit cÅ“ur la semaine dernière! On l’a annoncé à notre famille hier… Pourquoi tout bascule?

Le médecin t’explique l’échographie, les examens, les prises de sang… mais tu ne comprends rien. Tu pleures. Tu as mal. Tu te sens vide.

La nature? C’est la nature? Pas viable? Qu’ai-je fait de mal? Ai-je trop bougé? Trop travaillé? Pas assez mangé de vitamines? Pas assez fait attention?

Ça arrive? Comment ça, c’est la vie? NON, C’EST LA MORT!

Le jeune homme qui fait ton écho fuit ton regard. Il ne voit rien. Il n’y a plus rien. Ce cÅ“ur qui battait si vite et t’avait envahie d’une immense vague d’amour… ce cÅ“ur n’est plus là.

C’était mon bébé. J’étais déjà sa maman. Pourquoi personne ne perçoit ma tristesse? Personne ne comprend!

– T’en fais pas ma chérie, on va réessayer…

Je ne veux pas essayer! Je veux que ce petit être soit encore en moi! Il est parti en arrachant un morceau de mon cÅ“ur. Rien ne sera jamais comme avant. Pendant quelques semaines, j’ai été ta maman…

– Madame, vous avez fait une fausse couche.

Mon bébé n’est plus là. Il ne sera jamais qu’un embryon, sans avenir, sans espoir, sans vie. Pour eux, il n’aura jamais existé… 

Pour toi, ce bébé était vrai… Tu l’as aimé. Ton corps ne sera plus le même, il a porté une vie. Jamais tu ne t’es sentie aussi vide que maintenant. Peut-on seulement entendre ta détresse et te prendre la main?

Gwendoline Duchaine

 

Avoir toujours un peu peur…

Je suis la première à dire qu’il n’y a pas de hiérarchie des

Je suis la première à dire qu’il n’y a pas de hiérarchie des émotions, qu’elles sont toutes légitimes.

Pourtant, j’ai vécu ma dernière grossesse dans la crainte. Plus ou moins grande selon les moments, mais toujours là, sans relâche. Je rationalisais et refoulais. Sans en parler à personne.

Après deux fausses couches consécutives, une angoisse a persisté pendant plusieurs semaines. Je guettais le moindre signe de saignements, scrutant mes sous-vêtements à tous mes passages aux toilettes. Saignements qui sont arrivés.

Peur qui monte en flèche. Ça s’est calmé.

Première échographie tôt pour dater la grossesse; un décollement placentaire explique les quelques saignements survenus précédemment. Semblerait que ce ne soit pas inquiétant, que la majorité du temps, ça se résorbe naturellement, que le fait que je ne saigne plus soit bon signe.

« Semblerait », « la majorité du temps »… Rassurant, mais rien de concret pour être certain hors de tout doute. La peur diminue, mais reste latente. Rien n’est certain.

Test de diabète de grossesse : on m’appelle. Je dois en faire un autre, plus complet, car mes résultats sont préoccupants. J’appréhende, ce sentiment qui s’éveille encore. Finalement, tout est ok. Mes inquiétudes retournent se cacher, mais ne me quittent pas.

Je prends un peu trop de poids selon mon médecin. Rien de catastrophique, je reste dans la norme, mais elle préfère qu’on vérifie à l’aide d’une échographie. La peur revient me saluer pour me rappeler qu’elle est toujours près de moi. Encore une fois, fausse alarme.

J’étais sereine face à l’accouchement, me sentant en terrain connu. Eh non, mes accouchements se suivent, mais ne se ressemblent pas. Tout a été à une vitesse fulgurante, les douleurs étaient si vives et si différentes. Elles ne s’actualisaient pas en contractions « ordinaires ». Je ne comprenais pas ces sensations, je perdais le contrôle. Encore une fois, tout s’est bien terminé, bébé et maman en santé.

Mais des émotions, tellement d’émotions. Je tremblais avec mon bébé dans les bras, heureuse bien sûr, mais un peu déconnectée. J’ai dû laisser les émotions reprendre leur place pour enfin laisser ma peur partir pour de bon et le doux s’installer confortablement.

Je n’ai parlé de mes craintes à personne. J’ai gardé ça pour moi. Même chéri-mari l’a su seulement plusieurs jours après la naissance de bébé loup.

Je n’osais pas en parler. Un mélange de peur de nous porter malchance et d’un sentiment d’imposteur. Tellement de couples vivent pire. Avais-je le droit de me sentir ainsi?

Pourtant, si une amie vivait ces émotions, je lui dirais qu’elle a le droit de ressentir tout ça, que communiquer ses angoisses permet de faire diminuer le stress.

Avec le recul, je me dis que j’aurais dû gérer ça autrement. C’est vrai que plusieurs vivent pire. Mais il y aura toujours des situations plus graves que la nôtre. Les émotions ne se rationalisent pas. Me dire que j’étais chanceuse, que je ne devais pas me plaindre n’a pas atténué mes inquiétudes.

Et verbaliser mes craintes à mes proches, ne serait‑ce qu’à chéri-mari, ce n’est pas me plaindre et ça n’enlève rien à ceux qui traversent des épreuves difficiles. Ça fait simplement du bien, ça allège le poids quand on le partage.

Je tenterai de me le rappeler lors de ma prochaine petite ou grande tempête intérieure.

Jessica Archambault

Pis ? Es-tu enceinte?

D’emblée, je vous dirais que cette question ne se pose pas. Je ne

D’emblée, je vous dirais que cette question ne se pose pas. Je ne parle pas d’une personne proche de vous qui se confie et avec qui vous êtes très à l’aise. Je vous parle de toutes ces autres femmes que vous connaissez plus ou moins.

Devenir enceinte… Il ne faut surtout pas que ça arrive pendant une plus ou moins longue partie de notre vie et, tout d’un coup, il faut que ça arrive tout de suite! C’est un processus tellement complexe et tellement intime. Certains (oui au masculin, j’inclus les papas dans le processus!) vivent très bien avec tout ça et sont très zen. D’autres vivent stress et angoisse à différents niveaux parce qu’ils sont suivis en fertilité, parce qu’ils ont vécu des fausses couches ou simplement parce qu’ils sont de nature plus anxieuse.

En plus de ne pas savoir comment ces couples vivent tout ça, il y a le fameux stade des douze semaines que chacun vit différemment. Poser la question à une femme qui n’a rien annoncé, c’est lui demander de vous mentir ou lui imposer de vous en parler alors qu’elle n’est peut-être pas prête.

J’ai fait deux fausses couches. J’ai abordé la question dans un précédent texte. Je trouve très indélicat de me faire demander : « Pis? Es-tu enceinte? » par des personnes de qui je ne suis pas si proche, mais qui sont tout de même au courant de la situation. Pour que je parle d’une grossesse, je dois être enceinte ET prête à en parler! C’est certain que c’est une bonne nouvelle que je vais toujours partager rapidement avec mes proches, peu importent les circonstances. Les collègues et autres personnes que j’apprécie, mais qui ne font pas partie de mon cercle proche… au risque de sembler de mauvaise foi, je ne leur dois rien. Je devrais avoir le droit d’annoncer les événements que je vis à qui je veux, quand je veux. Eh oui, après deux fausses couches, bien que rationnellement, je sache que je suis une simple statistique triste, que je ne suis pas plus à risque qu’une autre d’en vivre une troisième, je suis malgré tout pas mal plus stressée qu’à ma première grossesse. Eh oui, j’attendrai mon échographie de douze semaines avant de faire une annonce officielle. Si je me fais poser (encore!) cette question avant, je serai seulement très inconfortable de vous faire comprendre le plus délicatement possible que vous êtes indiscrets, que je sois enceinte ou non. Ça me rend très inconfortable comme situation et j’ai beaucoup de difficulté à comprendre que ces personnes ne soient pas conscientes de me brusquer.

Ah! Et demander à une collègue bien fort qui n’est même pas votre amie Facebook dans un cadre de porte d’un endroit rempli de gens : « Aye! T’attendais pas un bébé, toi? », ça aussi, c’est non. Utilise ton fin sens de la déduction; si tu me savais enceinte il y a environ cinq mois et que je n’ai pas de bedaine… comment je te dirais ben ça pour ne pas créer de malaise? « Oui, mais plus maintenant et je n’ai pas du tout envie d’en discuter avec toi. » J’aurais aimé penser à cette réponse plus tôt, mais j’ai été grandement prise au dépourvu…

Simplement, soyez délicat. Après tout, une femme enceinte déborde d’émotions, paraît-il!

Jessica Archambault

 

Ta fausse couche est pire que la mienne…

Ah! C’est un concours? Eh ben… je n’avais pas reçu le mémo!

Ah! C’est un concours? Eh ben… je n’avais pas reçu le mémo! Par contre, bien honnêtement, ça ne m’intéresse pas du tout d’y participer.

Le parcours vers la parentalité est si différent d’une famille à une autre… Certains ont de la facilité à procréer alors que d’autres auront un cheminement laborieux et interminable en fertilité. Certaines feront des fausses couches à répétitions, d’autres aucune. Certaines vivront bien la perte d’un bébé et ce sera un drame immense pour d’autres, certaines vivront une grosse dépression post-partum, d’autres seront sur un nuage sans jamais en descendre. Je pourrais continuer longtemps comme ça tellement les situations sont différentes et nombreuses.

Plusieurs facteurs influencent ces réactions et ces perceptions, sans oublier que des émotions, ce n’est pas rationnel! Pouvons-nous réellement comparer ces événements et les hiérarchiser? Pour plusieurs, il semblerait que la réponse soit oui et ça me laisse sans voix.

Nous avons l’immense chance que ça fonctionne rapidement pour nous. Chéri me regarde et un petit bébé grandit dans mon ventre. Je suis tombée enceinte au deuxième cycle d’essais pour notre fils et du premier coup pour les deux grossesses qui ont suivi.

Après la première fausse couche, les commentaires étaient gentils, mais balayaient toute légitimité de tristesse.

« Vous en avez déjà un en santé, alors vous savez que vous êtes compatibles. »

« De toute façon, tu tombes enceinte vite, non? »

Sur le coup, ces commentaires ne m’ont pas fait réagir. Après tout, c’était vrai. Aussi, nous étions très rationnels et nous nous appuyions sur les statistiques. Entre 20 et 25 % des grossesses se terminent en fausse couche : c’est énorme, mais ce n’est pas grave. Nous voulons quatre enfants, c’était donc à peu près certain qu’on vivrait ça une fois.

C’est quand je suis retombée enceinte, dès le cycle suivant, que les commentaires ont commencé à me faire sourciller.

« Déjà!? Dis-le pas trop fort, c’est gênant! » Hein? Je dois être gênée de tomber enceinte facilement? Et c’est moins une bonne nouvelle parce qu’on n’a pas attendu plusieurs mois?

« Si tu fais une autre fausse couche, ce ne sera pas trop dur à prendre vu que tu sais que tu tombes enceinte facilement. » HEIN? Ce serait censé être moins triste? Pourtant, « les statistiques » ne nous seraient plus favorables. On tomberait à une grossesse heureuse sur trois. Et le stress de la grossesse suivante, il n’a pas lieu d’être?

Cette grossesse s’est aussi malheureusement interrompue beaucoup trop tôt. Mais là, c’était triste, là on faisait pitié…

Vous remarquerez que je n’aborde pas tellement nos émotions et réactions à ces diverses étapes. Simplement parce que ce n’est pas le point. En fait, ce qui me laisse perplexe, ce sont les gens qui se permettent de déterminer à notre place si nous devons être tristes ou stressés, à quel point, à quel moment et, surtout, qui se permettent de juger de la légitimité de nos émotions.

Ces constatations s’ajoutent à celles vécues et entendues par d’autres femmes et couples. Les fausses couches ne sont pas les seules visées. Juger à quel moment une femme peut angoisser à l’idée de ne pas être encore enceinte : après combien de temps est-ce acceptable? Six mois? Deux ans? Être déçue d’accoucher par césarienne alors que maman et bébé sont en santé : légitime ou non?

Il me semble pourtant que toutes les émotions sont légitimes et que je ne peux pas juger une réalité qui n’est pas la mienne… Mais peut-être suis-je trop sensible…

Jessica Archambault

La journée où j’ai cessé de juger l’avortement

J’ai appris lors de l’échographie de douze semaines et demie de

J’ai appris lors de l’échographie de douze semaines et demie de grossesse que pour la deuxième fois, le bébé, le petit être humain qui vivait en moi, avait cessé de vivre deux semaines plus tôt. Encore une fois, j’avais l’impression d’être un cercueil humain. Il fallait qu’il sorte. Je ne pouvais plus supporter l’image de ce petit, trop petit embryon, qui s’était déposé calmement au creux de mon ventre. Ça faisait trop mal.

Le soir, mon médecin de famille (la meilleure au monde) m’a appelée pour avoir de mes nouvelles et m’expliquer les options que je connaissais déjà. Je ne voulais pas, comme la première fois, prendre de médicaments pour expulser douloureusement ce qui restait de mon bébé dans la toilette, pour finalement le flusher comme un vulgaire poisson rouge. Il me restait l’option du curetage. Il y avait quelques jours d’attente à mon hôpital et je devais être sous anesthésie générale. Pour une panoplie de raisons, à ce moment dans ma vie, je voulais que ça se fasse au plus vite et sans anesthésie générale. J’ai donc cherché des ressources qui correspondraient à mes critères.

J’ai finalement trouvé une clinique d’avortement dans un hôpital. J’avais, le lendemain, un premier rendez-vous pour qu’on m’explique la procédure et qu’on évalue mon cas. Ouf! Une clinique d’avortement. J’appréhendais beaucoup. J’allais devoir attendre dans une salle remplie de femmes enceintes qui portaient la vie et qui ne le souhaitaient plus. Moi, je voulais mon bébé plus que tout au monde. Moi, je portais la mort. C’était tellement injuste et enrageant dans ma tête, à ce moment-là.

Le lendemain matin arriva. Comme tout s’était passé rapidement, machinalement, on s’est rendus au rendez-vous, avec notre fils d’à peine deux ans. Évidemment, il était convenu qu’ils m’attendraient dans la salle d’attente ou dans le corridor. Et voilà. C’est exactement à ce moment précis, quand nous sommes arrivés dans la salle d’attente, que ça m’a frappée de plein fouet!

J’ai vu ces femmes. Leurs regards sur mon fils. Leur regard sur mon amoureux, qui était d’un support incroyable. Leur regard d’incompréhension, mais sans jugement, sur ma petite bedaine. J’ai vu un jeune homme fixer mon fils avec tellement de détresse dans les yeux, puis regarder sa blonde avec colère. Tout ça s’est passé en quelques secondes. J’ai dit à mon conjoint de partir plus loin avec fiston, que j’allais l’appeler en sortant. J’ai attendu mon tour. Il y avait un silence dans la salle. Un silence de mort. Un silence, dans lequel personne ne se juge parce qu’on est tous dans le même bateau qui prend l’eau. Ce fut mon tour. J’ai rencontré le personnel. Ils étaient tous sensibles à ma cause, c’était rare qu’ils avortaient la mort. Ils m’ont parlé de deuil, de soutien et ont sauté rapidement les questions du formulaire sur le choix, les options autres que l’avortement, pour ne pas tourner le couteau dans la plaie. J’ai ensuite eu une échographie et le médecin a eu la délicatesse de tourner l’écran hors de ma vue. Il m’a demandé si à l’autre clinique, ils m’avaient donné des photos de mon bébé. Incapable de parler à cause de l’émotion j’ai fait signe que non. Il m’en a imprimé quatre. « Les plus belles », qu’il m’a dit. Il les a mises dans une enveloppe et me l’a donnée pour faire mon deuil quand je serais prête. Il m’a donné l’heure et la procédure pour le lendemain. Je l’ai remercié, puis je suis repartie rejoindre ma petite famille en serrant précieusement mon enveloppe contre mon cœur.

Le lendemain matin, on est retournés à la clinique pour le curetage. On m’a dit que je serais la première à passer. J’ai enfilé la jaquette bleue, j’ai pris le calmant, puis on m’a amené dans une salle où il y avait une série de lits d’infirmerie séparés par des rideaux. Je m’y suis allongée en frissonnant et en flattant ma bedaine bébé trois pour une dernière fois. On a fermé les rideaux. J’étais zen malgré tout.

Les autres femmes sont arrivées à tour de rôle. Je ne les voyais pas, mais je les entendais. Elles étaient nerveuses, elles avaient la voix tremblante, elles pleuraient, respiraient bruyamment, paniquaient et surtout, elles doutaient. Après l’intervention, je suis retournée m’allonger sur mon petit lit. Je les ai entendues être appelées à tour de rôle pour ensuite souffrir et pleurer sans retenue. Ça a brisé encore plus mon cœur déjà brisé. Si je n’avais pas eu si mal, je serais allée les serrer dans mes bras. J’ai réalisé que dans toute mon épreuve, j’étais chanceuse. Jamais je n’aurais pu penser dire ces mots dans ma vie à propos de mes deux fausses couches.

Oui, j’étais chanceuse parce que je n’avais pas à prendre la pire décision qu’une maman peut prendre pour son bébé. Je n’avais pas à décider d’interrompre la vie qui grandissait en moi. J’ai eu une énorme bouffée d’empathie pour ces mamans. Quelqu’un ou quelque chose avait décidé à ma place.

Depuis ce jour, le 30 mai 2013, je ne juge plus les femmes qui se font avorter. Pour subir tout ça, c’est que c’est vraiment la plus difficile, mais probablement la meilleure décision à prendre pour tout le monde à ce moment.

 

Jumeau perdu, jumeau vécu (première partie)

Nous écrivons ce texte à quatre mains en souvenir des deux cœurs

Nous écrivons ce texte à quatre mains en souvenir des deux cœurs que nous avons portés. Nous avons toutes deux vécu une grossesse gémellaire qui s’est soldée par le décès in utero d’un des jumeaux et la naissance d’un bébé vivant.

L’annonce d’un bonheur multiplié par deux

Nathalie : En clinique de fertilité, j’avais annoncé au médecin que j’étais en train de devenir enceinte de jumeaux. Il ne me croyait pas. Le jour même de la prise de sang confirmant la grossesse, le médecin m’envoyait passer une deuxième prise de sang dès le lendemain. Je savais intuitivement que le taux de HCG était dans le piton et le lendemain, il atteignait l’Everest. Huit semaines après l’insémination, l’échographie nous montrait deux cœurs et deux mini embryons.

Mélanie : Premier mois d’essai, première grossesse. Je tenais le test de grossesse dans mes mains, fébrile, un mélange de toute sorte de sentiments virevoltait en moi. J’étais heureuse, inquiète, j’avais peur, j’avais hâte. J’ai su tout de suite que cette grossesse était spéciale. J’avais tous les symptômes puissance dix et très tôt. Déjà à neuf semaines, j’avais un petit bedon. J’ai dû aller m’acheter des pantalons de maternité. Les gens qui me rencontraient me disaient : « Mon Dieu! Tu grossis vite! Tu attends sûrement des jumeaux. » Je ne savais pas, dans le temps si tout se passait bien. On n’avait pas d’écho avant dix-neuf semaines, mais quelque chose en moi savait. Une première intuition de maman, je suppose.

Adieu, mon bébé

Nathalie : Le lendemain de l’échographie de huit semaines, je partais enseigner en France pendant un mois. Comme pour mes grossesses précédentes, j’avais peu de symptômes, mais la fatigue était plus grande. En lisant à propos des grossesses gémellaires, j’ai appris qu’il pouvait arriver qu’un seul fœtus se rende à terme. (Je sais maintenant que ça arrive très souvent, mais que la plupart du temps, le jumeau disparaît sans que personne n’ait connu son existence. Il peut même être « absorbé » par l’autre bébé). Une semaine avant de revenir au Canada est née en moi l’intuition que je ne donnerais naissance qu’à un seul bébé. Cette idée s’est transformée en certitude.

À treize semaines d’aménorrhée, je séjournais chez ma mère avec mes deux filles. J’ai commencé à avoir mal au ventre et au cœur, comme si j’avais une indigestion. Après quelques jours, je suis partie seule au cinéma. La noirceur et la solitude m’ont fait du bien et m’ont remise sur pied. Mais la nuit suivante, à cinq heures, j’ai senti un liquide couler entre mes jambes.

Je suis allée à la salle de bain et j’ai accueilli dans mes mains un caillot d’une longueur de dix centimètres. Je ne voulais pas réveiller mes filles. Je ne voulais pas qu’elles voient cette boule sanglante. J’avais peur de les traumatiser, alors j’ai déposé mon bébé dans l’eau froide de la toilette et j’ai fait partir l’eau. Comme si je le baptisais.

Quelques heures plus tard, un médecin confirmait par échographie qu’un des fœtus avait laissé derrière lui un hématome de quelques centimètres. Sur l’écran noir et blanc, je voyais un bébé, un seul, étendu de tout son long puisqu’il avait soudainement beaucoup d’espace. Alors que je sentais déjà les mouvements des bébés dans mon ventre avant la fausse couche, j’ai dû attendre la vingt-quatrième semaine avant de recommencer à sentir mon bébé bouger. J’étais inquiète, j’avais peur d’être dans le 50 % malchanceux de celles qui perdent le deuxième fœtus même s’il est en santé.

Pourtant, je n’ai eu aucune hémorragie. La grossesse s’est poursuivie comme si de rien n’était, comme si je n’avais pas perdu la moitié de mes espoirs.

Mélanie : J’avais fait le voyage jusqu’à Québec pour faire les boutiques de maternité. Le lendemain de mes achats, mon gros bouvier bernois est tombé malade. Très malade. J’ai dû prendre la décision de le faire euthanasier. Pourquoi je vous raconte ça? Parce que c’est là que le destin a frappé. Je pleurais beaucoup, je l’aimais tellement, ce chien-là! Je pleurais même sans arrêt. J’ai commencé à avoir mal au ventre, je me suis dit que je pleurais trop, que ça devait être ça. Un peu plus tard, j’ai su que quelque chose n’allait pas.

En allant faire pipi, je me suis relevée et l’eau de la toilette était rouge, beaucoup trop rouge. Je paniquais, j’étais à Québec, je ne savais pas où aller. J’ai pensé téléphoner à une amie qui était dans la région. Elle m’a dit : « J’arrive ». Elle m’a conduite à l’hôpital. Je saignais beaucoup. Au triage, l’infirmière, avec toute sa délicatesse, m’a dit : « Ton bébé, tu l’as perdu, il y a beaucoup trop de sang. Le médecin te verra plus tard, retourne dans la salle d’attente ».

Assise sur la petite chaise droite de la salle d’attente, je pleurais en silence. J’attendais que le médecin confirme la nouvelle. J’ai attendu longtemps. La salle était bondée. J’ai finalement vu le médecin urgentiste. Il m’a examinée et a confirmé beaucoup plus gentiment que je n’étais probablement plus enceinte. Il m’a envoyée passer une écho pour être certain qu’il ne restait plus rien. Encore de l’attente, avec un peu d’espoir… Je flottais dans une sorte de bulle je ne voulais juste pas croire que tout ça était vrai.

Finalement installée sur la table d’échographie, le technicien en radiodiagnostic a posé le petit machin sur moi. Il m’a dit : « Je ne comprends pas, tu es toujours enceinte ». Un profond soulagement s’est installé en moi. « Mais il y a un hématome plus bas. Tu étais enceinte de jumeaux, maintenant il n’en reste qu’un. »

J’étais toujours enceinte, mais un des bébés avait repris ses ailes d’ange sans que je puisse le tenir dans mes bras… Un mélange de désespoir et d’espoir s’était installé en moi. Je pleurais mon bébé perdu, mais j’étais soulagée pour le bébé qui se battait toujours pour rester.

À suivre…

http://jumeauxandco.com/grossesse-gemellaire-2/le-syndrome-du-jumeau-perdu/

http://jumeauxandco.com/interviews/conseils-dexperts/devenir-parents-de-jumeaux-quels-impacts-psychologiques/

Nathalie Courcy et Mélanie Paradis