Atteindre le fond du garde-robe
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Six mois postséparation.
Trois mois postdéménagement.
Je m’étais mis des échéanciers. Flexibles, quand même.
1 journée pour que mes enfants se sentent bien dans notre nouveau nid. Check!
1 semaine pour tout nettoyer (compte tenu de l’état de la maison quand j’en ai pris possession, on parle plus de désinfecter/décrotter. Littéralement. J’en ai eu les jointures en sang.)
1 mois pour faire disparaître toutes les boîtes. Ça impliquait entre autres que tous les (millions) de livres soient dans les bibliothèques, mais pas nécessairement placés par couleur et par grandeur.
2 mois pour enlever l’odeur de chats laissée par les bêtes puantes de l’ancienne propriétaire. La journée où mes enfants sont entrés dans la maison en s’exclamant « Hum! Ça sent donc ben bon! », j’ai crié « Victoire! » Merci, mijoteuse remplie de sauce à spag.
3 mois pour commencer à recevoir des amis. Les miens, ceux des enfants. Il fallait changer l’odeur entre les murs, mais aussi l’énergie. Associer les pièces avec des moments lumineux, avec des fous rires. J’aimerais me transformer en Martha Stewart quand je reçois, mais j’ai perdu l’habitude. Dans les dernières années, quand il n’y avait pas de crises d’enfants, on était exténués et trop occupés à appréhender la prochaine. D’un commun accord, on avait choisi de s’isoler, de se replier sur notre bulle pour éviter l’épuisement et les situations embarrassantes. Maintenant que les enfants ont pris de la maturité et qu’ils se sont calmé le pompon, je réapprends à me faire confiance comme hôtesse. Je m’organise, je réapprivoise tranquillement le plaisir d’accueillir amicalement. Le plaisir d’inviter. La plaisir de cuisiner pour d’autres. Le plaisir de laisser aller les choses, aussi.
Je n’ai pas mis de date butoir pour que mes enfants se sentent autant chez eux ici qu’à l’autre maison qu’ils habitent depuis six ans. Pour eux, chez nous, c’est encore chez moi. Leur tête sait que c’est aussi leur maison. Ils me disent qu’ils s’y sentent bien. Ils me le montrent. Ils s’endorment sereins et se réveillent de bonne humeur. Quand je leur ai demandé s’ils voulaient changer des choses (ajuster la routine du matin, ajouter un meuble, déplacer leur lit…), ils m’ont répondu en chœur : « La seule chose qu’on veut vraiment changer, c’est qu’on se chicane trop entre nous. Faut vraiment que ça arrête! » Bien d’accord… Et aussi, ils voulaient aller plus souvent à la bibliothèque. Facile! Avec le printemps qui arrive, ce sera plus facile aussi de rencontrer les voisins, de se faire des amis de quartier. Regarnir notre vie sociale.
Pas de date d’échéance, non plus, sur mon célibat. Je me fais souvent demander si j’envisage une nouvelle relation. Oui, sûrement. Éventuellement. Je ne ferai pas une Dominique Michel de moi-même en m’entêtant à grands coups de « Pu jamais! » Mais je ne suis pas en quête. Je ne suis pas en manque. D’amour charnel ou d’amour tendresse. Un câlin amoureux ferait certes du bien à l’occasion, mais je ne ressens pas le vide et encore moins le désespoir. La solitude m’est présentement utile et douce. Elle me donne le temps de m’organiser, de me connaître, de m’ajuster, de décider qui je suis, qui je veux être.
Et puis sérieusement, je ne sais pas où je caserais un homme dans ma vie présentement. Les cases « temps », « émotions » et « espace » commencent à peine à ne plus déborder. Je veux donner du temps à la surcharge de se résorber.
Même son de cloche côté penderie: ça déborde! Si je regarde mon garde-robe, je vois mes vêtements partout. J’abuse même en empiétant sur le garde-robe de mon plus jeune. Je pourrais faire un giga ménage, repartir à zéro, tout apporter à la Saint-Vincent. Surtout que je flotte dans les trois quarts des pantalons. Mais non.
Pour l’instant, je couds des pinces à la taille pour me sentir bien. J’avertis mes enfants qu’ils doivent me le dire s’ils se rendent compte que j’ai perdu mes pantalons en chemin. Faut les responsabiliser, non? Il me reste encore quelques livres à perdre pour retrouver le poids santé que j’ai égaré par malheur. Je ne suis pas encore prête à choisir quels vêtements je garderai, lesquels je relèguerai aux oubliettes. Je choisis de désencombrer. À mon rythme. La purge totale menée par le bout du nez par la frustration d’une relation échouée, c’est non. J’ai changé de maison, c’était ma façon de sauter pieds joints dans MA nouvelle vie.
Un jour, je verrai le fond de mon garde-robe. Ce jour-là , je verrai mieux le fond de mon cÅ“ur. Et je saurai qu’il y a de l’espace libre pour accueillir un nouvel amour. Une chose à la fois, et chaque chose en son temps. Â
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Nathalie Courcy