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10 février 2010

Vous est-il déjà arrivé que quelqu’un cogne à votre porte sans

Vous est-il déjà arrivé que quelqu’un cogne à votre porte sans être invité? Moi oui! Vous savez, le genre d’invité dont vous ne voulez pas, celui qui arrive lorsque vous êtes en pyjama, les cheveux couettés…

10 février 2010 : une date que je n’oublierai jamais, qui a changé ma vie. Ce jour où l’on a prononcé le mot « cancer » devant moi, pour moi. Ben oui, pas le rhume, le cancer. Comme un gros mot que l’on bannit de notre vocabulaire.

Loin de moi la nostalgie, la « victimite », aiguë. Je suis remplie de gratitude envers la vie. Merci d’avoir remis les choses en perspective, les yeux en face des trous comme on dit, on ne sait pas à quel point notre vie est un cadeau chaque jour. Et malheureusement, ou heureusement, il arrive ce genre d’invité casse-pied qui nous rappelle combien la vie est précieuse.

J’étais déjà le genre de personne à vivre sa journée comme s’il n’y avait pas de lendemain. L’effet a été multiplié par 1000! J’aime toutes les parties de ma vie, incluant celle-ci. Elle fait partie de mon parcours et c’est parfait ainsi. Elle m’a donné toute l’essence pour regarder droit devant et pour ne jamais m’arrêter. Me faire confiance, faire confiance en la vie et être certaine que la vie n’en a pas fini avec moi au moins pour cent ans.

Merci à ma famille, mes amis, ma psy d’avoir été là, si précieux pour moi. Ils n’ont pas été mis sur ma route par hasard! Merci à ce cancer d’avoir été la bougie d’allumage pour changer ce qui ne me convenait pas et d’avoir transformé tout ça en route qui me ressemblait, qui me projetait plus loin. Merci la vie pour ces personnes au travail qui ont été présentes à chaque moment. Merci la vie pour cet amoureux qui a su tenir ma main quand c’était important. Merci la vie pour ces deux enfants qui ont été ma motivation : vous êtes merveilleux tous les deux. Vous m’avez rendue meilleure.

Pourquoi moi? En fait, pourquoi pas moi? J’ai eu tout ce qu’il fallait en moi pour embarquer dans la vague. Ce n’était pas un combat : trop fatigant les combats. J’ai juste embarqué dans la vague. If you can’t fight them, join them, comme ils disent. Ne me parlez pas de courage, ce n’en est pas pour moi, c’est de la résilience dans toute sa splendeur.

Merci la vie pour ces dix ans remplis, d’aventures, d’amour, d’apprentissages. Protège ceux que j’aime, c’est tout ce qui compte pour moi. Résilience à tous ceux qui sont dedans présentement, vous êtes forts et je suis avec vous de tout cœur. Vous avez tout ce qu’il faut. À ceux qui accompagnent, ne jugez pas, ne présupposez pas des émotions vécues, soyez juste là, présents. En passant, mes pensées s’appliquent à toute personne qui vit un défi dans sa vie, pas juste le cancer. Je m’aime, je vous aime! Aimez ce qui vous entoure.

Marie-Josée Gauthier

La beauté de la mort

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Une pluie de « Je t’aime » si sincères.

Des millions de sourires inquiets et à la fois si reconnaissants.

Des yeux angoissés qui s’apaisent lorsque je te prends la main.

Des larmes qui coulent sur tes joues lorsque tu reçois, une fois de plus, de mauvaises nouvelles à propos de ton combat, celui que tu mènes depuis près de deux ans.

Un regard vers moi, comme celui d’un enfant qui demande à sa maman de le rassurer. Ce regard si naïf et fragile.

Des rires et des pleurs à un intervalle si rapproché que nous en sommes étonnées.

La maladie qui t’a emportée nous aura permis de vivre des moments que jamais je n’oublierai.

 

J’aurais pu écrire sur l’incompréhension qui me hante, ma frustration ou la peine que je ressens que tu sois partie si jeune, laissant derrière toi tes deux parfaites petites filles et ton amoureux à qui tu vas tellement manquer.

J’ai plutôt décidé de composer sur les doux derniers jours de ta courte vie.

Des rires dans ta chambre d’hôpital, des amis qui « popent » ton veuve Clicquot pendant que tu prends tes dernières respirations avec une force déroutante.

Tes petites amours qui courent autour de ton lit avec des ballons que les infirmières ont gonflés pour elles. Tes filles qui s’arrêtent de temps à autre pour caresser tes mains de maman qui deviennent de plus en plus froides et marbrées. Puis, elles retournent dans la salle de jeux pour rire et s’amuser avec les jouets. Elles ne le savent pas, mais elles aussi, tout comme leur maman, elles nous enseignent sans le savoir, la beauté de la vie à travers la mort.

Tes amis, ta famille… nous sommes autour de toi à nous raconter des anecdotes vécues avec toi. Parce que toi, par la personne que tu es, tu nous laisses le souvenir de ta vie et non de ta mort qui approche.

Tu as créé sans le savoir de si belles amitiés entre nous tous. J’ai connu, grâce à toi, des personnes merveilleuses, des femmes aussi fortes que toi, des battantes. J’ai aussi rencontré des amies à toi, qui feront maintenant partie de ma vie et qui, par ce qu’elles sont, feront vibrer ton âme pour que tu demeures près de moi… près de nous.

Pendant que tu expirais tes derniers souffles, nous qui t’entourions avons inspiré ton courage et ta résilience.

 

Certaines personnes entrent dans notre vie et y laisseront sans le savoir des empreintes sur notre cœur. Ces traces feront en sorte que nous ne serons plus jamais la même personne.

Tu es cette personne.

Après avoir vécu avec toi les derniers instants de ta courte vie, je ne serai plus jamais la même.

Je te remercie de m’avoir laissé entrer dans ta vie, de m’avoir permis d’être à tes côtés afin d’escalader les montagnes qui se sont dressées devant toi ces derniers mois.

Tu vas me manquer… nous manquer.

Pour donner pour soigner le cancer du sein: Donner!

 

Isabelle Nadeau

 

 

 

 

 

Et si c’était moi?

Des épreuves peuvent nous frapper à tout moment, et ce, depuis la

Des épreuves peuvent nous frapper à tout moment, et ce, depuis la nuit des temps. Les campagnes GoFundMe ont remplacé les traditionnelles tirelires depuis quelques années déjà.

Il y a cent ans, tout un village s’unissait pour reconstruire une maison incendiée. On se relayait pour prendre soin des enfants d’une voisine malade.

Aujourd’hui, c’est par un simple don qu’il nous est possible d’apporter notre soutien, de témoigner notre empathie à quelqu’un qui traverse un moment difficile, qu’on le connaisse ou pas.

Les levées de fond suscitent toutes sortes de réactions. J’ai eu ces questionnements, moi aussi. Où va cet argent, réellement?

Et j’en suis toujours venue à cette conclusion : ET SI C’ÉTAIT MOI?

Mes filles sont en santé ; j’ai de la chance. Tout comme les gens qui m’entourent, tout comme moi.

Et si un jour, tout basculait?

Récemment, une amie a annoncé son cancer sur les réseaux sociaux. Une jeune mère de trois enfants, monoparentale. Une femme remplie de vie.

Et son frère a lancé un GoFundMe.

Christina, elle peut être votre sœur, votre mère, votre collègue, votre amie. Christina, elle pourrait être moi. Elle pourrait être vous.

Parce que son histoire pourrait être la mienne, parce que j’aimerais recevoir le soutien financier essentiel qui me permettrait de traverser cette épreuve avec le cœur plus léger, j’ai donné.

Et je me dis que plusieurs petits dons, ça fait beaucoup au final.❤️

Je partage ici le lien pour que son frère puisse atteindre son objectif…

Christina, on est tous avec toi.🌸

Karine Lamarche

À toi, ma chum qui n’est pas une statistique

Le début de l’été 2018 a été un moment marquant dans ta vie.

Le début de l’été 2018 a été un moment marquant dans ta vie. Je me souviens, on t’attendait avec impatience à l’extérieur. Il faisait beau et chaud, les enfants s’amusaient à l’extérieur dans la cour. Ils riaient, ils criaient. Je me souviens m’être dit à cet instant précis que cette journée ne pouvait qu’être magnifique, que nous ne pouvions qu’avoir de belles nouvelles concernant ton état de santé. ​

Je me souviens avoir vu dans tes yeux larmoyants cette détresse, cette peur. Tu as raison mon amie, l’inconnu est épeurant, mais surtout, le mot « cancer » est effrayant. Plus le cri des enfants se faisait entendre, plus tes larmes avaient peine à se retenir de couler.​

On t’a serrée dans nos bras, on n’a pas su quoi dire, on a eu des moments de silence. J’ai quand même réussi à te faire sourire — tu es quand même mon meilleur public pour mes blagues parfois inappropriées. Je t’ai dit que j’allais être à tes côtés pour entreprendre cette lutte et j’y suis encore aujourd’hui. ​

Tu as entrepris toute une bataille mon amie, et ce, avec l’ultime conviction que tu n’allais pas être une « stat ». Que tu allais être LA fille de 36 ans, avec deux magnifiques petites filles et un conjoint à tes côtés, qui allait s’en sortir malgré le pronostic important. C’est la première chose que tu as dite à ton oncologue : « Je vous le dis tout de suite Docteur, je ne ferai pas partie de vos études et de vos statistiques ». Et jusqu’à maintenant, tu tiens ta promesse. ​

Tu t’es embarquée tête première, avec une droiture féroce, dans cette aventure qui n’était pas dans tes plans. La chimio, les examens, les scans, les prises de sang… ​

Ton corps apprend à assimiler tous ces intrus, sortis de nulle part. Et chaque fois, tu fonces. Tu te dis que c’est pour te guérir et tu sais quoi?! J’y crois.​

Je te vois aller, tu vis dans ce monde qui n’est pas le tien. Par contre mon amie, tu t’adaptes à ce monde de façon exceptionnelle. Tu m’as dit dernièrement : « Oui, mais c’est pas comme si j’avais le choix ». Je te le dis et te le répète… Ohhh ouiiii, tu as le choix. Et ton choix a été d’affronter cette tempête avec humour, sourire, positivisme et surtout, avec assurance. ​

Je te regarde et je suis fière de toi. Je pense que la façon que tu as de voir la vie va te guérir. Je suis persuadée que tes filles, du haut de leur bas âge et de la compréhension qu’elles peuvent avoir de la vie, voient à quel point leur mère est forte. Tu leur enseignes malgré toi qu’il est important d’affronter la vie et ses menaces avec aplomb, et surtout avec un brin d’humour. ​

Tu as encore de la route à faire sur ce chemin inconnu. Je serai là à tes côtés, principalement parce que je t’aime, mais surtout parce que je veux faire partie de la statistique avec toi. Je veux aller à ton éventuel dernier rendez-vous et être là lorsque tu vas dire haut et fort : « Tu vois doc?! J’avais raison ». Je veux être présente lorsqu’on te dira que tu as réussi contre toute attente. Je veux continuer d’être à tes côtés parce que te voir avancer me fascine. Je veux continuer à te voir grandir dans cette aventure parce que ça me donne envie de croire que tout est possible lorsqu’on a la volonté d’y croire. ​

Chère amie qui ne sera pas une statistique, continue de nous impressionner.​

Isabelle Nadeau

 

L’intruse

Je suis femme, donc je sais qu’une boule qui apparaît dans un sei

Je suis femme, donc je sais qu’une boule qui apparaît dans un sein, c’est un signal d’alerte. Un drapeau rouge. Pâle, mettons, jusqu’à nouvel ordre. Parce que la grande majorité de ces masses sont bénignes, de passage ou peu envahissantes.

Mais quand même. Tu te dis depuis des années que la palpation des seins, c’est pour les soirées olé olé en couple. Que tu te vois mal en train de te tripouiller les boules à la recherche d’une boule qui ne serait pas la bienvenue.

Tu finis par le faire quand même, parce que. Parce que c’est conseillé, parce qu’à un certain âge, ça se pourrait, parce que c’est rassurant de savoir que tout est beau sous le bonnet. Jusqu’à ce soir-là.

Tu barbotes sous les bulles d’un bain trop chaud (il faut ce qu’il faut après une longue journée d’automne !) Tu essaies de te convaincre de lire le roman qui t’attendra finalement à côté de la baignoire jusqu’au lendemain. Tu flattes le chat toujours en quête d’une flatouille ou d’un mot d’amour (« gros bébé poilu », c’est celui que je préfère…) Et là, tu te dis que c’est ce soir que ça se passe. Tu oses.

Tu tâtes. Tu lèves un bras, tu tâtes encore. Tu fais le tour. Tu as vu des vidéos, tu as une vague idée de la façon de faire. Tu appuies dans tous les recoins. Pas qu’un sein ait vraiment des coins… et tu trouves.

Tu mets le doigt dessus : une boule bien cachée, dissimulée sous le gras de sein que tes enfants trouvaient si confortable pendant l’allaitement ou les câlins du soir.

Tu palpes l’autre sein : tout d’un coup que ce serait fait comme ça, ces affaires-là ! Mais non. Rien. Tu as beau explorer, pas de collines dans le sein gauche. Rien de dur qui choque les doigts. Un sein comme tu l’as toujours connu. Souple. Normal. En santé.

Tu refais l’exercice. Tu déplaces ton bras dans tous les sens, baisses, lèves, à gauche, à droite. Et tu constates que la boule que tu sens dans ton sein, elle se déplace dans ton ventre, dans ta gorge. Un stress qui descend dans tes entrailles et qui te serre la voix.

Tu te souviens soudainement de l’article d’Isabelle Racicot que tu as lu sur Picoum. Tu te rappelles t’être dit qu’au moins, ce cancer-là, tu ne l’as pas dans ta génétique. Tu te souviens des femmes autour de toi qui se sont fait surprendre par la bête, et qui l’ont vaincue. Pour la plupart.

Et tu te mets en mode solution, comme tu le fais toujours. Tu t’auto-envoies un rappel pour le lendemain matin : prendre rendez-vous avec ton médecin. C’est la chose à faire. Tu évites Google, le meilleur ami des hypocondriaques. La théorie, tu la connais : consulter tôt en cas de doute.

Tu as quand même une petite peur. Et si le médecin ne la sentait pas, la fameuse bosse ? Si tu ressortais de la clinique avec l’impression d’avoir souffert d’une crise paranoïde ? Si tu te faisais accuser de chercher de l’attention ? Tu te ressaisis, tu sais que tu fais le bon choix. Tu espères que tu te déplaceras pour rien, mais ça aura valu la peine. Entre ça et stresser pendant des mois… et regretter…

Et si, au bout de la série de tests que tu passeras, le médecin disait : « Madame, c’est cancéreux… » ?

Au moins, tu le saurais. Très, très probablement, ce sera une intruse qui se sera invitée pour… rien. Elle sera enlevée ou tu vivras avec. Mais ce sera une boule qui ne fait pas mal, qui ne te rendra pas malade ni en danger. Et si ce n’est pas le cas, tu sauras. Et tu agiras.

Si tu es une femme (ou un homme ! La gent féminine n’a pas l’exclusivité de cette bibitte-là !) et que tu passes par là, je pense à toi. Je t’envoie une grosse, grosse boule d’amour.

 

Nathalie Courcy

Te savoir mourir

Ce soir mon amie, tu as annoncé ton décès imminent. Un message si

Ce soir mon amie, tu as annoncé ton décès imminent. Un message simple sur ta page Facebook. De nos jours, la fin passe par les médias sociaux.

Ton corps est épuisé, amaigri. Envahi par des cellules que tu n’as pas invitées. Tu choisis de passer la douane vers l’autre vie pendant que ton œil étincelle encore, pendant que ta tête est encore lucide, avant que la maladie t’effrite encore plus. Tu prends la décision de revêtir tes ailes d’ange pendant que tu en as encore la force.

Laisse-moi te dire, mon amie, que tu as changé ma vie. Je ne sais pas si c’est le hasard ou le destin qui a provoqué notre rencontre, mais ce qui est certain, c’est que je devais croiser ta route à ce moment. Tes paroles et ta lumière contagieuse ont répondu à des questions que je me posais depuis longtemps. Tu m’as accompagnée dans un projet de vie qui m’interpelait depuis si longtemps, mais pour lequel il me manquait des outils et la confiance de quelqu’un qui sait. Tu m’as permis de mettre au monde des livres, des mots, des rêves. Et tu l’as fait pour tant d’autres avec autant de foi et de sourire.

Mon amie, lorsque les derniers flocons tombaient au sol, tu me parlais encore de nouveaux projets, de passions, de bibliodiversité et de créativité. Je t’avais trouvée amaigrie, mais ton air joyeux et enjoué a masqué ce cancer qui ne s’était pas encore révélé. Il avait pourtant déjà fait ses ravages. Le diagnostic t’a probablement encore plus surprise que nous qui t’aimons tant. Qui aurait pu croire…

J’ai le goût de te dire que tu avais encore tant à faire et à vivre! Que tu es si jeune, si toi, que c’est injuste! Mais tu as vécu à fond. Tu as porté ton message jusqu’au cœur de ceux qui avaient besoin de l’entendre. Tu continueras de vivre en tous ceux que tu as inspirés, à qui tu as donné l’élan pour se réaliser.

Lorsque l’aube se lèvera au bout de la nuit, tes yeux se fermeront. Tu diras un dernier au revoir à tes enfants, à tes petits-enfants, à ceux qui te tiendront la main dans cette maison de soins palliatifs qui a accueilli tes derniers moments. Te connaissant, tu remercieras le médecin qui te soulagera de ta souffrance. Qui te permettra de laisser dans l’esprit de ceux qui t’aiment l’image d’une femme souriante, énergique, lumineuse, belle. Tu remercieras la vie de t’avoir donné du temps et de l’amour. Et tu entameras cet autre voyage, souriante, toujours. Aucune trace de désespoir dans ton geste légal, seulement un réalisme qui sait qu’il n’y a aucun retour possible.

Mon amie, tu n’as probablement pas reçu la carte postale que je t’ai envoyée la semaine dernière. Je me sentais sereine au milieu d’une nature paisible, et j’ai voulu te communiquer mon dernier adieu sans déranger tes derniers moments de vie. Tes enfants la liront un jour et ils sauront que tu étais aimée, admirée. Ils le savent déjà.

Prends ton élan. Je te retrouverai quand ce sera mon tour. Mais pas tout de suite. Avant, je veux continuer de me laisser inspirer par toi. Je vais vivre pour deux, je vais vivre pour mille.

 

Nathalie Courcy

L’école de la vie

Certains me reprochent de vivre au-dessus de mes moyens depuis mon a

Certains me reprochent de vivre au-dessus de mes moyens depuis mon arrêt maladie. Il est vrai que le cancer m’a fait prendre une belle débarque financièrement depuis bientôt trois ans. Et que mes revenus sont encore en période de vaches maigres depuis la fin de mes traitements. Et que dire de mes économies qui fondent comme neige au soleil!

Au soleil… C’est bien pour offrir des vacances à mes enfants que je casse mon petit cochon rose prénommé REER. Car la retraite me semble bien loin et surtout pas si « acquise » depuis mon diagnostic de cancer à 36 ans.

Alors, à ceux qui me reprochent de vivre au-dessus de mes moyens, j’aimerais dire que mon mode de vie ne les regarde pas, mais cela ne serait pas très productif. Sans me justifier, je préfère leur répondre que je ne vis pas au-dessus de mes moyens, mais que je me donne les moyens de vivre et surtout d’offrir de beaux moments à mes enfants, tant que je le peux. Comme l’exprime si bien ce proverbe, devenu mon credo : « On a deux vies. La seconde commence lorsque l’on réalise qu’on en a qu’une! »

Ma seconde vie, j’ai décidé d’en faire un monde sans lendemain. Un « Never Land » où la réalité trouve sa place dans un imaginaire que l’on vit les yeux grands ouverts. Et pour moi, ce monde passe par le voyage.

Le voyage a toujours tenu une place importante dans ma vie et celles de mes enfants. Et la maladie n’y changera rien. Au contraire. La maladie m’a fait pousser des ailes pour m’envoler vers une liberté d’esprit, une liberté de vivre. De fourmi, je suis devenue cigale. Et je chante et danse, en été comme en hiver, loin du jugement des autres.

Alors oui, j’offre régulièrement des vacances du quotidien et de la routine à mes enfants. Mais surtout, je leur fais vivre des voyages inoubliables, ludiques et éducatifs. Peu importe le temps que l’on a, je saisis toutes les occasions pour découvrir une nouvelle destination. Par exemple, pendant la relâche scolaire, nous nous sommes envolés vers le soleil de San Diego, Californie, pour aller à la rencontre des animaux du magnifique Zoo de San Diego et du Safari Park. Plus de 3 500 animaux rares et en voie d’extinction, soit environ 650 espèces différentes, réparties sur un terrain de 40 hectares. Le Zoo et le Safari Park de San Diego sont bien plus que des attractions touristiques pour voir des animaux. Ce sont avant tout des organisations à but non lucratif qui œuvrent pour la préservation et la recherche zoologique dans le but de sauver de nombreuses espèces en danger à travers le monde.

Munis d’un appareil photo, de gourdes d’eau et de bons souliers de randonnée, nous avons marché sur les sentiers balisés du Zoo, comme des explorateurs avec une carte illustrée pour nous guider. À chaque enclos, c’était comme plonger dans une encyclopédie vivante. Mes enfants, passionnés par les animaux, ont pu nourrir leurs connaissances de chacune des espèces présentes au Zoo et au parc. Et malgré les heures de marche, ils ne sont pas du tout plaints d’avoir trop marché. Ils étaient bien trop captivés par ce qu’ils avaient sous les yeux! Et puis, il y a de nombreuses aires d’arrêt où l’on peut prendre une pause pour manger et se remettre de la crème solaire (le soleil tape fort, même au printemps).

Mes enfants ont été particulièrement sensibilisés au programme de conservation du Zoo, qui permet, en échange d’un don, d’adopter un animal, et ainsi de contribuer à ses soins et à sa préservation. Non seulement mes enfants ont reçu un certificat d’adoption, mais aussi une petite peluche de l’animal qu’ils ont adopté. Je trouve que c’est une belle façon de faire prendre conscience aux enfants de l’importance de préserver les écosystèmes, de protéger l’environnement et d’apprendre à mieux cohabiter avec les animaux afin qu’ils puissent vivre, sans dangers, sans menaces, dans leur habitat naturel.

Toujours dans notre objectif de parfaire nos connaissances des animaux sauvages et des espèces en voie d’extinction, sans pour autant voyager à l’autre bout du monde (car mon petit cochon rose n’est pas assez dodu pour cela), nous sommes allés au SeaWorld de San Diego. Très bien organisé, il est également facile de s’y repérer, et surtout de s’y amuser puisque les petits comme les grands peuvent profiter des manèges et des attractions comme les montagnes russes dans l’enceinte du parc. En ce qui nous concerne, ce qui nous a particulièrement séduits et amusés, ce sont les bassins éducatifs et interactifs à l’entrée du SeaWorld. On y trouve des bébés requins que l’on peut flatter et aussi des petits poissons mangeurs de peau morte, pour un soin des mains gratuit. Chatouilleux, s’abstenir!

Pour moi, chaque voyage est aussi une occasion de faire des rencontres et de développer ses aptitudes sociales, surtout lorsque l’on choisit un hôtel familial avec piscine, comme le Humpfreys Half Moon Hotel. Rien de mieux que de patauger dans une piscine pour se faire de nouveaux amis et d’oublier la barrière de la langue, tandis que les mouettes et les canards s’invitent dans la piscine aussi. Et que les perroquets en liberté s’occupent de l’ambiance sonore. Un véritable paradis exotique où mes enfants se sont sentis comme chez eux. Ce qui donne un break à Maman!

Au final, nous sommes revenus de cette petite escapade à San Diego ravis, émerveillés et riches de connaissances, que mes enfants ont voulu partager avec leurs camarades de classe lors d’un exposé oral.

Alors, oseriez-vous encore me reprocher de vivre au‑dessus de mes moyens?

Ou diriez-vous plutôt que j’investis dans l’école de la vie pour mes enfants?

Et même si ma situation financière est encore très précaire, si c’était à refaire, sans hésitation, je récidiverais avant que le cancer, lui, revienne.

Pour en lire plus sur mon quotidien avec le cancer, visitez www.laviecontinuemalgretout.com

Vanessa Boisset

 

À la femme que je suis

À la femme que j’étais, je voulais dire que tu étais belle.

À la femme que j’étais, je voulais dire que tu étais belle.

Tu étais belle de candeur et de détermination.

Tu étais belle, mais tu ne le savais pas parce que personne ne te le disait.

Comme la rose a besoin d’eau, tu aurais dû recevoir, tout au long de ton enfance, une pluie de compliments pour aider ton estime de soi à grandir et pour t’apprendre à devenir femme.

Mais au lieu de ça, ta mère t’a présenté ta féminité comme un fardeau. Cette beauté innocente que tu devais cacher sous des cols roulés pour ne pas trop transpirer de confiance en toi. Car cela aurait été indécent que tu te sentes bien dans ta peau lorsque le regard des hommes commençait à se poser sur toi. Qu’est-ce que les gens auraient pensé de cette jeune femme aux cheveux blonds et aux yeux d’un bleu pétillant de vie qui ose porter de l’avant sa poitrine, et rejeter ses épaules vers l’arrière, d’un air nonchalant? C’est ainsi que cette peur du jugement des autres a eu raison de vingt ans de ballet à pratiquer ton port de tête et un regard franc. Alors tu t’es mise à porter la beauté de ta jeunesse comme un poids mort. Malgré tes cheveux longs. Malgré ton bonnet C. Tes épaules, arrogantes de la vie que tu avais devant toi, se sont refermées comme un écrin sur ta féminité…

Et puis tu es devenue mère.

À cette femme que je suis devenue, je voulais dire que même si tu avais la mèche plus courte, tu étais toujours aussi resplendissante de vie avec ta poitrine gorgée d’amour. Tu as toujours eu le don de porter ta maternité comme une bénédiction et cela t’a rendue encore plus belle de maturité. Je sais que tu ne le savais pas parce que personne ne te l’avait jamais fait ressentir.

Au lieu de ça, l’homme que tu aimais t’a fait sentir la honte et la jalousie lorsque le regard d’un autre te désirait. Il t’a fait vivre des situations où tu étais toujours contrainte de choisir entre la femme et la mère. Pourtant tu étais les deux. Et pas moins l’une que l’autre. Ta maternité n’a jamais flétri ta féminité. Au contraire, elle était le terreau dans lequel la rose s’épanouit. Mais sans jardinier, elle ne pouvait grandir pour devenir un rosier. Alors ton amour‑propre a commencé à se ternir. Un peu. Beaucoup. À la folie. Pour toujours. Par amour.

Et puis tu es tombée malade.

Tes cheveux se sont fanés, laissant à vue un crâne lisse et nu de vérité. Ta poitrine déracinée a effeuillé ce qu’il te restait de ta féminité. De la rose, il ne restait que les épines. Et pourtant…

À cette femme qui n’est plus, je voulais dire que les effluves de ta sensualité n’ont jamais été aussi capiteux. Tes cheveux courts soulagent tes frêles épaules du poids des stéréotypes de la poupée Barbie. Tu peux désormais redresser ta colonne vertébrale sans crainte du regard prédateur des hommes. Ta nuque, libérée de la culpabilité de ne pas être celle qu’on voulait que tu sois, laisse désormais entrevoir le creux de tes épaules dans lequel tes enfants aiment se lover pour y trouver toute la force et la douceur de l’amour d’une mère.

Je voulais te dire que ta peau est suave comme un pétale de rose dans la brise printanière pour celui qui daigne y apposer une caresse. Tu ne le sais pas parce qu’aucun homme ne te l’a encore dit. Mais de moi à toi, je te le dis aujourd’hui, car tu n’as pas besoin d’un homme pour te rappeler chaque jour que tu es belle, que tu es mère, que tu es femme, que tu es toi. Il te suffit de regarder dans le miroir pour y voir se refléter l’authenticité, la ténacité et l’amour inconditionnel qui se dégagent de ce corps meurtri par la vie.

À cette femme que tu as été et que tu ne seras plus, à celle que tu es devenue et qui n’est plus, à celle que tu voudrais être, je voulais dire que moi, je t’aime comme tu es, pour tout ce que tu es. Je t’aime. Et c’est tout ce qui compte.

Pour en lire plus sur mon quotidien avec le cancer, visitez www.laviecontinuemalgretout.com

Vanessa Boisset

Il a juste besoin de câlins!

Il est celui qui m’exaspère le plus souvent…

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Il est celui qui m’exaspère le plus souvent…

Encore, ce matin. Un samedi. Je sais, je suis en partie responsable. Je me couche beaucoup trop tard. Mais, depuis quelque temps, au moins, les deux adolescents dorment bien. Eux. Si on les laisse filer, ça peut même ressembler à un lever à 9 h. Pour mon plus jeune. L’ado de seize ans… chut, nous pourrions la réveiller.

Le problème, c’est le bébé de la famille. Et quand je dis bébé, je veux dire que nous l’avons adopté en 2011. Il est magnifique, avec ses origines asiatiques. Heureusement qu’il a été propre assez tôt. Il fait même très bien ses nuits. Mais le jour! Il est très affectueux. Pas suffisamment indépendant à mon goût. J’aime bien les gens indépendants. Rien à faire dans son cas. Parfois, il parle plus que tous. Imaginez. Revenons à ce matin.

Je suis lové dans les bras de Morphée. Je suis loin. Si bien. Sous la douillette chaude. Puis…

Miaou! Miaou! Miaou!…

Je regarde l’heure. 6 h 15. Et ça va durer pendant près de trente minutes. Je lui lance mon traditionnel « Shhhhh! » dans l’espoir vain qu’il va se taire. Rien à faire. Il s’arrêtera par lui-même. Quand il l’aura décidé. Pour ça, il est très indépendant.

Petit retour en arrière. Il est entré dans notre famille au moment de la récidive du cancer de mon amoureuse. Elle voulait cette présence féline. Je ne suis pas jaloux. J’ai dit oui. Même si je savais très bien qui serait responsable du bout plate. Tout ce qui touche l’élimination naturelle. Quand on nous soigne pour le cancer, c’est mortel de s’approcher des contaminants.

À l’animalerie, leur premier contact a été magique. Ceux qui y travaillent vous diront que c’est l’animal qui choisit. Qui adapte son comportement à la personne qui s’intéresse à lui. Il a été exceptionnel, dans son rôle. Pendant plus d’un an.

Leur dernière fois, ça faisait plus d’un mois qu’ils étaient séparés. Moi qui stressais. Je me voyais courir après lui, dans cette vaste maison à recoins. Celle des soins palliatifs. Non, dès l’arrivée dans la chambre, il saute sur son lit. Se couche près d’elle. Comme s’il savait que sa mobilité était réduite. Il a fait exactement ce qu’il fallait. Comme je le lui avais demandé.

Confidence. À la mort de leur mère, quelle a été la première préoccupation des enfants? Je vous rappelle qu’ils avaient alors sept et dix ans. « Et Acasa, il va rester avec nous? » Ça se prononce A-K-Cha, ça veut dire « firmament » en hindi. Mon amoureuse a fait des efforts, dans ses recherches.

Je ne leur ai pas dit, mais j’aime bien les chats. C’est juste que leur demi-sœur y est allergique. Alors, entre un chat et son enfant…

La vie a fait que ma plus vieille a préféré faire un bout avec sa mère. Une période difficile pour le papa, mais je m’y attendais. La garde partagée, c’est bien, mais sans doute difficile pour les adolescents. Encore plus si le choix de l’école et la distance rendent presque impossible la continuité paisible.

Si vous cherchez un animal de compagnie, idéal pour une personne malade, un Bengale, c’est le choix! On les considère dans des chats-chiens. Ils adoptent une personne. Au départ, c’est mon amoureuse qu’Acasa a adoptée. Ensuite, ma fille. En plein celles qu’il fallait. Il est toujours près d’un humain. Il est affectueux et si placoteux. En plus de tout le réconfort qu’il donne, même au plus bougonneux de la maison.

Il fêtera, sous peu, son septième anniversaire avec nous…

Le Papa anonyme

 

Les saisons d’une orpheline

Mon papa. Il est mort quand j’avais sept ans. La même année que

Mon papa. Il est mort quand j’avais sept ans. La même année que mon cousin. Et que ma grand-mère. Ça fait trente-trois ans de ça. Oh my God! Je viens de révéler mon âge vénérable! (Ben non, je l’ai déjà écrit et je le dis ouvertement…)

Revenons à nos défunts.

Donc, mon papa. Il était tout jeune, trente-trois ans. Un beau pétard aux yeux et aux cheveux noirs. Policier, père de trois enfants, époux, frère, fils, ami. Il croyait en Dieu et en l’humain. Il écrivait un livre, Prière pour la vie. Il avait des projets. Il aimait la vie. Et il souffrait d’un cancer du cerveau depuis plus de deux ans.

C’est long, deux ans, avec un crabe dans la tête. À la fin, il ne parlait plus, il déparlait à peine. Les neurones étaient en bouillie. Les fonctions vitales le lâchaient au fur et à mesure que la maladie se répandait dans son corps amaigri. Il ne bougeait plus. Il ne souriait plus.

Pendant cette période, j’ai peu vu mon papa. Les heures de visites des enfants étaient limitées, on était trop fatigants pour les malades. De toute façon, c’était pénible aussi pour les enfants bouleversés que nous étions. J’avais beau adorer mon père, je trouvais ça plate, aller à l’hôpital. C’était long. Il ne fallait pas faire de bruit. Et moi, ce que je voulais, c’était jouer des percussions sur les tuyaux de chauffage. Pour me désennuyer, une amie de la famille m’avait offert une bouteille d’eau gazeuse. Trois décennies plus tard, je déteste toujours autant l’eau gazeuse. Mauvais souvenirs associés.

Mais quand même, mon papa me manquait. Maman nous avait expliqué « les vraies affaires » : il ne s’en sortirait pas. Il est arrivé que des infirmières à l’âme empathique m’aient donné une permission spéciale : rendre visite à mon père un soir où les enfants n’étaient pas admis. J’ai dû jouer au ninja pour passer par l’escalier de secours sans me faire remarquer… C’était rassurant de savoir que je pouvais aimer mon papa malgré les règlements, malgré la maladie, malgré tout.

Mon dernier souvenir « normal » de lui, c’est une soirée avec la parenté, dans notre salon. J’étais assise sur ses genoux pendant qu’il buvait sa 50 entouré de ses frères et sœurs. L’hôpital (lire : ce qui était devenu sa résidence principale) lui avait accordé un congé spécial. La fois suivante où toute sa famille a été présente autour de lui, c’était aux soins palliatifs alors qu’il pleurait ses dernières larmes et expirait pour la dernière fois. Je n’y étais pas. J’étais trop petite.

J’avais sept ans. J’ai manqué une semaine d’école. Ma professeure a amené tous mes copains aux funérailles. Quand je les ai revus, c’était à notre Première Communion. Sur la photo de groupe, je ne souriais pas. J’étais trop stressée : je n’avais pas pu pratiquer avant la cérémonie. Et la messe avait lieu dans la même église que les funérailles.

Quinze ans plus tard, je me suis retrouvée dans une autre chapelle, cette fois pour me marier. J’avais demandé au prêtre la permission de lire une prière aux défunts dès le début de la cérémonie. C’était bizarre, mais essentiel pour moi. C’était ma façon de dire à mon papa, ma grand-maman, mon cousin, mon oncle décédé quelques mois plus tôt, et aussi à toutes les personnes aimées qui nous avaient quittés, qu’on les invitait eux aussi. Qu’on leur avait gardé une place dans nos pensées.

Cette journée-là, c’est mon frère et ma mère qui m’ont accompagnée dans l’allée jusqu’à mon futur mari. Vous dire la fébrilité qui m’habitait quand je suis entrée dans cette chapelle pleine à craquer! La veille, on avait déplacé chaque banc de quelques millimètres pour ajouter quelques places assises. Certains de mes amis étaient même debout à l’arrière. Quand on dit « bondé de monde », c’est l’image qu’on a en tête. On ne devait même pas être légaux en termes de sécurité tellement il y avait de l’humain au pouce carré.

Quand je suis arrivée à l’avant et que je me suis tournée vers l’assemblée, j’ai vu un vide bouleversant. Dans cette marée de monde cordé comme des sardines en conserve, il y avait un banc complètement vide, dans la première rangée, du côté de ma famille. Ce banc n’était pas réservé, mais personne n’avait osé s’y asseoir. Tout de suite, j’ai su que c’était la place que mon papa avait choisie pour assister à mon mariage. Il voulait être aux premières loges pour accompagner sa fille dans ce grand saut. Je sais qu’il y était, avec mon cousin, ma grand-mère, mon oncle…

La prière aux défunts a été très émouvante. Pour moi et pour les personnes présentes. Un silence de mort, pourrait-on dire. Mais je dirais plus « un silence de vie ». Ils étaient là. Ils étaient parmi nous. L’orpheline en moi s’est sentie un peu moins orpheline.

 

P.S.: Le lendemain de l’écriture de ce texte, j’ai regardé avec beaucoup de larmes et de «c’est tellement ça!» la vidéo de la chanson «La saison des pluies» de Patrice Michaud, scénarisée par Yan England. Maman, je te la dédie. Tu as été mon papa, toi aussi. https://www.youtube.com/watch?v=FovZ7AefAmo

 

Nathalie Courcy

À toi mon partner

Quand on entre dans la police, ce qu’on apprend dès le premier jo

Quand on entre dans la police, ce qu’on apprend dès le premier jour, c’est l’importance d’avoir un bon partenaire. Quelqu’un sur qui on peut compter dans toutes les situations. Savoir que nous sommes là l’un pour l’autre. Savoir ce que l’autre fera pendant une intervention sans même avoir à se parler. Savoir que son partenaire prendrait une balle pour soi et vice versa. Un bon partenaire est très important dans notre domaine.

Bien ce partenaire, j’ai fini par le trouver. J’ai eu la chance de travailler avec lui pendant quelques années aux enquêtes criminelles. Nous avons appris à nous connaître, à nous apprivoiser et à deviner ce que l’autre pensait dans certaines situations. Un bon vieux couple tout jeune quoi ! Mais le 9 novembre 2014, la vie a décidé que nous ne serions plus jamais partenaires de travail. Sébastien est décédé d’un foutu cancer à l’âge de trente-trois ans, laissant ses tout jeunes jumeaux Tristan et William ainsi que sa conjointe Isabelle. Mais je ne vous parlerai pas ici de son cancer, car mon texte portera sur du positif, soit sur mon partenaire. Sébastien m’a demandé quelques jours avant sa mort de m’assurer qu’il ne soit jamais oublié. Alors voilà !

Je veux donc vous présenter mon partner Sébastien Glaude. J’ai la chance d’avoir cette tribune pour vous le présenter et de cette manière, en quelque sorte, le garder vivant pour que Tristan et William puissent lire sur leur père quand ils auront l’âge de le faire.

Sébastien rêvait de devenir policier. Son père était policier et il ne se voyait pas faire autre chose. Il a combattu un premier cancer très jeune et a subi plusieurs traitements et interventions. Les médecins lui avaient dit qu’il ne pourrait pas devenir policier après toutes ces interventions. Avec sa tête de cochon et sa détermination, il a déjoué tous les pronostics et est entré dans la police.

Sur la patrouille dans ses premières années, il a ensuite tenté sa chance aux examens pour devenir enquêteur. Il a facilement réussi et a été nommé détective et ensuite sergent-détective. Comme il n’a pas froid aux yeux, il a très rapidement accepté un poste au département des crimes graves. C’est d’ailleurs à cet endroit que nous avons commencé à travailler ensemble. Nous avons rapidement développé une passion commune, l’interrogatoire vidéo. Nous étions complices et nous nous complétions bien. Il était positif, déterminé et motivateur ; travailler avec lui était un loisir. Nous avions des projets d’avenir et de retraite ensemble que nous ne pourrons jamais réaliser. Je sais que je pourrai les réaliser sans lui, mais c’était avec lui que c’était prévu.

Sébastien adorait son métier. Il avait cette motivation que l’on retrouve chez très peu de policier. Il avait le désir d’apprendre et de s’améliorer. J’ai eu la chance de faire un cours sur les crimes majeurs au Collège canadien de police à Ottawa avec lui. Deux semaines que je n’oublierai jamais. Ceux qui ont eu la chance de côtoyer Sébastien ne l’oublieront jamais.

Sébastien a été un exemple pour moi, et ce, jusqu’à son départ. Vous devez comprendre qu’il a appris lors d’une visite à l’hôpital le 30 octobre 2014 qu’il ne lui restait qu’entre deux et quatre semaines à vivre. Il était 12 h 45 lorsqu’il m’a appris la nouvelle dans la chambre 3024. JAMAIS je n’oublierai cette douleur, l’incompréhension, la peur et ce sentiment de ne rien pouvoir faire pour lui. Il a tout de même eu le courage de faire des vidéos pour sa famille et des lettres pour ses enfants, qui leur seraient remises aux étapes importantes de leur vie. Il m’a même dicté une lettre que j’ai eu l’honneur de lire à ses funérailles. Oui, il a voulu s’adresser aux gens à ses propres funérailles. Quelques passages de cette lettre sont fantastiques et j’aimerais que vous en faire part :

– Il y en a qui peuvent penser que mourir jeune est une défaite. Que cela signifie « perdre son combat ». Moi, je n’ai rien perdu. C’est moi qui ai gagné. Parce que dans ma vie, à l’âge que j’ai, je n’ai aucun regret, c’est une victoire. Professionnellement, je ne changerais pas une journée de ma vie. Je n’ai eu que du plaisir et du bonheur. C’est exceptionnel.

– Je veux vous dire que la vie c’est un party. La vie c’est le bonheur.

– Personnellement, je ne changerais rien non plus. Je suis entouré d’une famille et d’amis comme je n’ai jamais vu personne être entouré. Ma vie, c’est ma plus belle victoire.

– On ne choisit pas le nombre de secondes qu’on va passer sur la Terre, mais on choisit comment on les dépense. Dépensez-les bien. Même dans les pires journées, il y a des petits moments de joie et de plaisir.

– Je ne connais pas grand monde qui part et qui n’aurait pas changé une journée de sa vie. La seule petite chose que je changerais, c’est d’avoir une journée de plus pour faire la fête avec vous et partager votre présence. Pensez à moi, je vous aime fort.

Alors voilà. Vous connaissez un peu plus qui est Sébastien Glaude et quel genre de mentalité il avait. De mon côté, je respecte mon engagement de le faire connaître et de le garder vivant en parlant de lui ici.

Tu me manques mon partner. C’est encore à toi que je me confie quand j’ai quelque chose qui ne va pas, mais maintenant, je dois accepter que ce soit une discussion à sens unique. Tes conseils me manquent. Ton amitié me manque. Tu as été un exemple de courage pour moi. J’ai hâte de te revoir, mais je vais laisser la vie décider de la date. Sois tout de même patient, car je n’ai pas l’intention d’acheter mon billet trop vite pour te voir.