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Première année sans toi

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Le 6 octobre 2016, je suis allée dans ta chambre, en marchant tranquillement pour aller te réveiller, en ouvrant sans bruit ta porte afin que ton matin se passe en douceur. Toute souriante, je me suis penchée pour te prendre dans mes bras et c’est là que ma vie a changé à tout jamais…

 

Ton réveil en douceur, ta journée remplie de fous rires, de joie et peine, tu ne les as pas eus. Je n’ai pas eu mon câlin du matin, la fameuse crise matinale parce que tu voulais te servir tes céréales toute seule, manger directement dans la boîte et en mettre un million sur le sol. Je n’ai pas eu la journée que j’espérais avec toi le 6 octobre. La journée s’est transformée en cauchemar, car j’ai dû apprendre tranquillement à vivre sans toi, à me dire que chaque seconde désormais serait sans toi.

 

Vivre sans toi, vivre sans mon enfant, vivre avec un vide immense.

 

On ne réalise pas à quel point la vie est fragile tant qu’on n’est pas confronté à une tragédie. Désormais, les drames d’autrui me semblent si anodins! J’ai envie de hurler à la personne qui me parle de ses ennuis de la vie quotidienne que je lui donnerais ma vie, je lui donnerais ma vie, je vivrais ses énormes problèmes; à celle qui me parle de son travail qui est ennuyant, des nuits blanches avec les enfants, des ennuis de son couple qui bat de l’aile, de la rentrée scolaire qui est difficile, je donnerais ma vie pour vivre tous les ennuis du monde aux côtés de ma fille. Je voudrais lui apprendre à tout surmonter, lui dire que dans la vie, tout finit par s’arranger.

 

Après un an, j’apprends à vivre sans toi, trop lentement pour certains, de manière parfaite pour d’autres.

 

Pour ma part, je ne crois qu’il y a de manière parfaite de vivre le deuil d’un enfant. Tu ne veux pas en parler, n’en parle pas! Tu veux partir en voyage, pars! Tu veux aller dans des groupes de soutien, vas-y! Ce que j’ai appris durant cette année, c’est qu’il faut prendre soin de soi. La première année, nous sommes notre priorité; il faut éviter de prendre le malheur des autres sur nos épaules, elles sont déjà assez lourdes comme ça.

 

La vie sans toi, ma fille, c’est plate en titi! Mais ne t’en fais pas, maman rit encore beaucoup et elle apprend tout doucement sa nouvelle vie sans toi.

 

 

Grand-papa a choisi son étoile…

C’est hier, ou

C’est hier, oui hier, beaucoup trop tôt, beaucoup trop vite, que j’ai dû annoncer à mes filles que leur grand-papa avait choisi son étoile. Je l’ai probablement fait maladroitement, en pleurant. Elles ont pleuré, beaucoup, sans trop comprendre pourquoi grand-papa avait choisi de leur dire adieu.

 

Elles ont compris qu’elles venaient de perdre ce grand-papa qui les aimait tellement fort, qu’il était impossible de les voir autrement que parfaites.

 

Ce grand-papa qui riait de tout ce qu’elles faisaient. Même des coups pendables que papa et maman déploraient. Lui, il les expliquait par un fou rire, il leur trouvait toujours la parfaite excuse.

 

Ce grand-papa qui malgré la maladie, jouait avec elles. Il se prenait à leurs jeux, prenant tous les faux médicaments qu’elles lui apportaient à tour de rôle. Les faisant rire en simulant des étourdissements causés par trop de médicaments.

 

Ce grand-papa qui renchérissait leurs histoires en leur racontant ses propres anecdotes. Faisant germer dans leurs têtes les prochaines aventures qui seraient accompagnées de l’excuse parfaite : « Grand-papa l’a fait, lui! »

 

Ce grand-papa qui malgré la fatigue et la maladie, prenait le temps de faire les p’tits ronds (mots cachés) avec ma plus vieille. Partageant avec elle des moments privilégiés et des discussions si précieuses qu’elle les gardera dans son cœur. 

 

Ce grand-papa qui jusqu’à la fin s’informait, s’inquiétait de ses petites filles. Les serrant dans ses bras à chaque visite, leur donnant une dose d’amour.

 

Il aura joué tous les rôles de sa vie (père, conjoint, grand-père, etc.) à la perfection. Il laissera à chacun le souvenir d’un homme d’une extrême gentillesse. Un homme doté d’un sens de l’humour hors du commun. Il nous aura appris à tous que malgré les épreuves de la vie, il y a toujours moyen de se battre pour ceux que l’on aime. 

 

Oui, grand-papa a choisi son étoile. Il brillera pour nous. Il veillera sur nous.

 

Et nous, nous l’aimerons toujours; il aura sa place dans chacun de nos cœurs.

 

Comme le dit si bien ma grande :

 

« Brille grand-papa, tu l’as bien mérité! »

 

Mélanie Paradis

 

Le dernier voyage

Mon grand-père a rendu l’âme il y a deux étés, entre la démence le matin et la super-intellig

Mon grand-père a rendu l’âme il y a deux étés, entre la démence le matin et la super-intelligence le soir. Il est décédé en paix, prêt pour un autre voyage, fidèle à ses habitudes de nomade. Il fait partie de ceux qui ont quitté, voire fui l’après-guerre en France pour vivre le fameux et inexistant rêve américain. L’Amérique, c’était nous. Nous allions devenir sa famille, sa lignée, son Canada.

Puisqu’il nous a quittés pendant l’été et que certains membres de la famille étaient absents, ses enfants ont décidé d’attendre l’arrivée de tous pour disperser ses cendres. Avec l’accord de ma grand-mère évidemment, qui venait de perdre son compagnon de vie et de voyage. Il fallait au moins faire un petit quelque chose. Il n’y avait eu aucune cérémonie, pas d’exposition, pas de chansons. C’est avec une impression de « que cé qu’on fait icitte » que nous nous sommes tous retrouvés par une grande journée d’automne sur la rive nord près de sa résidence, qui ne représentait pas même le dixième de sa vie. Ma pauvre grand-mère en peine le voulait près de l’eau pour lui rappeler le chalet qu’ils avaient eu et où ils avaient vu leurs enfants grandir. C’est  loin d’un moment magique et calme, sans les pieds pendants au bout du quai, sans flafla, que nous avons marché dans le petit sentier qui nous a menés à un endroit ordinaire, loin des grands chants harmonieux de l’église qui ouvre le ciel en deux.

Avant d’aller plus loin, je dois mentionner que mon grand-père était aimé et aimant. Pas des plus démonstratifs, mais il a su prendre soin de sa famille. Ce n’est pas par débarras que ses proches ont décidé de lui dire au revoir près d’un fleuve inconnu, mais plutôt par manque de choix. Grand-papa aimait les livres et les voyages. Sa vie était en quelque sorte dans la nature, comme ses vieux jours dans son chalet. Il était parfois plus près des éléments naturels que des humains. Plus près du bois de son chalet qui craquait et vieillissait au même rythme que lui, il était maintenant mort et dans l’air. Nous étions réunis à un endroit léger qui le représentait bien et ça allait à tout le monde comme ça. On le voyait tous planer d’un continent à l’autre à la recherche des meilleurs vins et fromages du monde. Une image qui rendait ma grand-mère heureuse, avec une certaine envie qui la travaillait d’aller le rejoindre déjà. Il fallait donc que son dernier repos reflète sa vie. Et même si le choix de disperser ses cendres s’est imposé de lui-même, je dois avouer qu’un certain flou subsistait dans nos têtes… Était-ce même permis de le faire? En fait, j’ai appris récemment qu’Alfred Dallaire Memoria offre, depuis quelques années déjà, d’accompagner les familles ayant choisi la dispersion. Ils ont même ouvert, cet été, un jardin dédié à la dispersion des cendres tout près de la résidence pour personnes âgées où habitait mon grand-père! C’est un magnifique jardin d’arbres et de fleurs, où coule une fontaine et où ma grand-mère aurait certainement aimé se recueillir.

Mais, nous voilà donc en cercle avec une musique classique grinçante qui s’étouffe sous le bruit des feuilles au sol. On se passe l’urne de mains en mains, ne sachant pas trop quoi faire. Ma tante, propose donc à chacun de prendre une pognée de cendres et de la lancer au sol de façon symbolique. L’endroit devait sûrement être plus important pour le dernier chien passé par là que pour nous. J’avais l’impression d’enterrer mon hamster. Mon père, aîné de la famille, s’est lancé en premier avec une bonne vieille blague de poudreuse. Ses frères et sœurs ont suivi. Ma pauvre grand-mère en peine a pris une belle grosse poignée qui s’est retrouvée partout sur elle avec le coup de vent. Les passants qui marchaient dans le parc auront ramené un peu de mon grand-père chez eux. Ils nous regardaient tous d’un air étrange, compatissant, intrigué.

Bref, la cérémonie s’est terminée avec un regard sur l’eau ou plutôt sur l’horizon et le sourire aux lèvres ; c’est la façon de notre famille de surmonter les étapes plus difficiles. C’est particulier, mais c’est nous. Un peu tout croche, mais avec plein d’amour, nous avons tourné la page de la belle vie remplie de mon grand-père. Ma grand-mère était triste évidemment, mais sereine et contente. Le plus important, c’était de nous savoir tous là. Coquette comme elle est, elle a même su trouver particulièrement joli le brillant que les cendres de mon grand-père laissaient sur son pantalon noir.

Ma grand-mère nous a quittés il y a deux semaines, entourée des siens, après que nous ayons tous pu venir lui dire au revoir. Elle est partie rejoindre son amoureux.

La cérémonie a eu lieu le 24 juin, chez mes parents, dans la cour arrière. Nous avons été bien chanceux qu’il vente un peu moins.

Pour ceux et celles qui souhaitent réaliser la dispersion des cendres d’un proche, Alfred Dallaire MEMORIA offre son expertise et sa sensibilité afin de vous accompagner selon vos souhaits dans un lieu qui vous est cher. D’ailleurs, pour répondre encore mieux aux besoins des familles, l’entreprise vient d’inaugurer son tout nouveau Jardin des mémoires qui permet des rituels de dispersion et des cérémonies anniversaires dans un lieu dédié où il est possible de laisser une trace et de se recueillir en toute saison. Pour plus d’info : Jardin des mémoires – Alfred Dallaire MEMORIA

Je me souviendrai toujours

Je me souviendrai toujours

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Je me souviendrai toujours

Un certain matin du mois de juin, le souffle m’a coupé. J’ai lu sur Facebook que la maladie te tuait à petit feu. Que le foutu cancer te rongeait par en dedans. La vie, c’est au présent que tu dois la vivre. Le futur pour toi reste incertain. Ce jour-là, sans le savoir, tu m’as donné toute une claque au visage.

La vie continue.

Je t’admire profondément. Malgré la tempête qui arrache tout sur son passage, tu souris. Tu as pris la décision que la vie, c’est beau. Tu dois ça à ta femme et à tes deux garçons hein ? J’arrive à peine à imaginer ce que tu ressens en les regardant… Est-ce la dernière fois ? J’ai des frissons. Tout doit se bousculer dans ta tête. Comment vivrez-vous mon départ ? J’aimerais tellement les consoler, leur dire que ça va bien aller… Mais la réalité nous rattrape… Je ne veux pas vous mentir. Ce sera difficile. Mais la vie continue ! Faites-le pour moi, ma culpabilité de vous quitter sera moins grande. Svp.

Les souvenirs que je garde de toi

Je t’ai connu en cinquième secondaire. J’étais assise en face de toi pendant le cours de mathématique. Tu avais un des plus beaux sourires que je n’avais jamais vus. Tu me faisais du bien. Nous sommes rapidement devenus amis. Moi qui détestais les chiffres, j’en suis venue à aimer cette période de cours. Des fous rires, j’en ai eu avec toi. La vie était simple à tes côtés. « Stresse-toi pas Alex, je suis là, je vais t’aider. » J’ai passé cette matière grâce à toi. Merci ! Après, nous avons pris chacun notre chemin. La vie est ainsi faite.

L’impact que tu as sur moi

Apprendre ta maladie a provoqué en moi une urgence de vivre. Une soif de faire ce dont j’ai envie… Pas pour les autres, mais pour moi. Juste pour moi. Je me surprends à respirer l’odeur de ma fille juste pour le plaisir. J’embrasse maintenant mon homme comme si l’on se remariait tous les jours. La vie est si courte ! Je n’ai que trente-sept ans… Un monde de possibilité se dessine devant moi. Ce n’est qu’à moi de décider ce que je veux en faire. Car moi, j’ai la chance d’avoir la santé.

Leçon de vie

Je te remercie sincèrement pour cette leçon de vie. Grâce à toi, je vois la vie différemment. Je la respire autrement. Je prends conscience du moment présent et du bonheur dans les petites choses. Je pardonne plus facilement et je m’excuse régulièrement. Je me rends compte de l’importance des gens et de l’amour que j’ai pour eux. Tu n’es aucunement au courant de l’impact que tu as eu dans ma vie seulement avec ce message sur les réseaux sociaux. Ton courage, ta franchise, ta bonne humeur et ton positivisme font de toi un être exemplaire.

Je te souhaite la paix

Je ne sais pas si tu auras le temps de lire ce texte. À travers celui-ci, je te souhaite de trouver la paix dans les petits plaisirs de la vie. Le soleil, le bruit du vent, le rire de tes enfants et la chaleur des bras de ton épouse. Continue de te battre comme tu le fais, car par tes yeux, la vie mérite vraiment d’être vécue !

Alexandra Loiselle

Lettre à une bonne fée marraine

Ma maman me disait que quand on se regardait, nos yeux pétillaient.

Ma maman me disait que quand on se regardait, nos yeux pétillaient. Mon petit visage changeait d’expression quand tu arrivais près de moi ; nous étions connectées. Tu n’avais ni conjoint ni enfants ; le jour de ma naissance, je suis devenue ta raison de vivre, ta raison de te battre pour ce qui s’en venait, mais ça, on ne le savait pas encore. Étonnamment, je suis née deux jours avant ta fête, à croire que la vie t’offrait mon arrivée en cadeau. Tu étais la sœur de mon père, mais beaucoup plus qu’une tante. Tu étais ma marraine, mais surtout mon âme sœur ; tu le resteras à jamais d’ailleurs. Notre relation ne se s’explique pas ; elle se vivait. Tu m’offrais sans cesse la lune, sans même que j’aie à la demander.

Comme n’importe quelle famille, nous avons nos problèmes, nos discordes, nos histoires, nos héritages, nos ombres. Ce texte, je l’écris pour toi, pas pour elle. Ce texte, il te revient.

Du plus loin que je puisse me souvenir, tu as toujours été malade. Je ne ferai pas la liste des maladies qui t’ont rendu visite, ça prendrait trop de place. Du plus loin que je me souviens, j’ai compris qu’on devait te protéger, s’occuper de toi et t’aimer fort. Assez tôt, tu as dû commencer à m’expliquer que tu ne serais pas à mes côtés pour longtemps. Tu étais un ange sur ma route. Ça, je l’ai compris bien des années plus tard.

Quand je voyais trop grand, tu me ramenais gentiment à la réalité : les projets trop loin, on ne pouvait pas les planifier, au cas où. Ça me faisait de la peine, évidemment, mais c’était plus fort que moi, plus fort que ce que j’étais capable d’accepter. Je me disais que ça ne se pouvait pas, tu ne pouvais pas partir, me laisser toute seule. Bien sûr, j’avais et j’ai toujours mes parents à mes côtés qui font leur travail de façon exemplaire, mais moi, c’est comme si la vie m’avait dotée d’un troisième parent qui avait pour rôle de me protéger ou plutôt, de me surprotéger. Alors si tu partais, qui allait me protéger de la sorcière ?

Quelques mois avant nos anniversaires, tu m’as demandé comme chaque année ce que je souhaitais avoir comme cadeau. J’allais avoir seize ans. J’ai demandé un voyage dans les Bahamas, à l’hôtel Atlantis, t’sais comme dans les films ? Tu m’as regardée sans aucun étonnement, tu as ouvert l’ordinateur et tu t’es dirigée vers les sites web de voyages. De fil en aiguille, nous avions convenu que Cancún serait probablement notre prochaine destination ; tu souhaitais y retourner depuis un bout et surtout, tu souhaitais me faire découvrir ce pays. À cause de la maladie, tu m’avais aussi dit que, pour ce voyage-là, ce serait un « dernière minute ». Tu allais m’appeler quelques jours avant puis Bye, Bye papa et maman, Vicky et Guylaine s’en vont à Cancún…

Le téléphone a fini par sonner, mais tu avais changé la destination. Tu étais à l’hôpital. Ton cœur ne suivait plus la cadence. Moi, je n’étais pas au courant de ce changement de plan et je sais que ce n’était pas non plus ton idée. Cette année-là, nous avons passé nos anniversaires dans une chambre blanche, triste et froide. Je ne comprenais pas et j’étais fâchée. Je n’étais pas fâchée de ne pas aller en voyage, j’étais fâchée après la vie. Je ne comprenais pas pourquoi c’était TOI que la vie avait prise d’assaut et pas un méchant, t’sais, ceux qu’on voit à la télé… À seize ans, j’étais mature, mais si jeune, si naïve. Les semaines ont passé, les bobos se sont accumulés à la porte de ta chambre, ils n’en sont jamais ressortis. Ils se sont invités comme des voleurs.

Finalement, malgré des in and out à l’hôpital, nous avons réussi à mettre un petit baume sur nos cœurs, nous avons pu avoir un dernier Noël ensemble, dans ta maison. Tu étais tellement heureuse d’y être ! Nous avons pleuré ensemble lorsque tu as enfin pu y remettre les pieds, trop de mois plus tard. J’ai veillé sur toi pendant tous ces mois de calvaire. Après l’école, j’allais chez toi ou à l’hôpital, selon ce que ton cœur et tes reins décidaient.

Je ne sais plus à quel moment exactement nous avons échangé nos rôles. J’étais rendue l’ange et toi, la fragilité. Je t’ai accompagnée comme j’ai pu, comme je le comprenais. Puis un vendredi matin, c’est arrivé. Je me suis levée, papa m’attendait dans la cuisine. Naïvement, j’ai cru que c’était le chien qui était mort, je ne pouvais juste pas imaginer que tu partirais un jour. Ce n’était pas dans le contrat, il me semble ?

J’ai pleuré. J’ai eu mal. Je pleure encore et j’ai encore aussi mal. Rassemblant courage et honneur, j’ai demandé à accompagner papa pour te choisir un dernier lit pour le plus grand des repos. On m’a aussi demandé de te choisir des vêtements pour le dernier des voyages ; j’ai choisi le chemisier que j’aimais le plus.

Je sais que tu méritais cette délivrance, vraiment. Pourtant ça a été plus fort que moi, j’ai crié de toutes mes forces pour que tu reviennes, ça ne se pouvait pas. Papa et maman me tenaient contre eux, essayant de me calmer et de me rassurer, rien à faire. J’étais déchirée de l’intérieur, je te parlais dans ce lit rempli de fleurs, mais tu ne répondais pas. J’avais encore besoin de toi, auprès de moi. À dix-sept ans, nous sommes encore des enfants, nous jouons aux adultes, mais nous n’en sommes pas vraiment. Que connaît‑on de la vie ? À quarante‑six ans, tu t’es éteinte. Moi aussi, je me suis éteinte. Une partie de moi est partie avec toi cette journée-là. J’ai eu un double deuil à faire : le tien et le mien.

Six ans plus tard, il n’y a pas une journée où je n’y repense pas. Je trouve encore la vie injuste, je ne comprends toujours pas les raisons de ton départ. Je suis consciente que c’était pour le mieux ; tu souffrais beaucoup.

Merci pour tous les souvenirs, tous les fous rires, les occasions spéciales, les secrets échangés, et pour la place que tu m’as faite dans ta vie. Ce n’est qu’un au revoir…

À bientôt

P.S. Bientôt, je serai à Cancún, j’espère que tu y seras aussi.

Vicky Boivin

J’ai grandi sans père

J’ai grandi sans père, le mien étant décédé lorsque j’avais

J’ai grandi sans père, le mien étant décédé lorsque j’avais un an. J’ai grandi en ne sachant pas ce que c’est de vivre avec cet homme superhéros dont mes amis me parlaient. À la fête des Pères, on fêtait dans ma famille les autres pères. Je ne comprenais pas ce que cela voulait dire, « fêter mon père ». Ma tendre mère qui jonglait avec toutes les sphères parentales sans relâche, était « ma » fêtée du jour. Elle n’arrivait pas, bien sûr, à nous offrir le contact d’un père malgré tous ses efforts pour ne pas que nous en souffrions. Par contre, je n’ai jamais ressenti qu’il me manquait un père, car….

J’avais Gilles. Il est (était) le frère de ma mère. Cardiaque de son état. Il avait tellement bon cœur et généreux que son cœur avait des failles. Il était propriétaire d’un chalet en Estrie. Le vendredi, il terminait tard et venait nous chercher, ma mère et nous, pour aller passer des fins de semaine fantastiques au chalet. L’hiver, Gilles se couchait dans notre lit en arrivant pour ne pas que nous ayons froid. Je pouvais passer des heures le dimanche, assise sur le bol de toilette, à le regarder se raser. Son odeur de preferred stock était pour moi un réconfort à humer. Quand il me gardait, il m’emmenait à mon restaurant préféré, même s’il trouvait ce qu’on y servait « pas ben bon pantoute ». Il était là, pour nous, comme un père. Si bien qu’un jour…

Lorsque mon frère s’est enlevé la vie, il a été le seul à qui j’avais besoin de parler. Il ne parlait pas toujours, Gilles, mais il était tellement sécurisant par sa présence. Je savais qu’il saurait s’occuper de moi et de ma mère.

Il est décédé il y a quelques années… du cœur. Son départ a été pour moi comme si mon père était décédé. Il m’a permis de savoir ce que c’est qu’un père, même si je n’ai réalisé cela qu’après son départ. Merci Gilles !

On dit que cela prend un village pour élever un enfant. J’y crois tellement, car on ne sait jamais quelle différence nous pouvons faire pour les autres. Il n’y a pas que les pères de sang qui portent la cape de superhéros paternels…

Martine Wilky

Pas d’au revoir

Je regarde les paupières mi-closes, autant par l’émotion, la cha

Je regarde les paupières mi-closes, autant par l’émotion, la chaleur et les larmes, les dernières braises de ton adieu. Cela fait bien trois jours que ton propre regard s’est éteint, définitivement. La main sur mon bas-ventre arrondi, je pleure sur mes regrets que tu ne connaîtras jamais. Je pleure sur l’ignorance qu’aura mon enfant, notre enfant, de ta bienveillance.

Trois journées déjà où ton absence se fait ressentir pleinement. Alors que tu allais chercher avec fierté de quoi nous nourrir, tu t’es retrouvé à faire face à la fin, à mourir.

Quelle injustice !

Je n’ai pas eu le temps de te dire adieu lorsqu’avec ton sourire, tu m’as dit : « À plus tard ». Ce ne devait être qu’un au revoir ! Tu n’es jamais revenu debout. Tu ne seras jamais plus, avec nous.

Comment vais-je y arriver ? Comment vais-je trouver en moi suffisamment de paix et d’amour pour ne pas transmettre ma haine à ce petit être qui ressent tout en moi ? Arriverais-je un jour à pardonner à ce faucheur qui t’a arraché à nous ?

Il n’avait pas le droit de faire cela !

De nos jours, nous savons tous que la vitesse au volant est sans pardon pour ceux qu’elle agrippe en passant. POURQUOI ? Pourquoi existe-t-il encore des gens qui ont cette pensée magique que ça n’arrive qu’aux autres ? Moi, j’ai perdu par sa faute la plus belle magie de ma vie. Ton amour, ta présence, toi, tout simplement.

Notre enfant n’en est pas encore un qu’il est déjà orphelin, par la faute d’un crétin !

Le ciel lui-même semble colérique en ce moment. Une main sur mon épaule qui me serre doucement. NON, je ne veux pas partir, pas encore, pas maintenant. Regardez-le s’envoler, sans moi. Tout ce qui reste de lui, c’est cette cendre qui s’éparpille.

Je veux être seule avec toi une ultime fois. Je ne t’ai pas reconnu sur ton dernier lit. Ce n’était pas toi, ton visage n’était plus qu’un amas de traces déformées. Mon esprit le sait, mais mon cœur ne veut pas l’accepter. Ne PEUT pas.

J’ai les yeux qui brûlent. Tout mon être hurle. Du fin fond de moi, un cri de détresse se noie. Une peine sans mesure m’étouffe. On m’a dit combien tu étais bon, généreux, gentil. Mais, tu ES PARTI.

Au moins, j’aurai respecté cette volonté que tu m’avais partagée, dans une discussion où nous croyions que ce n’était pas près d’arriver. Te voilà dans le vent, rejoignant le ciel et la mer. Alors que je plonge en enfer, tu t’envoles, toi, ma poussière.

Je reviendrai sur la grève, te visiter chaque année. Je parlerai de toi à chaque instant à notre enfant. Il connaîtra son père, même s’il ignorera la douceur de tes bras. Je lui ferai écouter ces enregistrements où il pourra te voir chanter gaiement. Rire aux éclats et danser de cette façon qui me donnait des crampes tellement j’en riais. Tellement ça en était ridicule !

Mais le vrai ridicule, ce n’est pas tes faux pas.

Le vrai ridicule, ce n’est pas cette fois où pour me dérider tu t’étais lancé dans l’improvisation d’un poème sans queue ni tête, n’ayant d’importance que ton intention et le titre : « Je t’aime ».

Le ridicule, c’est de t’avoir perdu par les manœuvres d’un hurluberlu.

Mais je n’y peux rien. Je t’en prie, reste avec moi, même dans l’invisible ! Prends-moi dans tes bras une ultime fois ! Ne t’en va pas sans moi ! Ne me laisse pas ! Je t’en prie…

Je sais, je dois me relever. Mais comment y arriverai-je sans toi ?

RESTE !

J’ai gardé un peu de tes cendres dans un médaillon. J’espère que tu ne m’en voudras pas. Mais je ne peux pas me séparer complètement de toi. Si ce soir-là, tu m’as dit « À plus tard » sans revenir, aujourd’hui, je dois accepter de te dire adieu, de te laisser partir.

À DIEU… Toi qui me l’as ravi, prends bien soin de lui. Permets-nous de nous retrouver un jour, dans bien des années, lorsque notre enfant aura bien vécu et aura connu cette appartenance à un ultime amour.

Veille sur nous, où que tu sois. Je t’aimais tellement, je ne t’oublierai pas.

Je quitte la falaise d’où je t’ai laissé t’envoler. Je reviendrai, sois-en assuré. Te voir dans l’immensité, toi mon amour, l’homme que toujours j’aimerai.

Ce texte n’est pas « mon » histoire, mais celle d’une connaissance en deuil il y a quelques années. Depuis, elle a donné naissance à une jolie petite fille qui a bien grandi. Bientôt grand-mère, elle attend toujours et espère rejoindre bientôt son grand amour.

 

Simplement, Ghislaine.

 

Pas de vacances pour le deuil

Depuis 1985, je traverse les fê

Depuis 1985, je traverse les fêtes des Pères sans mon père à moi. Heureusement, maintenant, le père de mes enfants occupe ce siège réservé aux paternels. Mon beau-papa, aussi, joue un rôle important dans notre vie. Mais il reste que le trône glorieux, celui du papa qui m’a donné la vie et qui devait m’accompagner à l’autel lors de mon mariage, est vide. Rempli par son silence de mort. Par son invisibilité de disparu.

Et son absence se fait sentir tout l’été. Une ombre sous le soleil.

Ça commence avec la fête des Pères, ça va de soi. Une fête qui n’en est pas une. Quand j’étais petite, je participais à la procession des offrandes à la messe de la fête des Pères. J’avais choisi d’offrir une carte de fête pour mon papa. Le pauvre curé à lunettes qui avait enterré mon père l’année précédente a bien failli aller le rejoindre tellement il était choqué. Le deuil d’une fillette s’exprime comme il peut…

Traditionnellement, le 23 juin, c’est fête. La saison estivale est commencée (b’ah, cette année, on n’en est pas encore certains!), on dit adieu à l’année scolaire et coucou aux vacances. Mais par chez nous, le 23 juin, c’est aussi la date de naissance de mon papa. Un Cancer, comme moi. Mais lui, il a joué le jeu jusqu’au bout et il est mort d’un cancer. Le cerveau qui a été touché, gangrené, ravagé.

Puis, c’était le tour de la fête de tous les enfants, mes frères, moi. Tous devenus grands depuis belle lurette. Même mon mari est né en août. Même mon mariage est né en août. Même mon bébé pas né, est né en juillet. Ça en fait, des journées à célébrer ou à se remémorer. Et maintenant, ça en fait, des journées à se souvenir.

Me souvenir que lui, il n’y est pas. Le vide est là, mais il n’y est plus tant que ça. Il fut des années, de trop nombreuses années, où l’absence occupait toute la place. Une absence omniprésente. Je n’étais pas en deuil, j’étais un deuil.

Contre sa volonté de vivre, mon papa a quitté la santé et la maison quand j’avais cinq ans. L’âge de l’Œdipe dans le piton. L’âge où c’est si facile d’idéaliser l’homme de la famille. Puis, quand j’avais sept ans, cet homme, ce héros, cet idéal masculin (son seul défaut n’était-il pas d’être mourant?), un 15 mai, il est parti pour de bon. Ou plutôt pour de mal. Ça fait mal, chercher son papa pendant trente ans. Stromae n’est pas le seul à chercher son père… Où t’es, Papa, où t’es?

Je savais que l’été de mes trente-trois ans passerait comme un hameçon tordu dans ma gorge. Il était décédé à cet âge. Si jeune, si peu vécu! Il y a sept ans, la femme que j’étais avait alors une fille de sept ans, mon âge au moment où j’ai dû assister aux funérailles de mon papa. Trop de circonstances anti-atténuantes.

Mais la beauté de la chose, c’est que je me suis préparée mentalement et émotivement à vivre cette portion du deuil. Certains diront que je me suis piégée dans la pataugeoire du manque pendant trop longtemps. Mais le deuil, il fait son temps, il revient de temps en temps, il s’effrite, il se reconstruit, et il avance. Cette année-là, j’ai fait un grand bout de chemin. Plutôt que de m’effondrer, j’ai pris mes cartons en patience et j’ai bricolé.

J’ai refait un parcours de la vie de mon père, de notre vie de père-fille, à travers les pages d’un album de collage. Des photos en noir et blanc, en couleurs, des articles de journaux, ses diplômes, des lettres, l’homélie prononcée lors de ses funérailles, des souvenirs partagés par ses frères, ses sœurs, sa marraine… En trente-trois pages, j’ai rebâti un souvenir que la maladie m’avait volé. J’ai récupéré auprès des siens des paroles, des blagues (oui, j’ai découvert en lui un farceur), des prières, des ambitions. Et à travers leurs témoignages, j’ai compris, un peu, d’où je venais.

Et maintenant, je sais. Je suis née un jour de juillet, au cœur d’un été à peine entamé mais déjà rempli de promesses et de fêtes, sous les rayons d’une famille qui allait m’entourer pendant un temps, le temps que chacun allait durer. Mon père n’a duré que trente-trois étés. Son corps s’est fané, sa présence s’est étiolée, mais son souvenir est resté et reste gravé.

Quelles sont les personnes qui vous manquent, et que faites-vous pour traverser les étapes du deuil?

 

Nathalie Courcy

Cet appel…

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14 mars, 9h20. La météo annonce une méga tempête de neige. Aucun flocon à l’horizon. Ça fait deux jours que mon père ne se sent pas bien. La respiration est difficile, l’oxygène est au max, il ne veut pas se lever. Moi, je suis au travail, assise avec mes collègues comme tous les matins. Un matin bien ordinaire… Mon cellulaire sonne, c’est le numéro de mon frère… Ma belle-sœur au téléphone me dit bien calmement: « Annie, ta mère vient d’appeler l’ambulance, elle amène ton père à l’hôpital. Ne panique pas, elle t’appelle dès que possible. » Je suis à Montréal, mes parents sont en Estrie. Mes collègues me disent de partir, d’aller à son chevet. Je leur dis qu’ils ne connaissent pas l’autoroute des Cantons-de-l’Est pour me dire une chose pareille. 

 

Tremblotante et sur le bord des larmes, je reste au travail. Je travaille avec le public. Pas facile de sourire. Je suis chanceuse dans ma malchance, c’est mon amie qui est ma superviseure cette journée-là. Mon cellulaire sonne, je demande à aller prendre l’appel, on me remplace. C’est ma mère. Calmement, elle m’explique le fil des évènements. Mon père, avec sa maladie pulmonaire, a eu la chance d’avoir des médecins exceptionnels. À commencer par son médecin de famille, Dre Marielle Bibeau. Elle se déplaçait pour venir le voir à la maison étant donné son état. Comme il était oxygéno-dépendant, les déplacements étaient très compliqués. Ce matin-là, 14 mars, Dre Bibeau devait venir rendre visite à mon papa. Ma mère lui a donc téléphoné, et suivant ses bons conseils, elle a appelé l’ambulance en disant à ma mère de ne pas s’inquiéter, qu’à leur arrivée à l’hôpital, ils seraient pris en charge immédiatement. Effectivement, à leur arrivée, le pneumologue de papa, Dr Cantin, les attendait.

 

Mon père a aussitôt été pris en charge et on lui a demandé s’il voulait des traitements. Sachant très bien qu’il venait de faire son dernier voyage avant le grand départ, il a refusé. On l’a aussitôt référé aux soins palliatifs de l’hôpital. On lui a promis une grande chambre individuelle, dans laquelle il pourrait vivre ses derniers moments paisiblement. Par contre, l’hôpital était en état d’alerte. Méga carambolage sur l’Autoroute 10… Une chance que je n’avais pas pris la route…

 

Pendant une semaine, mon père a pu voir et apprécier chaque petit moment passé en compagnie de ceux qu’il aimait. Ses frères, sa sœur, son beau-frère, ses belles-sœurs, ses neveux et nièces et surtout sa femme, ses enfants et ses petits-enfants. Ces cinq petits êtres qu’il aimait tant. Son état ne cessant de se dégrader, il a demandé la sédation pour le 21 mars à 10 h. Tout un geste de courage. Jusqu’à la fin, il nous a fait croire que tout allait bien. Jusqu’à la fin, il a fait comme si tout allait pour le mieux. Il nous a quittés sereinement le 21 mars à 4 h du matin, avec sa douce à son chevet. Encore cet appel, cet appel tant redouté, mais qui était attendu pour le laisser enfin s’envoler et quitter ses souffrances.

 

Tu me manques énormément mon père, mais tu as été tellement un exemple de courage et de résilience. Repose en paix maintenant et veille sur tes cinq petits trésors. xxx

 

Je voudrais, par cette tribune, remercier les Dr Bibeau et Cantin ainsi que le personnel de l’hôpital CHUS de Sherbrooke pour les soins exceptionnels apportés à un grand homme.

  

Annie Corriveau

 

Ma mère est une force de la nature…

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Ma mère est devenue veuve lorsque j’avais un an et demi. Elle se retrouvait avec deux bébés, seule à nous élever. Malgré sa peine incroyablement profonde, elle a réussi à nous déménager près de sa famille et à prendre soin de nous.

 

Je n’ai pas grandi avec un père, mais je n’ai jamais manqué d’amour. Je me suis toujours sentie aimée. Nous n’avions pas de richesses; d’ailleurs de ce côté, ma mère sait faire des miracles. Je ne me suis jamais non plus sentie moins bien nantie que mes amis. Elle a toujours tout fait pour nous. Elle a été mon père et ma mère. C’est une femme qui représente très bien, parfois trop, le don de soi. Elle est d’une générosité incroyable. Elle est la personne qui écoute le mieux sur cette planète. Sans te juger, sans arrêter de t’aimer.

 

Elle a survécu à la mort de son mari et plus tard, à celle de son fils. J’ose à peine imaginer ce que cela peut être pour une mère de perdre son enfant. Lorsque ton enfant choisit de mettre fin à ses jours, alors là, comment passer au travers? La douleur me tenaille juste à y penser. Mais encore là, elle s’est relevée et a continué. On a vécu des deuils très différents. Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs à cette époque. Mais jamais elle ne s’est effondrée.

 

Ma mère, c’est aussi une Superwoman. Elle n’a pas attendu après un homme pour s’établir. Elle va chercher ce dont elle a besoin. Elle est tendrement appelée « la BM » par son gendre. Elle est Madame Bricole, elle répare tout ce qu’elle peut. Elle cuisine le meilleur bœuf aux légumes de la terre. Elle a cousu plus qu’à son tour. Elle entretient son terrain et sa maison elle-même. Il n’y a rien à son épreuve!

 

Ma mère est la meilleure accompagnatrice de l’humain que je connaisse. Si tu ne vas pas, elle est la meilleure à qui parler. Si tu es malade, c’est la meilleure infirmière que je connaisse. Si tu as besoin d’aide, elle est toujours présente. Elle a aussi accompagné dans la mort tellement de gens qu’elle a aimés. Mais malgré sa propre souffrance, elle affiche présente. Elle est l’Amour même.

 

Ma mère est une femme toute petite, toute mince, tellement douce et qui semble toute fragile. Ne vous laissez pas tromper, car en fait ma mère est… une force de la nature!

 

 

Ode à une Rose magnifique

Elle avait un sourire si doux et des yeux moqueurs. Mais surtout, ell

Elle avait un sourire si doux et des yeux moqueurs. Mais surtout, elle avait le respect du village. Ma grand-mère, c’était une Rose, littéralement. Et elle s’est éteinte ce matin, à 7 h 45.

Rose habitait un petit village qui se nomme l’Île-du-Grand-Calumet. Une magnifique place où tout le monde se connaît, où il n’y a que deux rues, où la rivière coule à flot. Dans la grande maison où elle a élevé ses six garçons, il y a plusieurs doux souvenirs qui bordent les murs, les étagères et l’air, tout simplement — pis y avait toujours des sucreries dans l’armoire, ses carrés aux dattes étant les meilleurs au monde.

Puisque quatre heures de route nous séparaient, nous ne nous voyions pas aussi souvent que nous l’aurions aimé. Bien sûr, quatre heures, ce n’est pas si loin… Mais lorsqu’on a la vie d’une maman full time, avec un travail full time, des jeunes kids full time, il est plus difficile de voyager et de planifier des road trip (pour moi en tout cas). L’an passé, elle est venue me visiter à Montréal pour la première fois en seize ans. Et elle est revenue à plusieurs reprises ensuite. Elle était fière d’où j’étais rendue, de mon cheminement de vie, de mes choix. Elle m’aimait fort. Pis moi, je l’admirais tant.

Depuis que j’avais des enfants, on se voyait beaucoup. Les filles l’aimaient tellement et wow ! Que c’était réciproque. Elles étaient ses premières petites enfants. Elle CAPOTAIT sur mes filles. On dirait qu’en ayant moi-même des enfants, j’avais mille fois plus de respect pour elle. Quand on se voyait, j’en profitais pour lui poser des questions, lui demander des conseils, l’admirer, l’écouter. Parce que t’sais, après tout, elle en a élevé six. La madame savait de quoi elle parlait.

Au début de l’hiver, Rose a fait deux accidents cardio-vasculaires en moins de douze heures. En apprenant ça, j’ai paqueté mon char avec mes p’tites pis je suis partie pour l’hôpital fucking trop loin de chez nous. Il faisait si froid. En arrivant là-bas et après que j’ai expliqué la situation, l’infirmière nous a laissées entrer dans sa chambre aux soins intensifs, même si j’étais accompagnée de jeunes enfants. Je suis ressortie aussi rapidement que j’étais entrée, en m’obstinant pendant un bon dix minutes et en disant que non, cette dame couchée dans le lit, pluggée de tous bords tous côtés, n’était pas ma Rose. C’était bien elle… J’ai pleuré en tenant sa main dans la mienne, pendant cinq minutes, pendant que l’infirmière s’occupait de mes filles dans le corridor. Nous sommes ensuite revenues à Montréal. Huit heures de voiture avec une terrible two pis une five going on fifteen, pour un maigre cinq minutes, mais un cinq minutes qui voulait tout dire.

Juste après Noël, son état s’était amélioré et elle a été transférée dans un centre de réadaptation. Mon père, mon oncle, ma cousine et moi sommes allés l’installer dans sa magnifique chambre où le personnel était attentif et où les autres ti-vieux étaient ben heureux de voir un nouveau visage. « Pourquoi t’es icitte toi, ma Rose ?! », que les ti-vieux demandaient. Nous répondions que c’était à cause de deux ACV. Pis là, une multitude de bras se sont ouverts pour l’accueillir, parce qu’eux aussi étaient passés par ce chemin difficile. C’était crissement beau à voir. Le lendemain, j’ai amené les filles la visiter. Les yeux de ma grand-mère brillaient. Les filles se sont amusées à attacher les lacets détachés de Rose, elles lui ont fait des dessins et jamais au grand jamais, je n’aurais cru que ce serait la dernière fois que je la prendrais dans mes bras.

Mes filles et moi sommes venues rejoindre mes parents en Floride pour la relâche. Ce matin, je suis allée les retrouver à leur maison, puisque mes kids ont dormi là hier soir. En entrant, mes parents faisaient la vaisselle et les filles jouaient sur la tablette. Ma mère a chuchoté à mon père « Tu lui dis ?! » J’ai levé le regard vers mon père qui avait les yeux pleins d’eau et j’ai su. J’ai su que ma marraine, ma dernière grand-maman, mais surtout et avant tout, SA maman, était décédée. On le sait, ces affaires-là. On les sent. On a tendance à dire que c’est mieux ainsi, qu’elle était malade et que ses souffrances sont maintenant chose du passé. Mais il reste que le vide est immense quand même. Ma Rose est partie. Sa Rose n’est plus.

J’ai passé la journée à dire à mon père combien je l’aimais. J’ai expliqué à ma grande que Mémère Rose était maintenant une étoile. Elle m’a dit qu’elle aimerait bien aller la chercher pis on a pleuré ensemble. À mes yeux, une Rose qui termine sa vie en Étoile, ça prouve que ce fut une maudite belle vie réussie. Ma belle Rose à moi. Mais surtout le Rose de la famille et de tout le village brille ce soir dans le ciel.

Valérie La Salle