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Le suicide et les enfants

On explique ça comment à un enfant, toute la douleur qui mène au

On explique ça comment à un enfant, toute la douleur qui mène au suicide? J’en ai discuté avec ma mini-sœur de douze ans, Layla, qui en avait huit quand notre père s’est enlevé la vie. Je ne me prétends pas spécialiste du deuil chez les enfants, loin de là. Cependant, la famille s’est organisée autour de la plus petite; mon frère, ma sœur et moi avions respectivement 28, 20 et 25 ans (et oui, même papa et même maman, mais c’est une autre (très belle) histoire). Avec notre mère, nous sommes allés chercher les conseils de spécialistes et nous avons surtout fait de notre mieux avec nos propres émotions à gérer et avec les connaissances que nous avions.

Diverses recherches révèlent que les enfants endeuillés par suicide ont plus de chances de faire une tentative dans leur vie. On a beau ne pas se considérer comme une statistique, celle-ci frappe.

Dans ce qui a aidé ma sœur à comprendre, il y a l’explication de la dépression apportée par la psychiatre de l’hôpital qui nous avait accompagnés pour lui apprendre la nouvelle. Ce récit m’avait aussi marquée et je l’ai moi-même repris plusieurs fois. Il n’est probablement plus exactement le même, mais l’essentiel reste :

« Ton papa souffrait de dépression. Tu sais à quoi ressemble une toile d’araignée quand des insectes y sont pris au piège? C’est un peu la même chose, mais elle était invisible. Ton papa était pris dans cette toile qui était froide et triste. Même si tu voulais le consoler, que tu l’aimais beaucoup, ça ne se rendait pas à son cœur parce que la dépression faisait comme un bouclier de froideur et de tristesse autour de son cœur. Ton papa voyait tout ton amour, mais il n’était pas capable de le ressentir. »

Layla m’a dit que cette explication a grandement contribué à sa compréhension de la dépression. Par contre, elle n’arrivait pas à concevoir pourquoi mon père en avait souffert. « Pourquoi lui? » Ça lui a pris plus de temps pour ce bout-là.

Elle a par ailleurs ressenti certaines frustrations et désaccords avec la façon dont nous l’avons accompagnée. Par exemple, la psychiatre nous avait fortement déconseillé d’amener Layla voir le corps de notre père, qui était pourtant présentable. Avec le recul, Layla comprend bien que nous avons suivi les conseils de cette spécialiste, mais elle lui en a voulu longtemps, car elle est convaincue que ça aurait grandement contribué à ce qu’elle réalise et comprenne ce qui arrivait.

Ce n’est pas évident de suivre les recommandations tout en s’adaptant à la réalité de l’enfant qu’on veut aider et accompagner.

Dans ce qui l’a le plus aidée à traverser son deuil, Layla parle de son imaginaire. Elle s’est beaucoup évadée dans ses histoires et ses personnages. Elle raconte encore aujourd’hui que c’est ce qui lui faisait le plus de bien.

Finalement, elle a fait partie d’un groupe pour enfants endeuillés par suicide. Elle en parle encore avec émotions. Elle a adoré son passage dans ce groupe et est convaincue que ce serait très aidant pour d’autres enfants qui vivraient une situation semblable à la sienne. Elle avait notamment réussi à expliquer ses émotions grâce à une série de dessins représentants son cœur. Sur le premier, le cœur était complètement brisé. Au fil des images, il se réparait doucement pour redevenir entier sur le dernier dessin, mais une cicatrice y était toujours. Layla explique ainsi que son cœur s’est tranquillement reconstruit, mais qu’elle sera toujours marquée par le départ brusque de notre père.

Aussi, lorsque notre histoire est sortie dans les médias, Layla n’était pas en mesure de saisir réellement ce processus. Plus d’un an plus tard, elle a ressenti le besoin d’en parler elle aussi. Elle voulait contribuer elle aussi. Patrick Lagacé a accepté de venir lui parler et d’écrire, comme elle le lui demandait. Je ne sais pas s’il était conscient de l’importance de son geste dans le cheminement de Layla. Pour lire ce texte, c’est ici http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201406/14/01-4775791-trois-dessins-de-papa.php Le message de Layla y est rapporté de manière fidèle, elle y aborde d’ailleurs sa plus grande frustration, le fait de ne pas avoir vu notre père.

Layla m’a dit que ce qu’elle a eu le plus de difficulté à comprendre et, surtout, à accepter, c’est que les gentils ne gagnent pas toujours. Dans le cas de mon père, elle a l’impression que les méchants ont été plus forts. Pour les adultes aussi, c’est difficile à accepter…

Reste qu’à travers ce parcours imparfait, on s’en est tous sortis, Layla aussi. Le deuil est déjà si difficile à expliquer aux enfants. Quand c’est par suicide, ça ajoute une complexité immense à tout ça. Si l’histoire de Layla et ses conseils peuvent aider des parents qui traversent une telle histoire, pourquoi ne pas la partager?

Jessica Archambault

Mon suicide raté

Mon frère s’est enlevé la vie. Je ne suis pas la seule à avoir un membre de sa famille qui s

Mon frère s’est enlevé la vie.

Je ne suis pas la seule à avoir un membre de sa famille qui s’est suicidé. C’était fin février que mon frère a « réussi » son suicide et que moi, j’ai glissé vers le mien. Oh! Rassurez-vous, j’étais bien vivante, en chair et en os. Mon âme, ma lumière humaine, par contre, avait foutu le camp au pays de la noirceur totale.
Pendant cette période, j’avais besoin d’en parler, pas de moi, mais du geste qu’il avait posé. Je nourrissais inconsciemment cette douleur. Malsainement, les gens avaient aussi besoin d’assouvir leur curiosité, de savoir COMMENT il s’était enlevé la vie plutôt que de s’informer comment MOI, sa sœur, je vivais ça. Donc, de fil en aiguille, je me suis fait un speech où je racontais la scène marquante du film noir de mon frère. Oui, car comme si ce n’était pas assez de vivre son suicide, je suis celle qui l’a trouvé. J’ai bien tenté de le réanimer mais malgré quelques heures de sursis, où ma mère a pu lui dire au revoir, il était trop tard. Ensuite, les gens se taisaient, envahit par le malaise car peut-être que maintenant, ils en savaient trop ! Donc du coup, on changeait de sujet pour parler météo !
Dans le bureau du médecin, on m’a dit que j’avais un pourcentage élevé de tenter de me suicider, moi aussi. Oui, en plus de vivre le suicide d’un être cher, les proches d’un suicidé ont plus de chance statistiquement parlant d’y recourir.
Je devais donc me conscientiser à reconnaître les signes avant-coureurs d’une dépression… Allô ? Je suis en plein dedans !!! Mais la fille fière (ou inconsciente et pleine d’égo) n’était pas pour admettre ça! Voyons, je ne pouvais pas vivre l’échec.
À la place, j’ai travaillé l’automédication, c’est à dire: alcool en masse et vie de fou. Si bien qu’à un moment donné, mon corps ne voulait juste plus participer à mon autodestruction. Je suis tombée encore plus bas dans ma noirceur. Tu sais, celle-là où tu ne vois juste plus où tu vas, et en même temps, tu ne veux plus aller nulle part !?
Les gens ne se doutent pas parfois de ce qui se passe dans la tête des autres. Pendant ces temps sombres, les autres me percevaient comme une fille forte. Je n’ai jamais arrêté de travailler, je sortais, je voyais des gens… J’étais active. Pour plusieurs, ma noirceur ne paraissait pas et c’est là où le bât blesse.

Je ne me serais pas tuée… pour ma mère. Juste pour ne pas voir dans ses yeux que son âme mourrait davantage. Mais si je n’avais pas vécu le suicide de mon frère, est-ce que j’aurais fait l’acte ? Je ne peux qu’être pleine de gratitude pour mon frère qui m’aura permis… de choisir une autre destination que la sienne.
Ce que j’ai retenu de cette noirceur, c’est que souvent, ceux qui choisissent le suicide ont fait pendant longtemps comme moi. Que dans leur habileté à cacher leur voyage vers la noirceur, ils se sont malheureusement perdus en chemin… C’est alors que la destination ultime, la mort, est devenue à leurs yeux, le tout-inclus désiré.

Un voyage vers la fin de la souffrance, mais où celui de leurs proches commence…

Si vous pensez au suicide ou craignez qu’un de vos proches y pense, sachez qu’il y a des ressources, dont l’Association québécoise de prévention du suicide.

Mon papa, il s’est auto-tué

C’est comme ça que ma petite sœur expliquait le suicide de mon p

C’est comme ça que ma petite sœur expliquait le suicide de mon père à ses amis. Elle avait huit ans et c’était il y a un peu plus de quatre ans maintenant.

Mon père s’est suicidé en lien avec de l’intimidation en milieu de travail. Si les circonstances et le sujet du harcèlement psychologique vous interpellent, je laisse les bons mots, précis et avec juste ce qu’il faut d’émotions de Patrick Lagacé vous le raconter ici , ici et ici

Ce sur quoi j’ai envie d’écrire, c’est nous. Ceux qui restent.

On nous a dit, quand c’est arrivé, que nous étions en choc post-traumatique. Moi qui étais en mode gestion-de-crise-efficace-je-m’occupe-de-tout-le-monde-sauf-de-moi, je trouvais ça exagéré. Avec le recul, je crois que c’était juste. C’est tellement surprenant, tellement gros, tellement violent comme douleur, tellement inattendu, tellement…

On nous avait aussi dit que le deuil dans des circonstances particulières comme un suicide prend en moyenne entre dix-huit mois et trois ans. À l’époque, je trouvais ça décourageant. Force m’est d’admettre que c’est vrai. Cependant, ce n’est pas trois ans dans le noir. Ce sont trois années à affronter les vagues en tentant de ne pas s’y noyer. Petit à petit, les vagues sont moins intenses, les creux moins bas et plus espacés. Doucement, très doucement.

À travers ce drame indescriptible, il y a nous, la famille, et nous, les individus : ma mère, mon frère, mes deux sœurs et moi, sans oublier l’amoureuse de mon frère et celui de ma sœur qui nous sont précieux à tous.

Pas évident de prendre soin de nous en tant que personnes à part entière tout en prenant soin les uns des autres, parce que tous ne réagissent pas de la même façon à la mort. Les uns ont besoin de parler de l’être perdu avec tendresse et l’idéalisent. D’autres se questionnent sans cesse et veulent en discuter pour comprendre le pourquoi du comment. Alors que certains gèrent ça tout autrement, sans trop en parler. Comment répondre aux besoins de ceux qu’on aime tout en respectant les nôtres?

Je n’ai pas la réponse. On est passé au travers. Ça fait quatre ans. On va bien maintenant. En fait, c’est la première année qu’on traverse les dates (anniversaire de mon père, anniversaire de mariage de mes parents, date du décès, etc.) sans que personne ne redescende. On n’a pas oublié. On est encore triste. Mais ça va.

Il y a aussi les autres, ceux qui nous entourent, la famille et les amis. Comment accompagner des proches dans un deuil par suicide? Avec amour et ouverture, c’est la seule réponse. Parfois, Il n’y a rien à dire ou à faire, il faut juste être là. Si ça vous met trop mal à l’aise, essayez de ne pas trop nous le faire sentir. Nous sommes encore là et n’avons pas choisi cette situation. De grâce, évitez toutes les phrases sous-entendant plus ou moins subtilement qu’il a fait un choix. Le suicide n’en est pas un. C’est une absence de choix. Pour ceux qui font une tentative, il n’y a pas d’autre option.

Soyez compréhensifs. On n’est pas à notre meilleur. J’ai moi-même été assez intense par moments. Bien que je sois très chanceuse d’être si bien entourée d’amis précieux et de collègues au grand cœur, certaines personnes m’ont jugée pour des réactions que j’ai eues et des maladresses que j’ai pu commettre dans les mois qui ont suivi. Bien que ça m’attriste parce que je considère que ça ne me représente pas, je dois accepter que ces gens m’ont rangée dans une petite boite et ont pris leurs distances. Je me concentre donc sur ceux qui ont su être là, sans me juger, et qui peuvent aujourd’hui apprécier le fait que je suis pas mal plus relaxe! Heureusement, ils représentent la grande majorité.

Il n’y a pas de recette miracle ou de formule magique. On s’aime très fort et on a tenté du mieux qu’on pouvait de se respecter. Ce serait mentir que de dire que nous ne nous sommes jamais écorchés en traversant ce long processus de deuil, mais l’amour que nous nous portons a été plus fort. On comprenait. Cet amour et ce respect que nous nous portons, nous le ressentons encore aujourd’hui et notre famille est tissée encore plus serrée! Ceux qui nous ont le plus aidés sont ceux qui ont utilisé la même formule : amour, respect et ouverture.

Jessica Archambault

Jumeau perdu, jumeau vécu (première partie)

Nous écrivons ce texte à quatre mains en souvenir des deux cœurs

Nous écrivons ce texte à quatre mains en souvenir des deux cœurs que nous avons portés. Nous avons toutes deux vécu une grossesse gémellaire qui s’est soldée par le décès in utero d’un des jumeaux et la naissance d’un bébé vivant.

L’annonce d’un bonheur multiplié par deux

Nathalie : En clinique de fertilité, j’avais annoncé au médecin que j’étais en train de devenir enceinte de jumeaux. Il ne me croyait pas. Le jour même de la prise de sang confirmant la grossesse, le médecin m’envoyait passer une deuxième prise de sang dès le lendemain. Je savais intuitivement que le taux de HCG était dans le piton et le lendemain, il atteignait l’Everest. Huit semaines après l’insémination, l’échographie nous montrait deux cœurs et deux mini embryons.

Mélanie : Premier mois d’essai, première grossesse. Je tenais le test de grossesse dans mes mains, fébrile, un mélange de toute sorte de sentiments virevoltait en moi. J’étais heureuse, inquiète, j’avais peur, j’avais hâte. J’ai su tout de suite que cette grossesse était spéciale. J’avais tous les symptômes puissance dix et très tôt. Déjà à neuf semaines, j’avais un petit bedon. J’ai dû aller m’acheter des pantalons de maternité. Les gens qui me rencontraient me disaient : « Mon Dieu! Tu grossis vite! Tu attends sûrement des jumeaux. » Je ne savais pas, dans le temps si tout se passait bien. On n’avait pas d’écho avant dix-neuf semaines, mais quelque chose en moi savait. Une première intuition de maman, je suppose.

Adieu, mon bébé

Nathalie : Le lendemain de l’échographie de huit semaines, je partais enseigner en France pendant un mois. Comme pour mes grossesses précédentes, j’avais peu de symptômes, mais la fatigue était plus grande. En lisant à propos des grossesses gémellaires, j’ai appris qu’il pouvait arriver qu’un seul fœtus se rende à terme. (Je sais maintenant que ça arrive très souvent, mais que la plupart du temps, le jumeau disparaît sans que personne n’ait connu son existence. Il peut même être « absorbé » par l’autre bébé). Une semaine avant de revenir au Canada est née en moi l’intuition que je ne donnerais naissance qu’à un seul bébé. Cette idée s’est transformée en certitude.

À treize semaines d’aménorrhée, je séjournais chez ma mère avec mes deux filles. J’ai commencé à avoir mal au ventre et au cœur, comme si j’avais une indigestion. Après quelques jours, je suis partie seule au cinéma. La noirceur et la solitude m’ont fait du bien et m’ont remise sur pied. Mais la nuit suivante, à cinq heures, j’ai senti un liquide couler entre mes jambes.

Je suis allée à la salle de bain et j’ai accueilli dans mes mains un caillot d’une longueur de dix centimètres. Je ne voulais pas réveiller mes filles. Je ne voulais pas qu’elles voient cette boule sanglante. J’avais peur de les traumatiser, alors j’ai déposé mon bébé dans l’eau froide de la toilette et j’ai fait partir l’eau. Comme si je le baptisais.

Quelques heures plus tard, un médecin confirmait par échographie qu’un des fœtus avait laissé derrière lui un hématome de quelques centimètres. Sur l’écran noir et blanc, je voyais un bébé, un seul, étendu de tout son long puisqu’il avait soudainement beaucoup d’espace. Alors que je sentais déjà les mouvements des bébés dans mon ventre avant la fausse couche, j’ai dû attendre la vingt-quatrième semaine avant de recommencer à sentir mon bébé bouger. J’étais inquiète, j’avais peur d’être dans le 50 % malchanceux de celles qui perdent le deuxième fœtus même s’il est en santé.

Pourtant, je n’ai eu aucune hémorragie. La grossesse s’est poursuivie comme si de rien n’était, comme si je n’avais pas perdu la moitié de mes espoirs.

Mélanie : J’avais fait le voyage jusqu’à Québec pour faire les boutiques de maternité. Le lendemain de mes achats, mon gros bouvier bernois est tombé malade. Très malade. J’ai dû prendre la décision de le faire euthanasier. Pourquoi je vous raconte ça? Parce que c’est là que le destin a frappé. Je pleurais beaucoup, je l’aimais tellement, ce chien-là! Je pleurais même sans arrêt. J’ai commencé à avoir mal au ventre, je me suis dit que je pleurais trop, que ça devait être ça. Un peu plus tard, j’ai su que quelque chose n’allait pas.

En allant faire pipi, je me suis relevée et l’eau de la toilette était rouge, beaucoup trop rouge. Je paniquais, j’étais à Québec, je ne savais pas où aller. J’ai pensé téléphoner à une amie qui était dans la région. Elle m’a dit : « J’arrive ». Elle m’a conduite à l’hôpital. Je saignais beaucoup. Au triage, l’infirmière, avec toute sa délicatesse, m’a dit : « Ton bébé, tu l’as perdu, il y a beaucoup trop de sang. Le médecin te verra plus tard, retourne dans la salle d’attente ».

Assise sur la petite chaise droite de la salle d’attente, je pleurais en silence. J’attendais que le médecin confirme la nouvelle. J’ai attendu longtemps. La salle était bondée. J’ai finalement vu le médecin urgentiste. Il m’a examinée et a confirmé beaucoup plus gentiment que je n’étais probablement plus enceinte. Il m’a envoyée passer une écho pour être certain qu’il ne restait plus rien. Encore de l’attente, avec un peu d’espoir… Je flottais dans une sorte de bulle je ne voulais juste pas croire que tout ça était vrai.

Finalement installée sur la table d’échographie, le technicien en radiodiagnostic a posé le petit machin sur moi. Il m’a dit : « Je ne comprends pas, tu es toujours enceinte ». Un profond soulagement s’est installé en moi. « Mais il y a un hématome plus bas. Tu étais enceinte de jumeaux, maintenant il n’en reste qu’un. »

J’étais toujours enceinte, mais un des bébés avait repris ses ailes d’ange sans que je puisse le tenir dans mes bras… Un mélange de désespoir et d’espoir s’était installé en moi. Je pleurais mon bébé perdu, mais j’étais soulagée pour le bébé qui se battait toujours pour rester.

À suivre…

http://jumeauxandco.com/grossesse-gemellaire-2/le-syndrome-du-jumeau-perdu/

http://jumeauxandco.com/interviews/conseils-dexperts/devenir-parents-de-jumeaux-quels-impacts-psychologiques/

Nathalie Courcy et Mélanie Paradis

Lorsqu’ils s’en vont…

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Lorsque l’on se sépare et que le noyau familial éclate, il y a plusieurs deuils qui nous attendent. Parmi ceux-ci, il y a celui de voir les enfants partir à la fin de chaque période de garde. Qu’on les ait avec nous pour deux jours, une semaine ou un mois, la tristesse est la même.

Pour ma part, chaque veille de départ me souffle son vent de nostalgie, de « c’est déjà fini » et de cœur de maman qui se serre… Le combat débute. D’un côté, l’adulte raisonnable me rappelle que nous avons passé de très bons moments et qu’ils reviendront la semaine suivante. De l’autre, l’enfant en moi a les yeux qui s’embuent facilement et ne veut pas les voir partir.

Pourtant, Dieu seul sait combien ils arrivent parfois à nous exaspérer et à nous mener aux limites de notre patience! Certains pourraient croire que le départ est doux et presque désiré. Que c’est facile, voire agréable d’avoir du temps pour soi, sans eux. Non. Jamais. C’est toujours trop tranquille lorsqu’ils n’y sont pas. La maison est vide. Sans âme. Privée d’une partie d’elle, comme nous.

Parce que c’est un peu contre nature de ne pas avoir sa couvée sous son toit chaque soir. Malgré ce qu’on en dit. Et malgré le fait que la famille éclatée est maintenant ultra commune. Ce n’est pas ce que l’on souhaite lorsqu’on voit leur petite binette pour la première fois. On ne pense pas qu’on devra se séparer d’eux un jour. Du moins pas avant trèèèèès longtemps! Surtout pas pour des raisons de grands que les petits doivent subir.

Et lorsqu’ils partent, on sait qu’on devra affronter à nouveau ces moments difficiles. Ces matins trop calmes où l’on décide de déjeuner au bureau pour ne pas voir leurs chaises vides à table. Et il n’y aura pas ces petites voix aigües qui racontent leur journée à notre retour du travail. Et on n’aura personne à border après le pas-d’histoire. Non, il n’y aura que notre vie d’avant eux, celle qui fait plus ou moins de sens maintenant qu’ils sont là.

Et à travers tout cela, on doit trouver notre équilibre personnel. Et on doit, bon gré, mal gré, trouver un nouveau rythme de croisière. Peu à peu, semaine après semaine, le cœur s’habitue. De nouvelles habitudes s’installent, on comble le vide avec autre chose parce qu’il faut bien avancer. Comme tout deuil, le temps fait bien les choses et réussit à nous faire voir tout cela différemment. Ce n’est ni un scénario idéal ni le chemin le plus facile, mais on doit assumer et y trouver notre compte. Et on y arrive.

Et les jours passent et on les retrouve enfin! On vit tous ces petits moments avec ardeur, sachant trop bien que c’est toujours éphémère. Trop court! Mais, ce n’est pas ce que l’on dit après tout, que la rareté d’une chose en augmente la valeur?

 

Isabelle Rheault

Jumeau perdu, jumeau vécu (partie 2)

Vous-trouverez le lien de la première partie de cette collaboration

Vous-trouverez le lien de la première partie de cette collaboration spéciale au bas de la page.

Adieu, bébé jumeau… Les derniers mois de la grossesse allaient servir autant à faire notre deuil d’un bébé parti trop tôt et d’une expérience de vie avec des jumeaux qu’à préparer à accueillir notre bébé survivant.

La naissance d’un survivant

Nathalie : Après quarante semaines à barboter dans mon ventre format hippopotame, mon fils est né. Presque dix livres de bébé! J’avais passé la grossesse à le supplier de s’accrocher et à respirer pour lui envoyer de la force et du calme. En naissant, il a oublié de respirer, son cœur ne battait presque plus. Les soins médicaux l’ont convaincu de ne pas suivre son frère jumeau ou sa sœur jumelle. Il est revenu, et il a grandi. Nous n’aurions pas les photos mignonnes de jumeaux habillés pareil ni celles où ils dorment en se tenant par la main. Mais il arrive qu’on ait l’impression que le jumeau disparu n’est pas si loin…

Mélanie : Tu as hésité longtemps. Je saignais souvent. Je crois que tu hésitais encore entre partir rejoindre ta moitié ou rester. Trente-sept longues semaines à avoir peur, mais tu as décidé de rester et de te présenter plus tôt que prévu à trente-sept semaines et trois jours. La perte vécue pendant la grossesse faisait partie de toi. Tu étais un bébé difficile, tellement anxieux! Tu n’arrivais pas à te séparer de moi, tu avais besoin d’une routine que l’on devait suivre by the book, sinon tu pleurais sans être consolable. Même en vieillissant, tu étais constamment dans mes jupes. On me le faisait remarquer. Ç’a été comme ça, jusqu’à la naissance de ta sœur, vingt-deux mois plus tard. À ce moment-là, tu t’es collé à elle…

 

La place vide

Nathalie : Le bébé jumeau, nommé sans originalité « Bébé Étoile », a toujours gardé sa place dans notre famille. À part la photo de l’échographie et le souvenir de ma réaction à l’annonce d’une grossesse gémellaire, nous n’avons aucun souvenir symbolique de ce petit humain. J’ai donné mes livres au sujet des jumeaux. J’ai donné les pyjamas qui m’avaient servi à annoncer la double surprise à mon mari. Il nous reste l’histoire d’une vie trop courte et invisible.

Il nous reste aussi des histoires dans lesquelles on sent la présence du jumeau perdu. Des inconnus qui nous arrêtaient en s’étonnant que notre nouveau-né dégage une aura si bienfaisante et si puissante. Les nombreuses fois où on s’est fait dire que notre mini bonhomme avait une vieille âme, même avant qu’il parle. Notre fils qui nous dit : « Maman, mon ami Nathan, il est comme mon jumeau. »

Mélanie : Maintenant, il n’y a que le souvenir de toi, bébé jumeau. Ce souvenir du moment où j’ai appris ton existence et ta mort simultanément. Mais tu as laissé quelque chose chez ta sœur. Une empathie démesurée pour une petite fille de sept ans. Une sensibilité hors du commun. Cette sensibilité qui a permis à ta sœur de m’annoncer que j’étais enceinte, avant même que je fasse mon test de grossesse. Cette même sensibilité qui a fait venir ta sœur vers moi un matin en me disant : « Maman, tu n’as plus de bébé dans ton ventre! » avant même les premiers signes de la fausse couche qui allait suivre quelques jours plus tard…

Ce qu’il en reste

Nathalie : On n’a jamais caché l’existence du bébé perdu. Quand mon mari et moi avons démarré notre maison d’édition, on l’a nommée « Quatre et demi » : quatre enfants, plus un qui est à moitié avec nous, à moitié dans un univers parallèle. Chaque 14 juillet, j’ai une pensée silencieuse pour le jour de sa mort-naissance. Il arrive que nos enfants posent quelques questions, mais le deuil est fait. Il restera à savoir si le temps ramènera sa non-présence parmi nous, comme c’est parfois le cas lorsque l’enfant survivant se sent incomplet, cherche à combler le vide en s’inventant un ami presque réel, se sent coupable d’être celui qui reste, même en étant inconscient du lien avec son histoire intra-utérine.

Mélanie : Il n’y a que très peu de personnes au courant qu’il y a eu cette grossesse multiple. Plusieurs parents de jumeaux m’ont dit que ma fille avait un comportement de jumelle. Cette disparition fait partie d’elle. Elle est restée une petite fille anxieuse, qui a peur de tout, mais surtout de l’abandon. Une petite fille qui a besoin de sa sœur pour faire face à de nouvelles situations. L’absence de ce jumeau fait partie de la vie de Jillian tous les jours, on le sent, on le sait qu’il lui manquera toujours quelque chose. Comme si elle lui tendait la main chaque jour, mais sans qu’il puisse la lui serrer…

http://jumeauxandco.com/grossesse-gemellaire-2/le-syndrome-du-jumeau-perdu/

http://jumeauxandco.com/interviews/conseils-dexperts/devenir-parents-de-jumeaux-quels-impacts-psychologiques/

Première partie : http://www.mafamillemonchaos.ca/on-jase/jumeau-perdu-jumeau-vecu-premiere-partie/

Nathalie Courcy et Mélanie Paradis

Papa même s’il est trop tard

Je ne t’ai pas connu, pas comme j’aurais dû. Pourtant, tu as contribué à me fabriquer, à faire que j’existe. J’ai quelques souvenirs éparpillés, mais le lien d’attachement ne s’est jamais formé. Plus de seize années ont passé depuis que je t’ai dit adieu sur ton lit d’hôpital. Affaibli par la maladie, tu m’avais demandée à ton chevet. J’ai hésité. Le ciel m’est témoin que j’ai longtemps réfléchi au pourquoi j’irais te voir avant ton départ. J’avais à ce moment beaucoup plus de raisons de ne pas m’y présenter que d’y être. Mais ton ainée, ma sœur, qui te pleurait déjà tellement, espérait que j’y sois. Elle, elle t’a aimé, elle t’aime toujours. J’en étais jalouse à en crever! J’avais dans le cœur ce manque de paternité.

Bien entendu, un autre homme a pris ce rôle que tu aurais dû avoir. Il a bien fait les choses, ne t’inquiète pas. Aujourd’hui encore, il est présent dans ma vie et je l’aime. Il a tenu ce rôle qui t’était destiné. Je t’en ai voulu dans le passé. Je ne comprenais pas pourquoi on ne se voyait pas. Pourquoi ne m’aimais-tu pas suffisamment pour venir me voir? Du moins, c’est ce que je croyais. Il est arrivé que cette sœur, que j’idolâtrais en secret, parte avec toi, alors que je restais derrière. Je ne l’enviais que davantage, en silence. Je découvrais ma première souffrance.

J’ai dit haut et fort à qui voulait m’entendre que je te détestais, que je t’avais en répugnance et que je ne voulais rien avoir à faire avec toi. Si tu savais comme je mentais! À un moment, nous avons eu la chance de faire connaissance. Dans mes révoltes de jeune femme en devenir, je n’ai pas su la saisir et tu étais, toi aussi, bien démuni. Je le sais aujourd’hui.

Je suis mère à mon tour, tu n’auras jamais connu mon époux ni mes enfants. Oui, tu es grand-père trois fois maintenant. Tu serais si fier d’eux, j’en suis sûre! Depuis environ deux ans, je parle de toi. J’ai entendu ces histoires que j’ai enfin écoutées. Des histoires provenant d’une famille que je découvre petit à petit. De ma sœur avec qui la distance s’est finalement effacée. De ma mère, qui naguère préférait se taire à ton sujet.

J’aurais aimé connaître cet homme, ce frère, cet oncle, ce père. MON père. Je suis heureuse d’être allée te voir ce jour-là. Ça m’a atteinte plus que je ne l’ai jamais avoué, surtout à moi-même. Je m’accroche depuis toute petite à ces moments si limités que l’on a partagés.

J’écris ce texte aujourd’hui, les joues inondées. La gorge nouée et un tremblement au corps. Je mets le doigt, à trente-six ans, sur ce grand vide qui ne sera jamais comblé. Je réalise d’où est né ce mal de vivre que j’ai toujours porté. Malgré mon bonheur et mes joies, depuis quelque temps, mes pensées ne reviennent que vers toi. J’aurais voulu me souvenir de tes bras autour de moi, de ta voix me réconfortant. J’aurais voulu connaître tes joies, tes souvenirs d’enfance. Ta fratrie si grande.

Je me rappelle de si peu de choses. Mais lorsque je ferme les yeux, il y a un détail qui jamais ne me quitte. Ton propre regard. Celui que je te surprenais parfois à poser sur moi. Aujourd’hui, je le comprends. Tu as souffert aussi de l’absence de ton enfant. Aujourd’hui, j’en suis consciente et ma peine n’en est que plus grande.

Depuis toujours, je me suis battue pour ne jamais dire cette phrase. J’ai vécu pour ne jamais avoir ce regret. Mais force est d’admettre, ce soir, que j’ai échoué. Chaque cellule de ma personne hurle autant que cette voix dans ma tête qui fredonne ses mots assommants et qui ne changent rien à l’histoire, sauf de me faire broyer du noir : j’aurais dû.

J’aurais dû en profiter durant ces quelques mois partagés.

J’aurais dû cette porte ne pas la fermer.

J’aurais dû comprendre.

 

La mère en moi répète à cette fillette que j’étais : ce n’est pas ta faute. Il t’aimait.

Mais la fillette en pleurs et contrite ne peut que répondre : Oui je sais, mais moi je n’ai pas su l’aimer.

Papa, depuis toujours et à jamais, tu es l’être qui aura le plus manqué à ma vie.

 

Simplement, Ghislaine.

 

Faire le deuil d’un troisième enfant…

 

Il y a deux ans, je m'apprêtais à devenir mère, pour une tro

 

Il y a deux ans, je m’apprêtais à devenir mère, pour une troisième fois : quel bonheur!


Il y a deux ans, on m’annonçait que l’enfant que je pensais porter n’en était pas un : j’avais gagné à la loto. J’étais LA femme sur 200 000 qui aurait à traverser cette pénible épreuve. Une épreuve qui m’aura profondément marquée. Une épreuve que j’ai vécue toute seule.

Je portais en moi une môle hydatiforme. Mon foetus, dès la conception, avait muté en une sorte de tumeur. Restait à la retirer. Puis à faire des tests. Des tests oncologiques. Pour la première fois, dans ma vie, j’ai eu peur d’être confrontée à la maladie. J’ai pensé que peut-être, je n’allais pas voir grandir mes filles. Que j’allais laisser mon complice du quotidien poursuivre sa route tout seul.

Lorsqu’on t’annonce, dans un cubicule, que dans ton ventre, ce n’est pas l’enfant que tu aimes déjà qui s’y trouve; c’est une tumeur. Lorsqu’on t’annonce que dans tes organes, il peut s’y trouver un début de cancer; ça fait peur.

Et il faut avaler toutes ces nouvelles one shot. Ça fait beaucoup pour un petit cœur.

Je me souviendrai toujours du moment où je suis rentrée chez moi, un vendredi soir. Plutôt que d’avoir un beau relevé d’échographie en main, j’avais une prescription pour arrêt immédiat de travail et j’étais en attente d’un appel du bloc opératoire.

Dans ma vie, il y a eu l’annonce du décès de ma mère et il y a eu cette soirée-là. Sentiment inexplicable.

Il y a eu la chirurgie. Puis, les semaines d’attente pour connaître la nature de cette tumeur.

Et il y a eu tous ces mardis, pendant près d’un an, où on m’a fait une prise de sang pour s’assurer que cette môle ne se régénérait pas.

C’est long en titi.

Peu de gens savent combien cette année fut douloureuse pour moi. J’ai vécu une immense solitude. Parce que cette pathologie est méconnue, parce qu’on en entend peu parler.

Si j’écris enfin à ce sujet, c’est pour faire connaître cette maladie. Parce qu’il y a deux ans, je pleurais dans ma voiture à TOUS les mardis. Parce que je me suis sentie incomprise. Parce qu’on a banalisé ce que j’ai vécu. Par simple méconnaissance. Vraiment, sans méchanceté.

Et par-dessus tout, parce que je souhaite éveiller les gens à la grossesse molaire (on appelle cela ainsi également).

Par chance, j’ai déjà deux belles filles en santé et j’y trouve ma consolation. Mais mon deuil à moi, il trouve sa place où? Le deuil d’un enfant que je ne portais finalement pas?!?

Vous n’avez pas idée combien ça fait mal.

 

En cette soirée froide du mois de décembre, je repense à cette étape et j’aime penser qu’il y a, quelque part, une petite étoile qui veille sur ma famille 🌟…

 

 

***Merci à Karine Latulipe; la douceur qui se dégage de ta photo m’a donné envie de m’ouvrir…

Crédit photo Élie Bédard 💕 Merci!

 

Ton premier Noël vide. Le deuil dans le temps des Fêtes

Cette année, Noël goûte bizarre pour toi. Une saveur flat qui manque d’assaisonnement.

Cette année, Noël goûte bizarre pour toi. Une saveur flat qui manque d’assaisonnement. Des Fêtes qui sentent la mort et la place vide.

Cette personne qui embellissait ta vie depuis tellement d’années est partie en 2016. Ton conjoint, ton épouse, ta mamie ou ton père adoré, ton petit frère ou ta princesse, ton chum de gars ou ta best est décédé. Celui pour qui tu as cuisiné tes meilleures tourtières ou que tu as observé dormir chaque soir en cachette t’a dit adieu. Et ça fait mal.

Depuis que l’annonce de la mort est tombée, tu as mal au cœur. La nausée de la vie sans lui, sans elle. Mais là, Noël approche et les Ho! Ho! Ho! du gros bonhomme rouge te donnent des frissons. Sans parler des tounes de Noël omniprésentes à la radio (je t’avertis, à partir du 26, les rigodons seront encore pires pour ton moral! Une vraie masse qui massacrera le bout de deuil que tu avais fait. Tu ferais peut-être mieux de barrer toutes tes radios à double tour, histoire de t’empêcher de les garrocher de rage).

Tu as bien eu quelques jours de congé pour faire ton deuil (comme si ça se faisait en si peu de temps!). Tu t’es peut-être même senti(e) soulagé(e) (et coupable!) si la personne aimée est morte au bout d’une interminable maladie. Tu t’es tapé le supplice de la file de monde qui te serre la main au salon funéraire. Tu as reçu des tonnes de courriels et quelques cartes de condoléances. Il t’est arrivé de ressentir l’amour et la tendresse qui t’entouraient. Mais toi, tu aurais voulu garder l’amour que tu as cessé de recevoir le jour où la faux a frappé.

Quand tu t’es rendu compte que tu faisais grimper les revenus de Scotties à force de remplir tes poubelles de mouchoirs, tu t’es ressaisi(e). Tu t’es presque convaincu(e) que tu étais plus fort, plus forte que ça. Mais en ce décembre 2016, le Monsieur Muscle du moral ou la Madame Hop-la-Vie est en train de s’émietter et hibernerait s’il s’en donnait le droit. L’avouer ressemble trop à un échec, à une rechute. Un cancer émotif qui prend toute la place.

Alors tu dis oui aux invitations (« Viens donc! Ça va te changer les idées! »). Mais pendant que tu mets ta petite robe noire ou ta cravate de Snoopy de Noël, tu te demandes pourquoi tu fais ça. Tu te rappelles que la dernière fois que tu t’es habillé(e) chic, c’était aux funérailles. Tu te demandes ce que cette personne que tu aimais/aimes tant penserait de toi qui oses essayer de t’amuser. Quand est-ce qu’on revit malgré le vide?

Laisse-moi te dire que devant l’assiette vide à la table familiale, tu vis. Devant la place vide dans le lit, tu vis. Devant le siège vide dans l’auto, au bureau ou au bar, tu vis. Même si tu as l’impression que le vide prend toute la place, tu vis. Et tu le fais de ton mieux et à ton rythme.

Depuis le décès, chaque occasion de célébrer est une obligation de se rappeler et de revivre ton deuil. Une étape à traverser. Et Noël est pour plusieurs endeuillés la pire fête à affronter parce qu’elle signifie tellement, parce qu’elle rassemble tellement de gens. Ça devrait être festif alors que toi, tu as juste le goût de t’enfermer pour écouter « Le Noël au camp » de Tex Lecor en boucle.

Le 26 décembre, tu ne te réveilleras  pas en te disant « Oh! Yes, le deuil est terminé! » Mais tu auras vécu une autre étape de ton deuil. La place à côté de toi sera aussi vide que la veille, mais toi, tu auras avancé d’un pas. Tu lanceras peut-être ta radio bourrée de rigodons dans le mur (tu aurais dû m’écouter et la ranger!), mais sais-tu quoi? 2017 s’en vient. Tu auras tout le temps et tout l’espace dont tu as besoin pour réparer tes murs et soigner ton cœur.

En attendant, laisse les autres t’aimer et te le montrer. Je t’envoie un gros câlin réconfortant comme une doudou en polar sur le bord d’un foyer. Et une épaule si tu as le goût de pleurer.

http://citrac.ca/accompagnement-du-deuil/
http://www.deuil-jeunesse.com
http://www.aqps.info/comprendre/deuil.html

Tu aurais été un grand-papa si précieux

J’ai toujours su que je voulais des enfants. C’était fort, je l

J’ai toujours su que je voulais des enfants. C’était fort, je le sentais à l’intérieur de moi. Cependant, mes histoires d’amour étaient catastrophiques. Alors, j’ai décidé que j’aurais des enfants quand même.

 

J’allais fonder une famille toute seule

Je me disais que mes enfants n’auraient pas de papa, mais qu’ils auraient de magnifiques modèles masculins, surtout grâce à mon père qui serait un grand-père précieux.

 

 Mais il n’en a pas été ainsi… 

J’ai rencontré mon futur mari sur Tinder (oui, Tinder peut fonctionner) et il est un papa merveilleux. Ce qui est pour le mieux, car mon idéal était de fonder une famille à deux, de pouvoir partager les joies et les défis de la vie familiale avec lui. Je croyais sincèrement que ce n’était pas pour moi et je suis très heureuse de ce changement de plan.

Entre mon idée d’avoir un enfant seule et la rencontre de mon chéri, mon père est décédé. Je ne lui avais pas parlé de mon projet. J’avais peur qu’il croit que je ne considérais pas important la présence d’un papa dans la vie d’un enfant. Alors que c’est tout le contraire, que c’était en grande partie parce qu’il était un papa si bon et si présent et qu’il serait un grand-papa extraordinaire que j’ai pu faire ce choix.

 

Aujourd’hui, je pense souvent à mon père

 

Une partie de moi aime imaginer qu’il connait mon fils, qu’ils se sont rencontrés avant sa naissance, qu’il l’a bercé et qu’il vient encore le voir parfois. Du moins, j’en rêve et ça me fait du bien d’y croire.

Ma mère et moi nous disons souvent à quel point il aurait adoré être grand-père, quelle blague ou quel commentaire il aurait fait. Nous sommes certaines qu’il aurait versé une larme en prenant son petit-fils pour la première fois, qu’il aurait joué avec lui, qu’il aurait su le réconforter facilement; il était si bon avec les bébés, qu’il lui aurait fait faire des culbutes et qu’il lui aurait donné des « vitamines » à profusion (il nommait les câlins ainsi).

Ce sont de beaux souvenirs qui remontent, nous y pensons et en parlons avec joie. Je pense souvent à ce qu’il me dirait, ce qu’il penserait. J’aime que mon fils me permette de penser souvent à mon père avec amour et douceur.

D’un autre côté, ça me rend triste et nostalgique de savoir que mon bébé ne connaîtra pas son grand-père. Je me demande comment je réussirai à lui transmettre un peu de son grand-papa même s’il ne pourra jamais être dans ses bras, découvrir ses goûts musicaux, jaser de super héros, apprivoiser son humour et argumenter avec lui.

J’ai l’impression que je ne trouverai jamais la réponse, mais j’espère que mon père continuera de m’habiter et qu’à travers moi, ma mère, mes sœurs et mon frère, il aura aussi un impact sur son petit-fils.

 

L’intruse

Au Québec, l'air de rien, c'est un couple sur six qui est infertile

Au Québec, l’air de rien, c’est un couple sur six qui est infertile. C’est notre cas, en raison de mon endométriose de stade 4. Mon infertilité m’amène souvent à me sentir comme une « intruse », comme en ce moment même, en écrivant ces lignes!

 

Voici pourquoi je me sens comme une intruse

 

  • Écrire pour un blogue qui parle de la FAMILLE, SANS avoir d’enfant, et être INFERTILE. Certains se diront : « Mais qu’est-ce qu’elle connaît aux enfants, elle…? Elle n’en a même pas! »
  • J’ai 27 ans et dans mon cercle social, le mode « famille » est bien activé. Cela m’amène à me sentir exclue et différente, car je n’ai pas d’enfant, mais en même temps, ce n’est pas par choix…
  • Autres situations où je me sens intruse : les fêtes d’enfants, les baptêmes, les showers… On m’invite toujours avec une  bonne intention, parfois par politesse, et souvent maladroitement : « Hey, j’voulais te dire que même si tu n’as pas d’enfant, c’est pas grave, tu es la bienvenue à la fête de Xavier. » Ben coudonc hein! MERCI de me le rappeler! 

Dans ces moments-là, je me questionne toujours : « J’y vais-tu? J’y vais-tu pas? », « Ouin, mais si j’y vais pas, elle va être déçue! », « Ouin, mais si j’y vais pour lui faire plaisir, c’est moi que je ne respecte pas! », « Ouin, mais en même temps, j’veux pas créer de frictions! ».

Ouffff… Méchante affaire!

Voir tout ce bonheur et ne pas y avoir accès, c’est déchirant! Choisir d’y aller, c’est à coup sûr une séance de torture!

 

Les gens ne réalisent pas à quel point l’infertilité est difficile à accepter lorsque notre seul souhait est d’avoir un enfant. Ils ne réalisent pas non plus qu’ils sont choyés d’avoir une famille, et en santé!

Au quotidien, je suis confrontée à toutes sortes d’émotions. Je me heurte aux jugements des gens vis-à-vis de mon infertilité. Les gens ne réalisent pas, la plupart du temps, la portée de leurs propos! Je suis certaine qu’ils ne sont pas mal intentionnés.

 

Des commentaires blessants, j’en ai 1001 exemples en tête

 

« Tu sais, j’vais être honnête avec toi, t’es chanceuse de ne pas avoir d’enfant! Toi t’es pas fatiguée et tu peux te gâter quand tu veux avec l’argent que tu as de plus dans ton compte ! »

 « Hey, tu sais pas quoi?! La voisine de mon amie, bien elle aussi a eu de la difficulté à tomber enceinte. Oui oui, j’te l’dis, six longs mois d’essais… Pis elle l’a finalement eu son miracle! Donc inquiète-toi pas, toi aussi tu l’auras quand ton tour sera venu! »

LA fameuse phrase : « Hey, fallait que j’te dise… je connais un couple d’infertiles comme toi (oui parce que si vous ne saviez pas… nous les « infertiles », on est une race) et tu ne sais pas quoi?! Elle est enfin tombée enceinte le jour où elle a arrêté d’y penser! J’te l’dis là, c’est ça ton problème… Il faut que t’arrêtes d’y penser ! »

Vous voyez le genre…?!? Le pire, c’est qu’ils pensent sincèrement me réconforter!

Mais je ne m’arrête pas à cela. Je ne suis pas la seule à vivre cette situation, alors c’est important d’en parler et de briser les tabous.

C’est quand même 1 couple sur 6 qui ne deviendra pas une « famille » au Québec, c’est ÉNORME! Ce qui m’amène à me demander :

 

Qu’est-ce que ça veut dire une « famille » ?

 

J’y ai longuement réfléchi et ma réflexion se poursuit encore…

Présentement, pour moi, la « famille » c’est bien plus qu’être un simple parent avec son ou ses enfants. Comprenez-moi bien, j’en rêve d’être mère. C’est mon plus grand souhait. Je donnerais tout pour l’être un jour! Mais j’en suis venue à définir autrement la famille.

 

La famille, c’est aussi…

 

  • Être la « Tatie Nanou » de Théo et Lili, les enfants de ma grande soeur.
  • Être la marraine du fils de ma meilleure amie dont la naissance est prévue pour janvier prochain (à la même date de naissance que moi en plus!).
  • Être la Tatie des enfants de mes amies proches.
  • C’est avoir des amies qui deviennent la famille tant la relation est significative.
  • C’est être en couple avec mon beau Loup! Bien oui, c’est de même que j’appelle mon chum. Mais chut!!! Ne lui dites pas que je vous l’ai dit.
  • C’est être une « maman » pour trois « belles filles canines » : Lola, Molly et Honey !
  • C’est être uni avec les Endogirls (femmes atteintes d’endométriose)
  • C’est être la fille de mes parents, être une sœur, être une nièce, être une blonde et être une amie!

 

Et pour vous, qu’est-ce que ça veut dire une « famille » ?




-Tatie Nanou-