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Tout ce que Noël me rappelle…

Quand les premières maisons s’illuminent, quand on me parle de bÃ

Quand les premières maisons s’illuminent, quand on me parle de bûche de Noël, quand on présente Le Grinch à la télé, mon cœur s’emballe !

Et les souvenirs refont surface.

Je me souviens de l’odeur du sapin artificiel que mon père sortait de la boîte et d’une autre boîte qui, elle, contenait de vrais trésors ! Des décorations de toutes sortes, des boules scintillantes ultra-cassantes, des guirlandes, des personnages invitants, des lumières colorées…

Je me souviens de mon bas de Noël, confectionné par mon père☃.

Au moment de décorer le fameux sapin, ma mère, qui s’empressait de mettre de la musique de Noël.

Je me souviens d’avoir tant rêvé à la venue du père Noël… En fait, je pense que j’y crois encore. 🎅

Je me souviens d’un réveillon glacial où l’électricité avait manqué. Du froid intense et de mes parents qui s’affairaient auprès de ma sœur et moi pour que nous soyons confortables.

C’est étrange les souvenirs qu’évoque ce temps de l’année pour moi, chaque fois.

Quand les boutiques affichent leurs décorations de Noël, je me rappelle toujours que je ne magasinerai plus jamais de cadeaux avec ma mère. Depuis treize ans déjà.

Noël a cela de particulier : c’est une fête qui nous habite, qui nous remplit de bonheur, qui nous rassemble, mais qui nous rappelle cruellement que des gens qu’on aimait n’y sont plus.💚

Noël nous oblige à marquer une pause. À faire un temps d’arrêt avant de reprendre la route en janvier…

À tous ceux qui, cette année, vivront un premier réveillon sans un être cher : je pense à vous et je vous comprends💙.

Karine Lamarche

 

Premier Noël sans Papa

Pour la première fois, nous avions fait

Pour la première fois, nous avions fait le sapin un 26 novembre. Une journée grise et froide. Cette journée-là, nous avions décidé de prendre congé de l’hôpital. Papa était inconscient et nous n’avions aucune interaction depuis le 22 novembre. À l’hôpital, les infirmières nous avaient recommandé de nous reposer, car les prochains jours seraient difficiles.

 

J’avais demandé à mes amis de venir m’aider pour monter des étagères dans mon sous-sol et mes amis avaient décidé de me sortir au resto. Un souper inoubliable pendant lequel nous avons discuté de ce qui allait se passer dans les mois suivants. Je gardais espoir que tout allait s’arranger. Vers 11 heures, alors que j’étais assise sur la banquette d’un petit bistro de Boucherville, un frisson m’a traversé le corps. J’avais compris qu’il se passait quelque chose de grave, mais à l’hôpital, on m’a dit de dormir en paix, que tout était sous contrôle.

 

Le lendemain matin à 6 heures, l’hôpital m’a appelée pour me dire de m’y rendre, que le médecin devait nous parler. Les prises de sang du matin révélaient que plus rien n’allait. Nous devions prendre une décision. Nous avons donc pris la décision de le laisser partir. Au départ, on laissait le cœur artificiel branché, mais après une heure, l’équipe médicale nous a conseillé de le débrancher, car sinon, ce serait très long. Quelques heures après l’avoir débranché, Papa nous a quittés, entouré de sa sœur et de sa tante.

 

Papa nous a quittés à moins d’un mois de Noël. Avec toute l’organisation, les funérailles, la gestion émotive de deux enfants de quatre et de six ans, l’esprit des fêtes n’y était vraiment pas. Comme à l’habitude, nous avons passé le 24 décembre dans ma famille. Mes parents et mon frère ont tout fait pour nous changer les idées et nous tenir occupés. Les enfants avaient leur moment. Quelques moments d’émotions où nous avons vraiment ressenti son absence. Nous avons passé le 25 entourés de la famille de Papa. Encore une fois, son absence était très présente, mais tout était encore tellement frais que nous nous sentions tous (les adultes) comme dans un état second, comme dans un mauvais rêve.

 

C’est l’année suivante qui a été la plus difficile. Cette année-là, j’étais retournée au travail. Comme je travaille avec le public dans un endroit qui est ouvert vingt-quatre heures par jour, j’ai trouvé mes journées extrêmement difficiles. Laisser mes enfants la veille de Noël fut de la torture. La journée de Noël, grand-maman est venue chercher mes beaux enfants pour la journée. Dans l’entrée, deux enfants en crise. Deux enfants qui ne voulaient pas laisser partir maman. Mon fils me tenait la jambe en hurlant. Cette journée-là, je me suis fait une promesse. Je me suis promis que plus jamais, je ne laisserais mes enfants la veille ou la journée de Noël. Mes deux trésors n’ont qu’un parent et ils vont l’avoir avec eux tous les Noëls, quel que soit leur âge.

 

Cette année sera le premier Noël sans Papy. L’an dernier, Papy avait organisé une fête avec ses frères, sa sœur, ses neveux et ses nièces, car ils savaient que c’était son dernier Noël. Ce fut très difficile mais très festif. Beaucoup d’anecdotes, de farces et de rire. Papy était un homme strict, mais un homme qui aimait rire et faire des farces. Cette année encore sera une année difficile et émotive. Un Noël où nous serons encore tous ensemble, mais où une personne de plus manquera à la table.

 

 

Annie Corriveau

À toi mon partner

Quand on entre dans la police, ce qu’on apprend dès le premier jo

Quand on entre dans la police, ce qu’on apprend dès le premier jour, c’est l’importance d’avoir un bon partenaire. Quelqu’un sur qui on peut compter dans toutes les situations. Savoir que nous sommes là l’un pour l’autre. Savoir ce que l’autre fera pendant une intervention sans même avoir à se parler. Savoir que son partenaire prendrait une balle pour soi et vice versa. Un bon partenaire est très important dans notre domaine.

Bien ce partenaire, j’ai fini par le trouver. J’ai eu la chance de travailler avec lui pendant quelques années aux enquêtes criminelles. Nous avons appris à nous connaître, à nous apprivoiser et à deviner ce que l’autre pensait dans certaines situations. Un bon vieux couple tout jeune quoi ! Mais le 9 novembre 2014, la vie a décidé que nous ne serions plus jamais partenaires de travail. Sébastien est décédé d’un foutu cancer à l’âge de trente-trois ans, laissant ses tout jeunes jumeaux Tristan et William ainsi que sa conjointe Isabelle. Mais je ne vous parlerai pas ici de son cancer, car mon texte portera sur du positif, soit sur mon partenaire. Sébastien m’a demandé quelques jours avant sa mort de m’assurer qu’il ne soit jamais oublié. Alors voilà !

Je veux donc vous présenter mon partner Sébastien Glaude. J’ai la chance d’avoir cette tribune pour vous le présenter et de cette manière, en quelque sorte, le garder vivant pour que Tristan et William puissent lire sur leur père quand ils auront l’âge de le faire.

Sébastien rêvait de devenir policier. Son père était policier et il ne se voyait pas faire autre chose. Il a combattu un premier cancer très jeune et a subi plusieurs traitements et interventions. Les médecins lui avaient dit qu’il ne pourrait pas devenir policier après toutes ces interventions. Avec sa tête de cochon et sa détermination, il a déjoué tous les pronostics et est entré dans la police.

Sur la patrouille dans ses premières années, il a ensuite tenté sa chance aux examens pour devenir enquêteur. Il a facilement réussi et a été nommé détective et ensuite sergent-détective. Comme il n’a pas froid aux yeux, il a très rapidement accepté un poste au département des crimes graves. C’est d’ailleurs à cet endroit que nous avons commencé à travailler ensemble. Nous avons rapidement développé une passion commune, l’interrogatoire vidéo. Nous étions complices et nous nous complétions bien. Il était positif, déterminé et motivateur ; travailler avec lui était un loisir. Nous avions des projets d’avenir et de retraite ensemble que nous ne pourrons jamais réaliser. Je sais que je pourrai les réaliser sans lui, mais c’était avec lui que c’était prévu.

Sébastien adorait son métier. Il avait cette motivation que l’on retrouve chez très peu de policier. Il avait le désir d’apprendre et de s’améliorer. J’ai eu la chance de faire un cours sur les crimes majeurs au Collège canadien de police à Ottawa avec lui. Deux semaines que je n’oublierai jamais. Ceux qui ont eu la chance de côtoyer Sébastien ne l’oublieront jamais.

Sébastien a été un exemple pour moi, et ce, jusqu’à son départ. Vous devez comprendre qu’il a appris lors d’une visite à l’hôpital le 30 octobre 2014 qu’il ne lui restait qu’entre deux et quatre semaines à vivre. Il était 12 h 45 lorsqu’il m’a appris la nouvelle dans la chambre 3024. JAMAIS je n’oublierai cette douleur, l’incompréhension, la peur et ce sentiment de ne rien pouvoir faire pour lui. Il a tout de même eu le courage de faire des vidéos pour sa famille et des lettres pour ses enfants, qui leur seraient remises aux étapes importantes de leur vie. Il m’a même dicté une lettre que j’ai eu l’honneur de lire à ses funérailles. Oui, il a voulu s’adresser aux gens à ses propres funérailles. Quelques passages de cette lettre sont fantastiques et j’aimerais que vous en faire part :

– Il y en a qui peuvent penser que mourir jeune est une défaite. Que cela signifie « perdre son combat ». Moi, je n’ai rien perdu. C’est moi qui ai gagné. Parce que dans ma vie, à l’âge que j’ai, je n’ai aucun regret, c’est une victoire. Professionnellement, je ne changerais pas une journée de ma vie. Je n’ai eu que du plaisir et du bonheur. C’est exceptionnel.

– Je veux vous dire que la vie c’est un party. La vie c’est le bonheur.

– Personnellement, je ne changerais rien non plus. Je suis entouré d’une famille et d’amis comme je n’ai jamais vu personne être entouré. Ma vie, c’est ma plus belle victoire.

– On ne choisit pas le nombre de secondes qu’on va passer sur la Terre, mais on choisit comment on les dépense. Dépensez-les bien. Même dans les pires journées, il y a des petits moments de joie et de plaisir.

– Je ne connais pas grand monde qui part et qui n’aurait pas changé une journée de sa vie. La seule petite chose que je changerais, c’est d’avoir une journée de plus pour faire la fête avec vous et partager votre présence. Pensez à moi, je vous aime fort.

Alors voilà. Vous connaissez un peu plus qui est Sébastien Glaude et quel genre de mentalité il avait. De mon côté, je respecte mon engagement de le faire connaître et de le garder vivant en parlant de lui ici.

Tu me manques mon partner. C’est encore à toi que je me confie quand j’ai quelque chose qui ne va pas, mais maintenant, je dois accepter que ce soit une discussion à sens unique. Tes conseils me manquent. Ton amitié me manque. Tu as été un exemple de courage pour moi. J’ai hâte de te revoir, mais je vais laisser la vie décider de la date. Sois tout de même patient, car je n’ai pas l’intention d’acheter mon billet trop vite pour te voir.

 

Première année sans toi

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Le 6 octobre 2016, je suis allée dans ta chambre, en marchant tranquillement pour aller te réveiller, en ouvrant sans bruit ta porte afin que ton matin se passe en douceur. Toute souriante, je me suis penchée pour te prendre dans mes bras et c’est là que ma vie a changé à tout jamais…

 

Ton réveil en douceur, ta journée remplie de fous rires, de joie et peine, tu ne les as pas eus. Je n’ai pas eu mon câlin du matin, la fameuse crise matinale parce que tu voulais te servir tes céréales toute seule, manger directement dans la boîte et en mettre un million sur le sol. Je n’ai pas eu la journée que j’espérais avec toi le 6 octobre. La journée s’est transformée en cauchemar, car j’ai dû apprendre tranquillement à vivre sans toi, à me dire que chaque seconde désormais serait sans toi.

 

Vivre sans toi, vivre sans mon enfant, vivre avec un vide immense.

 

On ne réalise pas à quel point la vie est fragile tant qu’on n’est pas confronté à une tragédie. Désormais, les drames d’autrui me semblent si anodins! J’ai envie de hurler à la personne qui me parle de ses ennuis de la vie quotidienne que je lui donnerais ma vie, je lui donnerais ma vie, je vivrais ses énormes problèmes; à celle qui me parle de son travail qui est ennuyant, des nuits blanches avec les enfants, des ennuis de son couple qui bat de l’aile, de la rentrée scolaire qui est difficile, je donnerais ma vie pour vivre tous les ennuis du monde aux côtés de ma fille. Je voudrais lui apprendre à tout surmonter, lui dire que dans la vie, tout finit par s’arranger.

 

Après un an, j’apprends à vivre sans toi, trop lentement pour certains, de manière parfaite pour d’autres.

 

Pour ma part, je ne crois qu’il y a de manière parfaite de vivre le deuil d’un enfant. Tu ne veux pas en parler, n’en parle pas! Tu veux partir en voyage, pars! Tu veux aller dans des groupes de soutien, vas-y! Ce que j’ai appris durant cette année, c’est qu’il faut prendre soin de soi. La première année, nous sommes notre priorité; il faut éviter de prendre le malheur des autres sur nos épaules, elles sont déjà assez lourdes comme ça.

 

La vie sans toi, ma fille, c’est plate en titi! Mais ne t’en fais pas, maman rit encore beaucoup et elle apprend tout doucement sa nouvelle vie sans toi.

 

 

Lettre à une bonne fée marraine

Ma maman me disait que quand on se regardait, nos yeux pétillaient.

Ma maman me disait que quand on se regardait, nos yeux pétillaient. Mon petit visage changeait d’expression quand tu arrivais près de moi ; nous étions connectées. Tu n’avais ni conjoint ni enfants ; le jour de ma naissance, je suis devenue ta raison de vivre, ta raison de te battre pour ce qui s’en venait, mais ça, on ne le savait pas encore. Étonnamment, je suis née deux jours avant ta fête, à croire que la vie t’offrait mon arrivée en cadeau. Tu étais la sœur de mon père, mais beaucoup plus qu’une tante. Tu étais ma marraine, mais surtout mon âme sœur ; tu le resteras à jamais d’ailleurs. Notre relation ne se s’explique pas ; elle se vivait. Tu m’offrais sans cesse la lune, sans même que j’aie à la demander.

Comme n’importe quelle famille, nous avons nos problèmes, nos discordes, nos histoires, nos héritages, nos ombres. Ce texte, je l’écris pour toi, pas pour elle. Ce texte, il te revient.

Du plus loin que je puisse me souvenir, tu as toujours été malade. Je ne ferai pas la liste des maladies qui t’ont rendu visite, ça prendrait trop de place. Du plus loin que je me souviens, j’ai compris qu’on devait te protéger, s’occuper de toi et t’aimer fort. Assez tôt, tu as dû commencer à m’expliquer que tu ne serais pas à mes côtés pour longtemps. Tu étais un ange sur ma route. Ça, je l’ai compris bien des années plus tard.

Quand je voyais trop grand, tu me ramenais gentiment à la réalité : les projets trop loin, on ne pouvait pas les planifier, au cas où. Ça me faisait de la peine, évidemment, mais c’était plus fort que moi, plus fort que ce que j’étais capable d’accepter. Je me disais que ça ne se pouvait pas, tu ne pouvais pas partir, me laisser toute seule. Bien sûr, j’avais et j’ai toujours mes parents à mes côtés qui font leur travail de façon exemplaire, mais moi, c’est comme si la vie m’avait dotée d’un troisième parent qui avait pour rôle de me protéger ou plutôt, de me surprotéger. Alors si tu partais, qui allait me protéger de la sorcière ?

Quelques mois avant nos anniversaires, tu m’as demandé comme chaque année ce que je souhaitais avoir comme cadeau. J’allais avoir seize ans. J’ai demandé un voyage dans les Bahamas, à l’hôtel Atlantis, t’sais comme dans les films ? Tu m’as regardée sans aucun étonnement, tu as ouvert l’ordinateur et tu t’es dirigée vers les sites web de voyages. De fil en aiguille, nous avions convenu que Cancún serait probablement notre prochaine destination ; tu souhaitais y retourner depuis un bout et surtout, tu souhaitais me faire découvrir ce pays. À cause de la maladie, tu m’avais aussi dit que, pour ce voyage-là, ce serait un « dernière minute ». Tu allais m’appeler quelques jours avant puis Bye, Bye papa et maman, Vicky et Guylaine s’en vont à Cancún…

Le téléphone a fini par sonner, mais tu avais changé la destination. Tu étais à l’hôpital. Ton cÅ“ur ne suivait plus la cadence. Moi, je n’étais pas au courant de ce changement de plan et je sais que ce n’était pas non plus ton idée. Cette année-là, nous avons passé nos anniversaires dans une chambre blanche, triste et froide. Je ne comprenais pas et j’étais fâchée. Je n’étais pas fâchée de ne pas aller en voyage, j’étais fâchée après la vie. Je ne comprenais pas pourquoi c’était TOI que la vie avait prise d’assaut et pas un méchant, t’sais, ceux qu’on voit à la télé… À seize ans, j’étais mature, mais si jeune, si naïve. Les semaines ont passé, les bobos se sont accumulés à la porte de ta chambre, ils n’en sont jamais ressortis. Ils se sont invités comme des voleurs.

Finalement, malgré des in and out à l’hôpital, nous avons réussi à mettre un petit baume sur nos cœurs, nous avons pu avoir un dernier Noël ensemble, dans ta maison. Tu étais tellement heureuse d’y être ! Nous avons pleuré ensemble lorsque tu as enfin pu y remettre les pieds, trop de mois plus tard. J’ai veillé sur toi pendant tous ces mois de calvaire. Après l’école, j’allais chez toi ou à l’hôpital, selon ce que ton cœur et tes reins décidaient.

Je ne sais plus à quel moment exactement nous avons échangé nos rôles. J’étais rendue l’ange et toi, la fragilité. Je t’ai accompagnée comme j’ai pu, comme je le comprenais. Puis un vendredi matin, c’est arrivé. Je me suis levée, papa m’attendait dans la cuisine. Naïvement, j’ai cru que c’était le chien qui était mort, je ne pouvais juste pas imaginer que tu partirais un jour. Ce n’était pas dans le contrat, il me semble ?

J’ai pleuré. J’ai eu mal. Je pleure encore et j’ai encore aussi mal. Rassemblant courage et honneur, j’ai demandé à accompagner papa pour te choisir un dernier lit pour le plus grand des repos. On m’a aussi demandé de te choisir des vêtements pour le dernier des voyages ; j’ai choisi le chemisier que j’aimais le plus.

Je sais que tu méritais cette délivrance, vraiment. Pourtant ça a été plus fort que moi, j’ai crié de toutes mes forces pour que tu reviennes, ça ne se pouvait pas. Papa et maman me tenaient contre eux, essayant de me calmer et de me rassurer, rien à faire. J’étais déchirée de l’intérieur, je te parlais dans ce lit rempli de fleurs, mais tu ne répondais pas. J’avais encore besoin de toi, auprès de moi. À dix-sept ans, nous sommes encore des enfants, nous jouons aux adultes, mais nous n’en sommes pas vraiment. Que connaît‑on de la vie ? À quarante‑six ans, tu t’es éteinte. Moi aussi, je me suis éteinte. Une partie de moi est partie avec toi cette journée-là. J’ai eu un double deuil à faire : le tien et le mien.

Six ans plus tard, il n’y a pas une journée où je n’y repense pas. Je trouve encore la vie injuste, je ne comprends toujours pas les raisons de ton départ. Je suis consciente que c’était pour le mieux ; tu souffrais beaucoup.

Merci pour tous les souvenirs, tous les fous rires, les occasions spéciales, les secrets échangés, et pour la place que tu m’as faite dans ta vie. Ce n’est qu’un au revoir…

À bientôt

P.S. Bientôt, je serai à Cancún, j’espère que tu y seras aussi.

Vicky Boivin

Pas d’au revoir

Je regarde les paupières mi-closes, autant par l’émotion, la cha

Je regarde les paupières mi-closes, autant par l’émotion, la chaleur et les larmes, les dernières braises de ton adieu. Cela fait bien trois jours que ton propre regard s’est éteint, définitivement. La main sur mon bas-ventre arrondi, je pleure sur mes regrets que tu ne connaîtras jamais. Je pleure sur l’ignorance qu’aura mon enfant, notre enfant, de ta bienveillance.

Trois journées déjà où ton absence se fait ressentir pleinement. Alors que tu allais chercher avec fierté de quoi nous nourrir, tu t’es retrouvé à faire face à la fin, à mourir.

Quelle injustice !

Je n’ai pas eu le temps de te dire adieu lorsqu’avec ton sourire, tu m’as dit : « À plus tard ». Ce ne devait être qu’un au revoir ! Tu n’es jamais revenu debout. Tu ne seras jamais plus, avec nous.

Comment vais-je y arriver ? Comment vais-je trouver en moi suffisamment de paix et d’amour pour ne pas transmettre ma haine à ce petit être qui ressent tout en moi ? Arriverais-je un jour à pardonner à ce faucheur qui t’a arraché à nous ?

Il n’avait pas le droit de faire cela !

De nos jours, nous savons tous que la vitesse au volant est sans pardon pour ceux qu’elle agrippe en passant. POURQUOI ? Pourquoi existe-t-il encore des gens qui ont cette pensée magique que ça n’arrive qu’aux autres ? Moi, j’ai perdu par sa faute la plus belle magie de ma vie. Ton amour, ta présence, toi, tout simplement.

Notre enfant n’en est pas encore un qu’il est déjà orphelin, par la faute d’un crétin !

Le ciel lui-même semble colérique en ce moment. Une main sur mon épaule qui me serre doucement. NON, je ne veux pas partir, pas encore, pas maintenant. Regardez-le s’envoler, sans moi. Tout ce qui reste de lui, c’est cette cendre qui s’éparpille.

Je veux être seule avec toi une ultime fois. Je ne t’ai pas reconnu sur ton dernier lit. Ce n’était pas toi, ton visage n’était plus qu’un amas de traces déformées. Mon esprit le sait, mais mon cœur ne veut pas l’accepter. Ne PEUT pas.

J’ai les yeux qui brûlent. Tout mon être hurle. Du fin fond de moi, un cri de détresse se noie. Une peine sans mesure m’étouffe. On m’a dit combien tu étais bon, généreux, gentil. Mais, tu ES PARTI.

Au moins, j’aurai respecté cette volonté que tu m’avais partagée, dans une discussion où nous croyions que ce n’était pas près d’arriver. Te voilà dans le vent, rejoignant le ciel et la mer. Alors que je plonge en enfer, tu t’envoles, toi, ma poussière.

Je reviendrai sur la grève, te visiter chaque année. Je parlerai de toi à chaque instant à notre enfant. Il connaîtra son père, même s’il ignorera la douceur de tes bras. Je lui ferai écouter ces enregistrements où il pourra te voir chanter gaiement. Rire aux éclats et danser de cette façon qui me donnait des crampes tellement j’en riais. Tellement ça en était ridicule !

Mais le vrai ridicule, ce n’est pas tes faux pas.

Le vrai ridicule, ce n’est pas cette fois où pour me dérider tu t’étais lancé dans l’improvisation d’un poème sans queue ni tête, n’ayant d’importance que ton intention et le titre : « Je t’aime ».

Le ridicule, c’est de t’avoir perdu par les manœuvres d’un hurluberlu.

Mais je n’y peux rien. Je t’en prie, reste avec moi, même dans l’invisible ! Prends-moi dans tes bras une ultime fois ! Ne t’en va pas sans moi ! Ne me laisse pas ! Je t’en prie…

Je sais, je dois me relever. Mais comment y arriverai-je sans toi ?

RESTE !

J’ai gardé un peu de tes cendres dans un médaillon. J’espère que tu ne m’en voudras pas. Mais je ne peux pas me séparer complètement de toi. Si ce soir-là, tu m’as dit « À plus tard » sans revenir, aujourd’hui, je dois accepter de te dire adieu, de te laisser partir.

À DIEU… Toi qui me l’as ravi, prends bien soin de lui. Permets-nous de nous retrouver un jour, dans bien des années, lorsque notre enfant aura bien vécu et aura connu cette appartenance à un ultime amour.

Veille sur nous, où que tu sois. Je t’aimais tellement, je ne t’oublierai pas.

Je quitte la falaise d’où je t’ai laissé t’envoler. Je reviendrai, sois-en assuré. Te voir dans l’immensité, toi mon amour, l’homme que toujours j’aimerai.

Ce texte n’est pas « mon » histoire, mais celle d’une connaissance en deuil il y a quelques années. Depuis, elle a donné naissance à une jolie petite fille qui a bien grandi. Bientôt grand-mère, elle attend toujours et espère rejoindre bientôt son grand amour.

 

Simplement, Ghislaine.

 

Pas de vacances pour le deuil

Depuis 1985, je traverse les fê

Depuis 1985, je traverse les fêtes des Pères sans mon père à moi. Heureusement, maintenant, le père de mes enfants occupe ce siège réservé aux paternels. Mon beau-papa, aussi, joue un rôle important dans notre vie. Mais il reste que le trône glorieux, celui du papa qui m’a donné la vie et qui devait m’accompagner à l’autel lors de mon mariage, est vide. Rempli par son silence de mort. Par son invisibilité de disparu.

Et son absence se fait sentir tout l’été. Une ombre sous le soleil.

Ça commence avec la fête des Pères, ça va de soi. Une fête qui n’en est pas une. Quand j’étais petite, je participais à la procession des offrandes à la messe de la fête des Pères. J’avais choisi d’offrir une carte de fête pour mon papa. Le pauvre curé à lunettes qui avait enterré mon père l’année précédente a bien failli aller le rejoindre tellement il était choqué. Le deuil d’une fillette s’exprime comme il peut…

Traditionnellement, le 23 juin, c’est fête. La saison estivale est commencée (b’ah, cette année, on n’en est pas encore certains!), on dit adieu à l’année scolaire et coucou aux vacances. Mais par chez nous, le 23 juin, c’est aussi la date de naissance de mon papa. Un Cancer, comme moi. Mais lui, il a joué le jeu jusqu’au bout et il est mort d’un cancer. Le cerveau qui a été touché, gangrené, ravagé.

Puis, c’était le tour de la fête de tous les enfants, mes frères, moi. Tous devenus grands depuis belle lurette. Même mon mari est né en août. Même mon mariage est né en août. Même mon bébé pas né, est né en juillet. Ça en fait, des journées à célébrer ou à se remémorer. Et maintenant, ça en fait, des journées à se souvenir.

Me souvenir que lui, il n’y est pas. Le vide est là, mais il n’y est plus tant que ça. Il fut des années, de trop nombreuses années, où l’absence occupait toute la place. Une absence omniprésente. Je n’étais pas en deuil, j’étais un deuil.

Contre sa volonté de vivre, mon papa a quitté la santé et la maison quand j’avais cinq ans. L’âge de l’Œdipe dans le piton. L’âge où c’est si facile d’idéaliser l’homme de la famille. Puis, quand j’avais sept ans, cet homme, ce héros, cet idéal masculin (son seul défaut n’était-il pas d’être mourant?), un 15 mai, il est parti pour de bon. Ou plutôt pour de mal. Ça fait mal, chercher son papa pendant trente ans. Stromae n’est pas le seul à chercher son père… Où t’es, Papa, où t’es?

Je savais que l’été de mes trente-trois ans passerait comme un hameçon tordu dans ma gorge. Il était décédé à cet âge. Si jeune, si peu vécu! Il y a sept ans, la femme que j’étais avait alors une fille de sept ans, mon âge au moment où j’ai dû assister aux funérailles de mon papa. Trop de circonstances anti-atténuantes.

Mais la beauté de la chose, c’est que je me suis préparée mentalement et émotivement à vivre cette portion du deuil. Certains diront que je me suis piégée dans la pataugeoire du manque pendant trop longtemps. Mais le deuil, il fait son temps, il revient de temps en temps, il s’effrite, il se reconstruit, et il avance. Cette année-là, j’ai fait un grand bout de chemin. Plutôt que de m’effondrer, j’ai pris mes cartons en patience et j’ai bricolé.

J’ai refait un parcours de la vie de mon père, de notre vie de père-fille, à travers les pages d’un album de collage. Des photos en noir et blanc, en couleurs, des articles de journaux, ses diplômes, des lettres, l’homélie prononcée lors de ses funérailles, des souvenirs partagés par ses frères, ses sœurs, sa marraine… En trente-trois pages, j’ai rebâti un souvenir que la maladie m’avait volé. J’ai récupéré auprès des siens des paroles, des blagues (oui, j’ai découvert en lui un farceur), des prières, des ambitions. Et à travers leurs témoignages, j’ai compris, un peu, d’où je venais.

Et maintenant, je sais. Je suis née un jour de juillet, au cœur d’un été à peine entamé mais déjà rempli de promesses et de fêtes, sous les rayons d’une famille qui allait m’entourer pendant un temps, le temps que chacun allait durer. Mon père n’a duré que trente-trois étés. Son corps s’est fané, sa présence s’est étiolée, mais son souvenir est resté et reste gravé.

Quelles sont les personnes qui vous manquent, et que faites-vous pour traverser les étapes du deuil?

 

Nathalie Courcy

Cet appel…

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14 mars, 9h20. La météo annonce une méga tempête de neige. Aucun flocon à l’horizon. Ça fait deux jours que mon père ne se sent pas bien. La respiration est difficile, l’oxygène est au max, il ne veut pas se lever. Moi, je suis au travail, assise avec mes collègues comme tous les matins. Un matin bien ordinaire… Mon cellulaire sonne, c’est le numéro de mon frère… Ma belle-sœur au téléphone me dit bien calmement: « Annie, ta mère vient d’appeler l’ambulance, elle amène ton père à l’hôpital. Ne panique pas, elle t’appelle dès que possible. » Je suis à Montréal, mes parents sont en Estrie. Mes collègues me disent de partir, d’aller à son chevet. Je leur dis qu’ils ne connaissent pas l’autoroute des Cantons-de-l’Est pour me dire une chose pareille. 

 

Tremblotante et sur le bord des larmes, je reste au travail. Je travaille avec le public. Pas facile de sourire. Je suis chanceuse dans ma malchance, c’est mon amie qui est ma superviseure cette journée-là. Mon cellulaire sonne, je demande à aller prendre l’appel, on me remplace. C’est ma mère. Calmement, elle m’explique le fil des évènements. Mon père, avec sa maladie pulmonaire, a eu la chance d’avoir des médecins exceptionnels. À commencer par son médecin de famille, Dre Marielle Bibeau. Elle se déplaçait pour venir le voir à la maison étant donné son état. Comme il était oxygéno-dépendant, les déplacements étaient très compliqués. Ce matin-là, 14 mars, Dre Bibeau devait venir rendre visite à mon papa. Ma mère lui a donc téléphoné, et suivant ses bons conseils, elle a appelé l’ambulance en disant à ma mère de ne pas s’inquiéter, qu’à leur arrivée à l’hôpital, ils seraient pris en charge immédiatement. Effectivement, à leur arrivée, le pneumologue de papa, Dr Cantin, les attendait.

 

Mon père a aussitôt été pris en charge et on lui a demandé s’il voulait des traitements. Sachant très bien qu’il venait de faire son dernier voyage avant le grand départ, il a refusé. On l’a aussitôt référé aux soins palliatifs de l’hôpital. On lui a promis une grande chambre individuelle, dans laquelle il pourrait vivre ses derniers moments paisiblement. Par contre, l’hôpital était en état d’alerte. Méga carambolage sur l’Autoroute 10… Une chance que je n’avais pas pris la route…

 

Pendant une semaine, mon père a pu voir et apprécier chaque petit moment passé en compagnie de ceux qu’il aimait. Ses frères, sa sœur, son beau-frère, ses belles-sœurs, ses neveux et nièces et surtout sa femme, ses enfants et ses petits-enfants. Ces cinq petits êtres qu’il aimait tant. Son état ne cessant de se dégrader, il a demandé la sédation pour le 21 mars à 10 h. Tout un geste de courage. Jusqu’à la fin, il nous a fait croire que tout allait bien. Jusqu’à la fin, il a fait comme si tout allait pour le mieux. Il nous a quittés sereinement le 21 mars à 4 h du matin, avec sa douce à son chevet. Encore cet appel, cet appel tant redouté, mais qui était attendu pour le laisser enfin s’envoler et quitter ses souffrances.

 

Tu me manques énormément mon père, mais tu as été tellement un exemple de courage et de résilience. Repose en paix maintenant et veille sur tes cinq petits trésors. xxx

 

Je voudrais, par cette tribune, remercier les Dr Bibeau et Cantin ainsi que le personnel de l’hôpital CHUS de Sherbrooke pour les soins exceptionnels apportés à un grand homme.

  

Annie Corriveau

 

À toi, mon enfant unique

Dans la vie, on a tous des regrets. Des regrets qui font mal et d’

Dans la vie, on a tous des regrets. Des regrets qui font mal et d’autres moins. Les regrets qui font mal sont souvent ceux avec lesquels il est plus difficile de vivre. Ceux qui reviennent nous hanter à certaines périodes spécifiques de notre vie… Ou pas. « Pas » dans le sens où ils peuvent être là, dans notre tête, sans arrêt, et qu’ils ne nous lâchent jamais.

Ça peut paraître banal pour certains ou frustrant pour ceux et celles qui ne peuvent pas en avoir, mais moi, je n’aurai jamais deux enfants. Oh oui, je t’ai toi, ma magnifique fille qui grandit à une vitesse fulgurante. Tu as déjà douze ans, tu es belle, gentille et intelligente, mais je n’aurai jamais un deuxième enfant. Tu sais, un autre bébé dont je pourrais prendre soin comme j’ai pris soin de toi. Un complément. Un p’tit bout d’humain avec qui tu aurais développé une belle complicité. Vous voir rire ensemble, grandir, vous amuser, vous chicaner. Je ne devrai jamais faire la police entre vous deux, vous séparer et m’exaspérer devant vos chicanes inutiles. J’aurais voulu vivre une vie de famille complète. Je sens qu’il me manque quelque chose et qu’il te manque quelque chose aussi… Mais dans le fond, qu’est-ce qu’une famille complète? On se complète bien, nous! Elle peut être complète avec un seul enfant, mais j’ai toujours ce sentiment qu’il me manque quelque chose… Peut-être que je ne cherche pas à la bonne place non plus, je ne sais pas.

En plus du fait que je n’aurai jamais deux enfants, je ne serai jamais « ma tante ». Je ne connaîtrai jamais la joie de prendre un enfant un week-end, de l’amener en vacances avec toi et ensuite, de le retourner chez ses parents! Évidemment, je le fais avec tes amies, mais ce n’est pas la même chose, non?

Il y a des choses dans la vie qui ont fait en sorte que je n’aurai pas d’autre enfant.

J’entends dire :

–          Apprécie ce que tu as. Tu as une belle grande fille en santé!

Absolument! Et je savoure chaque étape! Je t’aime, je t’adore. Tu es ma moitié, ma vie, mon inspiration. Tu es une partie de moi. C’est peut-être aussi le fait que tu es un enfant unique, que tu es si près de moi. Je t’aime encore plus fort et je ferais tout pour toi. Je te donne ma vie, mon temps et mon énergie. Tu représentes tout pour moi. Tu me complètes! On rit ensemble, on boude ensemble, on se chicane, on crie, on pleure de rire, on pleure de joie et on pleure de peine ensemble. Pour rien au monde, je ne changerais notre si belle complicité!

Mais j’ai peur, peur pour ton futur. Peur de te voir vieillir seule. Peur du jour où je ne serai plus là pour toi. J’ai peur que tu m’en veuilles un jour de ne pas t’avoir donné un petit frère ou une petite sœur. Tu m’en parles tellement souvent!

Mais tu sais, c’est à moi d’apprivoiser ces peurs, c’est à moi de me déculpabiliser et d’apprendre à vivre avec ce regret. Quand même les publicités à la télévision me font pleurer, quand même voir des enfants jouer ensemble me rend coupable… Je veux que tu saches, ma fille, que toi tu es là à mes côtés. Tu es ma fierté et on forme une super équipe!

La vie est tout simplement différente pour nous, mais elle n’est pas moins belle!

Je t’aime!

Ta mamounette,

Tania Di Sei

 

Le jour où tu t’es lassé de nager

J’avais dix-neuf ans qua

J’avais dix-neuf ans quand je t’ai rencontré. Tu avais six ans de plus que moi. Tu avais les cheveux longs et des Dr Martens rouges, et tu conduisais un vieux 4X4 brun duquel émanait une odeur de soirées de party entre amis. Je ne peux pas dire qu’il y a eu un coup de foudre, mais rapidement, une complicité s’est installée. On habitait le Plateau Mont-Royal, on courait les festivals de musique, on regardait des films underground. On était libres et heureux. Tu étais mon ami, mon meilleur ami.

On a grandi ensemble, on a fait un bout de chemin. La vie n’était pas toujours rose, la mer n’était pas toujours calme. On a souvent voulu fuir; on a souvent eu des doutes. Je ne compte plus les fois où j’ai fait mes valises dans ma tête et imaginé ce que ce serait de repartir à zéro, de refaire ma vie avec quelqu’un d’autre.

Malgré les épreuves, on a eu trois enfants ensemble, trois magnifiques enfants. J’ai vu ton regard s’illuminer en les voyant grandir. Tu prenais un plaisir fou à leur faire découvrir le monde. Tu étais un papa fier et affectueux. Je me suis souvent dit que peu importe ce qui nous arriverait, je ne regretterais jamais de t’avoir choisi comme père de mes enfants. Tu les aimais d’un amour pur et sincère!

Notre chemin a abouti à un cul-de-sac. Avec du recul, je vois maintenant que ton problème de santé mentale était un facteur important dans notre éloignement. On a choisi de se séparer, de ne plus se contenter. On se souhaitait du bonheur et on voulait plus que tout réussir notre séparation : pour le bien de nos trésors. On a levé nos verres à nos dix ans de vie commune, on s’est serrés fort et on ne s’est souhaité que du beau pour l’avenir.

Et c’est là que la tempête a frappé. Non seulement la mer n’était pas calme, mais on se faisait engouffrer par les vagues. Impuissante, je te regardais te noyer et toi, tu t’accrochais à moi, me tirant vers le fond. Deux ans de tempête, deux ans pendant lesquels je t’ai regardé te débattre dans l’eau, revenir à la surface reprendre ton souffle pour replonger dans les profondeurs. Il y a eu des moments où je me suis demandé si ce n’était pas ce que tu voulais, au fond, te laisser couler. Tout le monde te lançait des bouées, mais tu n’en voulais pas.

En octobre, tu t’es lassé de nager. J’imagine que tu n’en avais plus la force. On était tous à bout de forces! Nos enfants avaient neuf ans, six ans et trois ans. Par une douce journée d’automne, trois enfants ont appris qu’ils n’avaient plus leur papa. Ces trop petites merveilles que tu aimais plus que tout, tu avais choisi de les abandonner. Ces trois petits êtres qui ont fait naître une lueur dans ton regard ont vu la leur s’éteindre en un instant.

Aujourd’hui, je le dis : je t’en veux! Je te déteste pour ce que tu as fait! Je voudrais avoir la chance de te brasser et de te raisonner. Je voudrais te faire prendre conscience de toute la douleur, de toutes les questions, de toute la culpabilité et de toute la tristesse que tu nous as laissées en posant ce geste. Cette douleur que tu n’arrivais plus à supporter, tu nous l’as léguée. Tu m’as laissé un énorme fardeau sur les épaules : être le seul parent de nos enfants. Comprends-tu ce que ça signifie? Comprends-tu la pression qui pèse sur moi? De savoir que peu importe ce que je ferai, peu importe l’amour que je donnerai à nos enfants… jamais, JAMAIS, je ne pourrai leur épargner cette douleur et ce vide qui les suivront toute leur vie. Jamais je ne pourrai répondre à tous leurs questionnements, car jamais je ne pourrai expliquer l’inexplicable.

J’avais trente-deux ans quand tu t’es suicidé. Tu avais six ans de plus que moi. Tu avais les cheveux courts, tu étais père, tu étais amaigri et je ne te reconnaissais plus. La vie continue pour les enfants et moi : on se lève le matin, les enfants vont à l’école, on rit en famille, on fait des activités, on se colle, on s’aime…

La vie continue, mais elle ne sera plus jamais la même : elle sera toujours teintée par ton départ. Ce nuage noir nous suivra toujours, de près ou de loin : il fera à tout jamais partie de qui je suis et de qui les enfants deviendront.

 

Peine d’amour

Métro Strasbourg Saint-Denis, en juin. Il fait chaud. L’air est l

Métro Strasbourg Saint-Denis, en juin. Il fait chaud. L’air est lourd et ça pue. Mon énorme sac à dos m’écrase les épaules et les gens me bousculent, irrités que je reste plantée là. Trois minutes auparavant, tu étais ici, avec moi. Pendant une heure, tu m’as cassé les oreilles avec tout ce que je devais faire et ne pas faire pendant mon voyage. Je te regardais, souriante et un peu exaspérée. Tu avais l’air content, mais inquiet pour moi.

« Ah! Pis en arrivant au port, il va y avoir plein de gens qui vont t’offrir des chambres d’hôtel, fais pas ton épaisse, là. Paye pas plus que quinze dollars pour une nuit. Dors avec ton passeport. Pis sors de Plaka avant 19 h. Mêlée comme t’es, tu seras pas arrivée à l’auberge avant 21 h anyway. Oublie pas de… » « C’est correct, là, j’pense que t’as fait le tour. Je vais manquer mon vol si ça continue. » On s’est embrassés et tu es parti. Après quelques pas, tu t’es retourné et tu m’as souri.

Plantée dans l’escalier qui descendait vers le métro, j’ai eu un grand vertige. Ta silhouette s’est mêlée à celle des passants et je t’ai perdu de vue. On ne s’est plus jamais revus. Tu es mort dans un accident d’auto. Mort au même endroit où tu m’avais dit d’être prudente sur la route. Des fois, quand tu me manques pis que j’ai trop de peine, je te trouve cave de pas avoir suivi ton propre conseil. Conseil de marde pis frère de marde, que j’me répète dans ma tête.

Je rêve souvent à toi. C’est toujours la même chose. Je suis dans l’escalier du métro et je te regarde t’éloigner. Je crie ton nom, mais tu ne te retournes pas. Plus tu avances, plus j’ai de la misère à respirer. « ARRÊTE ! Reviens! Reste! Une minute… juste une minute. » Je me réveille en pleurant. C’est toujours la même fin. Tu me manques tellement.

Enfants, on s’est chicanés, obstinés, battus pis tellement tapés sur les nerfs. J’étais la petite sœur gossante, toi le frère pas très patient. Je me souviens des claques que tu m’as ramassées, des fois où tu t’es fait chicaner à cause de moi. Je me souviens des jeux niaiseux qu’on inventait, des fous rires qu’on avait. Il y a des fois où j’en avais mal au ventre tellement je riais. Le soir, quand tu étais triste ou anxieux et que tu n’arrivais pas à dormir, tu venais dans ma chambre. Tu t’assoyais par terre à côté de mon lit et tu m’écoutais te raconter des histoires. Tu souriais. Je me souviens de toi qui m’attendais à l’aéroport la première fois que je suis allée à Paris. Tu portais un béret noir et tu t’étais cousu une baguette de pain en dessous du bras pour me faire rire. Les gens te regardaient bizarrement. En te voyant, j’ai éclaté de rire. Et après, j’ai pleuré tellement je m’étais ennuyée. « T’es conne !» que t’as lancé, visiblement ému toi aussi. Tu étais ma maison, mes racines, ma pas-vraiment-douce moitié.

Vingt ans plus tard, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi les gens comme toi viennent avec une date d’échéance. J’ai l’impression qu’au fond de vous, vous le savez et c’est pour ça que vous êtes différents des autres. Je suis reconnaissante d’avoir eu la chance de grandir avec un frère comme toi à mes côtés. Tu étais quelqu’un d’extraordinaire. Si intelligent. Si sensible. Si doué.

Si je pouvais revenir en arrière, je te dirais plus souvent que je t’aime et je te dirais de ne pas y aller. Sur cette île-là, dans cette auto-là, avec cette fille-là. Si je pouvais te parler aujourd’hui, je te parlerais de ma fille, je te dirais qu’elle te ressemble, qu’elle a ta sensibilité et qu’elle aime les avocats, comme toi. Je te dirais aussi que tu me manques beaucoup. Dans une autre vie, j’espère qu’on va se retrouver et se reconnaître. C’est la seule chose qui me console. Tu es ma plus grande peine d’amour. Tu es mon vide qui ne s’est jamais comblé.

Liza Harkiolakis