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Au revoir – Texte : Geneviève Dutrisac

Vide. Voilà le premier mot qui me vient à l’esprit pour décrire le sentiment qui m’habite. Mo

Vide. Voilà le premier mot qui me vient à l’esprit pour décrire le sentiment qui m’habite. Mon petit cœur s’est cassé en mille miettes et je n’ai pas la force de recoller les morceaux.

Tu auras été une femme digne et fière tout au long de ta vie. Je comprends ta décision, ferais la même chose dans la même situation, mais égoïstement, j’aimerais tellement te dire que cela est un non-sens. Tu as tout mon respect devant cette décision fatale empreinte de courage et de résilience.

La date fatidique arrive à grands pas et je serai à tes côtés. Nous serons là pour toi, comme tu as été là pour nous tout au long de notre vie. Nous te couvrirons d’amour comme tu as si bien su le faire pour nous, afin que ce dernier voyage soit le plus doux de tous.

Je dois te dire adieu et je ne veux pas. Je ne peux pas… je n’y arrive pas.

Ne plus te voir, ne plus me confier, ne plus savoir que demain tu seras là.

Certains adieux sont remplis de soulagement, d’autres, de regrets. Parfois, les adieux sont littéralement inexistants et nous hantent beaucoup trop longtemps. Les « j’aurais dû et j’aurais pu » viennent alors nous troubler l’esprit. Cet adieu est différent parce que tu me sembles tellement en paix avec cette décision.

Lorsque tu me disais : « Fille, la vie est faite de hauts et de bas, ça ne peut pas toujours bien aller ! », eh ! Bien, je sais qu’en ce jour, tout ira pour le mieux, parce que tu veilleras maintenant sur moi de là-haut.

Ma confidente, mon exemple de femme forte, l’inspirante dignité, mon appel de réconfort, tu étais tout ça et tellement plus.

Il est maintenant temps de te reposer, grand-mère. Je te dis un au revoir empreint de tendresse et de douceur. Et comme à la fin de chaque appel téléphonique…

Je t’aime, on s’rappelle !

Geneviève Dutrisac

Le cœur en courtepointe — Texte : Liza Harkiolakis

Enfant, j’adorais regarder ma grand-mère coudre. J’ai encore un souvenir très clair de ses mai

Enfant, j’adorais regarder ma grand-mère coudre. J’ai encore un souvenir très clair de ses mains vieillissantes et délicates qui passaient le fil à l’endroit puis à l’envers d’un morceau de tissu. Chaque fois qu’elle y piquait son aiguille, ses anneaux de mariage descendaient sur sa jointure, puis ils remontaient quand l’aiguille réapparaissait à la surface. Ses mouvements étaient lents, doux, précis, presque hypnotiques. Elle reprisait des bas, des linges à vaisselle, des rideaux, des couvertures, des vêtements déchirés. Elle faisait partie de ces gens qui réparent les choses au lieu de les jeter.

Quand j’avais neuf ou dix ans, elle m’a appris comment faire. On a commencé par des boutons, puis des coutures droites, des carrés de tissu pliés en deux et des bas de rideaux. Vers l’âge de vingt ans, elle m’a appris comment réparer la manche d’une chemise que j’avais brisée. Elle était un peu défraichie, un peu trop étroite à la taille et fendue du coude à l’épaule. Cette chemise, je l’avais mise aux poubelles et, elle, elle l’avait récupérée. Moi, je faisais partie des gens qui jettent quand c’est abimé.

Elle est montée dans sa chambre de couture, puis elle est redescendue avec trois bobines de fil rose. Elle a choisi la teinte la plus ressemblante, a enfilé une aiguille, fait un premier point puis un deuxième et m’a demandé de continuer. « Toutes les choses utiles méritent d’être réparées. Tu commences par réparer des petites choses, puis des plus grandes et, avec de la pratique, tu sauras réparer n’importe quoi. Ta chemise, ton manteau et peut-être même ton cœur. Ça te prend juste de la volonté, de la patience et du fil assez fort pour faire tenir tes morceaux. »

À cette époque, j’étais bien loin de comprendre que cette chemise, cet après-midi avec elle, allaient influencer le reste de ma vie. Sans le savoir, à partir de ce moment, j’ai commencé à réparer les choses et mon cœur aussi. J’ai appris la patience et la résilience. À chaque peine d’amour, à chaque fois où j’ai senti mon cœur se briser, je l’ai réparé. Quand le fil n’était pas suffisamment solide pour faire la job ou lorsque la blessure était trop profonde, je l’ai patché. Souvent, j’ai dû recoudre le même endroit en repassant une, deux, trois, quatre fois, car toutes les choses utiles méritent d’être réparées.

C’était l’anniversaire du décès de ma grand-mère, il y a quelques jours. J’ai beaucoup pensé à elle. J’ai imaginé toutes les fois où elle avait dû, avec les moyens du bord, se repriser. Je me suis demandé dans quel état était son cœur quand elle est décédée. S’il était solide, si ses coutures avaient tenu le coup, si, au fil du temps et de l’usure, ses patchs s’étaient décolorées. Et je lui ai demandé qu’elle me dise comment on fait pour continuer d’aimer sans retenue et sans peur quand on s’est reprisée si souvent qu’on a fini par avoir, à l’intérieur de soi, une courtepointe en forme de cœur.

Liza Harkiolakis

Ces grands-mamans si précieuses — Texte : Marie-Nancy T

J’ai toujours pensé que les grands-parents jouaient un rôle extrêmement important dans le parco

J’ai toujours pensé que les grands-parents jouaient un rôle extrêmement important dans le parcours de vie d’un enfant. C’est vrai que le lien qui unit les grands-parents à leurs petits-enfants nait d’une complicité profonde et hors du commun. Avez-vous déjà remarqué les yeux de vos parents ou de vos beaux-parents lorsqu’ils regardent votre enfant ? Ou les yeux de vos propres grands-parents lorsqu’ils vous regardent, s’ils sont toujours présents ? Avez-vous déjà analysé le regard que vous portez sur vos petits-enfants, vos « précieux » ? Nous pouvons voir de la fierté, évidemment, mais aussi de l’adoration. C’est fort et puissant ça, de l’adoration !

J’ai toujours su que ma grand-mère était précieuse à mes yeux et qu’elle occupait une place importante dans mon cœur. Je l’ai réalisé encore plus, l’an dernier, lorsqu’elle nous a quittés. Lorsque grand-maman est décédée, j’ai eu l’impression, en quelque sorte, que c’était la fin d’une époque. Quand on y pense, le tronc de chaque famille prend racine dans l’identité des grands-parents. C’est d’eux que nous viennent nos valeurs. C’est souvent auprès d’eux que nos plus beaux souvenirs d’enfance se sont créés. Avouez qu’ils ont cette capacité, les grands-parents, d’être des générateurs de souvenirs mémorables. Vous savez, le souvenir d’entrer chez nos grands-parents et de sentir l’odeur des petits plats que seules les mamies peuvent nous cuisiner ? Ou le souvenir des rassemblements familiaux où l’on était tous entassés dans les maisons trop petites de nos grands-parents ? Ou encore, les innombrables moments doux partagés avec eux lors d’une soirée pyjama ?

Je crois que lorsque ma grand-mère est décédée, j’ai eu peur, en plus de vivre le deuil de son départ, que ma famille ne soit plus jamais la même sans elle. Ça démontre l’importance qu’elle avait à mes yeux ! Ma grand-mère était l’âme et l’épicentre de notre famille. C’est souvent le cas, pour chaque famille en fait. La mamie, c’est le roc, le noyau de la gang, la rassembleuse, celle sur qui on peut toujours compter. Savoir qu’elle ne serait plus jamais présente pour jouer tous ces rôles m’effrayait quelque part.

Ma grand-mère, je lui serai à jamais reconnaissante, car grâce à elle, j’ai pu m’épanouir au sein d’une famille unie, une famille qui accepte tout le monde avec ses qualités et ses défauts et qui aime, sans jugement. C’est mamie qui nous a inculqué et transmis toutes ces belles valeurs et cette bienveillance que nous avons les uns envers les autres. Tout ça, c’est son œuvre à elle ! Ma grand-mère, elle avait cette force incroyable pour une femme de sa génération de ne pas juger les gens, d’être ouverte d’esprit et de nous encourager malgré nos erreurs. Elle était une grande dame et un être d’exception.

C’est pour toutes ces raisons, et bien d’autres, que nos grands-mamans si précises sont difficiles à laisser partir. En fait, je suis maintenant convaincue qu’il est impossible de les oublier et c’est parfait ainsi. Il faut les laisser vivre à travers nos souvenirs. En réalité, les mamies ne meurent jamais. Quand on y pense, elles continuent de vivre en nous. Je trouve réconfort en me disant que même si ma grand-mère n’est plus présente physiquement, elle fait encore partie de moi. Elle est immortalisée, en quelque sorte, dans mon âme et dans ma mémoire émotionnelle. Il suffit de se remémorer tous les moments passés avec nos grands-mères, de se rappeler leur voix douce et aimante ou les odeurs de leur maison pour les faire revivre. Pour garder ma grand-mère vivante, je tente tant bien que mal d’honorer sa mémoire en essayant de transmettre, à mon tour, ses valeurs et ses accomplissements à mes enfants. Et qui sait ! Peut-être qu’un jour, j’aurai l’immense privilège de pouvoir revivre moi aussi, à travers mes petits-enfants. Ainsi va la vie, comme on dit.

Lorsque ma grand-mère était vivante, la voyant de plus en plus vieillissante, j’ai développé cette crainte qu’elle ne me reconnaisse plus et qu’elle oublie qui j’étais. Je crois que c’était trop difficile de penser que le lien fort qui nous unissait ne serait plus jamais le même. Je me souviens que vers la fin de sa vie, je ressentais parfois un doute avant de lui téléphoner. J’avais cette inquiétude qu’elle me demande : « Qui es-tu ? » Ou qu’elle oublie ma voix ou encore bien pire, mon nom. Un peu comme dans la chanson « Ficelles » d’Ingrid St-Pierre, qui dit : « mais n’oublie pas mon nom ».

En tout cas, moi, je ne t’oublierai jamais grand-maman, et surtout pas ton nom !

Merci à ma mère et à ma belle-mère d’être des créatrices de souvenirs et encore bien plus pour mes enfants. Votre rôle est si précieux.

Marie-Nancy T

T’avais tout un caractère, Mamie, mais t’étais attachante

8 ans.

Ça fait 8 ans que tâ€

8 ans.

Ça fait 8 ans que t’as décidé de foutre le camp, dans un monde un peu trop loin dont on ne sait à peu près rien.

Mais avant cette décision, t’étais une femme. TOUTE qu’une femme. T’en as fait des chicanes de famille, famille à laquelle tu tenais clairement plus qu’à tout. Qui aime bien châtie bien, dit-on. Bah, dit le dicton. Et bien toi, tu châtiais et pas à peu près quand tu te décidais.

Mamie, t’étais une femme de caractère, à défaut d’en être une de carrière. Ta carrière a été d’élever des enfants. Les tiens, ceux de tes enfants et des enfants dont on n’a aucune idée d’où ils venaient. Et par la bande, quelques ami(e)s ont pu bénéficier de ton amour. Tu formais le village à toi seule. Dès que ça avait besoin d’amour, de nourriture et de discipline, tu trouvais une place à ta table. Y’avait du monde autour de ta table, Mamie. Il y a même une fois où y’a une bonne femme qui est entrée dans ton appart pour s’assoir et prendre un café. Je ne me souviens plus comment ça a fini, mais soit tu l’as mise dehors à grands coups de jurons bien salaces ou tu lui as offert un refill. Parce que t’étais de même toi, Mamie. Des refills, que ce soit pour des gros mots ou des caresses, t’étais ben bonne là-dedans.

T’avais juste ça, du caractère. Un défaut ? Ton caractère. Une qualité ? Ton caractère. Mais on t’aimait assez pour dire : Bah ouais, est de même Mamie, on ne la changera pas à l’âge qu’elle a (vieille peau).

Je me souviens d’avoir appris à grimper dans un banc de neige en auto avec toi. Oh, on ne l’avait pas dit à mes parents, ma mère n’était pas tellement d’accord. Tu m’avais dit :
Mamie : Kimmy, c’est toi qui conduis pour aller au Café.

Moi : Quoi ?!? Maman ne voudra jamais.
Mamie : Je t’ai-tu dis qui fallait y demander ou y dire ? Non, faque farme‑là pis awaye, on va arriver en r’tard !
J’ai mis ça sur le reculons, un vieux Datson 1900 tranquille, et j’ai oublié qu’on était l’hiver, que ça glissait et que le break était à gauche. On a monté direct, du cul, dans le banc de neige.
Mamie : Ouin, ben, on va arriver en r’tard je pense ben.

Et t’avais ri. Mamie, quand tu riais, ta gorge de fumeuse grinçait juste assez pour que tu t’étouffes, mais pas assez pour que tu meures. À ce moment‑là, je le savais pas que tu pouvais mourir. Y’a tellement d’épreuves qui se sont battues pour être à tes côtés qu’on n’aurait pas cru que tu partirais de même.

8 ans, Mamie.

Je m’ennuie de ton appart qui sentait la boucane. Ou peut-être même que ton appart, il ÉTAIT en boucane. Je m’ennuie de te voir gratter tes gratteux, de tes lunettes en fonds de bouteilles, des tuyaux sur tes mains. Ouais, les tuyaux, comme je les appelle, ce sont tes veines de main. Tu te souviens, les tiennes, elles étaient carrément SUR tes mains. J’adorais ça. Pas toi, mais je m’en foutais. Dès que je pouvais sentir tes mains. Sous mes mains dodues, je le vois cet héritage-là. Et ce matin, ça m’a fait penser à toi.

Je t’aime.

Kim Boisvert

Ma Noëlla…

L’odeur des draps du lit des invités, fraîchement lavés. Ils avaient

L’odeur des draps du lit des invités, fraîchement lavés. Ils avaient séché sur sa corde à linge. Ils sentaient sa peau, sa maison, son amour. Ma grand-maman Noëlla. Un être d’une bonté infinie, d’une générosité grande comme la terre. Une femme de tête, de cœur, comme plusieurs femmes de notre beau coin de pays.

Ma mémoire ne se souvient pas, mais les photos en témoignent. J’habitais le logement juste au‑dessus du sien. Elle me cajolait, me chatouillait, me faisait rire. Je descendais chercher mon concombre à son jardin tous les matins. Je l’attendais sur le bord de la petite clôture pour qu’elle me donne mon légume favori. Je grandissais à ses côtés, dans ses bras aimants. Mon destin toujours près du sien. Quelques déménagements n’ont pas altéré le lien qui nous unissait. Au primaire, je me revois aller dîner chez elle. La vinaigrette qui a toujours le même goût, les biscuits gaufrettes au chocolat, à la fraise et à la vanille. Ceux qui finissent par ramollir, oui ceux-là, comme ceux de toutes les grands-mamans.

Les soupers de Noël, les dîners du jour de l’An, dans sa maison, on jouait à des jeux en famille. C’était le bonheur. Avec ma douce grand-maman, je partageais des moments d’éternité. Elle m’a appris à jouer au Scrabble, au Boggle, sans oublier le Rummy. Une femme vive d’esprit qui, malgré une scolarité limitée, avait plusieurs connaissances. Elle m’impressionnait toujours.

L’hiver, j’avais toujours des mitaines tricotées par ses mains habiles. Les mitaines avec un motif de losange. Ma sœur en portait des identiques, mais d’une autre couleur… Comme plusieurs enfants de ma génération, je me souviendrai toujours des fins de soirée à me rouler dans les manteaux de fourrure de toute la parenté, déposés sur son lit. Sa chambre où j’entrais toujours à pas de souris, un lieu sacré où ses colliers et son unique bracelet de valeur trônaient sur sa commode. Tout dans cette maison respirait la paix, la santé, la joie et la simplicité. Sa machine à coudre a toujours piqué ma curiosité, un bout de tissus en permanence dans l’attente de son talent. Combien de couvertures, de catalognes avions‑nous à la maison ? Un héritage qui n’a pas de prix, seulement celui du cœur.

Les piqueniques familiaux, au bord du lac, avec la glacière en métal avec le typique motif carreauté de cette époque, les sandwichs avec de la mayonnaise, des tomates tranchées. Tout cela avait un goût, le sien, reconnaissable entre tous.

Je la revois arriver, avec son foulard orangé sur la tête (son fichu comme elle l’appelait), noué sous le menton, bien en selle sur sa bicyclette, arborant un magnifique panier de plastique fixé sur le devant. Elle n’était plus toute jeune, mais se gardait active. Mon grand‑papa restait à la maison, mais elle se donnait le droit de venir nous visiter. Parfois, même, elle revêtait son maillot de bain pour faire trempette avec nous dans notre piscine.

Grand-maman Noëlla n’oubliait jamais de nous apporter des framboises, tout juste cueillies. Je me revois, la serrant très fort, mes bras essayant de faire le tour de sa taille potelée, avec ses gros bourrelets d’amour. Ceux que j’aimais tant : les siens. Si rassurants, si parfaits. Votre grand-maman avait-elle un rire particulier ? Celui qui résonne encore à vos oreilles ? Elle pouffait de rire et pleurait souvent aux larmes tellement elle riait !

Ses appels téléphoniques quotidiens avaient le don de me taper sur les nerfs ! Elle devait absolument dire à ma mère que le bœuf haché était en spécial au Métro ou que la belle‑sœur de Gérard était décédée. Chaque journée de la semaine était synonyme d’une action bien précise. Le samedi à 16 h, elle chantait à la messe. Le dimanche matin, elle s’y rendait encore, à pied. Le lundi, c’était jour de lavage, chez Noëlla. Et il y avait la journée des bigoudis et du casque de plastique pour protéger sa coiffure… Les journées s’écoulaient au rythme d’une routine sécurisante.

J’étais à l’aube de l’âge adulte lorsqu’elle m’a donné un petit ensemble pour mon futur nourrisson. Celui qui comprend un bonnet minuscule, un chandail et des chaussons. Il était vert menthe, tricoté avec une laine fine, soyeuse, douce. Préparé par elle, pour moi. Son amour était infini.

Vers la fin de sa vie, habitant dans une résidence, le dos courbé, une maladie du sang l’empêchant de bien fonctionner, elle courait dans les corridors, perdue, confuse. Arrivée à la fin de la route. Le parcours d’une femme simple, ordinaire, naturelle, battante, forte. Ma grand-maman Noëlla. Je l’aimerai toujours…

Solène Dussault

Le Café Central

Frampton, un petit village d’origine irlandaise en Beauce. Environ

Frampton, un petit village d’origine irlandaise en Beauce. Environ 40 minutes de route des ponts de Québec et un décor majestueux avec ses collines ainsi que la beauté des forêts et des montagnes qui accompagnent les routes pour se rendre dans ce beau village parsemé de magie.

Oui, c’est là que j’ai grandi. Sur la terre de mon grand-père qui avait un moulin à scie autrefois, en plus de mettre sur pied une compagnie d’autobus scolaires.

Ma grand-mère, elle, avait ouvert un restaurant dans un autobus qu’elle a dirigé pendant six ans et qui se nommait, je crois, La Patate. Par la suite, elle a fait construire son restaurant en plein centre du village à côté de l’église. C’est devenu le Café Central.

Elle a tenu ce restaurant pendant 38 ans. C’était comme le cœur du village. Il y avait deux petites salles à manger ainsi qu’un grand comptoir. Les jeunes pouvaient se divertir en jouant aux arcades ou manger de la crème glacée molle. Les bonbons, chips, chocolats, etc., étaient présents pour satisfaire toutes les demandes. On pouvait également louer des vidéos. Bref, il y avait de tout.

Dehors, il y avait aussi de longs bancs en bois devant le restaurant, où les gens pouvaient s’asseoir et échanger sur la rue principale. Sans oublier les pommiers du voisin Turcotte à l’arrière, où les jeunes allaient cueillir les petites pommes vertes et dures pour faire la guerre des pommes. Bien sûr, il ne faut pas oublier la fameuse haie de cèdres des Turcotte qui servait de tortures aux jeunes qui voulaient faire partie du groupe.

Ce restaurant était ouvert presque 24 heures sur 24 les fins de semaine. C’était le centre de rencontre pour tous les gens du village. Lorsque les bars fermaient, les gens allaient manger au restaurant. Il servait aussi pour les sorties de familles! Beaucoup de familles se réunissaient à cet endroit pour déguster la bonne cuisine de ma grand-mère.

C’était également l’endroit idéal pour les jeunes filles du village pour obtenir un emploi d’été ou de fin de semaine. Moi à treize ans, je travaillais au restaurant chez ma grand-mère le dimanche soir et j’étais fier. Je m’occupais des commandes au téléphone et au comptoir ainsi que du comptoir de crème glacée.

Le Café Central était comme le cœur du village. C’était le centre des nouvelles. Si tu voulais être au courant de ce qui se passait, tu devais aller passer un peu de temps au Café Central.

Le jour où ma grand-mère a vendu son restaurant, tout a changé. C’était un homme d’une grande ville qui l’avait acheté. Dès les premières semaines, l’atmosphère avait changé.

Après un an, l’acheteur avait déclaré faillite. Pourtant, ma grand-mère avait tenu ce commerce pendant 38 ans. Voilà la différence : Grand-maman était toujours disponible pour avoir une bonne relation avec sa clientèle et ses employés. De plus, elle était extrêmement dévouée. Souvent, elle travaillait jour et nuit. Si elle a réussi dans la vie, c’est grâce à son courage et à son dévouement.

Bravo grand-maman!

Depuis, j’ai l’impression que Frampton a perdu son cœur. J’ai l’impression que Frampton a perdu le centre de sa force, car tout se passait là, dans ce restaurant. Aujourd’hui, ce cœur n’est plus là comme avant. Les gens sont plus sur leur téléphone ou leur ordinateur, mais dans ce temps-là, on avait seulement à marcher quelques pas pour se rendre au Café Central et on avait beaucoup plus de plaisir!

Mais ce n’est pas juste à Frampton que c’est comme cela. Partout, on dirait que les nouveaux moyens de communication ont remplacé le coeur des villes et des villages. Mais jamais, ils ne remplaceront les souvenirs.

Carl Audet

Les belles années

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Les belles années de mon enfance sont celles passées chez mes grands-parents maternels. Ma grand-mère, elle qui avait eu neuf enfants, aurait sûrement fait la meilleure éducatrice du monde. Elle savait raconter les meilleures histoires. Elle était excellente en dessin. Elle était toujours à mon écoute même si elle avait plein de choses à faire. Toujours présente pour répondre à mes questions qui ne cessaient pas de se présenter. Elle était toujours là.

Je me rappelle aussi que dès que nous arrivions chez mes grands-parents, j’étais le premier à sauter hors de l’auto. Je me dirigeais vers l’étable parce que j’avais tellement hâte de voir tous les animaux. Avant d’entrer dans l’étable, j’admirais les coqs et les poules à l’extérieur. Une fois à l’intérieur, c’était la visite de fantaisie et de joie. Je me rappelle, il y avait une truie dans son enclos et je devais m’agripper très fort sur le bord pour m’élever afin de la voir. Et je la vois encore en train de nourrir ses petits cochonnets. Sans oublier le merveilleux cheval blanc que mon grand-père avait. C’était une jument et j’étais tellement en admiration que je disais que c’était mon cheval à moi. Oui, dans ma tête d’enfant, parce que je lui donnais du foin à manger, elle était à moi. 

Aussi, les chats de l’étable qui rapportaient des trophées sur la galerie, c’est-à-dire des souris mortes. Puis les heures de plaisir que mon frère et moi avons eues à attraper des écrevisses ou des ménés dans le ruisseau près de la maison. Sans oublier les courses dans les champs en évitant les bouses de vaches.

Le dimanche de Pâques, ma grand-mère allait toujours puiser l’eau de Pâques pendant les dernières minutes avant le lever du soleil. Cette eau pouvait se garder longtemps et le goût pour moi était comme magique. C’était peut-être une belle histoire que ma grand-mère racontait… mais l’eau semblait goûter différent de l’eau normale et je préférais croire ce que grand-maman me disait. Après tout, elle était devenue mon idole!

Quoi dire du temps des sucres! Que de bons souvenirs! Aujourd’hui, j’essaie de faire goûter ce temps merveilleux à mes enfants. On entaille ensemble quelques érables sur notre terrain. Je leur montre comment faire le travail. On boit de l’eau d’érable et je fais bouillir de l’eau d’érable à l’extérieur pour obtenir du sirop. Je leur fais sentir les bonnes vapeurs sucrées au-dessus du chaudron afin qu’ils puissent eux aussi avoir certains souvenirs. Mais je sais que ce ne seront pas les souvenirs que moi, j’ai eus dans mon passé.

C’était magique quand nous allions à la cabane à sucre de mes grands-parents. Le cheval nous amenait à travers les champs jusqu’à la forêt sans aucun bruit de tracteur. Seulement le vent qui soufflait et le bruit du cheval qui trottait. On aurait pu se croire dans le traîneau du père Noël.

Une fois arrivés à la cabane, c’était la préparation pour la cueillette. Mes oncles et mes tantes ainsi que ma mère cueillaient l’eau des chaudières et la versaient dans une tonne tirée par le cheval. Pendant ce temps, moi, je m’amusais à courir dans la forêt, à boire de l’eau d’érable et à admirer la nature.  

Une fois à la cabane, c’était le temps de faire bouillir l’eau d’érable. Mon grand-père savait quand le sirop était prêt. Pas besoin d’instruments comme aujourd’hui! Je le voyais verser le sirop avec sa cuillère, à l’œil. Je fais la même chose aujourd’hui devant mes enfants.

Pendant ce temps, grand-maman nous préparait un bon repas. Les bines, les oreilles de criss, les œufs dans le sirop d’érable, les petites patates, les cretons, etc. Tout était fait maison et provenait de l’étable ainsi que des terres de mes grands-parents. Mon grand-père, lui, s’occupait de la bouilleuse et des rôties. Il prenait la tranche de pain et la mettait sur la porte de la bouilleuse. C’était tellement chaud, qu’elle collait, puis il l’enlevait sans se brûler. Pour moi, ce grand-papa avait des doigts de magicien. La rôtie avait un côté noirci et un côté blanc et on y mettait du beurre ou du beurre d’érable.

Ah! Que c’était bon, la cabane à sucre! En plus de goûter bon dans la bouche, on avait les vapeurs de la bouilleuse qui nous envahissaient!

Et puis, après la saison, il fallait passer au nettoyage. Que de plaisir encore pour moi. Toutes les chaudières étaient lavées dans d’immenses cuves en bois remplies d’eau et de savon. Mes oncles, mes tantes et ma mère s’occupaient de faire ce travail. Les bulles de savon et la mousse s’envolaient dans le ciel à travers les rayons du soleil qui perçaient parmi les branches d’arbres. Pendant ce temps-là, je courrais à travers les bulles de savon qui flottaient dans l’air. Je m’amusais avec deux chiens noirs qu’une de mes tantes avait amenés.

Et puis chaque Noël, on demandait toujours à grand-papa pour qu’il sorte sa musique à bouche (son harmonica). Et lorsqu’il commençait à jouer, il réjouissait mon cœur.

Grand-maman et grand-papa, vous ne m’avez jamais acheté de gros cadeau ou quoi que ce soit de ce genre, et je vous en remercie aujourd’hui. Ce que je raconte s’est produit quand j’avais environ quatre à sept ans. J’ai 48 ans et je m’en souviens encore. Vous m’avez donné le plus beau cadeau dont je puisse me souvenir. Vous me manquez beaucoup et je vous aime.

 

Carl Audet

Ne te fâche pas, on est là pour toi.

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Du haut de tes quatre-vingts ans, tu es fière. Tu as vécu une vie remplie de rire et de plaisir. Mais depuis quelque temps, tout te paraît lourd. Tu fronces les sourcils plus souvent qu’avant. Je sens les nuages gris passer dans tes beaux yeux bruns. Grand‑maman, fâche-toi pas, je suis là pour toi.

Le plaisir a toujours été une priorité dans ta vie

Dans ta jeunesse, tu as travaillé de soir comme garde-malade, tu avais ton propre compte en banque et ta propre voiture. À ton époque, c’était remarquable. Tu aimais les arts, la musique classique et les grandes histoires d’amour du répertoire cinématographique. Ma mère m’a souvent raconté les soirées que tu organisais dans ton sous-sol avec tes amis. Les grandes robes, la musique de bal et le plaisir étaient de mise. Que j’aurais aimé t’y voir !

La culpabilité s’est installée dans ton cœur en novembre 1956.

Ayant eu ta première fille deux ans auparavant, tu rêvais d’avoir un beau petit garçon à cajoler. Le 13 novembre 1956, ton souhait le plus cher s’est enfin réalisé. Tu as accouché d’un petit garçon au sourire charmeur. Mais ce sourire, tu n’auras pas eu le temps de le voir tout de suite. Les médecins ont quitté rapidement la chambre sans te montrer ton bébé. Quelle inquiétude ! Les infirmières ont mis des jours à te dire la vérité. Ton petit bonhomme ne serait jamais celui que tu attendais. Le verdict est tombé : le Spina Bifida. « Madame, votre enfant ne vivra que quelques années ! Il ne marchera jamais et aura un retard intellectuel important. » Bang ! Soixante ans plus tard, tu n’as pas oublié ce moment. La culpabilité est aussi présente dans ton cœur qu’à ce moment. Mais mamie, ce n’est pas ta faute. C’est la vie. Pardonne-toi.

La solitude

Grand-papa est un homme fort et travaillant. Il était pompier et avait une compagnie de planchers de bois franc. Souvent, tu ne le croisais que le matin lorsqu’il revenait de son poste et qu’il repartait pour son deuxième chiffre. La solitude pesait sur tes épaules comme un gros nuage avant les orages. Mais tu avais la vie que tu avais toujours rêvée. On t’enviait tellement. Mais toi, tu aurais bien aimé qu’il soit présent. Il te manquait terriblement. Un jour, il t’a promis que lorsqu’il serait à retraite, il serait enfin là pour toi. Depuis trente-deux ans, ton homme prend soin de toi. L’attente en a valu la chandelle non ? Vous êtes si beaux.

Le changement s’est fait de façon insidieuse.

J’ai toujours été extrêmement proche de toi. Je t’ai aimée comme ma deuxième mère. Ton opinion comptait comme de l’or. Je me faisais un devoir de ne jamais te décevoir. Je voulais tant lire la fierté dans ton regard. Mais depuis quelque temps, tu m’inquiètes. Les pertes de mémoire se font de plus en plus fréquentes. Les colères de plus en plus grandes. Mon cœur a beaucoup de peine de te voir ainsi… Je me suis renseignée et je crois que la démence commence à cogner à ta porte. Je sais que c’est inévitable, mais s’il te plaît, ne te précipite pas trop vite pour ouvrir le passage. Nous avons encore beaucoup de bons moments à passer ensemble. Je sais que lorsque tu te mets en colère, c’est ta façon de combattre. Sache que je te comprends. Je t’aime et tu peux compter sur moi, je serai toujours là !

 

Alexandra Loiselle-Goulet

 

Ode à une Rose magnifique

Elle avait un sourire si doux et des yeux moqueurs. Mais surtout, ell

Elle avait un sourire si doux et des yeux moqueurs. Mais surtout, elle avait le respect du village. Ma grand-mère, c’était une Rose, littéralement. Et elle s’est éteinte ce matin, à 7 h 45.

Rose habitait un petit village qui se nomme l’Île-du-Grand-Calumet. Une magnifique place où tout le monde se connaît, où il n’y a que deux rues, où la rivière coule à flot. Dans la grande maison où elle a élevé ses six garçons, il y a plusieurs doux souvenirs qui bordent les murs, les étagères et l’air, tout simplement — pis y avait toujours des sucreries dans l’armoire, ses carrés aux dattes étant les meilleurs au monde.

Puisque quatre heures de route nous séparaient, nous ne nous voyions pas aussi souvent que nous l’aurions aimé. Bien sûr, quatre heures, ce n’est pas si loin… Mais lorsqu’on a la vie d’une maman full time, avec un travail full time, des jeunes kids full time, il est plus difficile de voyager et de planifier des road trip (pour moi en tout cas). L’an passé, elle est venue me visiter à Montréal pour la première fois en seize ans. Et elle est revenue à plusieurs reprises ensuite. Elle était fière d’où j’étais rendue, de mon cheminement de vie, de mes choix. Elle m’aimait fort. Pis moi, je l’admirais tant.

Depuis que j’avais des enfants, on se voyait beaucoup. Les filles l’aimaient tellement et wow ! Que c’était réciproque. Elles étaient ses premières petites enfants. Elle CAPOTAIT sur mes filles. On dirait qu’en ayant moi-même des enfants, j’avais mille fois plus de respect pour elle. Quand on se voyait, j’en profitais pour lui poser des questions, lui demander des conseils, l’admirer, l’écouter. Parce que t’sais, après tout, elle en a élevé six. La madame savait de quoi elle parlait.

Au début de l’hiver, Rose a fait deux accidents cardio-vasculaires en moins de douze heures. En apprenant ça, j’ai paqueté mon char avec mes p’tites pis je suis partie pour l’hôpital fucking trop loin de chez nous. Il faisait si froid. En arrivant là-bas et après que j’ai expliqué la situation, l’infirmière nous a laissées entrer dans sa chambre aux soins intensifs, même si j’étais accompagnée de jeunes enfants. Je suis ressortie aussi rapidement que j’étais entrée, en m’obstinant pendant un bon dix minutes et en disant que non, cette dame couchée dans le lit, pluggée de tous bords tous côtés, n’était pas ma Rose. C’était bien elle… J’ai pleuré en tenant sa main dans la mienne, pendant cinq minutes, pendant que l’infirmière s’occupait de mes filles dans le corridor. Nous sommes ensuite revenues à Montréal. Huit heures de voiture avec une terrible two pis une five going on fifteen, pour un maigre cinq minutes, mais un cinq minutes qui voulait tout dire.

Juste après Noël, son état s’était amélioré et elle a été transférée dans un centre de réadaptation. Mon père, mon oncle, ma cousine et moi sommes allés l’installer dans sa magnifique chambre où le personnel était attentif et où les autres ti-vieux étaient ben heureux de voir un nouveau visage. « Pourquoi t’es icitte toi, ma Rose ?! », que les ti-vieux demandaient. Nous répondions que c’était à cause de deux ACV. Pis là, une multitude de bras se sont ouverts pour l’accueillir, parce qu’eux aussi étaient passés par ce chemin difficile. C’était crissement beau à voir. Le lendemain, j’ai amené les filles la visiter. Les yeux de ma grand-mère brillaient. Les filles se sont amusées à attacher les lacets détachés de Rose, elles lui ont fait des dessins et jamais au grand jamais, je n’aurais cru que ce serait la dernière fois que je la prendrais dans mes bras.

Mes filles et moi sommes venues rejoindre mes parents en Floride pour la relâche. Ce matin, je suis allée les retrouver à leur maison, puisque mes kids ont dormi là hier soir. En entrant, mes parents faisaient la vaisselle et les filles jouaient sur la tablette. Ma mère a chuchoté à mon père « Tu lui dis ?! » J’ai levé le regard vers mon père qui avait les yeux pleins d’eau et j’ai su. J’ai su que ma marraine, ma dernière grand-maman, mais surtout et avant tout, SA maman, était décédée. On le sait, ces affaires-là. On les sent. On a tendance à dire que c’est mieux ainsi, qu’elle était malade et que ses souffrances sont maintenant chose du passé. Mais il reste que le vide est immense quand même. Ma Rose est partie. Sa Rose n’est plus.

J’ai passé la journée à dire à mon père combien je l’aimais. J’ai expliqué à ma grande que Mémère Rose était maintenant une étoile. Elle m’a dit qu’elle aimerait bien aller la chercher pis on a pleuré ensemble. À mes yeux, une Rose qui termine sa vie en Étoile, ça prouve que ce fut une maudite belle vie réussie. Ma belle Rose à moi. Mais surtout le Rose de la famille et de tout le village brille ce soir dans le ciel.

Valérie La Salle

Ma belle mémé

Comment je pourrais vous expliquer ça? Ma grand-mère est très spÃ

Comment je pourrais vous expliquer ça? Ma grand-mère est très spéciale. Le genre de femme que tu regardes et qui dégage tellement. Ma grand-mère, c’est ma deuxième mère, littéralement. Elle m’a élevée, aimée, réconfortée et protégée. Récemment, elle a vécu des moments plus difficiles et j’ai réalisé qu’elle pourrait partir. Toujours le mot pour faire rire à l’hôpital, elle m’a dit : « R’garde où que j’suis rendue, ma poupoune! » Elle va mieux et j’avais envie de lui dire merci à ma façon pour tout.

C’est le genre de mémé qui se levait pour me faire de la soupe Lipton à dix heures le soir quand j’étais malade. Celle qui m’enveloppait d’un doudou qui sortait de la sécheuse quand je faisais de la fièvre et que j’avais froid. Celle qui faisait du sucre à la crème pour ma classe au primaire. Celle qui venait me chercher à midi au pensionnat le vendredi en surprise. Celle qui m’amenait manger du Subway quand mon père disait non (salut, papa!). Celle qui jetait mon linge dehors quand ma chambre était trop en bordel, mais aussi celle qui m’aidait à le ramasser parce qu’elle trouvait je faisais pitié. Celle qui m’a appris à conduire en venant me chercher à l’école et en me disant : « Tu ne veux pas conduire? Ben on va rester ici longtemps, parce qu’il faut que tu apprennes. » Celle qui venait me chercher au bar à minuit en jaquette. Celle qui ne me disait rien quand mon chum de l’époque rentrait par ma fenêtre de chambre, et qui enlevait le sable dans la fente de la fenêtre chaque matin pour faire son enquête. Un matin, elle m’a dit : « Tsé, ton chum, il peut passer par la porte hein? » Celle qui m’a consolée quand j’avais des peines d’amour. Celle qui me dit toujours : « Je t’aime », quand je raccroche le téléphone. Elle ne m’a jamais chicanée. Selon elle, elle ne m’a pas gâtée non plus : c’était de l’amour, qu’elle dit!

Mémé, je veux te dire MERCI.

Merci d’avoir cru en moi et de m’avoir toujours encouragée.

Je suis reconnaissante de t’avoir encore dans ma vie à vingt-trois ans, même si quand j’étais petite, je disais qu’à mes dix-huit ans, tu pourrais partir.

Tu seras la plus merveilleuse des arrières-grands-mères.

Je t’aime.

Ta toutoune xxx

Geneviève Vaillancourt

 

Je suis une mamie qui court des marathons

J’avais tellement hâte d’avoir des petits-enfants que, avant mÃ

J’avais tellement hâte d’avoir des petits-enfants que, avant même que mon désir se concrétise, j’avais déjà choisi de me faire appeler « Mamie ». Je trouvais ça cute, jeune, plus facile à prononcer.

Dès l’annonce de la grossesse de ma belle bru, je me suis ruée dans les magasins comme la plupart d’entre nous font dans de telles circonstances.  Souvent, on achète des petites couvertures et des pyjamas, mais pas moi.  J’ai plutôt  acheté un chariot pour le jogging! La course occupait une grande place dans ma vie. J’avais la santé, l’énergie et surtout, le grand privilège d’habiter tout près. J’ai vécu la grossesse de ma bru comme un marathon, une étape à la fois, avec des petits doutes par moments. Finalement avec toute l’ivresse, l’euphorie et le bonheur possible, j’ai savouré ce fameux fil d’arrivée tant attendu avec eux le 12 mai 2010.

005000-1Comme j’avais hâte que Charles puisse tenir sa tête pour s’asseoir dans le chariot et m’accompagner dans mes sorties… C’était comme lui faire découvrir mon univers juste à moi et créer des moments particuliers juste à nous. Il a vite compris que ce ne sont pas tous les enfants qui gambadent avec leur Mamie et m’a surnommée affectueusement « Mamie différente ». Nos petits moments sont devenus de grands moments, car petit Charles est devenu grand et il m’a demandé de courir à mes côtés. Ce jour-là, j’ai compris qu’un lien indescriptible nous unirait. Nous ne partagions pas que du temps ensemble, mais bien une passion commune qui grandissait au fil des courses. Je parlais avec lui sans arrêt, l’interaction ayant débuté vers ses trois ans. On a fait un team : courir avec « pas d’bras », c’est pas facile et en montée, tellement difficile. Charles était mes bras, par ses « Go Mamie Go », il me propulsait de joie. Il m’a fait le plus beau des cadeaux en 2014 en exprimant son désir de courir à mes côtés dorénavant.

On a eu du gros fun noir à s’entraîner ensemble. Ce dont je suis la plus heureuse, c’est d’avoir par la course et à travers le jeu, réussi à transmettre des valeurs qui font de lui cet enfant exceptionnel. Charles est incroyablement persévérant. Il sait que tout ce que l’on commence, il faut le terminer. Il sait aussi qu’il faut avoir du plaisir à faire ce que l’on fait. Voilà pourquoi je ne lui ai pas appris à courir, mais bien à aimer la course. On doit le faire dans la joie, le plaisir et la simplicité. Ce n’est pas compliqué, mais ça le devient parfois, car les adultes aiment se compliquer l’existence. Tout ce dont on a besoin, ce sont simplement des chaussures de course, notre sourire et un bandana magique. On jase tellement qu’on en oublie le temps. Il connait pratiquement l’histoire de toutes mes courses, pourquoi je cours et où je cours. Le mot marathon fait partie de son vocabulaire depuis belle lurette.

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Charles le Persévérant, a couru son premier 1 KM officiel en 2014, comme un champion, en mode bonheur… Je me souviens d’une publicité de la marque Hygrade (saucisses Hot-dogs) de mon temps qui disait : « Plus j’en mange, plus elles sont plus fraîches et plus elles sont fraîches, plus j’en mange. » Voilà: plus il court, plus il aime ça et plus il aime ça, plus il court. ON ne court jamais s’il n’en a pas envie, aucune obligation, aucun stress, aucune consigne technique et surtout, aucune attente de temps ni de performance.

Cet automne, à six ans, il a couru à mes côtés son premier 5 KM. Il connait le but premier : franchir le fil d’arrivée, fier, heureux et les deux bras dans les airs. Le plaisir prime, c’est non négociable.

Le jour de la course, c’est jour de fête et il faut célébrer! Tous les enfants adorent les fêtes et les grands aussi. Les oncles et tantes viennent assister ou même participer à nos belles célébrations du dimanche. Édouard, trois ans, s’est greffé à notre équipe de Coureurs du Bonheur pour des 1 KM et Nicolas vient de faire son entrée, en chariot pour le moment, mais sûrement pas pour longtemps. Le plaisir, c’est contagieux.

Certains me disent: « N’est-il pas trop petit pour courir? » Charles ne court pas. Il pratique en duo sa passion, il joue aux devinettes sur le parcours, me raconte sa semaine et veut entendre mes histoires de course. Il ne court pas, il a un rendez-vous. Un rendez-vous avec sa Mamie Différente!

Être unique, les rendre uniques et rendre nos rendez-vous magiques. Mamie : le rôle d’une vie.