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Je m’excuse de pleurer… pourquoi, donc? Texte : Nathalie Courcy

Tes larmes montent aux yeux. Ta gorge se transforme en nœud coulant. Ta voix se tord et fond. Les p

Tes larmes montent aux yeux. Ta gorge se transforme en nœud coulant. Ta voix se tord et fond. Les pleurs creusent une rigole sur tes joues.

« Je m’excuse… »

 

Pourquoi t’excuses-tu? En quoi c’est important pour toi, de t’excuser? Parce qu’il faudrait donnnnncccc garder le contrôle sur ton visage, tes yeux et le regard des autres? Parce que tu veux prendre soin des autres avant de prendre soin de toi? Parce que les autres te jugent sûrement autant que tu te juges toi-même?

Tu t’excuses de quoi au juste? De pleurer? De te montrer vulnérable? Te laisser monter tes émotions? D’oser être toi-même? De prendre du temps pour vivre ce que tu as à vivre? De peut-être faire vivre des émotions aux autres? Et si tout ça avait sa raison d’être?

À qui t’excuses-tu? À ceux qui te regardent? À ceux qui t’entendent? À ceux qui peuvent t’écouter? À ceux qui t’ont fait pleurer?

Est-ce que quelqu’un t’a dit que tes larmes le dérangeaient? Ou peut-être que c’est toi, que tes larmes dérangent… Ou peut-être qu’elles te démangent depuis longtemps?

Et si ce dérangement était positif? Ben oui… voir quelqu’un s’émouvoir, ça peut rendre mal à l’aise, mais ça peut aussi donner l’exemple. Prouver que pleurer n’est pas dangereux. Montrer que pleurer, ça fait souvent du bien, peut-être sur le coup, peut-être après. Ça libère, n’est-ce pas… Ça dégage ce qui était pris en dedans. Ça désemprisonne. Ça crée de l’espace.

 

Combien de fois ai-je entendu des personnes, des femmes surtout, avouons-le, s’excuser parce qu’elles pleuraient devant une autre personne, devant un groupe? Ces temps-ci, parce que je suis en démarche de développement personnel, chaque semaine. Ça arrive systématiquement. Une personne s’exprime et pleure : « Je m’excuse ». Comme si c’était péché. Comme si on faisait du tort à l’autre en pleurant. C’est plutôt à soi qu’on fait du tort en ne se donnant pas la permission de pleurer. Ou en s’excusant de pleurer.

« Je m’excuse »… Ben non, vas-y, pleure si tu en ressens le besoin! Si ça monte, c’est que c’est là! Ça veut sortir, laisse aller! Si c’est devant d’autres personnes, c’est une bonne chose : tu n’es pas seule à porter ces larmes. Elles sont accueillies, guéries.

Quand tu pleures devant ton miroir, t’excuses-tu à la glace? T’excuses-tu à toi-même?

Quand tu pleures dans le bois ou dans la nuit, t’excuses-tu aux arbres, aux écureuils ou aux étoiles?

Et quand tu réprimes tes pleurs, t’excuses-tu à tes larmes de les garder pour toi? Leur dis-tu à quel point tu aimerais les laisser sortir, mais que tu ne t’en sens pas la force? Et si c’était plus facile que tu le penses… laisse aller, juste laisse aller.

 

Je suis loin d’être la plus grande Madeleine du monde. Mes larmes me surprennent parfois, au coin d’un œil, ou dans un racoin de mon cœur. Je les laisse être ce qu’elles ont le goût d’être : petites et humides, grandes et mouillantes, silencieuses ou bruyantes. Et j’essaie de les laisser être sans me sentir désolée qu’elles soient. Comme moi, elles ont le droit d’exister.

Et je ne m’en excuse pas.

Nathalie Courcy

La pluie dans les yeux – Texte : Nancy Pedneault

Elles sont là, tout près. Elles attendent sagement le bon moment (ou le mauvais) pour éclore. Dou

Elles sont là, tout près. Elles attendent sagement le bon moment (ou le mauvais) pour éclore. Doucement, on les sent monter, s’accumuler à la base de nos cils, jusqu’à couler sur nos joues : les larmes.

Il y a ces larmes de rien. Celles qui arrivent sans crier gare, lors d’un film ou d’un spectacle d’enfants. On n’a pas l’impression d’être si ému, pourtant. Mais elles sont là et ne veulent pas rester sagement d’où elles viennent. Elles coulent doucement, comme une chaude pluie d’été.

Il y a ensuite ces larmes que l’on déteste. Celles que l’on ne veut pas voir. Celles qui auraient mieux fait de rester : les larmes de colère. On dirait qu’elles n’ont pas le même goût. Elles sont âcres et désagréables. Elles suivent les sillons de nos traits tirés pour couler jusqu’au cou.

À l’opposé, il y a les larmes de joie qui arrivent et qui font du bien. Elles mouillent délicatement le coin de l’œil et glissent tout en douceur sur nos pommettes saillantes. Elles se font rares et sont tellement précieuses. Elles scellent les moments marquants, démontrant la puissance de l’instant.

Évidemment, il y a ces larmes les plus connues : les larmes de tristesse. Elles arrivent comme un déluge. Elles montent, inondent, coulent et coulent encore. Elles finissent par se calmer jusqu’à disparaître et elles reviennent sans avertissement. Souvent, elles soulagent et font sortir la douleur qui nous envahit.

Finalement, il y a les larmes de la famille. Celles-ci accompagnent plusieurs sentiments ou événements marquants de la vie familiale : amour inconditionnel, inquiétude, fierté, déception, rires, fatigue… Elles sont parfois discrètes, d’autres fois torrentielles.

Et vous, laissez-vous aller vos larmes ?

Nancy Pedneault

 

Cette maman qui pleurait — Texte : Audrey Léger

Est-ce que tu as pris le temps de regarder cette maman qui pleurait ? Est-ce que tu l’as vrai

Est-ce que tu as pris le temps de regarder cette maman qui pleurait ?

Est-ce que tu l’as vraiment vue ? Est-ce que tu l’as vraiment comprise ?

Est-ce que tu l’as jugée ? Est-ce que tu l’as méprisée ?

Cette maman n’a pas pu assister au premier spectacle de danse de son fils de 6 ans.

Il a bien compris que sa maman n’avait pas le droit d’entrer dans la salle, qu’elle ne le verrait pas danser… Elle ne lui enverrait pas le bisou de la chance et ne l’applaudirait pas. Pas ce soir en tout cas…

Ton cœur a compris, ce soir-là ? Cette maman était aussi aimante que les autres. Elle devrait pouvoir assister au spectacle de son enfant. Il devrait y avoir un moyen. Il y avait tellement d’espace et de bancs vides.

Vous l’avez laissée pleurer ce soir-là. En sachant, au plus profond de vos entrailles, que ce n’était pas bien, que ce n’était pas normal. Qu’elle méritait autant que tout le monde de voir son enfant ce soir-là. Que son enfant méritait de voir sa maman le regarder.

Tu as compris que les dommages étaient bien plus grands que les risques.

Cette maman était bien seule. Elle était en sanglots. Parce que les gens ont perdu leur humanité. Parce que rien n’a de sens. Parce qu’après le spectacle, elle était là. Dans le corridor, derrière les grandes portes.

La foule s’est mise à l’encercler, à l’effleurer, à la bousculer. Elle avait le droit d’être parmi eux. Mais elle avait perdu le privilège de voir les étoiles dans les yeux de son petit à son premier spectacle.

À toutes les personnes qui souffrent en silence : vous n’êtes pas seules.

Audrey Léger

 

À ma jeune moi — Texte : Ghislaine Bernard

Pourquoi tu pleures ? En fait, pourquoi ne pleurerais-tu pas ? Tu es une enfant, les enfants, ç

Pourquoi tu pleures ? En fait, pourquoi ne pleurerais-tu pas ? Tu es une enfant, les enfants, ça vit leurs sentiments spontanément. Pourquoi pas toi ? Tu sais, les grands aussi ça pleure. Beaucoup plus que tu ne le crois. Les larmes, c’est comme la pluie dans la nature, ça nettoie. Tu te rappelles ce gros chaudron que ta maman avait qui avait un bouchon qui vibrait et sifflait en laissant échapper la vapeur pour pas que ça explose ? Eh bien, pleurer c’est la même chose, c’est le bouchon qui laisse passer le trop-plein ; tes paupières laissent passer ton trop-plein à toi pour pas que tu exploses par en dedans. Oh ne t’inquiète pas : tu n’exploseras pas pour vrai ! Au lieu de ça, tu vas voir, ton cœur va aller plus vite, tu vas avoir mal au ventre, à la tête et tu auras peut-être envie d’être en colère pour des petits détails. Ton explosion, ça va être de ne plus avoir envie de rire ni de sourire. Ne plus jouer avec tes jouets. Te priver des plaisirs que tu aimes vraiment.

Je sais bien que parfois, les grands ils comprennent pas qu’un détail peut te faire de la peine. Ils te disent souvent « Y’a rien là ». Ta maman, elle entend souvent sans écouter ce dont tu voudrais lui parler, alors tu te tais de plus en plus. Tu deviens moins bruyante, plus agressive lorsque tu joues au ballon. Même si pour toi, tes peines sont énormes, tu te fais dire qu’il y a pire. Puis, tu écoutes ses histoires qui effectivement sont bien pires que d’avoir brisé un jouet, que ton amie te boude ou que ce garçon qui te plaît ne s’intéresse pas à toi. Il y a effectivement pire que les moqueries qu’on te dit à l’école et dans le parc. Mais je t’en prie, il faut que tu saches que tes peines, elles existent pour vrai dans ton cœur à toi. Puisqu’elles existent, elles sont aussi importantes que la faim dans le monde !

D’ailleurs c’est justement un de tes besoins ça, hein ? Ta faim et ta soif. Tu es avide que ta maman te regarde, te félicite, soit fière de toi et te le dise… qu’elle ne prenne que deux secondes pour te dire qu’elle t’aime. Tu as toujours voulu lui montrer que tu étais là, que tu étais importante. Mais c’est pas à toi de lui prouver, tu sais. C’est à elle de s’en apercevoir. Elle le fait pas, alors tu as envie de pleurer. Alors pleure. Surtout, n’aie pas honte, sois pas gênée de pleurer. Tu laves tes yeux qui ont vu des choses qui t’ont fait de la peine.

Puis, l’amoureux de ta maman, ben il fait de son mieux. Il t’aime comme sa propre fille, mais c’est pas pareil comme l’amour que tu aurais voulu avoir de ton vrai papa. Cet amour te manque, même si tu refuses de même te l’avouer à toi-même.

J’aurais voulu être là pour te prendre dans mes bras, comme je prends mes enfants aujourd’hui. Pour leurs petites et grosses peines. T’aider à comprendre la douleur qui pince ton cœur quand tu vois qu’à toi, certains ne s’intéressent pas. Alors tu crois que tu en vaux pas la peine, tu fonctionnes comme une automate. Tu grandis. Quand tu étais plus jeune, tu arrivais à faire semblant que ça te touchait pas, tu t’occupais et tu te disais que tôt ou tard, ça marcherait. Mais au fil du temps, tes émotions grandissent autant que ton corps.

Tu as bien vu les regards changer quand ils glissent sur toi. Tu as aimé cette nouvelle attention que ça t’a procurée. Même si au fond de toi, tu sais bien que certains sont malsains. Tu as accepté des caresses en te disant que c’est tout ce à quoi tu avais droit. Que c’est tout ce que tu méritais. Tu as souri, tu en as redemandé, tu les as eues. Mais en même temps, la colère grondait en toi. La haine prenait la place que l’absence d’amour avait laissée vide. Ce dédain de l’humain, mais surtout de toi-même. Tu as vu des choses que certaines personnes pensent que ça existe juste dans les films. Tu as subi, non pas le pire dans le monde, mais le pire dans TON monde. Dans TA bulle. Mais tu as toujours nié la souffrance qui pesait toujours plus lourd en toi.

Au fil des ans, tu as cumulé ces souffrances à oublier qu’elles existent. Comme l’hiver lorsque tes doigts gèlent au froid… vient un moment où, dépassant l’engourdissement, tu ne les sens plus. Les peines, les colères, les douleurs ont continué à te marteler, mais tu ne les sentais juste plus. Tu t’es dit que si au minimum, tu pouvais aider d’autres personnes à ne pas devenir comme toi, peut-être que ça t’apporterait une satisfaction. Un sentiment d’avoir une raison d’être là… d’avoir survécu. Alors depuis ce moment fatidique où tu as retiré le couteau de ta chair, tu t’es donnée à fond pour y arriver. Tu t’es trompée bien des fois depuis.

Tu sais, si je pouvais aller te parler cette journée-là où tu refusais de jouer avec ta poupée parce que tu avais pleuré, je ne sais pas réellement ce que je te dirais. Pour être franche, j’aurais peur. J’aurais peur d’intervenir, car ça t’a bâtie. Je ne sais pas ce que tu serais, qui tu serais aujourd’hui si j’avais pu t’aider à vivre tes émotions. Aujourd’hui, à fleur de peau, fatiguée, épuisée d’avoir tant combattu des démons en chair et en sang que ceux de tes souvenirs… que ceux que tu aurais pu éviter, ou qui t’auraient pas approchée si j’avais pu intervenir. Est-ce que tu serais celle que tu es aujourd’hui ? Est-ce que tu saurais aimer de toute ton âme et te battre pour eux ? Est-ce que tu serais cette maman que tu es ? Peut-être que oui. Peut-être que non. Nous ne le saurons jamais, car même si aujourd’hui tu es saturée et déboussolée, tes « je t’aime » n’ont jamais été aussi profonds et sincères. Ceux que tu reçois valent tous tes combats… mille fois !

Je pense que la seule chose que j’aurais changée, c’est que je t’aurais prise cœur contre cœur, pour qu’ils battent à l’unisson. Je t’aurais dit de pleurer, car parfois, je t’assure, sans te changer, ces pleurs t’auraient quelque peu soulagée. La lourdeur en toi serait moindre. Mais encore là… qui sait ?

Je crois que la vie nous envoie les obstacles selon ce que l’ont peut combattre. Mais il est certain que gravir une montagne rocheuse est toujours plus facile bien chaussé. Alors, je t’aurais assurément aidée à apprendre à faire des boucles bien solides, pour avoir les pieds bien ancrés.

 

Simplement Ghislaine

Pourquoi tu pleures ?  

Toi, ma fille qui n’arrive à t’exprimer que par les pleurs et l

Toi, ma fille qui n’arrive à t’exprimer que par les pleurs et les rires… si seulement je pouvais lire dans tes pensées. J’ai le cœur qui saigne juste de savoir que tu ne peux communiquer tes sentiments et tes besoins par de simples mots. J’essaie de faire de mon mieux sachant que jamais, ce ne sera à la hauteur de tes besoins. Je dois deviner en faisant du « essai/erreur ». Souvent, après quelques tentatives, je vais te déposer dans ton lit. Mais je suis qui, moi, pour décider ce que tu veux, toi ? Je suis qui, moi, pour abandonner si rapidement ?

Tu es là, seule, étendue dans ton lit, avec les larmes qui coulent sur tes joues. Tu prends une grande respiration pour pleurer de plus belle. Tu veux être certaine que quelqu’un entend ta détresse, parce que tu n’as que le pleure comme moyen de communication.

Malheureusement, ton sourire et ton rire contagieux n’arrivent pas à exprimer la douleur et l’inconfort qui habitent ton corps tous les jours. Tu es là, étendue dans ton lit, à fixer le plafond avec ton Luminou en bruit de fond. Tu pleures, tu attends, dépendante de moi, mais je ne suis plus là. Je suis lâche, fatiguée, fâchée. Tu as besoin de moi et je ne suis pas là. Je pleure parce que tu pleures… Je m’en veux de ne pas avoir la patience que tu mérites. Je crie intérieurement. Je n’arrive pas à savoir ce que tu as, toi, MA FILLE.

Mon cœur est rempli d’amour pour toi, mais ma tête n’arrive pas toujours à suivre. Mon cœur aimerait tant te consoler et faire tout pour toi, mais ma tête, elle, essaie encore de comprendre pourquoi je n’y arrive pas. Parfois, l’impatience prend le dessus sur mon rôle de maman et me fait dire des choses que, jamais, on ne devrait dire à son enfant. « Pourquoi tu fais ça ? Tu n’es pas fine ! Je suis tannée. » Mais encore une fois, je suis qui, moi, pour te dire ça ?

Tu pleures et j’essaie de comprendre ce qui se passe, mais tu es inconsolable. Je vois dans ton regard le désespoir, parce qu’encore une fois, je ne te comprends pas.

Ce soir, je te dépose dans ton lit en te donnant un bisou sur le front et en te souhaitant de faire de beaux rêves, et je me demande encore ce que j’aurais pu faire de mieux pour toi. Je n’ai pas de réponse car tu es là, étendue dans ton lit. Tu me regardes quitter ta chambre avec ton regard déviant et tu ne dis rien. Non pas parce que tu n’as rien à dire, mais parce que tu ne sais pas comment le dire. Quelques petits rires et quelques pleurs, puis c’est le silence. Une autre journée à me demander pourquoi tu pleures.

Je suis là, étendue dans mon lit, et je pleure.

Carolanne Fillion

J’ai pleuré en faisant un pain aux bananes

La grande avait la bouche pleine de sucre, la petite les deux mains

La grande avait la bouche pleine de sucre, la petite les deux mains dans la farine. La cuisine était un foutoir total. Ma tête aussi. Pleurer moins fort que le bruit de la mixette était la meilleure option que j’ai trouvée.

Je voulais travailler les fractions dans un contexte réel. J’avais des intentions et des attentes. Des bananes et des pépites.

Je me suis retrouvée à faire la vaisselle seule. Mais pourquoi dans ma classe de 26, je réussis à faire une soupe géante d’Iroquoiens et que j’ai tellement de volontaires pour laver et essuyer que je dois piger? C’est un secret bien gardé après le secret de la Caramilk ou quoi? Je sais par contre pourquoi les bananes congelées de novembre 2019 me rappellent ma tendance à procrastiner. Ça, c’est d’une évidence.

Pendant que le four cuisait ma déception, je suis allée nettoyer mon mascara. Mais pourquoi je me maquille pour faire un foutu pain aux bananes? Je suis en isolement total. En attente du résultat du test de la COVID-19 de la petite voisine que j’ai gardée le jour de la tempête. Je me regarde dans le miroir. Les doutes, ça fait vieillir.

Je n’ai pas voulu que tout soit parfait. 2019 me l’aura appris. J’ai voulu donner ce que je croyais le mieux. J’ai voulu être ce parent efficace comme Thomas Gordon le décrit dans son livre. J’ai voulu me reprendre…

Depuis une semaine, j’essaie de créer une routine sécuritaire pour les filles. Des choix, de la liberté, du temps, du plaisir dans l’incertitude. J’ai voulu me reprendre. Que tout ce que je donne à mes élèves depuis vingt ans, l’énergie, les sacrifices et les compromis, rejaillisse enfin sur ma famille.

J’ai voulu me reprendre en faisant de ma table de cuisine un quartier général, un bureau géant, et de la fenêtre, un tableau. J’ai voulu recréer la classe. J’ai voulu aider dans ma posture de prof.

Mais ça reste la maison, avec le chat qui marche sur la table. Et je reste la maman qui fait du pain aux bananes avec du mascara pas waterproof.

Je ne suis plus dans ma classe. Je n’y remettrai probablement pas les pieds avant septembre. Je vis une forme de deuil. J’avais des projets pour mes élèves que je suivais depuis deux ans. J’aurais dû le faire, ce feu dans la cour pour faire cuire du pain banique avec les parents. J’aurais dû les accrocher les cabanes dans le boisé. Les mésanges ne savent rien de la pandémie. Elles ne sont pas confinées.

Dans ma classe extérieure, j’étais utile. Pas comme dans ma cuisine. J’avais le sentiment de transmettre le goût d’apprendre. C’était ma plus grande mission. Les missions héroïques tombent dans les cuisines. Les projets nobles font place aux dictatures de la gestion du temps d’écran. Je me sens inutile pendant que mon chum travaille au sous-sol pour trouver des solutions pour sa compagnie. Il s’adapte, collabore et crée. Je l’admire. Pendant que la fille de la pharmacie place des Tylenol sur les étagères, que l’emballeur emballe le souper de la famille de cinq, que la femme teste des gens dans leur char et que tous les autres font des heures supplémentaires. Je les admire. Je souhaite presque que les « mesures de guerre » viennent me chercher pour contribuer.

J’ai voulu me reprendre… Mais je passe à côté de ce qui compte, on dirait. Il faudrait me déprogrammer. Nous déprogrammer. La pédagogie sociale, c’est quoi sans les autres? J’ai perdu mes repères, mes projets. Mes filles aussi ont perdu leurs repères. Elles ont dû dire au revoir à leur papa hier, sans trop savoir quand elles le reverront. La garde partagée n’est pas recommandée en temps de pandémie. Surtout quand un des deux parents travaille. Je n’ai jamais été maman à la maison. Je les admire, les mères pleines d’espoir et de force. Mes grands-mères. Je les admire.

Je suis née pour aider. Pour créer des liens. Je ne vis pas sans les autres. J’ai besoin des autres. Mes filles aussi. Les autres, c’est nous maintenant. Avoir toutes ces idées, mais devoir attendre. J’implose dans ma cuisine.

Ma grande, celle qui avait la bouche pleine de sucre, a vidé un pot pour le remplir de petits billets écrits sur des écorces de bouleau. Des prénoms à piger pour leur rendre des services, leur faire plaisir. Sa dysorthographie est évidente sur chaque petite écorce. Et puis? Elle l’a fait pour les autres.

Ma petite, celle qui avait les deux mains dans la farine, vient de m’embrasser par en arrière et dessine un arc-en-ciel avec « Ça va bien aller ». Elle le place dans la fenêtre. Pour les autres.

Le pain aux bananes embaume la maison. Cette maison qui abrite les doutes, de la musique, les chicanes d’enfants, les danses improvisées, la peinture éclatée, la cuisine en bordel, les poèmes à minuit moins quart, les crayons sur la table de la cuisine, l’amour qui se reconstruit. La maison qui est ce repère de la famille. Cette cellule commune qui était il y a cinq jours diluée dans le travail et les faux désirs de consommation depuis trop longtemps.

Je voulais me reprendre. Je suis les réflexions qui appellent aux changements. Je suis les doutes et la force. Je suis les bananes et les pépites. Je suis la prof et la maman. Vous êtes ces parents qui doutent dans leur cuisine. Vous vous pensez seuls. Vous vous trompez. Nous sommes ensemble dans cette cuisine. Et c’est avec vous aussi que j’aimerais partager ce pain aux bananes, même si les bananes sont de 2019.

Quand tout sera terminé, que l’école aura repris, que les familles seront revenues à l’essentiel, que les mésanges auront de nouvelles cabanes, que je me sentirai utile même dans une cuisine, nous ferons un pain aux bananes collectif digne du Record Guinness. Ensemble. Nous contribuerons. Ensemble. Nous nous reprendrons.

Catherine Lapointe

https://ecolebranchee.com/pleurer-en-faisant-un-pain-aux-bananes-covid-19/

 

Pleurer au dernier

La Marie-Madeleine pleureuse en moi est bien cachée. Habituellement

La Marie-Madeleine pleureuse en moi est bien cachée. Habituellement. Je m’exprime plus par les mots que par les larmes. Mais cette semaine, au moment de voir mon petit dernier partir en rang avec sa nouvelle enseignante de maternelle, j’ai versé une larme. Ok, deux.

Après quatre enfants, on s’attendrait à ce que je connaisse la routine. Pour la connaître, je la connais! Par cœur même. Tellement que j’ai pris toute la semaine de congé pour amortir l’impact d’une rentrée progressive en maternelle (le principe est beau, mais vraiment nécessaire avec la majorité des enfants québécois qui connaissent depuis leurs premiers mois la routine de la garderie?). Sur quatre enfants, trois changeaient d’école. Le stress dans le piton pour eux, pour moi. Avoir essayé de combiner horaire de travail et rentrée scolaire cette année aurait été suicidaire.

Une organisation au quart de tour, les seize paires de chaussures achetées et identifiées (extérieures, intérieures, gymnase, service de garde… ça ne compte même pas celles d’extra, pour le look ou pour la température). Les sacs à dos étaient alignés dans les chambres depuis deux semaines, scellés : Ne pas ouvrir avant le 30 août. À vos risques et périls. Au temps et à la concentration que ça prend pour décortiquer toutes les listes scolaires… Il ne faudrait pas envoyer le cahier 32 pages avec interlignes 1,5 à la place du cahier 40 pages avec interlignes pointillés de 1,25…

Accompagner mon fils en classe pour une première heure de contact avec son enseignante, c’était de la petite bière. Ou du petit lait, pour être plus dans le thème. Mon rêve inavoué étant de passer ma vie sur les bancs d’école, j’ai eu peine à cacher ma joie d’être avec lui à son pupitre et de bricoler une couronne. Je jubilais de le voir si heureux, si épanoui. Au milieu du mini groupe d’enfants intimidés par l’école et s’efforçant de rentrer sous le tapis de la classe, mon petit bonhomme rayonnait. Il riait. Il jasait. Sans arrêt. Il était plus que prêt. C’est sûr qu’en tant que quatrième de la fratrie et petit dernier, il avait hâte de faire comme les grands.

Mais le second jour, au moment de le laisser pour deux heures aux bons soins de son enseignante, l’émotion est montée jusqu’à mes yeux. Fierté, sentiment du devoir accompli, joie, et peine de le voir grandir. Ben oui. Peine. Même s’il est rendu là et que je suis très heureuse pour lui. Je ne vivrai plus jamais de rentrée en maternelle (ce qui risque de me rendre la vie plus facile côté emploi!) Ok, peut-être si j’ai des petits-enfants. Mais ce n’est pas pareil. Ce ne sont pas les miens.

Si l’émotion est montée et redescendue en cascade sur mes joues, c’est aussi parce qu’après les dernières semaines occupées à penser à tout pour tout le monde (la fameuse surcharge mentale), je me sentais soulagée (et vidée). Mes quatre poussins étaient à l’école et moi, je me trouvais de l’autre côté de la clôture, hors de portée de mes enfants.

Tout le monde avait survécu à la rentrée, tout le monde avait passé un bel été et était prêt à retourner dans une routine scolaire pour les dix prochains mois. Et moi, je pouvais reprendre mes responsabilités « normales », sans penser au nombre de crayons HB à aiguiser, sans me demander si les étiquettes tiendront toute l’année, sans essayer de détecter l’angoisse dans les yeux de mes protégés avant qu’elle se rende à leurs poings.

Ce soir-là, je suis allée m’échouer sur un tapis de yoga. J’y ai laissé ma fatigue, mon anxiété, mon « court-partout » et mon « pense-à-tout ». Dans la position du cadavre, je suis tombée en état hypnotique, portée que j’étais par plus grand que moi. L’impression d’être arrivée à un port.

Nathalie Courcy

 

Ben oui je pleure !

Jusqu’à cette année, les larmes et moi, ça faisait deux. Deux e

Jusqu’à cette année, les larmes et moi, ça faisait deux. Deux entités dans une relation à la limite de la guerre froide. Sauf que si on s’était rendues là, elles auraient gelé.

Enfant, aux dires de ma mère, je n’étais pas une pleureuse. Mes frères aînés n’ont probablement pas la même opinion. Devant eux, j’avais peu de mots, mais beaucoup de cris et de larmes. On s’exprime comme on peut.

Quand mon père est décédé, j’aurais pu pleurer. T’sais, j’avais sept ans. Ça aurait juste été « normal ». Au salon funéraire, je m’empêchais de regarder son visage dans le cercueil pour ne pas fondre en larmes (au sens propre du terme : me liquéfier entièrement sous l’emprise d’une peine trop vaste pour mon corps d’enfant). Lorsque mes grands-parents, mes oncles, mes tantes, mes cousins et cousines sont décédés, l’envie de pleurer n’y était juste pas. Je ressentais une tristesse, parfois une incompréhension ou un désir de lutter contre l’injustice de leur départ et de notre souffrance. Mais polluer mes joues avec du H2O mélangé de NaCl ? Bof. Pas nécessaire. Ça n’aurait ramené personne. Ça n’aurait consolé personne. Même pas moi.

En fait, je me souviens d’avoir pleuré pour un oncle, mon choucou. Mort soudaine. La corde. Le choc. Quelque temps avant mon mariage. J’aurais tant voulu qu’il y soit. Je me suis laissée aller. Je me suis laissé consoler. Aucune surprise, ça n’a rien réglé, mais au moins, c’était exprimé (comme dans « extériorisé »).

Je n’ai pas pleuré, non plus, quand j’ai quitté mes cadets après quatre ans à les accompagner et, vraiment, à les aimer. J’ai accepté l’immense bouquet de fleurs qu’ils m’ont offert, mais j’ai refusé de faire un discours. Le motton se faisait sentir dans ma gorge serrée et me faisait mal. Physiquement. À l’idée de m’effondrer, de ne plus savoir m’arrêter, de me transformer en sanglot gigantesque qui ne trouve plus de vallée pour se calmer, j’ai préféré cacher mon visage et respirer jusqu’à tant que ça passe. Afuuu afuuu.

À mon mariage ? Pourquoi pleurer ? C’était joyeux, non ? À mes accouchements ? J’avais si mal que je n’avais plus de larmes. Même la joie de tenir mes bébés dans mes bras ne portait pas de larmes, qu’un sourire béat. Quand j’ai perdu le fœtus jumeau de mon fils ? Je me suis ressaisie rapidement : il y avait cet autre être qui avait besoin d’une maman forte pour rester accroché. Mon cerveau cherchait déjà comment l’expliquer à mes filles, comment les protéger d’une trop grande peine. Et pourtant, une partie de moi s’en était allée…

J’ai pleuré dans l’intimité devant ma difficulté d’enfanter. Devant l’évidence grandissante d’une vie de couple qui frôlait le bord de la falaise sans que je puisse la retenir. Pleuré, aussi, embourbée que j’étais au milieu des dédales d’une parentalité qui ne trouve plus de solutions ni d’aide. Je me souviens même d’avoir osé pleurer devant mes enfants. Ça les avait ramollis, convaincus (temporairement) qu’ils devaient se calmer le pompon.

Si j’avais plus pleuré dans le passé, j’aurais probablement moins souffert de rétention d’eau et j’aurais évité la pourriture intérieure des souvenirs.

Garder le contrôle… c’est bien beau, mais ce n’est pas ça, la vie. En tout cas, ce n’est plus la vie que je veux. J’ai choisi de me laisser aller. D’ouvrir les robinets quand le besoin se fait sentir. Depuis la séparation, je passe plus de temps en tête à tête avoir moi‑même. J’enlève des couches de passé non réglé. J’apprends à me sentir en sécurité dans le spectre de mes émotions et de mes pensées.

Parfois, je me fais surprendre par des larmes, même par des sanglots. Au travail, devant une publicité d’autos, en regardant la beauté d’un oiseau, sur l’autoroute 20 (t’sais, les tounes qui font brailler ?), en chantant une berceuse à mes enfants ou entre le repas principal et le dessert. Plus besoin de faire passer ça sur le dos des oignons à couper. C’est mon cœur à moi que j’accepte d’éplucher pour atteindre son centre et lui laisser de la place.

Je ne suis pas nécessairement prête à faire confiance à quelqu’un d’autre pour le laisser prendre mon cœur, mais je commence (finalement !) à me faire assez confiance pour laisser parler mon cœur. Comme m’a dit une amie (qui m’a fait pleurer !) :

Le principe même du lâcher-prise.

Nathalie Courcy

Mes larmes de mère

Elles coulent sur mes joues, salées et amères… mes larmes de mè

Elles coulent sur mes joues, salées et amères… mes larmes de mère. Mes yeux se noient. Me souffle est saccadé. Mon cœur est déchiré. Ton détachement me fait mal, mon enfant. Ta désinvolture me rentre dans le corps. Ton dégoût de moi assombrit mon âme.

Je pleure. Je pleure ton indifférence, je pleure ton ingratitude, je pleure mon échec. Je me sens si mauvaise mère. Bien loin de la maman bienveillante et sereine, je suis dévastée. Je te regarde grandir et t’éloigner. Je suis fatiguée d’avoir l’impression de te déranger dès que je t’adresse la parole, d’avoir peur de me brûler dès que je te frôle…

Je me souviens de mon adolescence tumultueuse et de la haine que je ressentais envers mes parents. Je suis si triste, car je pensais que toi et moi, nous serions au-dessus de ça.

Je ne peux m’empêcher de te répondre et les hurlements fusent dans la maison. Je fuis ce domicile où je me sens de trop. J’ai de la misère à respirer dans ma propre demeure. J’étouffe.

On parle sans arrêt de la détresse des ados, mais le désarroi des parents, on le cache. Je souffre chaque jour en silence. Alors parfois, j’explose. Je laisse les cris et les larmes sortir de moi. Mon corps est secoué par cette colère. Je ne suis pas faite pour ça. Je ne suis pas bonne. Ma confiance en moi est ébranlée. Quel exemple suis-je pour toi? Comment peux-tu te sentir entouré et accompagné avec une mère comme ça?

Que de culpabilité je porte en moi…

Puis, doucement, sans faire de bruit, m’entourant de tes bras réconfortants, tu viens coller mon visage sur ton cœur. Je le sens cogner fort dans ta poitrine. Ta main caresse mes cheveux. Mes larmes coulent de plus belle. Mon esprit devient un peu plus léger.

Nous restons ainsi en silence. Nous savons que nous allons parler. Mais pour l’instant, nous avons besoin de pleurer. Pleurer notre détresse. Pleurer notre amour. Pleurer cette trêve. Vider ce mal.

Je ne suis pas la maman parfaite que j’aurais aimé être, mon enfant. Je suis humaine. Je fais de mon mieux et mon cœur explose d’amour pour toi. Je nous souhaite des tonnes de merveilleux moments avant que tu t’en ailles mener ta barque. Je nous souhaite de nous comprendre et de nous respecter. Je nous souhaite de nous haïr encore pour mieux nous aimer. Je nous souhaite d’apprendre à nous comprendre et d’arriver à vivre encore un peu ensemble.

Je te berçais quand tu étais bébé. Maintenant, c’est à mon tour de me laisser réconforter.

Je suis là, tu sais.

Je serai toujours là pour toi.

 

Gwendoline Duchaine

Quand les larmes sonnent l’alarme

Dans deux semaines, mon militaire de mari reviendra de sa troisième

Dans deux semaines, mon militaire de mari reviendra de sa troisième mission à l’étranger. Six mois au Kosovo. Je ne suis pas une ennuyeuse de nature, alors je savais que l’éloignement ne serait pas trop souffrant pour moi. Mais l’épuisement parental, lui, devient rapidement douloureux quand on est seul pour gérer une marmaille intense qui, elle, réagit à l’absence.

Les premiers temps, la vie se gérait bien. L’adaptation à la vie monoparentale s’est déroulée bien mieux que je l’imaginais. Entre la rentrée scolaire, l’entrée en maternelle et au secondaire et les préparatifs d’Halloween, les journées se déroulaient dans la joie et la facilité. J’étais fière de moi, j’étais soulagée, et j’étais tellement fière de mes enfants! Ils semblaient plus stables, peut-être parce que l’autorité émanait d’une seule personne.

Puis, le party a commencé. Pas dans le sens de party où on se fait du fun et qu’on n’a pas le goût de quitter. Plutôt le genre « open house » : tu sais quand ça commence, mais tu ne sais plus comment y mettre fin. Tu sais que tu es la personne qui a lancé le OK pour faire le party, mais ça devient trop, trop vite. Tu perds le contrôle, tu perds les pédales, tu vois les dégâts qui s’accumulent et tu ne sais plus comment mettre un stop à tout ça. Et tu penses à appeler la police ou à t’auto-amener à l’urgence psychiatrique avant que ça ressemble à Hiroshima.

L’hiver a été pénible. Pas pour le pelletage, ça, j’aime ça et mon gentil voisin s’est occupé de la bordure de glace que je n’étais pas capable de pelleter. L’hiver a été pénible parce que les voitures ont brisé à tour de rôle (mille mercis, CAA! Je vous dois ma santé mentale!) Mais surtout parce que certains de nos enfants ont complètement dérapé malgré les filets de sécurité qu’on avait mis en place : psy, communication avec les profs, horaire dégagé de tout ce qui n’était pas nécessaire, Skype régulier avec papa.

Souvent, j’avais l’impression de me tenir sur le bout d’un seul orteil au bord du Grand Canyon. La respiration, les massages et quelques bons amis m’ont empêchée de tomber malgré toutes les fois où mes enfants me poussaient vers le précipice à grands coups de « T’es folle » et de « Je vais te tuer ». Chaque nouvelle obstination inutile (« Ça sert à rien de ranger mes vêtements, il va falloir que je recommence la semaine prochaine »; « Il est 9 : 02, pas 9 : 00 ») me mettait dans tous mes états. Ma carapace était usée, élimée. Je marchais sur le fil auquel ma famille s’accrochait en le brassant de tous les côtés. Chaque refus de collaborer m’amenait plus près du trou noir dans lequel le stress, la fatigue physique et mentale et l’absence de soutien m’entraînaient. Je ne compte pas les fois où j’ai eu le goût de mourir pour tout arrêter. Mais quand on est le seul soutien pour ses enfants, on ne peut pas mourir. On doit rester fort pour garder le fort.

La semaine dernière, j’ai éclaté. Ce n’était pas la première fois. Mais c’était la première fois devant les enfants. J’avais beau mettre toutes les chances de notre côté, tout faire pour intervenir de la bonne façon, prendre soin de moi pour prendre soin d’eux (ajuster mon masque à oxygène en premier pour ensuite ajuster celui des autres…), la situation familiale se dégradait. La mission était trop avancée pour exiger que mon mari soit rapatrié. Il restait un mois et je n’étais pas certaine de survivre.

À bout de ressources et de souffle, je me suis mise en time-out. Je me suis assise en position fœtale dans le coin du divan, une doudou douce autour des épaules, un coussin dans les bras. Et j’ai pleuré. Non. Sangloté. Je me suis vidée du trop-plein d’émotions sombres que je contenais. Je l’écris et le nez me pique tellement le souvenir est émotif.

Ma grande fille est venue me prendre dans ses bras, flatter mon dos, me répéter des « Je t’aime, maman ». Ma deuxième cocotte me parlait comme si de rien n’était. « Pourquoi tu ne réponds pas? Maman, je te parle! » Jusqu’à ce qu’elle voie que je pleurais. Si je ne répondais plus, c’est que j’en étais incapable. Toute mon énergie était réservée pour survivre à ces minutes de panique intérieure où tout en moi était à bout d’espoir. « Maman, pleure pas! Sois pas triste comme ça! », ce à quoi ma plus vieille a répondu : « Laisse-la pleurer. Elle a toutes les raisons de pleurer, et elle a le droit de pleurer. Ça fait tellement longtemps qu’elle se retient! »

Puis, mes deux garçons se sont approchés. « Pourquoi tu pleures, maman? »; « Tu as mal, maman? » Ma grande fille a trouvé les mots pour leur expliquer que maman était épuisée. Que maman n’était plus capable d’endurer les chicanes constantes, les « non » incessants et les menaces. Que maman avait besoin que chacun collabore à l’harmonie familiale. Que maman avait tout donné depuis des mois et que là, il était plus que temps qu’elle reçoive, elle aussi. Que maman avait besoin de ses enfants.

« On est là, maman. On a fait beaucoup d’erreurs. On aurait dû t’écouter depuis longtemps. Ça fait longtemps que tu nous demandes de faire notre part dans la maison et d’arrêter de se chicaner. On s’excuse. Ça va changer. Maintenant. On t’aime, maman! »

Ce soir-là, mes filles ont raconté l’histoire du dodo aux plus jeunes. Elles les ont bordés. « Maman, les garçons aimeraient que tu ailles leur donner un bisou. Mais ils comprennent que tu le feras juste quand tu auras repris des forces. Nous aussi, on va se coucher. On espère que tu dormiras vraiment bien même si tu as beaucoup de peine. Tu as raison d’être épuisée et de nous le montrer. On aurait dû comprendre plus tôt. Bonne nuit, maman. »

J’ai pris du temps pour moi, comme je le fais chaque soir. Mais ce soir-là, quelque chose en moi s’est reconstruit. Des briques qui s’effritaient de jour en jour depuis l’automne se sont recollées. Un peu. Quand je suis allée me coucher, j’ai trouvé sur mon oreiller un pendentif en forme de cœur que ma fille avait confectionné. Et une note : « Ma chère maman, j’avais pensé te donner ce collier pour la fête des Mères, mais je pense que c’est maintenant que tu en as besoin. Je t’aime. »

Depuis ce soir-là, je n’ai presque plus à répéter, à gérer de conflits, à empêcher la troisième guerre mondiale d’éclater sous mon toit. Je n’ai plus entendu de « Tu es la pire mère de la Terre » ni de « C’est de ta faute! » Je n’ai plus entendu mes enfants dire « Je veux mourir ». Ni moi.

Il arrive que les larmes qui dévalent lavent les traces de désespoir et de colère. Il arrive que les larmes sonnent l’alarme.

Nathalie Courcy

Laisser ou ne pas laisser pleurer bébé

Plusieurs articles intéressants ont été publiés récemment sur la grande question que les parent

Plusieurs articles intéressants ont été publiés récemment sur la grande question que les parents d’un poupon se posent à l’heure du dodo : on le laisse pleurer ou pas?

Personnellement, j’ai été de la deuxième école. Comme certains spécialistes le conseillent, je n’ai pas laissé Fiston s’endormir au bout des ses pleurs avant l’âge de…. En fait, jamais! Et ce n’est pas faute d’avoir essayé…

Je me souviens avoir tenté l’expérience de la technique de l’attente progressive, mieux connue ici sous le nom de méthode 5-10-15, préconisée par l’hôpital Ste-Justine. Méthode selon laquelle on laisse bébé pleurer pendant cinq minutes, puis 10 et 15 minutes avant l’aller le réconforter simplement en le caressant et en lui parlant doucement. J’avais même lu le livre que le célèbre hôpital pédiatrique publie sur le sujet. Si Sainte-Justine le dit, ça doit être vrai! Fiston-qui-ne-faisait-pas-ses-nuits avait environ cinq mois. Oh boy! Ce ne sont pas seulement mes tympans qui n’en pouvaient plus. Ça me faisait mal en dedans. Comme une sensation de brûlure dans la poitrine. Bref, malgré ma lecture assidue et le support de mon conjoint, j’ai été incapable de laisser Fiston pleurer. Et donc, je me suis levée plusieurs fois par nuit pendant près de deux ans. Pour le nourrir. Le bercer. Le rassurer. J’étais épuisée mais en parfaite harmonie avec ma décision. C’était ma façon à moi de lui inculquer une bonne hygiène de sommeil. Et quand je constate les résultats aujourd’hui avec Fiston-qui-s’endort-rapidement-et-fait-de-bonnes-nuits, b’en j’me dis que j’ai pas pire réussi! 🙂

Mais ça, c’est mon expérience personnelle. Sous un angle plus objectif, voici ce que disent les plus récentes études sur le sujet :

Ce n’est pas bon de laisser pleurer bébé!

Selon plusieurs spécialistes du développement de l’enfant, laisser pleurer un bébé lui causerait énormément de stress. Le fait de ne pas le consoler ou de répondre à un besoin (douleur, faim, soif, affection, etc), alors qu’il est totalement dépendant de nous, engendrerait de la peur. Ces séances de pleurs intenses, que certains vont même jusqu’à qualifier de maltraitance, modifieraient le système nerveux central du bébé et auraient des conséquences à long terme sur son développement psychologique et cognitif. Le fait d’ignorer l’enfant et de le priver des soins et/ou de la chaleur humaine dont il a besoin lui ferait craindre rien de moins que la mort. Résultat : ce sont des enfants qui auraient plus de risques de souffrir d’anxiété, de dépendances, de troubles du sommeil et de dépression rendus à l’âge adulte.

Selon ces mêmes spécialistes, la recette du succès ce sont les câlins! Les enfants qui ont été les plus souvent portés et cajolés s’en tireraient beaucoup mieux dans la vie.

Ce n’est pas mauvais de laisser pleurer bébé!

Enfin! Vous pouvez arrêter de vous sentir coupable de laisser pleurer votre bébé. Une étude effectuée par l’Université d’Adelaide en Australie en arrive à la conclusion que ce n’est pas si grave que ça! Pendant trois mois, ils ont suivi 43 couples et leurs enfants âgés de 6 à 16 mois ayant des problèmes de sommeil. Les familles ont été réparties en trois groupes. Un groupe qui devait laisser pleurer l’enfant selon la méthode 5-10-15. Un groupe qui devait adopter la technique du fading qui consiste à attendre l’heure où l’enfant s’endort naturellement avant de le mettre au lit. L’heure du coucher est ensuite devancée de 5 minutes chaque jour jusqu’à ce qu’on atteigne une heure raisonnable. Et le dernier groupe qui ne devait rien changer à sa façon de faire.

Résultats : dans les trois cas, le taux de cortisol (l’hormone du stress) était normal chez tous les enfants. Et un an plus tard, aucun enfant ne semblait être au prise avec de graves problèmes comportementaux ou émotionnels. Autre fait réconfortant, les enfants dont les parents avaient eu recours à une technique d’entraînement (méthode 5-10-15 ou technique du fading) s’endormaient plus rapidement que les autres et se réveillaient moins souvent la nuit!

Mais comme l’étude porte sur un nombre limité de familles pendant seulement un an, l’auteur de l’étude, le docteur Gradisar, demeure prudent même s’il considère que les résultats sont encourageants.

C’est à vous de décider!

Finalement, ce même docteur Gradisar en arrive à la conclusion que la meilleure méthode est celle qui vous convient! Et une étude publiée, en 2012, dans la prestigieuse revue Pediatrics abonde dans le même sens. Le niveau de stress et la santé mentale des enfants avaient alors été étudiés pendant six ans. Conclusion : il n’y avait aucune différence entre les enfants qu’on avait laissé pleurer selon la méthode 5-10-15 et les autres. Ce qui est important, selon plusieurs experts, c’est d’être confiant peu importe la méthode choisit. Que des parents inquiets, stressés et peu confiants en leurs moyens perturbent fort probablement davantage les enfants que leurs pleurs. Si votre petite voix intérieure vous dit que de laisser pleurer votre bébé est la bonne chose à faire, allez-y! Et si, comme moi, vous ressentez le contraire, prenez votre bébé dans vos bras et laissez faire ceux qui affirment que vous êtes en train de trop le gâter.