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Je suis une maman, pas une martyre

Épouse et mère dévouée. Vous trouvez que ça sonne bien?

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Épouse et mère dévouée. Vous trouvez que ça sonne bien?

Avant de répondre, allons vérifier ce que ça signifie, se dévouer… « Se consacrer entièrement à quelqu’un, à quelque chose, se sacrifier. » O.K. Merci Larousse.

Merci, mais… non merci. L’abnégation, très peu pour moi. Il ne m’intéresse pas, le rôle de la mère dévouée qui n’ose pas faire patienter son enfant de l’autre côté d’une porte de salle de bain barrée. J’ai besoin de mon intimité aux toilettes, alors je ferme la porte. Un point, c’est tout.

Si je devais comparer ma famille à un beau gros sapin de Noël… Hé! bien, ce ne serait pas une étoile scintillante qui trônerait à la cime de l’arbre pour être vénérée. Non. La pièce maîtresse serait une glorieuse et fière banderole multicolore affichant : Respect.

Chez nous, cette valeur est non négociable et applicable à tous. Oui, j’ai donné naissance à deux petits bouts d’Hommes que j’adore, mais je n’ai pas renoncé à établir mes limites ni à prendre soin de moi.

Je suis un modèle pour mes enfants, ces minuscules fragments du futur. Seules quelques années me sont données pour influencer leur destin. Lorsque je m’accorde le droit de dire non, j’offre à mes enfants cette même liberté sur un plateau d’argent. Quel cadeau incroyable : le pouvoir sur leur propre vie! Savoir qu’ils n’ont pas à s’enfermer dans des rôles écrits à l’avance. Qu’ils n’ont qu’à faire des choix qui ont du sens pour eux (et à en assumer les conséquences, bien évidemment!)

Très honnêtement, toutes mes décisions parentales sont guidées par cette notion de respect. Je suis constamment à la recherche du précieux équilibre entre mes intérêts et les leurs. C’est la clef qui permet à notre relation de continuer à évoluer de façon harmonieuse. Et bien sûr, j’étends le principe jusqu’à respecter le fait qu’ils ne possèdent pas encore la maturité d’un adulte. Ce n’est pas parce qu’ils ont la capacité de tendre la main vers ce qui leur plaît à l’épicerie qu’ils ont nécessairement ce qu’il faut pour choisir notre souper…

Je pense que cette façon de voir les choses élimine cette espèce d’étiquette de bourreau qu’on colle trop facilement aux enfants. Il ne faut pas se le cacher : les enfants sont les bourreaux parfaits pour qui se cherche une position de victime. La recette est simple : on se soumet à leurs exigences sans fin tout en renonçant à faire valoir nos besoins. Puis on engourdit notre mal‑être d’un grand verre de vin (ou de toute autre béquille) pour supporter l’intolérable sacrifice de la maternité.

Et si au moins ça s’arrêtait là, ce ne serait pas si pire… mais le jeu de la victime et du bourreau, c’est un joyeux pattern où on s’échange les rôles allègrement. La victime se transforme en bourreau et vice versa. C’est peut-être très répandu comme modus operandi… mais ça n’en fait pas un environnement sain pour autant. Oui, on peut toujours se partir un club pour détester la maman de Caillou et son calme légendaire, mais ça n’annulera jamais ce fait : faire preuve de patience envers nos proches, ça reste une bonne idée. Quand l’irritation devient quotidienne, on peut se demander ce qui pousse un parent à tant de colère.

Ça m’arrive, malgré mes grands principes, d’avoir moins de plaisir avec mes enfants et de prendre des airs de maman-dragon. On passe presque toutes nos journées ensemble à faire l’école à la maison. Parfois, on s’enligne sur une mauvaise pente et je m’entends dire, après quelques jours : « Je n’aime pas vous parler comme une gardienne de prison. Et je ne pense pas que vous avez envie de vous sentir surveillés par une policière non plus. Alors je crois qu’il est temps qu’on travaille sur notre relation. » Et c’est comme ça qu’on arrive à se réajuster… C’est aussi ma réponse à cette fameuse question qu’on me pose régulièrement : comment fais-tu pour passer la journée avec tes enfants?

Elizabeth Gobeil Tremblay

Ma mère c’est mon père

Je suis née dâ€

Je suis née d’une mère et d’un père, mais rapidement, ce dernier est devenu trop malade pour s’occuper de mes frères et de moi. Puis il a élu domicile dans un cercueil. J’aime penser qu’il prend soin de moi à partir de son cumulus. Ça m’arrive même de lui parler pas mal fort : « Heille papa, ça te tente pas de faire ta job de père et de me protéger un peu? Me semble qu’il serait temps que tu descendes de ton nuage en ouate pour venir t’occuper de moi! »

Mais la réalité, c’est que ma mère s’est retrouvée seule à 34 ans pour s’occuper de trois enfants, d’une maison, d’un terrain, des finances, de tout.

Par choix ou par obligation, elle ne s’est pas laissé abattre. Elle a relevé ses manches. Elle était déjà habituée, notre père était policier et s’absentait pendant de longues périodes. Pendant les années d’hospitalisation et d’opérations, c’était elle, encore, qui s’occupait de tout, en plus de multiplier les aller-retour entre la maison et l’hôpital pour aller faire manger son mari, pour le laver, pour lui tenir compagnie. Pour essayer de lui faire comprendre que le combat achevait. Je ne peux même pas m’imaginer la charge mentale de cette femme. Et l’absence d’énergie qu’elle devait avoir à l’heure des devoirs ou du cours de natation.

J’ai donc été élevée par ma mère, qui portait les deux chapeaux : les bras de la mère et les culottes du père. Avec elle, j’ai appris à cuisiner les meilleurs muffins du monde, à jardiner les brocolis les plus verts, à faire l’épicerie, à planifier un budget équilibré, à passer le râteau à l’automne, à coudre des vêtements, à conduire une voiture, à poser des tablettes, à signer un bail d’appartement. À grandir.

La seule chose qu’elle ne m’a pas enseignée, c’est à passer la tondeuse. Et à traire une vache, mais ça, je l’ai appris à 18 ans en Israël! Pour la tondeuse, j’ai tardé… c’était « trop dangereux pour une fille », j’avais deux grands frères qui pouvaient s’en occuper, puis un mari. La seule fois où j’ai osé, mes muscles m’ont lâchée dès la deuxième tentative. J’ai abandonné le projet. Par contre, je peinturais, je bêchais, je déneigeais l’entrée, je gérais l’horaire de la famille et le paiement des factures.

Maintenant, c’est mon tour d’être la mère-père. À temps partagé, puisque mes enfants ont la chance d’avoir un papa en vie et bien présent dans leur vie.

Je suis fière (et soulagée!) d’avoir autant appris de ma mère, autant absorbé de ses valeurs féministes et égalitaires. Les allées du Rona ne m’intimident pas. Je fais presque peur aux concessionnaires automobiles tellement je suis préparée quand vient le temps de m’acheter une voiture. C’est que moi aussi, j’ai l’expérience des absences et de la monoparentalité temporaire!

Ce printemps, quand le temps est venu d’acheter ma première tondeuse à moi, de moi, avec tout mon amour (et mon argent), j’ai demandé conseil à un collègue qui s’y connaît. Vu mes muscles de bras de poulet, il m’a conseillé une tondeuse à batteries. J’ai magasiné la bête comme une grande, et oui, j’ai passé ma tondeuse sur mon terrain toute seule. Avec un petit stress, tout de même. Mais j’aime ça! Je pense (pas vraiment…) lancer une entreprise de tonte de gazon dans le quartier juste pour prolonger le plaisir. Comme quoi on peut tout apprendre! Comme quoi, aussi, les rôles de père et de mère n’ont rien à voir avec les lettres de notre ADN.

 

À tous les pères-mères et à toutes les mères-pères, vous avez mon admiration. Et celle de vos enfants.

 

Nathalie Courcy

Toutes ces choses que j’aimerais te dire…

Les années ont passé depuis ton départ, maman. Depuis, je suis de

Les années ont passé depuis ton départ, maman. Depuis, je suis devenue mère à mon tour.

À mon tour, je fais de mon mieux. J’explique, je demande, je souhaite de tout mon cœur que mes filles, un jour, deviendront des adultes respectueuses et empathiques.

Maman, je me souviens de nos disputes de ces moments où, du haut de mes 12-15-17 ans, je croyais tout connaître de la vie.

Maman, souvent, j’aimerais que tu sois encore ici pour que je puisse te dire que ces valeurs que tu m’as transmises, non sans efforts, elles sont bien ancrées en moi.

J’aimerais te dire que je comprends tous les sacrifices que tu as pu faire, que maintenant, je comprends.

J’ai le sentiment que je n’ai pas eu le temps de te témoigner toute ma reconnaissance. J’aimerais te parler de mes filles, de leurs réussites. J’aimerais partager avec toi cette fierté.

Certains jours, j’aimerais te demander comment tu es parvenue à si bien nous éduquer, à faire de nous de bons humains, ma sœur et moi. Dis-moi que mes efforts ne seront pas vains, que c’est possible.

Parfois, je voudrais simplement rire avec toi.

Souvent, je voudrais juste te dire que tu me manques.

Karine Lamarche

 

Les 1001 « Aïe ! » d’une mère

Eh qu’on se le fait dire avant de devenir mère que porter un enfa

Eh qu’on se le fait dire avant de devenir mère que porter un enfant donne des courbatures, qu’accoucher est supposément la pire douleur du monde, qu’allaiter peut donner des gerçures et des crevasses, que tralali et que tralala…

On nous prépare beaucoup aux mille et une petites et grandes douleurs du DEVENIR mère, mais pas tant à celles du ÊTRE mère. Mais je vous le dis tout de suite, je n’ai pas envie d’avoir ce soir un esprit de synthèse en dressant un portrait général de la Mère-Martyre. N’y allons pas pour les grandes constatations mélancoliques : lançons-nous plutôt dans les détails bidonnants, car vaut mieux en rire qu’en pleurer !

C’est donc les rotules en feu à force d’être à genoux par terre à ramasser des morceaux de papier bricolés que je vous écris cette petite liste de mes douleurs, courbatures et inconforts physiques que j’attribue ENTIÈREMENT à la maternité ! Puisque comme l’a dit ma sage‑femme, l’honorable Karine : la maternité, ça t’magane un corps !

J’ai mal, ô, tellement mal à/aux :

  • Cuisses, à force d’avoir des enfants assis dessus non pas sans avoir mené une chaude lutte pour désigner l’identité du chanceux qui aura cet honneur.
  • Côtes, qui s’affaissent à force de m’endormir en allaitant sur le côté la nuit.
  • L’abdomen, parce que ça vient à faire mal se pencher par-dessus le lit du bébé pour l’endormir en lui flattant tête, épaules, genoux, orteils, genoux, orteils, genoux, orteils, yeux, nez, bouche, oreilles…
  • Épaules, après des mois à faire du portage de façon probablement inadéquate, parce que je peux être botcheuse quand il est question d’ergonomie.
  • Mamelons, que mon bébé en train de percer ses dents empoigne, férocement parfois, de ses gencives acérées.
  • Coudes… Puisque mon bébé de dix mois ne fait toujours pas ses nuits, je me relève souvent en utilisant cette partie visiblement vulnérable de mon corps comme point d’appui, la condamnant à ratatiner de sécheresse sous l’effet de cette friction incessante.
  • La face. À force de côtoyer de grands bébés qui ont pour passe‑temps favoris le tirage de joues, le griffage de nez, le pinçage de paupières, l’arrachage de lunettes… Fut une époque, la peau de mon visage ressemblait à la douce pelure d’une pêche…
  • Lobes d’oreilles, parce que parfois, j’ai des idées folles comme, t’sais, de vouloir être coquette l’espace d’un instant en portant des boucles d’oreilles…
  • Au cuir chevelu, car je suis la fausse cliente préférée des petites coiffeuses en herbe de ma maison !
  • Yeux, aveuglés par les paillettes, brillants, diamants, arcs-en-ciel éclectiques, rose bonbon et nanane qui tapissent mon quotidien.
  • Oreilles, qui saignent parfois de les entendre crier de joie, de peine, de rage, de désespoir, d’excitation, alouette !
  • Tête, ibid. !
  • Pieds, parce qu’il y a une loi non écrite qui interdit aux mères au foyer de s’asseoir. JAMAIS. Pis aussi, parce que j’ai le tour de piler sur un Playmobil itinérant le soir avant d’aller me coucher, en allant donner à mes enfants un tendre bisou des plus… amoureux…

Je pourrais poursuivre cette métaphore filée de la douleur et conclure cet article en ajoutant que les voir grandir me fait mal au cœur et à l’âme, mais je crois que cette conclusion est implicite et prévisible.

Je vais donc juste terminer ce texte sur une note simple, pour ne pas dire simplette, mais bien sentie, à l’intention directe de mes enfants.

Aïe aïe aïe, mausus que j’vous aime !

Véronique Foisy

 

Le Slam de la mère à la dérive

Une mère, remplie de larmes salées, d’un sentiment amer D’avoir échoué Échouée sur lâ€

Une mère,
remplie de larmes salées,
d’un sentiment amer
D’avoir échoué
Échouée sur l’île de la maternité
Sans outils, sans amis
Où est le guide d’utilisation
Pour faire fonctionner son rejeton

Elle dérive, à la barre de son navire
Elle doit mener sa petite famille
Elle porte en son sein le bonheur des siens
Présidente, directrice générale de l’organisation familiale,
Médecin, infirmière, psychologue, femme de ménage, repasseuse, chauffeuse, cuisinière,
Toujours en overtime, elle n’a pas d’horaire,
Sous payée, exploitée

Des matins, elle voudrait partir, courir, s’enfuir
Ne jamais revenir,
être libre
Mais impossible,
elle a signé à perpétuité,
Emprisonnée dans sa belle maison dorée
Elle les lave, les blanchit, les nourrit
Elle se sent envahie, ensevelie
Sous une montagne de couches, de morve et de bouillie.
Jogging, cheveux sales, cernes qui touchent à terre
Son monde vire à l’envers
Fatiguée, épuisée
Lancez-lui donc une bouée
Elle se noie, elle se noie
Dans le noir qu’elle broie,
Elle est juste submergée par la marée
Qui passe et qui part,
Par les vagues du désespoir.

Elle a le cœur sur la main,
Mais sa main voudrait parfois atterrir sur leurs fesses
Elle le regrette
Et s’enferme dans les toilettes
Pour déverser des torrents de larmes
Sur sa culpabilité, la tristesse dans l’âme

À l’accouchement on l’a déchirée à l’intérieur,
On recoud, et on l’opère,
On la marque au fer

Mais qu’est-ce ça veut dire?
Que son cœur va grandir…
Que sa vie va basculer
Bienvenue au monde,
Au monde de la maternité!

Elle est là en attendant une récompense
Juste un peu de reconnaissance
Au lieu de quoi, un hurlement, une longue plainte,
Un beuglement,
Un « mamannnnnnnnnnnnnn » qui résonne
Dans l’écho de la nuit, du jour
À l’infini
Un « maman » qui a bouffé son prénom
Que ses enfants ont appris par cœur, comme le refrain d’une chanson,
d’un poème
Un refrain pour lui dire qu’ils l’aiment.

Gabie Demers

Entendre ta voix, à nouveau

La relâche rime souvent avec ménage.

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La relâche rime souvent avec ménage.

C’est en fouillant un tiroir de souvenirs que j’ai retrouvé un cahier si cher à mes yeux: des textes écrits par ma mère. Un journal qu’elle m’adressait.

Cela fera bientôt quatorze ans qu’elle est décédée. Lire ses mots, réentendre sa voix.

À travers ses écrits, comprendre. Parce que je suis mère à mon tour et parce que ses soucis, sa fierté, ses inquiétudes pour ses filles, c’est moi qui les porte à présent.

Comprendre pourquoi il s’est passé de longues périodes sans qu’elle écrive; c’est à mon tour de courir après le temps! 😉

Ce cahier, c’est mon plus bel héritage. 💜

Je constate chaque fois que ma mère, bien que peu instruite, avait un don inné pour l’écriture et pour la langue française. C’était aussi une grande lectrice. J’aurai hérité de cela d’elle, aussi, pour mon plus grand bonheur. 🌸

Parents qui me lisez, avez‑vous cette chance? Mieux encore, prenez‑vous le temps d’écrire pour vos enfants? Il faudrait bien que je m’y remette…

 

Karine Lamarche

 

Quelle intuition féminine?

Un jeudi soir, vers 23 h 10. Je passe la vadrouille…

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Un jeudi soir, vers 23 h 10. Je passe la vadrouille…

Je me sens jugée. Je vous entends : « Une autre qui veut jouer à la supermaman, qui veut que tout soit parfait. Elle fait chier! » Je penserais sans doute la même chose. C’est si facile, de juger les autres. Si rapidement. Entre nous, les filles, nous nous donnons rarement le bénéfice du doute.

Petite fille, ma mère m’a parlé de l’intuition féminine. C’était comme un cadeau que les femmes se transmettaient entre elles. Un autre de nos superpouvoirs.

C’est de la foutaise, je n’ai rien vu venir.

Ce jeudi soir comme bien d’autres. Je dois encore tout faire. Épuisée par le manque de sommeil. L’arrivée de l’école, le repas. Vite, filer à l’aréna, pour une (autre) pratique de hockey de fiston. À perdre mon temps dans les estrades, forcée de socialiser. Garder mon masque du « tout va bien ». Tout le temps.

– Roxanne, nous quittons, nous reviendrons vers 21 h 15!

– OK! (lancé du fond de sa caverne, qu’elle ne partage qu’avec sa tablette).

Le retour. L’habituel « … Dépêche-toi de prendre ta douche, il y a de l’école demain! » Je dois encore me battre avec son équipement. Tout préparer pour sa prochaine activité. Je viens de déposer lourdement la poche dans l’entrée…

– Maman, Roxanne est tombée!

Mon cœur de mère s’arrête. Il s’arrêtera plusieurs fois, cette nuit-là. Je grimpe les escaliers. Je la trouve, comme il l’a trouvée. Un petit paquet tremblotant. Il y a du sang partout. Elle me demande d’appeler l’ambulance.

La femme parfaite, la supermaman, elle perd la carte. Je vois sa tablette, à ses pieds. Je la prends, de rage, je la fracasse dans un coin de la salle de bain. La céramique, ça ne pardonne pas. C’est trop fort, mon cerveau a fait un lien entre la tablette et son état. Comme un mécanisme de protection maternelle. Je reviens vite à moi, ça presse.

C’est dans ces moments qu’on voit toute l’efficacité de notre système de santé. Aucune attente à l’urgence. Elle sera hospitalisée dans la section psychiatrique. L’infirmière m’annonce qu’elle a des marques sur toutes ses jambes, des orteils jusqu’aux parties. Partout sur les bras, des mains jusqu’aux épaules. Des centaines de marques, à la lame d’X-Acto. Elle a écrit sa détresse, à fleur de peau. Un message qui restera.

Ma fille commence son long voyage vers le rétablissement. J’ai confiance en elle.

C’est aussi le début d’autres voyages. Le mien. Le combat contre ma perception d’avoir été une mauvaise mère. Ce soir-là. La veille, le mois dernier. Des centaines de fois. Celui de son frère, qui a des photos, imprégnées dans sa tête. Il est si sensible. Il nous faudra de l’aide extérieure, c’est évident.

Je m’attends à recevoir plein de conseils. Voulus ou non. Des sous-entendus, que je suis responsable. Je les juge à mon tour. Elles sont incapables de me comprendre. Elles sont si parfaites, elles ne peuvent croire que ça pourrait tout aussi bien leur arriver.

L’adolescence, c’est souvent un passage douloureux. Nos enfants décident parfois d’emprunter des chemins qui nous sont inconnus. Elle sait que je l’aime. Je vais continuer de le lui dire. Faire de mon mieux pour lui démontrer. Parfaitement imparfaite.

Je sanglote, aucune mère ne devrait avoir à nettoyer le sang de son enfant…

 

Eva Staire

Tirer sur la plug

Mon corps a tiré sur la plug. Tout seul. Sans prévenir. J

Mon corps a tiré sur la plug. Tout seul. Sans prévenir. J’enchaînais les patients, les appels, les requêtes, les messages, les enfants, les activités, les concerts, les sorties, les corvées, les chiens, la maison, les kilomètres, les entraînements… Il a dit STOP, d’un coup. Mon corps a tiré sur la plug. Et je me suis effondrée…

J’aurais pu m’en douter. J’aurais dû écouter les signes… Mais la fatigue, à force de la cumuler, on ne la sent même plus… Tu dis « oui » à tout parce que ton cœur est trop grand et tu t’uses… Mon trop-plein d’énergie est anéanti. Mon corps a tiré sur la plug.

Ce matin-là, ma salle d’attente était pleine. J’ai voulu me lever. Je ne voyais que des éclairs lumineux. J’ai frotté mes yeux, avalé une gorgée d’eau, passé un appel… ma vue empirait. Je ne voyais plus rien, tout scintillait. Je sentais mon esprit s’en aller. J’ai pris ma pression. Rien n’allait bien.

Mon corps a tiré sur la plug. Il m’a lâchée. Il m’avait prévenue, pourtant…

Je ne voyais plus, j’entendais mal, tout tournait et tanguait. J’avais de la difficulté à respirer, mes signes vitaux partaient dans tous les sens, rien n’était logique. Le médecin essayait de me rassurer. J’ai cru que j’allais mourir là. Que c’était fini. Mon corps a tiré sur la plug.

J’ai pensé à mes enfants, j’ai appelé mon amoureux, j’ai eu peur. On a eu peur. Je continue de trembler… parce que nous n’avons pas encore trouvé ce qui s’est réellement passé…

Je me suis relevée tout doucement, les jours ont passé, mais je n’arrive pas à me retrouver complètement. Chaque fois, mon organisme trouve un moyen de me ralentir encore. Je l’ai trop poussé. Je lui ai demandé l’impossible pendant presque quarante ans et il n’en peut plus. C’est ça, vieillir ? Je me sens abandonnée par moi-même… et depuis je suis… lente. J’ai peur que ça recommence. J’ai peur que ma santé me lâche. Je ne peux plus faire de sport. Je suis au ralenti. Tout le monde se demande où est passée la femme dynamique et hyperactive.

Son corps a tiré sur la plug.

C’est quand tu perds un morceau de ta forme que tu réalises à quel point c’est un luxe d’être en santé, que c’est si précieux et si beau.

Comme mon corps m’a débranchée, j’ai décidé de lever le pied. C’est un signal que je ne peux me permettre d’ignorer. Ce corps qui a porté trois enfants, qui les a nourris et élevés, n’est même plus capable de les accompagner. Ce corps qui n’arrive plus à aimer son amoureux comme je le souhaiterais… Ce corps qui n’a plus la productivité attendue au travail et dans la société… Il a tiré sur la plug.

Alors, il se peut que j’écrive un peu moins et que je lise plus. Il se peut que je coure moins et que je marche plus. Il se peut que je m’entraîne moins et que je me repose plus. Il se peut que je sorte moins et que je dorme plus. Il se peut que je donne moins et que je prenne plus. Il se peut que je travaille moins et que je relaxe plus. Il se peut que je réponde moins et que j’ignore plus. Chers enfants, amis, collègues, lecteurs, voisins, soyez indulgents… Soyez patients…

Mon corps a tiré sur la plug. Et moi, j’essaie de le rebrancher sans faire sauter les plombs…

Gwendoline Duchaine

 

Mes larmes de mère

Elles coulent sur mes joues, salées et amères… mes larmes de mè

Elles coulent sur mes joues, salées et amères… mes larmes de mère. Mes yeux se noient. Me souffle est saccadé. Mon cœur est déchiré. Ton détachement me fait mal, mon enfant. Ta désinvolture me rentre dans le corps. Ton dégoût de moi assombrit mon âme.

Je pleure. Je pleure ton indifférence, je pleure ton ingratitude, je pleure mon échec. Je me sens si mauvaise mère. Bien loin de la maman bienveillante et sereine, je suis dévastée. Je te regarde grandir et t’éloigner. Je suis fatiguée d’avoir l’impression de te déranger dès que je t’adresse la parole, d’avoir peur de me brûler dès que je te frôle…

Je me souviens de mon adolescence tumultueuse et de la haine que je ressentais envers mes parents. Je suis si triste, car je pensais que toi et moi, nous serions au-dessus de ça.

Je ne peux m’empêcher de te répondre et les hurlements fusent dans la maison. Je fuis ce domicile où je me sens de trop. J’ai de la misère à respirer dans ma propre demeure. J’étouffe.

On parle sans arrêt de la détresse des ados, mais le désarroi des parents, on le cache. Je souffre chaque jour en silence. Alors parfois, j’explose. Je laisse les cris et les larmes sortir de moi. Mon corps est secoué par cette colère. Je ne suis pas faite pour ça. Je ne suis pas bonne. Ma confiance en moi est ébranlée. Quel exemple suis-je pour toi? Comment peux-tu te sentir entouré et accompagné avec une mère comme ça?

Que de culpabilité je porte en moi…

Puis, doucement, sans faire de bruit, m’entourant de tes bras réconfortants, tu viens coller mon visage sur ton cœur. Je le sens cogner fort dans ta poitrine. Ta main caresse mes cheveux. Mes larmes coulent de plus belle. Mon esprit devient un peu plus léger.

Nous restons ainsi en silence. Nous savons que nous allons parler. Mais pour l’instant, nous avons besoin de pleurer. Pleurer notre détresse. Pleurer notre amour. Pleurer cette trêve. Vider ce mal.

Je ne suis pas la maman parfaite que j’aurais aimé être, mon enfant. Je suis humaine. Je fais de mon mieux et mon cœur explose d’amour pour toi. Je nous souhaite des tonnes de merveilleux moments avant que tu t’en ailles mener ta barque. Je nous souhaite de nous comprendre et de nous respecter. Je nous souhaite de nous haïr encore pour mieux nous aimer. Je nous souhaite d’apprendre à nous comprendre et d’arriver à vivre encore un peu ensemble.

Je te berçais quand tu étais bébé. Maintenant, c’est à mon tour de me laisser réconforter.

Je suis là, tu sais.

Je serai toujours là pour toi.

 

Gwendoline Duchaine

Qu’est-ce qu’une bonne mère?

Je ne sais pas pour vous, mais moi, je passe mon temps à me demande

Je ne sais pas pour vous, mais moi, je passe mon temps à me demander ce qui fait qu’une mère est une bonne mère. Qu’est-ce qui définit une « bonne mère »? Je me tourne cette question sans cesse, dans ma tête, depuis quelque temps. Je trouve cela difficile de dissocier le fait d’être une « bonne mère » et «  la normalité de ce qu’une mère doit faire ».

Pour moi, une bonne mère ne se définit PAS comme :

Une mère qui prend soin de son enfant malade. Si tu prends soin de tes enfants, c’est juste « normal ». Tu es une maman, tu es responsable de tes enfants, tu te dois de prendre soin d’eux.

Une mère qui fait des sorties avec son enfant : Si tu veux une qualité de vie, tu ne dois pas t’empêcher de vivre! Faire des activités avec son enfant est aussi bénéfique pour les parents. C’est ça, avoir des enfants.

Une mère qui achète de beaux vêtements pour son enfant : Nos enfants doivent être habillés. Point. C’est une nécessité. Tu n’es pas une « bonne mère » parce que tu achètes des vêtements à ton enfant. Ça va de soi.

Une mère qui se prive de quelque chose pour donner à son enfant : Tu as choisi d’être une maman, tu te dois de le faire passer en premier. C’est juste « normal ». On ne choisit pas de faire des enfants pour les mettre de côté.

Ici, je prends une pause pour vous rappeler que tout ceci est mon opinion.

Je continue.

Une bonne mère ne se définit pas par ses talents de cuisinière, le temps qu’elle met pour nettoyer la maison ou encore pour mettre son enfant en punition pour lui montrer que dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu’on veut.

Être une bonne mère ne signifie pas de subvenir aux besoins de sa famille. Ça fait partie du deal en acceptant d’être maman.

Donc, qu’est-ce qu’être une bonne mère? J’ai toujours un malaise quand je me fais dire que je suis une bonne maman. Non, je ne considère pas que je suis une bonne mère. Je suis une mère, point. Une mère qui donne tout à son enfant, une mère qui ne se fait jamais passer en premier, une mère qui aime, une mère qui regarde son enfant avec tant d’admiration, une mère qui ne veut que le bonheur de son enfant, une mère tout court. C’est ça être mère, non? Ça fait partie de nous, en dedans et dans nos tripes!

Qu’est-ce qui différencie une mère, d’une « bonne mère »? Ce que certains qualifient de « bonne mère » pour moi, ce n’est pas ça. C’est juste normal de faire ce qu’on doit faire, car ça vient avec le mandat de la mère.

Je ne considère pas qu’une bonne mère est celle qui va bercer son enfant pour l’endormir. Ça fait partie du contrat de maman. C’est normal de le faire!

Peut-être qu’en fait, je suis trop sévère envers moi-même. Peut-être que je devrais apprendre à accepter que je sois une « bonne mère » malgré mes pertes de patience, mes frustrations et les petites irritations du quotidien. Mes défauts de mère viennent prendre toute la place, alors il est difficile pour moi d’accepter que tout ce que je fais puisse être considéré comme une partie de la définition d’une bonne mère…

Donc, finalement, pour vous, c’est quoi, être une bonne maman? Êtes-vous aussi dure envers vous-même que je le suis envers moi?

Tania Di Sei