Dans la tête d’une personne suicidaire – Texte : Cindy Barbier
Imagine-toi dans une pièce sombre sans porte ni fenêtre. Les murs se referment sur toi lentement, mais juste assez vite pour que tu le remarques. Donc ton angoisse est toujours au maximum. Tu ressens sans arrêt une douleur qui traverse ton cœur jusque dans ton dos comme un poignard.
Imagine-toi dans un brouillard très épais. Tu as beau avoir la lumière parfaite, tous les outils à portée de main pour traverser sans problème, mais tu n’y arrives pas. Rien ne fonctionne.
Imagine, ton pire ennemi, c’est ta tête, ton mental. Oui, oui. Des fois, tu te dis : « Hey, let’s go, je vais y arriver. » Pis ta tête te dit : « Hey chose ! Calme-toé. Tu le sais ben, tu n’es jamais capable d’accomplir de quoi. Check ton ami, lui, il a réussi. Abandonne tout de suite. »
Imagine, quand le monde te dit : « C’mon, donne-toi un bon coup de pied au cul, tu vas y arriver. » Sauf que tu n’es pas assez fort pour te lever de ton lit. Imagine, prendre une douche ou te faire à manger, c’est le mont Everest à monter.
Imagine, quand tu oses en parler, que tu dis : « Dans ma tête là, j’ai des pensées noires qui me font peur. » Souvent la réponse est soit : « Oh, j’ai eu ça, c’est normal, ça va passer. On a tous des boutes rough » ou « Ben là, va à l’hôpital ». Ben la personne se sent encore plus seule.
Imagine dans ta tête que la seule solution à tous tes problèmes, c’est de ne plus exister, de ne plus être là, parce que tu crois fermement que ta présence, ta douleur est plus difficile à supporter que ta mort. Que ta mort sera une libération pour tes amis et ta famille. Que comme parent, tu es convaincu que tes enfants vont être mieux sans toi, parce qu’ils vont grandir sans un parent triste, colérique et qui ne joue pas avec eux.
Imagine-toi sur le bord d’une falaise, le vent te pousse fort en sacrifice vers le précipice. Derrière toi, tu as une armée de personnes prêtes à t’aider, qui hurlent à pleins poumons de venir les voir, qu’ils sont là pour toi. Tu les entends, mais tu n’as pas la force de te retourner et d’affronter le vent qui fouette ton visage, parce que ça fait mal, trop mal.
Imagine-toi couché dans ton lit, incapable de bouger. Tu es paralysé et chaque parcelle de ton corps est en douleur. Tu ne peux pas te frotter pour aider à faire passer la souffrance, tu ne peux pas mettre de la glace ou de la chaleur pour atténuer la douleur, tu ne peux même pas crier à l’aide, parce que la douleur te tétanise sur place.
Imagine, ta tête joue contre toi. « Hey, si je saute, est-ce que je risque de me manquer ? » Ben voyons, d’où vient cette pensée ? Tu sais pas, elle a juste passé en coup de vent. « J’ai-tu assez de médicaments ? » « Mon couteau est-tu assez coupant ? » Ça commence de même. Lentement. Sournoisement. Grandissant. Envahissant tout sur son passage et avant même qu’on se soit rendu compte de la gravité, on est pris au piège.
Imagine-toi que tu crois que personne ne peut te comprendre, ne peut comprendre ta douleur, ne peut comprendre ton désespoir, ta tristesse.
Tu es perdu? Alors, comment tu crois que cette personne peut se comprendre et essayer de trouver une solution?
Cindy Barbier