Une journée d’adoption, histoire à deux voix
Histoire à deux voix : Maman et fiston (11 ans) écrivent sur un même sujet. Le texte de fiston est en italique. Mention spéciale à petit frère (8 ans) pour sa contribution.
En janvier 2018, j’ai commencé à offrir une marche hebdomadaire aux chiens du refuge San Francesco (près de Naples, en Italie) avec mon mari et nos enfants. Pour plusieurs raisons, nous ne pouvions pas avoir de chien en Italie et, bien honnêtement, je me questionnais à ce moment‑là sur ma capacité à être une bonne maîtresse, alors c’était mieux comme ça.
Parmi les 300 chiens du refuge se trouvait Rufus. Rufus, c’est un chien facile. C’est le chien qui m’a réconciliée avec ma crainte de ne pas avoir le tour. Il n’a pas besoin que je sois parfaite, juste que je lui offre mon cœur et des soins. Alors, j’ai aussi voulu lui offrir une maison. Avant de quitter pour le Canada, nous avons fait toutes les démarches nécessaires pour pouvoir le ramener avec nous. Et c’est mon fils qui a trouvé les mots les plus justes pour raconter cette journée riche en émotions.
Avant de partir, j’ai fait une pancarte pour remercier le refuge. Je voulais leur montrer à quel point c’était important pour moi. Je ne parle pas italien et j’avais peur de dire n’importe quoi. Alors j’ai écrit : Grazie per avere salvato la vita di Rufus. Ci prenderemo cura di lui con molto amore. (Traduction : Merci d’avoir sauvé la vie de Rufus. Nous prendrons soin de lui avec beaucoup d’amour.) J’ai dessiné un cœur aux couleurs de l’Italie (vert, blanc et rouge) avec un Rufus à l’intérieur.
Quand on est arrivés, j’étais un peu triste parce que c’était la dernière fois qu’on allait au refuge. Mais j’étais content parce qu’on ramenait une partie du refuge avec nous. L’odeur était comme d’habitude : crottes de chien et croquettes mouillées. Il faisait soleil et très chaud. Quand on a ouvert la porte en métal vert rouillée, au moins 100 des 300 chiens du refuge se sont mis à aboyer. Les gens qui ont vu ma pancarte prenaient des photos.
J’avais vraiment hâte de voir Rufus, mais mon petit frère avait l’air encore plus excité. Il débordait d’énergie comme un singe qui se réveille le matin. Alors qu’il est habituellement très calme au refuge, il semblait tout à coup hors de contrôle. Il courait partout, il sautait sur les murets, il ramassait des objets et les lançait, il demandait toujours : « On y va? On y va? On y va? ». Il a fallu être patient parce que les adultes avaient beaucoup de choses à régler. On s’est même demandé si on allait vraiment finir par aller chercher Rufus.
Quand on est arrivés devant sa cage, la queue de Rufus bougeait tellement vite qu’on ne la voyait pas. Il brillait au soleil comme une étoile dans la nuit. Rufus est blanc avec de grosses taches beiges. On l’appelle notre petit « Labgel » parce qu’il ressemble à un labrador blond croisé avec un Beagle. J’étais tellement content que je pleurais de joie. Quand papa lui a mis son nouveau collier noir, j’ai trouvé qu’il lui allait à merveille. Rufus avait l’air vraiment content, comme s’il comprenait ce qui se passait. O.K. je l’avoue, quand mes parents avaient commencé à parler de le ramener au Canada, je lui avais déjà expliqué : « Si tu continues à bien faire ça, on va t’adopter. ».
On s’est mis en route vers la porte, mais Fulvio (celui qui a trouvé Rufus sur l’autoroute) nous a arrêtés. Il a avancé sa grosse main devant papa. J’avais peur que Fulvio soit fâché que l’on parte avec Rufus. Mais quand j’ai vu son grand sourire fendu jusqu’aux oreilles et ses yeux brillants, j’ai compris qu’il était vraiment reconnaissant qu’on l’adopte. Il voulait serrer encore la main de papa et le remercier, mais il parle seulement italien. Ils se sont donc parlé avec leurs yeux et leurs mains. Il a demandé à Chiara, qui parle italien et anglais, de nous dire qu’il voulait nous inviter à manger une pizza pour nous exprimer toute sa gratitude.
Quand on est arrivés à l’auto, papa a ouvert la porte du coffre et Rufus a sauté dedans comme si c’était le paradis des chiens. Presque tous les bénévoles du refuge entouraient l’auto et nous regardaient partir en souriant. Ils prenaient des photos comme si nous étions des stars. Papa a fait démarrer le moteur. Dans l’auto, un grand silence est tombé, juste interrompu par le bruit de Rufus qui essayait de passer par-dessus le dossier du banc pour nous rejoindre à l’arrière mon frère et moi. Nous ressentions un mélange de joie et de tristesse. Nous avions quand même le cœur gros de quitter le Rifugio San Francesco où nous allions tous les samedis depuis un an et demi.
Rufus, c’est notre Cadeau du Ciel, le plus beau souvenir qu’on pouvait ramener d’Italie. Je croyais qu’il fallait avoir une petite bouille de chiot pour me faire craquer, mais Rufus m’a montré que je pouvais m’attacher à un chien plus vieux. Je l’appelle « Mon petit monsieur » et je profite maintenant tous les jours de sa bonne nature. Il ne reste plus, maintenant, qu’à lui faire découvrir notre hiver québécois!
Elizabeth Gobeil Tremblay,
Emerick (11 ans)
et Alexandre (petit frère)
Crédit photo: L. Photography