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Chercher le sens : le quotidien d’une psychologue pour enfant

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Vous défilez dans mon bureau chaque semaine. Je vous accompagne pour des motifs variés : anxiété, dépression, idéations suicidaires, trouble alimentaire et j’en passe. Vous avez 4 ans, 8 ans, 13 ans, 16 ans, peu importe, je vous rencontre et je vous écoute. C’est mon travail, je suis psychologue. Bien souvent, vous ne savez pas trop ce que c’est mon métier. Vous arrivez avec vos doutes, vos craintes, vos défenses. Pour certains, c’est une première, pour d’autres je surviens après une longue liste de professionnels rencontrés, de diagnostics émis, de médications essayées. Mes collègues vous voient, vous saluent, mais ne connaissent pas votre histoire. Vous avez l’air rieur, confiant, arrogant; pourtant, quand la porte de mon bureau se ferme, c’est toute votre souffrance qui prend la place. Plus le temps avance et plus vous êtes à l’aise. Ça prend quelques minutes pour certains, des mois pour d’autres, mais nous réussissons toujours à bâtir une relation de confiance. Je vous trouve courageux, brillant et pertinent.

 

Ce que je fais avec vous est simple et complexe à la fois : nous cherchons le sens. Chercher le sens, ça veut dire voir au-delà du symptôme. Ça veut dire que vous n’êtes pas fou, votre corps, vos comportements et vos paroles livrent le message d’un mal‑être beaucoup plus profond. Ce qui est merveilleux, c’est qu’en le trouvant, en le nommant et en le pansant, les symptômes s’atténuent, puis disparaissent. lls n’ont plus lieux d’être. Il ne s’agit pas de mauvais symptômes à dresser, contrôler ou faire disparaître, au contraire, ce sont les alliés de votre santé mentale. Vos crises de panique, d’angoisse, de rage, elles nous permettent de comprendre le sens de votre souffrance, le sous ‑texte de votre vie que vous n’arrivez pas à mettre en mots ou encore pire, qui a été mis en mots, mais ignoré et qui ressort en maux. Je ne suis pas l’experte qui vous aide, j’ai autant besoin de vous que l’inverse, car sans votre confiance et vos confidences, je ne comprends pas plus que vous ce qui vous arrive. C’est vous les experts de votre système; je possède les connaissances, vous possédez la réalité de votre quotidien et ensemble, on co-construit un espace de réflexion, d’écoute puis de changement.

 

Parfois, je me sens mal de tout ce qu’on vous demande, nous comme société. Je trouve, en effet, qu’on vous demande d’être dans la norme dès votre arrivée dans le ventre de votre mère. Ni trop gros, ni trop petit, préférablement avec le bon nombre de chromosomes. Même chose à votre arrivée au monde : il faudrait idéalement boire aux quatre heures, ne pas trop perdre de poids et le reprendre bien vite. Dormir seul à quatre mois, être propre rapidement, être sociable, bien vous intégrer à la garderie et à notre rythme de fou. Et hop, vous voilà rendu à l’école où, là aussi, il y a beaucoup de consignes et peu de place pour la différence. Apparemment, vous êtes plus royal qu’avant. Personnellement, ça ne m’inquiète pas, ça me rassure. Parce que oui, il n’y a pas si longtemps, tout le monde écoutait à l’école et personne ne remettait en question l’autorité parentale, mais pour quelle raison? Par peur? Parce que les émotions, ce n’était pas si important? Parce que la petite sœur au couvent pouvait donner un coup de règle? Je vois là le symptôme d’une génération à qui on apporte plus de soin, une génération qui nous crie nos imperfections. Je vois là une occasion de grandir, d’échanger, de nous écouter. Je vois là des enfants qui étouffent dans des cases rigides où le temps va trop vite et où la peur est au cœur des relations et des décisions. Mais s’il arrivait ceci ou cela? Mais si à l’adolescence, ça empirait? Mais si on laisse faire ça, qu’est‑ce qui arrivera ensuite? Avec nos peurs, nous perdons de vue l’essentiel : votre capacité à vous adapter et à changer si seulement on vous accueille et on vous encadre. Oui, il en faut des règles, un cadre, des limites, sans elles vous êtes perdu, sans elle vous allez trop loin et vous vous perdez de vue. C’est pour cela que la relation est importante, la réciprocité, l’échange, ce regard bienveillant qui apporte le réconfort et qui enseigne sans brimer.

 

 Merci de votre authenticité, merci de nous rappeler les failles de notre société, merci de nous faire réfléchir et grandir. J’espère que vous avez, sur votre chemin, des adultes significatifs qui croient en vous pour ce que vous êtes et non ce que vous faites : un père, une mère, un enseignant, un oncle, des grands-parents, peu importe, quelqu’un qui ne veut pas vous changer, qui prend le temps de vous écouter et de vous souligner ce qui vous rend unique. Et s’il faut aller voir un professionnel, je vous souhaite qu’il soit disponible et ouvert, qu’il vous fasse sentir bien et qu’il cherche avec vous à faire émerger votre identité dans ce qu’elle a de plus authentique. Votre potentiel est immense lorsque vous êtes bien accompagné.

 

Roxane Larocque

Faire taire les voix

Quand j’étais petite, j’adorais l’été, flâner autour de la

Quand j’étais petite, j’adorais l’été, flâner autour de la piscine, inviter des copines à la maison, manger des pop sicles jusqu’à en avoir la langue de couleur arc-en-ciel. L’été, c’est fait pour rêver, pour avoir des histoires à raconter, pour avoir des souvenirs. Quand on est enfant, l’été c’est l’insouciance, la liberté, la légèreté, comme si rien ne pouvait nous atteindre. Et pourtant…

En remontant le temps, un été m’a plus marqué que les autres ; des images se sont gravées à jamais dans ma tête, un sentiment nouveau m’a habitée, une odeur amer de tristesse et d’incompréhension est restée dans l’atmosphère et la moiteur de cet été. Un énorme nuage gris est passé sur nos vies, un nuage de colère, de douleur, d’impuissance, rempli de pourquoi et de si. C’est cet été-là que j’ai vu mon père pleurer pour la première fois, des larmes discrètes, à peine visibles, comme la rosée du matin sur les fleurs des champs. Cet homme si fort, si sûr de lui, impassible, presque froid parfois. En une fraction de seconde, tout avait basculé. Il voulait nous expliquer, mais ne trouvait pas les mots. Il était sans voix. Aucune explication ne pouvait justifier ce geste. Il venait de perdre son petit frère.

Mon oncle dormait à la maison. Mon père était allé le chercher chez lui plus tôt dans la journée. Il  avait fourré quelques affaires rapidement dans une valise: une brosse à dent, un short et une chemise. Cela ne pouvait plus continuer, il avait besoin d’aide. Même si c’était un adulte, lui‑même père de deux enfants, il n’avait plus la force ni les idées assez claires pour s’en sortir seul. Ce soirlà, pour seule explication, mon père nous avait dit que mon oncle était malade et qu’il devait rester avec nous. Pourtant, avec mes yeux d’enfant, je ne remarquais rien d’anormal. Il ne saignait pas, aucune blessure apparente. Il devait aller chez le médecin le lendemain. Peut-être qu’avec des pilules, il arriverait à calmer ses angoisses et ses terreurs, à guérir, à revivre. En attendant son rendez-vous, il ne devait pas rester seul, c’est pourquoi mon père l’avait amené chez nous. Mon père était patient avec son petit frère. Depuis leur tendre enfance, il se sentait responsable de lui, il devait le protéger, l’aimer et le chérir. Est‑ce une promesse qu’il avait faite à mon grand-père, j’en doute. C’était plutôt un lien fraternel unique entre eux deux.

Le soir venu, je lui ai proposé ma modeste chambre. Il s’est couché dans mon petit lit d’enfant, blotti et recroquevillé sous les couvertures, presque enfoui pour se cacher. Moi, je suis allée me coucher dans la pièce d’à côté, avec ma sÅ“ur cadette. Durant la nuit, nous l’avons entendu pleurer, hurler et crier comme un loup solitaire dans la forêt. La forêt qu’il aimait tant. Un long cri de douleur dans la noirceur. Il avait peur, peur des autres, de lui-même. Ce n’étaient pas des cauchemars, pour lui c’était son quotidien, sa réalité. J’ai entendu ma mère se lever sur la pointe des pieds, comme elle l’aurait fait pour nous. Il pleurait, trempé par les larmes, la sueur, transi de peur. Ils chuchotaient. Ma mère l’a bordé et est restée à son chevet le temps qu’il somnole et que sa respiration devienne plus régulière. Moi, je ne dormais pas, j’écoutais. J’ai compris qu’il était vraiment malade, un mal qu’on ne voit pas, un mal qui ne s’explique pas, un mal qu’on ne comprend pas. Un mal qui rongeait son âme, son esprit. Il avait mal dans la tête.

Au petit matin, le soleil brillait déjà bien fort, une belle journée d’été s’annonçait. J’avais hâte de mettre mon maillot de bain et de piquer une tête dans la piscine, car l’été c’est fait pour s’amuser. Nous étions tous installés en terrasse pour le déjeuner. Mon oncle est arrivé, l’air livide, les yeux cernés, fatigué de ne pas avoir bien dormi. Malgré la souffrance qui le dévorait, il nous a souri inconsciemment et s’est assis. En sirotant son café, ses gestes étaient tendus, nous le sentions stressé, inconfortable, mal à l’aise. Il ne cessait de scruter l’horizon, à la recherche d’un indice, de quelque chose, de quelqu’un. Il sursautait au moindre bruit, une voiture qui passait, un oiseau dans le ciel. Il a commencé à dire d’une voix tremblante et de plus en plus inquiet : «  Ils me cherchent, ils veulent m’attraper, ils viennent pour me prendre, ne me laissez pas aller, protégez-moi. » Mais qui ? Il n’y avait personne, que nous, encore en pyjama, marqués par les stigmates de la nuit passée. Mon oncle demandait de l’aide. Je ne pouvais pas en vouloir à mon père de passer du temps avec lui, il en avait sûrement plus besoin que moi. Ses démons le hantaient et le traquaient même en plein jour. Je me souviens de la douleur dans son regard.

Après le déjeuner, il est venu avec nous dans la piscine, sans dire un mot, sans toucher l’eau, il a sauté, comme s’il perdait pied dans le vide. Il est resté de longues secondes sous l’eau, des secondes qui me parurent une éternité. Puis il est réapparu, l’eau ruisselant sur son visage, mi‑homme, mi‑enfant, fragilisé par ce qu’il lui arrivait, mais enfin apaisé. C’est la dernière image nette et précise que j’ai de lui. Ensuite, mon père l’a conduit chez ma grand-mère qui habitait à un kilomètre de la maison. Là-bas, une de mes tantes devait le conduire à l’hôpital pour son rendez-vous. Le garderait‑on sous observation ? Resterait-il là-bas le temps de reprendre ses esprits, le temps de mettre des mots sur sa maladie ? On ne saura jamais, car il ne s’est pas rendu à ce rendez-vous.

Alors que tout le monde était à l’extérieur, prêt à monter en voiture, mon oncle s’est éclipsé, on ne sait pour quelle raison, prétextant une excuse. Peut-être qu’il savait déjà ce qu’il devait faire. Peut-être qu’en passant devant le mur, au-dessus du foyer, il a vu les fusils et tout s’est précipité dans sa tête. Des fusils de chasse bien alignés, bien rangés, comme une décoration, comme une invitation, comme une certitude pour lui. Les voix criaient dans sa tête, l’empêchaient de penser, mais lui ordonnaient d’agir. Mon oncle en a pris un, il était tellement habitué de les manier. Il aurait pu le reposer, mais par malheur, il y avait une douille à l’intérieur, une seule ! Les voix étaient sûrement incontrôlables, impénétrables dans sa tête, il a posé le canon sur sa temple et a appuyé sur la gâchette sans réfléchir, comment pouvait-il avec ce brouhaha, c’était le chaos dans son esprit. Malgré toutes les voix qu’il entendait, il ne pouvait pas mettre de mots sur sa douleur. D’un simple geste fatal, les voix ont éclaté en mille morceaux. C’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour les faire taire, pour les chasser à jamais de sa vie. Il était un chasseur aguerri qui ne ratait jamais sa cible. Il n’a plus jamais entendu de voix à partir de ce moment-là. Le silence… long et lugubre. Le silence, parfois cruel, parfois salutaire. Lui, il voulait juste faire cesser tous ces sons dans sa tête. Il ne souffrait plus.

Pour nous, ce fut une longue détonation, qui a résonné en écho dans la forêt. Les oiseaux ont volé, comme libérés de leurs cages invisibles. C’était une évidence. Mon père a toute de suite compris. Après, il y eut les sirènes, le néant, l’absence, la souffrance, une famille déchirée, qui se demandait encore parfois si on aurait pu éviter l’inévitable.

 

Gabie Demers

Il était une fois l’anxiété

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Il était une fois, dans un village éloigné, une maman qui venait de donner naissance à une magnifique petite fille. Sa maman et son papa lui avaient fait don de plusieurs qualités uniques, qui feraient d’elle plus tard une femme extraordinaire. Cependant, sans s’en douter, sa maman lui donna aussi un cadeau empoisonné qui sèmerait sur son parcours plusieurs embûches.

Même bébé, la petite Jillian n’était pas comme les autres. Tout changement dans sa routine réveillait en elle le monstre de l’anxiété. Elle refusait de boire son biberon si elle n’était pas dans un lieu connu et sécurisant. Dormir à l’extérieur de la maison était carrément impossible, et si ses parents s’y risquaient, le retour à la maison était extrêmement pénible. La petite princesse pleurait sans arrêt et elle finissait par s’endormir d’épuisement dans les bras de sa maman.

En grandissant, le monstre prit de plus en plus de place. Jillian fut confrontée à des peurs, beaucoup trop de peurs. Les crises de panique firent leur apparition. Tout pouvait les déclencher. Un chien rencontré lors d’une promenade, une mascotte lors d’un événement, un chat chez une amie, un bruit trop fort, un camion de pompier… La liste était sans fin.

C’est là que le papa et la maman décidèrent de consulter le sage du village, pour aider la petite princesse qui anticipait désormais toutes les sorties à l’extérieur de la maison. Plusieurs rencontres furent nécessaires pour aider la petite fille à affronter ses peurs. Il y eut de l’amélioration. La petite princesse se donnait des défis, de petits défis, qu’elle réussissait. Elle reprit confiance en elle.

Le monstre, qui se sentait presque vaincu, devint plus sournois. Il se mit à jouer dans la tête de la fillette. Désormais, elle n’avait plus peur de choses physiques, mais bien des trucs que le monstre laissait dans sa tête. À huit ans, elle recommença à avoir peur de se séparer de sa mère, parce qu’elle craignait qu’elle ne revienne pas. Le monstre semait une petite graine et l’imagination de Jillian faisait le reste. Elle se fabriquait des idées et anticipait toutes les sorties, qu’elles soient familiales ou seules. Des maux physiques apparurent : maux de cœur, maux de ventre, brûlures d’estomac, insomnie et crises de panique furent de retour. Tout changement à la routine familiale donnait au monstre une petite graine à semer.

Même l’école devint un endroit où la petite princesse ne se sentait plus bien. Elle s’était mis en tête qu’elle devait être plus que parfaite. Un reproche d’un professeur activait le monstre. Le reste de la journée était synonyme d’angoisse. Un soir, la petite princesse arriva à la maison en larmes, paniquée. Elle dit à sa mère qu’elle ne serait pas fière d’elle, qu’elle avait eu un très mauvais résultat. La maman paniquée demanda à voir le résultat. La petite sortit la feuille en tremblant. Lorsque sa mère vit le résultat, elle eut envie de pleurer : 90 %. La maman venait de se rendre compte que la petite princesse se mettait beaucoup trop de pression. Elle en parla avec le papa et ils décidèrent qu’il était grand temps de retourner voir le vieux sage du village.

J’aimerais vous dire que cette histoire se termine par : « La petite princesse vécut heureuse et le monstre disparut », mais ce n’est pas le cas. La petite princesse doit encore travailler très fort pour être plus forte que le monstre. Elle apprend des trucs pour l’aider. Mais le monstre est toujours là, bien caché, et il profite de chaque moment de faiblesse pour refaire surface.

Mélanie Paradis

 

Ma santé, à votre santé

Côté maladies mentales, j’ai frappé le jack pot avec m

Côté maladies mentales, j’ai frappé le jack pot avec ma parenté. J’ai grandi en me convainquant que ça ne pouvait faire autrement : j’allais un jour me faire attaquer par des bibittes mentales. Aucune surprise, c’est arrivé!

Rien de plaisant là-dedans. L’attaque de panique, la dépression majeure, l’anxiété… une souffrance. Parfois menaçante comme une hyène enragée, parfois envahissante, souvent tapie dans l’ombre et dans l’attente.

On pourrait dire que mes enfants sont aussi tombés dans la même gadoue mentale que moi. Mêmes gènes, t’sais…

Mêmes gènes, oui. Mais pas les mêmes outils. Pas les mêmes habitudes. Et ça, c’est un cadeau.

Très jeune, j’ai commencé ma quête de ressources aidantes pour me garder à flot. J’ai consulté. J’ai lu. J’ai parlé. J’ai écrit, et j’écris encore. J’ai souvent fait à ma tête, je n’ai pas toujours écouté les conseils, mais j’ai cheminé. J’ai construit mon coffre à outils, toujours prêt lorsqu’une vague de déprime ou une anxiété grimpante se pointe.

Sans développer une culpabilité exagérée, je sais que les années pendant lesquelles j’ai souffert de dépression ont eu un impact sur mes enfants, sur mes filles surtout. Elles étaient toutes petites et elles auraient eu besoin d’une maman présente dans sa tête et dans son corps. Mes garçons aussi en ont souffert. Ils sont arrivés dans ma vie après ma guérison officielle, pu de thérapie, pu de médicaments. Yes Sire! Mais guérison selon le médecin n’égale pas nécessairement guérison complète et sans séquelles. Mes garçons ont eu une maman moins énergique, plus épuisée, plus stressée que la maman que j’étais dans mes premières années. Pas facile de faire la G.O. quand tu te sens torturée.

Par contre, mes enfants grandissent aussi avec une maman qui se connaît mieux. Une maman qui sait reconnaître ses premiers signes de rechute. Qui voit aussi les drapeaux rouges lever avant que les choses s’aggravent. Et qui agit.

Mes enfants ont accès en tout temps à mon coffre à outils. J’aurais pu le cacher dans un tiroir à serrure, mais non. Il est là, accessible, ouvert. Aucune honte là-dedans.

Au fil des conversations, des partages sincères, des confidences, des actions, mes enfants apprennent à connaître les ressources dont ils pourraient avoir besoin aujourd’hui ou dans dix ans, pour prendre soin d’eux ou des autres. Pour préserver leur santé mentale ou pour la réparer.

Dans mon coffre à outils, il y a (entre autres…) :

  • des respirations profondes, qu’elles soient yogiques ou de pleine conscience ou de cohérence cardiaque;
  • de la joie, des niaiseries pour rire et pour alléger l’atmosphère, pour construire des relations solides;
  • de l’espace pour bouger, pour se défouler, pour être des enfants;
  • des moments de repos, pour une sieste ou pour des moments collés-collés;
  • du positif, beaucoup de positif, dans le choix des mots, dans le choix des interventions, dans le choix de l’énergie qui nous entoure;
  • des projets, des petits et des grands, individuels et format familial;
  • des personnes qui nous aiment et qu’on aime, qui nous comprennent même quand elles ne peuvent pas tout comprendre;
  • des professionnels compétents, qui peuvent nous orienter quand ça dérape et nous éviter de nous péter les dents sur le mur de béton;
  • de la douceur qui masse, qui caresse, qui offre un toucher sécurisant;
  • de l’honnêteté : quand ça ne va pas, ça ne sert à rien de faire semblant;
  • de l’amour inconditionnel, complice et encadrant;
  • et surtout, il y a nous. Notre famille unie. Les épaules qu’on offre à chacun pour pleurer au besoin, les bras qu’on étire pour faire des câlins sandwich et pour soutenir ceux qui se sentent plus fragiles, les oreilles qui écoutent sans jugement et les bouches qui disent « Je t’aime comme tu es ».

Avez-vous le goût de partager ce qu’il y a dans votre coffre à outils pour favoriser la santé mentale dans votre famille?

Nathalie Courcy

Ces psys qui changent des vies

Souper de famille comme tous les autres… On jase autour de la tabl

Souper de famille comme tous les autres… On jase autour de la table de choses bien ordinaires quand, tout à coup, mon 9 ans plante son regard sérieux dans le mien et déclare : « Maman, j’aime tellement ça t’écouter parler. Je trouve ça vraiment intéressant. » Décontenancée, je bredouille un genre de : « Merci, on s’en rejasera quand t’auras quatorze ans. » Ben oui, je suis plate de même.

Mais de toute façon, ma réponse avait peu d’importance. Je ne m’en doutais pas à ce moment-là, mais son affirmation avait bien peu à voir avec le récit de ma journée. Mon fils se découvrait simplement un grand intérêt pour écouter.

C’est deux semaines plus tard que je l’ai réalisé, lorsqu’il m’a annoncé qu’il s’intéressait à un nouveau métier potentiel : « Dans la BD que je lis, la fille voit un psychologue pour discuter des problèmes qu’elle a avec son diablotin. Ça me ferait un bon travail ça, non? » Tadam! Mon petit bonhomme, qui rêvait encore de devenir druide il y a deux ans, me parlait maintenant d’ouvrir un cabinet de psychologie.

Quand notre rejeton commence à se projeter dans sa vie d’adulte, ce n’est plus vraiment le temps de faire des blagues, alors je lui ai répondu avec mon cœur cette fois-ci : « Mon coco, choisir une carrière, c’est trouver de quelle façon nous souhaitons contribuer à la société. On peut aider les autres en étant mécanicien, médecin, enseignant ou chanteur d’opéra… On ne manque pas de problèmes à résoudre sur cette Terre, alors les options sont nombreuses. Mais je suis convaincue que l’écoute et l’accompagnement d’un bon psychologue peuvent changer toute une vie. Alors si ça te plaît, c’est sûr que ça te ferait un bon travail. »

Mon coco, il connaît seulement la version actuelle de sa maman, la version heureuse. Il ne connaît pas tout le chemin parcouru pour arriver à ce bonheur.

Me proposer de rencontrer une psychologue était le plus beau présent que mes parents pouvaient offrir à l’adolescente angoissée et perdue que j’étais il y a vingt ans.

J’avais tellement refoulé mes émotions que j’avais brisé le pont avec moi-même. J’ai passé mes premiers mois en thérapie à répondre : « Je ne sais pas » à la question « Qu’est-ce que ça te fait? » (Je vous laisse imaginer les longs silences malaisants des premières consultations.) Ma psy essayait de gratter la surface, mais on n’avait accès à rien. Blindée. Puis j’ai passé les mois suivants à répéter : « Mais je ne veux pas que ça me fasse ça » lorsque de petites bulles arrivaient tant bien que mal à émerger des profondeurs. Je devais apprendre à laisser mes émotions exister, leur faire une place sans les juger bonnes ou mauvaises. Et j’avais besoin de beaucoup de soutien pour y arriver parce qu’une sensation de vide insupportable grondait en dessous de tout ça.

Le type de thérapie que j’ai suivi ne visait pas à me guérir de quoi que ce soit. Tout ce dont j’avais besoin, c’était d’apprivoiser ce que je ressentais et par le fait même, découvrir qui j’étais. Sans cette connexion avec moi-même, j’avais perdu ma boussole. Mes décisions étaient fragiles et volages, s’adaptant aux désirs des autres, essayant de plaire à tout le monde (on s’entend que c’est plutôt irréaliste comme objectif). Sans accès à ma colère, je laissais mes premiers chums dépasser mes limites. Je m’engluais dans des relations toxiques. J’acceptais de reprendre une relation avec un copain que je venais juste de laisser, à l’hôpital, après sa tentative de suicide. Je me présentais à un poste de police, terrorisée par un ex qui refusait de me laisser partir. Sans entrer plus dans les détails, vous aurez compris que ma vie amoureuse était loin d’être glorieuse.

Ma destinée a pris un chemin de traverse grâce à quelques années de thérapie tombées du ciel à une période charnière de mon existence. Je m’y serais inévitablement retrouvée plus tard de toute façon, à soigner un burnout ou une dépression… parce que, comme le dit si bien ce proverbe danois : « Qui suit les avis de chacun construit sa maison de travers. » Moi, j’ai eu la chance de construire une vie qui me ressemble et qui répond à mes besoins grâce à mes deux fantastiques psychologues (je les salue affectueusement en passant). Elles m’ont appris à me traiter avec bienveillance et m’ont donné les outils nécessaires pour devenir une femme, une amoureuse et une mère plus épanouie. Et peut-être que cette écoute respectueuse que j’ai fait entrer dans nos vies, mon fils a maintenant envie de l’offrir aux autres?

Elizabeth Gobeil Tremblay

#BellCause

La maladie mentale touche tout le monde. Le slogan de la campagne an

La maladie mentale touche tout le monde. Le slogan de la campagne annuelle Bell Cause pour la cause ne peut pas mieux expliquer ce que toute la société d’aujourd’hui devrait se rappeler. En effet, qu’une personne soit atteinte d’une maladie mentale ou non, elle possède une santé mentale qui est tout aussi importante que la santé physique.

On a tendance à vouloir améliorer cette dernière, car elle est concrète et que les changements se voient facilement. Pourtant, le bien-être psychologique est la base d’une vie saine et de la motivation menant aux grands projets. Depuis presque deux ans, je travaille quotidiennement sur moi-même en analysant chaque chose que ma maladie mentale me fait vivre. Mais, le complément le plus important me permettant de rester la plus positive possible est le fait de travailler sur ma santé mentale en tant que telle.

J’ai une certaine condition. D’autres vivent avec d’autres conditions. C’est la vie. Elle peut parfois être laide, mais elle est aussi très belle, parce qu’elle nous permet d’évoluer et de nous améliorer. Chaque jour, je prends les trucs, les moyens, les mots qui me font du bien. Comprendre des choses et me les rappeler de temps en temps, ça m’aide tellement aussi. Comme le fait que les erreurs et les éléments plus négatifs ne sont pas nécessairement une défaite et qu’on a le droit de vivre chaque émotion sans se sentir mal de la vivre. Ou comme le fait de se rappeler de temps en temps que si quelque chose ne fonctionne pas pour soi, c’est peut-être parce qu’elle n’était pas faite pour soi.

Ça fait du bien de se dire de telles choses, de se sentir moins coupable de ne pas avoir le contrôle sur tout. De relativiser, surtout. De voir en dehors de la boîte, de se répéter qu’il y a plus grand que nous. Qu’il y a chaque seconde de belles choses qui se passent dans le monde, tout comme de moins belles. Mais qu’on doit tout faire en son possible pour apporter plus de beau dans sa vie et autour de soi aussi. Qu’on doit se respecter et se permettre de s’accepter, de ressentir, de s’écouter.

 

Marie-Claudel Bolduc

Chanter, ça fait du bien!

J’ai toujours aimé chanter. Déjà toute petite, j’attirais lâ€

J’ai toujours aimé chanter. Déjà toute petite, j’attirais l’attention de ma famille et je leur demandais de m’écouter chanter. À la maternelle, j’adorais le moment où l’on devait apprendre une nouvelle chanson.

Je me rappelle qu’à l’adolescence, lorsque j’attendais l’autobus, je m’improvisais chanteuse et je chantais à tue-tête dans l’abribus. Je trouvais que ça sonnait bien! Je l’ai même fait à quelques reprises à l’âge adulte. Hi! Hi! Hi!

Oui. Ça m’est aussi arrivé de faire quelques fausses notes dans la doucheeeeeeeee!

Plus tard, dans mon rôle d’éducatrice, j’ai pu continuer d’exercer ma voix à différents moments de la journée. Je chantais pour animer les moments de routine, je chantais lors de la sieste. Mes collègues venaient me voir pour retrouver un air de chanson ou pour des paroles oubliées.

Je trouve cela très libérateur de pouvoir s’exprimer en chantant. Chanter tout bas, en chuchotant quelques phrases en anglais, pas toujours avec les bons mots, mais bon! Chanter sa toune préférée lors d’une peine d’amour, la faire jouer en boucle, encore et encore. Chanter fort lorsque la colère gronde. Chanter à tue-tête lorsqu’on est heureux.

Que de beaux moments j’ai passés dans ma voiture, le volume dans le tapis. Et parfois, pour ne plus entendre mes enfants chialer, je montais le son. Ils arrêtaient immédiatement. Le message était clair, c’était la fin du chialage.

Parfois, je me fais surprendre par mes adolescents, les écouteurs sur les oreilles, la musique à fond et moi qui chante comme une déchaînée. Pour faire la vaisselle, c’est un bon stimulant.

Lorsqu’ils étaient bébés, je chantais pour qu’ils se calment. La douce voix d’une maman ou d’un papa est bénéfique pour l’enfant. Cela le rassure, le sécurise.

J’aurais aussi pu m’inscrire dans une chorale, suivre des cours de chants, mais je n’ai jamais osé! Chanter avec des adultes pour des adultes, ouf! Beaucoup trop d’anxiété à gérer.

Puis un beau jour, lors d’une thérapie de groupe, on m’a proposé de participer à une activité de rétablissement par le chant. Lorsqu’on m’a parlé de ce type d’activité, j’ai embarqué sans me poser de question. Le moment était venu de foncer et d’oser.

J’allais pouvoir chanter dans une chorale et côtoyer des gens qui, tout comme moi, ont eu à traverser des problèmes de santé mentale. J’ai osé! Jamais je n’aurais fait de démarche en ce sens auparavant. J’avais trop peur du jugement des autres. Mais là! Les autres étaient tous comme moi.

Pendant six mois, deux fois par semaine pour un total de six heures, je me rendais à la salle de pratique avec enthousiasme. Ce temps passé à chanter, à rire, me faisait un bien énorme.   Pendant six heures, j’étais une chanteuse et non pas une femme de 51 ans avec un trouble d’anxiété généralisée et en dépression. (Je vais très bien maintenant.)

J’ai eu droit à une chanson écrite par mon professeur sur le thème OSER. Il m’a proposé de chanter en solo lors du spectacle de fin d’année. Oser chanter devant des centaines de personnes était tout un défi. Et je l’ai fait. J’ai tripé fort! Nous avons même enregistré un CD.

Mon estime de moi a grandi, j’ai repris confiance en moi et en mes capacités. Je n’ai presque plus peur du jugement des autres (c’est un travail à vie!) En fin de compte, j’ai de l’oreille et je chante juste. Mon groupe et moi sommes allés chanter pour des gens dans les CHSLD de la Montérégie. Une façon de redonner au suivant. J’ai adoré mon expérience.

Cela fait maintenant six mois que ma participation à la chorale est terminée. Mais je n’ai pas arrêté de chanter pour autant. C’est maintenant au tour d’autres personnes de bénéficier de cette activité. Une belle façon de briser l’isolement et de faire taire les préjugés face à la santé mentale.

Cette activité de rétablissement a été organisée, planifiée, pensée par Serge Vincent Raymond, auteur, compositeur et interprète. Depuis plus de dix ans, il s’est associé au CSSS de la Montérégie pour offrir aux personnes ayant à traverser des problèmes de santé mentale cette thérapie de rétablissement par le chant. Il a aussi créé l’association Ces Voix oubliées. 

Chanter pour votre santé, c’est super pour votre bien-être!

Line Ferraro

Premiers soins en santé mentale : ça aussi, ça sauve des vies!

Depuis l’adolescence, je me fais un devoir de renouveler réguliè

Depuis l’adolescence, je me fais un devoir de renouveler régulièrement ma certification en premiers soins. Une personne s’étouffe? Je sais quoi faire. Un enfant se casse un bras? Je sais quoi faire. Je me coupe un doigt? Je sais quoi faire. Ben oui, je suis gaffeuse… il faut aussi savoir s’occuper de soi! C’est le bon vieux principe de l’avion : toujours mettre son masque à oxygène en premier si on veut pouvoir aider les autres sans tomber dans les pommes.

Mais cette fois-ci, c’est la formation en premiers soins en santé mentale que j’ai suivie. Parce que mine de rien, des personnes déprimées, anxieuses, droguées ou en épisode psychotique, on en rencontre au travail, dans notre voisinage, à l’épicerie, dans notre famille. Et qu’est-ce qu’on fait quand on se retrouve nez à nez avec une personne suicidaire? On fige? On lui dit : « Ben non, pends-toi pas, ça va faire mal… »? Et si notre enfant est plongé dans une crise de panique? Ou que notre ado revient à quatre pattes d’une soirée trop arrosée avec l’œil comateux? On attend que ça passe en s’exclamant : « OMG! OMG! OMG!!! »? Pas super efficace.

Ces situations peuvent nous arriver, peu importe notre milieu socioéconomique, notre âge, notre travail et notre éducation. Et la personne qui souffre peut être un inconnu qui a besoin d’aide pour se calmer ou pour trouver la force de vivre, mais ça peut aussi être notre grand-maman, notre frère, notre conjoint ou notre enfant. Vous êtes d’accord avec moi pour dire qu’il faut savoir intervenir, n’est-ce pas? La formation en premiers soins en santé mentale, c’est à ça qu’elle sert : donner des outils concrets au secouriste pour qu’il puisse reconnaître les signes d’une dérape mentale et intervenir efficacement jusqu’à ce que la personne soit prise en charge par le personnel compétent, que ce soit les policiers, les intervenants sociaux ou le personnel paramédical ou hospitalier.

Comme c’est le cas pour les cours de secourisme traditionnels, on apprend à réagir dans des situations d’urgence tout en préservant sa propre sécurité. Si vous avez déjà suivi un cours de premiers soins physiques, vous vous souvenez certainement de l’ABC de l’examen primaire : vérifier si la personne respire (Airways), donner des insufflations (Breathing) et vérifier le pouls (Circulation). Ça sonne une cloche? Un acronyme similaire existe pour les interventions d’urgence en santé mentale : AÉRIE.
Analyser le risque de suicide ou de blessure
Écouter sans porter de jugement
Rassurer et donner de l’information
Inciter la personne à obtenir de l’aide professionnelle
Encourager la recherche de soutien supplémentaire

Le but n’est évidemment pas de jouer au psychanalyste avec la personne qui souffre, de la même façon qu’un secouriste traditionnel ne pratiquera pas une chirurgie à cœur ouvert. En intervenant calmement et de façon sécuritaire, on peut toutefois sauver la vie d’une personne suicidaire ou intoxiquée; on peut éviter ou limiter les blessures qui pourraient être infligées à d’autres personnes; et surtout, on peut aider la personne en crise à obtenir les soins professionnels et le soutien communautaire nécessaire pour qu’elle retrouve la santé mentale. Tout un contrat! Mais aussi, tout un accomplissement!

Le cours de base dure deux jours et est dispensé en français et en anglais par la Commission de la santé mentale du Canada. Des vidéos, des exercices pratiques et des discussions rendent ces douze heures interactives et permettent un apprentissage efficace. D’autres formations plus spécifiques sont aussi offertes, par exemple pour intervenir auprès des aînés, des jeunes ou des Premières Nations. https://www.mentalhealthcommission.ca/Francais/focus-areas/premier-soins-en-sante-mentale

 

Nathalie Courcy

Comment ça va, vraiment?

Le 9 septembre, la grande Mascarade à Rideau Hall a regroupé des

Le 9 septembre, la grande Mascarade à Rideau Hall a regroupé des centaines d’intervenants du domaine de la santé mentale et de personnes du public qui ont été invitées à retirer leur masque, leur honte face à la maladie mentale. La liste des organismes présents se trouve sur http://www.gg.ca/document.aspx?id=16950&lan=eng.

10 septembre : 15e journée de prévention du suicide :

Ouf! On en parle, de plus en plus. On ose! On cherche des solutions à cette maladie potentiellement mortelle.

1 Canadien sur 5 souffrira de maladie mentale à un moment de sa vie. On commence à connaître cette statistique. On comprend ce qu’elle veut dire : dans une classe de 30 élèves, 6 seront touchés directement comme enfants, adolescents ou adultes. Dans une équipe de 15 personnes au travail, 3 souffriront, en silence peut-être. Le gestionnaire, l’enseignant, le directeur, l’enfant sage de la classe : personne n’est à l’abri. Vous n’êtes pas à l’abri. Moi non plus.

Ce que la statistique ne dit pas, c’est que pour chaque personne qui souffre de maladie mentale, plusieurs personnes autour d’elle souffrent aussi, se questionnent, se sentent confrontées. Un parent qui perçoit l’anxiété de son enfant à travers ses maux de ventre et ses nausées a de la peine et se sent impuissant. Un frère qui subit les crises violentes de sa sœur a peur, a mal. Un enfant qu’un parent ne peut plus nourrir et cajoler parce que la dépression a attaqué développe à son tour de l’insécurité, de l’incompréhension : « Pourquoi maman ne me raconte plus d’histoires de dodo comme avant? Pourquoi elle reste dans sa chambre? » Donc si on refait le calcul, ce n’est plus 1 personne sur 5 qui est touchée par la maladie mentale, c’est plutôt 5 Canadiens sur 5. Tout. Le. Monde. Vous, moi, le voisin, votre patron, nos enfants. Ça change la perspective, n’est-ce pas?

Personne n’est à l’abri de la maladie mentale, on s’entend là-dessus. Il y a bien sûr des facteurs génétiques, environnementaux, socioéconomiques qui augmentent les risques. Il y a bien sûr des événements de la vie qui peuvent nous faire plonger : les drogues, une perte d’emploi, un deuil… Mais on peut s’outiller pour se construire un abri au cas où l’ouragan passerait.

Un truc : quand vous demandez à quelqu’un « Comment ça va? », demandez-le vraiment. À la caisse d’épicerie, ce n’est peut-être pas le temps d’amorcer une discussion intense sur les questionnements existentiels. Mais ça n’empêche pas de vraiment s’intéresser à la personne, de lui sourire avec compassion, de lui faire un compliment. Le collègue qui s’isole alors qu’il était hop-la-vie ou le jeune qui délaisse ses amis ou perd l’appétit aurait peut-être besoin d’une petite tape sur l’épaule, d’une oreille attentive, d’un coup de pouce pour trouver la bonne source d’aide.

Un autre truc : prenez le temps de vous demander « Comment ça va? ». Une vraie conversation avec vous-même pour savoir si votre sourire en public sonne faux, si vous avez des projets et des amis qui vous donnent le goût de vivre, si vous avez changé dernièrement sans trop vous en rendre compte.

L’autre truc, c’est de parler, d’écrire, d’écouter, de s’informer. Et d’accepter qu’on traverse peut-être un bout difficile et qu’on a besoin d’aide.

Nous, on vous aime! Et on vous aime en vie et en bonne santé mentale!

Pour aider une personne qui pense au suicide : 1-866-APPELLE (277-3553)

Association québécoise pour la prévention du suicide : http://www.aqps.info/

Prévenir le suicide (gouvernement du Québec) : http://sante.gouv.qc.ca/conseils-et-prevention/prevenir-le-suicide/

Document La mortalité par suicide au Québec : http://www.aqps.info/media/documents/Portrait_statistique2016_suicide_Quebec_INSPQ.pdf

Comprendre la santé mentale (gouvernement du Québec) : http://www.sante.gouv.qc.ca/dossiers/dossier-sante-mentale/

Nathalie Courcy

 

Pas de panique !

Ça faisait sept ans. Sept années sans être attaquée par la paniq

Ça faisait sept ans. Sept années sans être attaquée par la panique. B’ah ! Du stress, de la nervosité, de la misère à me concentrer, l’impression d’être une poule pas de tête et d’en perdre la tête, ça, oui ! Malgré les afuuu afuuu et les anxiolytiques. Mais pas de véritable crise de panique. Et là, la semaine dernière, c’est arrivé.

Milieu d’une journée où les choses ne vont pas tout à fait comme prévu, mais où tout est réchappé malgré tout. Milieu d’une semaine où les heures supplémentaires et les réveils tôt se multiplient. Milieu d’un mois où les défis et les questionnements sont monnaie courante et me font courir partout. Bref, je suis au milieu d’une tornade que je pense assez bien contrôler.

Puis, ce midi-là, je commence à avoir de la difficulté à focaliser mon attention sur mon travail. Je me sens plus agitée par en dedans et en dehors. Je ne tiens pas plus en place qu’un enfant de quatre ans qui attend l’arrivée du Père Noël après avoir ingurgité trois chocolats chauds aux guimauves. Je me mets à genoux sur ma chaise, puis en indien. Je me lève, je fais quelques pas, je reviens. Qu’est-ce que je fais là ? J’ai du travail à faire, moi !

Je m’assois. J’observe mon ordinateur comme s’il allait me dire quoi faire.

– Allez ! Mets tes doigts sur les touches du clavier et pitonne !

– Hein ? Quelles touches ? Quel clavier ? Pourquoi faire ?

– Déguédine ! Tu perds ton temps ! Tu le sais que tu n’as pas de temps à perdre.

– Inquiète-toi pas, je le sais ! Tout le monde va attendre après moi si je ne me réveille pas. Mais je ne suis pas capable.

– Pas capable de quoi ? Tu as les deux yeux grands ouverts !

– Oui, mais je ne me souviens même pas de ce qu’il faut que je regarde… Tu as vu ? Mes yeux bougent tout seuls !

Pas d’inquiétude, je ne parle pas vraiment à mon ordinateur. Bon, parfois, mais lui, il ne me répond jamais. Quand même, ça donne une idée de l’état dans lequel je me trouve à ce moment. Incapable de me déposer.

Ma collègue arrive. S’assoit près de moi.

– Je ne sais pas ce que j’ai, ça fait une heure que je tourne en rond, pas capable de me calmer le pompon.

Elle sait que quand je suis dans cet état-là, le mieux, c’est que je parte me promener quelques minutes. Mais je m’obstine (avec moi-même). Non, j’ai du travail à faire. Tout de suite. Et plus je m’obstine, et moins je suis capable de le faire. J’ai une rubber ball dans la cervelle et une pile branchée sur le 400 volts à la place du cœur.

Cinq minutes plus tard :

– Ok, ça n’a pas de sens mon affaire, remplace-moi s’il te plaît. Je ne suis bonne à rien anyway quand je suis dans cet état-là. Je ne me souviens même plus comment je m’appelle (oui, j’ai une légère tendance à l’exagération… l’autodérision me permet de réduire l’impact de la panique que je commence à identifier).

Et je sors de l’édifice. J’ai la présence d’esprit d’apporter ma bouteille d’eau (essentielle pour que les connexions de mon cerveau parti en vrille se refassent), mon cellulaire (bien pratique pour appeler une collègue si je me perds dans les dédales de ma panique ou de la ville) et mes lunettes de soleil (que j’ai beaucoup appréciées quand je me suis mise à brailler comme un âne pris dans une clôture barbelée. Électrifiée.)

Je marche, je marche. En ligne droite, parce que j’ai trop peur de me perdre. Déjà que je n’ai pas de GPS intégré (ça ne venait pas avec le modèle de base quand on naissait en 1977), je ne vois rien à travers mes larmes et je ne peux mémoriser aucun repère pour m’aider à me situer. Je m’enfonce dans la ville alors que mon instinct aurait dû me mener vers un parc ou une rivière, où je me serais sentie plus en sécurité. Mais ça, j’y ai pensé après seulement. Je marche, et je braille, et j’essuie mes larmes en me sentant jugée par les inconnus qui marchent aussi. Dans le fond, ils ne me remarquent même pas. Tant que je marche. Si je m’effondre, si je me roule en boule sur le trottoir, ils s’enfargeront dans mon corps et appelleront le 911. Je ne veux pas. Alors je marche.

Mais plus je marche, plus je panique de ne pas être capable de mettre un stop à ma panique. J’essaie de visualiser du beau et du bon, je ne vois que du laid et du mauvais. J’essaie de ralentir mon souffle, d’approfondir ma respiration ; j’hyperventile. J’imagine tout ce CO2 qui est fait prisonnier dans mes poumons et je panique encore plus. J’empoisonne mon corps à force de paniquer.

Mon esprit est encore juste assez présent pour former un plan de secours.

1- Continuer à essayer de me calmer par moi-même jusqu’au prochain coin de rue.

2 a- Si ça fonctionne, continuer à marcher jusqu’à ce que je sois calmée à 50 %, puis revenir vers le bureau pour continuer mon travail (ah ! Non ! J’ai dit « travail »… afuuu afuuu !)

2 b- Si ça ne fonctionne pas, virer de bord, appeler ma collègue ou ma superviseure et leur demander de venir me chercher. Au bureau, on pourra trouver une salle fermée où je pourrai reprendre mes sens, méditer et mettre de la musique. J’ai besoin de ne penser à rien.

3- Si je m’effondre sous la pression ou le manque d’oxygène, il y a toujours l’ambulance. Mais vraiment ? Je partirais en ambulance juste pour une attaque de panique ? Juste parce que je ne suis pas capable de gérer mon stress ? Non mais… on se calme ! (Ben non, justement. Je ne suis pas capable de me calmer !)

Le coin de rue arrive et j’hyperventile toujours autant, je me déshydrate à force de pleurer. C’est le méchant qui sort, faut croire. Et là, au coin de la rue, j’aperçois une table avec des livres. Je tourne à droite et je passe une porte. S’il y a des livres, c’est qu’il y a des gens qui aiment les livres. Je me retrouve dans une librairie (ça aurait pu être l’antre d’un dragon lecteur, je serais entrée quand même. Comme un enfant poursuivi par un kidnappeur qui s’engouffre dans la première maison qu’il croise). Et là, pour la première fois depuis près de deux heures, je me sens un peu en sécurité. Une mini brise d’apaisement m’effleure. Je me dis que je peux rester ici en silence, sans me justifier, le temps de me calmer. Le temps de retrouver assez de morceaux de casse-tête de ma personne pour me reconstruire suffisamment. Le travail attendra.

Quand je suis retournée au bureau, j’ai rassuré ma collègue, j’ai mis mes écouteurs et je suis restée dans ma bulle jusqu’à ce que je me sente moi-même. Le travail m’avait attendue, sagement, mais le surplus de stress s’était évaporé. J’ai parlé de mon moment de souffrance intérieure et physique (oui, une crise de panique, c’est souffrant pour le corps) à mes collègues, à mes superviseurs. Je n’ai pas été jugée. Je veux qu’ils comprennent ce qui m’arrive même si ça peut prendre sept autres années avant que la panique s’invite une autre fois. Je veux qu’ils comprennent que ça peut arriver à n’importe qui. Et je veux surtout qu’ils sachent agir quand ça arrive, à eux ou à d’autres.

Note à moi-même : Tu as de quoi être fière d’avoir su identifier l’attaque de panique même en pleine souffrance. Sois fière de l’avoir gérée et d’avoir trouvé tes moyens pour te calmer. Mais la prochaine fois, demande plus d’aide, plus vite. Ça pourrait t’éviter de te sentir aussi mal.

 

Nathalie Courcy

Papa! M’as-tu déjà laissée être ta petite fille?

Papa,

Dans ma tête de petite f

Papa,

Dans ma tête de petite fille, l’amour d’un père pour sa fille, c’est grandiose. Comme dans les contes de fées, j’ai souvent rêvé d’être ta petite princesse. D’être la prunelle de tes yeux. D’être une de tes raisons de vivre.

Malheureusement, la réalité est tout autre dans notre cas. Plus j’étais invisible à tes yeux, plus je voulais que tu m’aimes. Dans mes plus lointains souvenirs, j’ai toujours cherché à te plaire. Je cherchais tant la fierté dans tes yeux que ça m’angoissait… Comme je ne suis jamais arrivée à te plaire, le sentiment d’échec s’est vite montré le bout du nez. Je ne me sentais jamais à ta hauteur… Et pourtant!

Je n’étais jamais assez… Sais-tu à quel point c’est épuisant? L’anxiété a débuté à ce moment, je n’avais pas dix ans.

Je ne te sentais pas heureux. Heureux d’être mon papa, heureux d’être là. Les seuls sourires allaient à ma mère ou à la visite. Avec moi, c’était l’hiver.

La culpabilité, je l’ai portée sur mon dos d’adolescente. La peur de tes reproches me rendait grise et terne. La vie était une suite de « Qu’est-ce que j’ai encore fait pour te mettre dans cet état? »

Malgré tout? Je t’ai aimé. J’avais tant espoir que tu voies cet amour dans mes yeux et que ça te touche… J’attends encore…

Je n’ai jamais réussi à te comprendre. À comprendre ton comportement. Un jour, tu dépensais comme un fou, tu avais les plus hautes ambitions… Le lendemain, tu ne voulais pas te lever et tu ne voulais plus rien savoir de personne. Je n’ai jamais compris non plus tes tentatives de suicide. La vie est si belle. Elle aurait pu être si belle…

Tu sais papa, l’amour paternel, je l’ai cherché tellement longtemps que je n’ai jamais pris ce temps pour m’apprécier. Pour construire ma confiance en moi. Si mon papa ne m’aime pas, pourquoi les autres m’aimeraient? Mes histoires d’amour en ont souffert terriblement…

Plus je grandissais, plus je voyais que ma maman aussi était malheureuse. Plus je grandissais, plus tu devenais contrôlant. Tu n’avais d’yeux que pour elle… tellement… trop… Je te mentais pour que maman ait un peu d’air. En vingt ans, tu lui as pris tout celui qu’elle avait. Ma mère, si douce, devait s’en aller. Encore dans la fleur de l’âge, elle aurait tout le temps de refaire sa vie et de vivre enfin le vrai bonheur.

Un an après le divorce, tu m’as amenée au restaurant. Juste toi et moi. Si tu savais comment mon cœur battait la chamaille… Peut-être que la vie nous donnait enfin une chance! Je me suis mise toute belle. Je voulais être enfin ta petite princesse malgré mes dix-huit ans.

Ce soir-là, ce fut la dernière fois que je t’ai vu. Je ressemblais trop à ma mère, m’as‑tu dit, alors tu n’étais plus capable de me regarder. Pour toi, c’était trop pénible. J’étais trop pénible! Le cœur en miettes, j’ai réalisé à ce moment-là que tu ne ferais plus jamais partie de ma vie. Que je devrais vivre avec ton départ sans vraiment comprendre ce que j’avais fait pour mériter tout ça.

Les années ont passé et j’ai su que tu avais été diagnostiqué bipolaire. Ça a tellement de sens… Ça fait tellement de bien! Je peux enfin enlever tout ce fardeau de mes épaules. Je peux enfin commencer à vivre. Je n’avais rien à voir avec ton mal-être. Je peux enfin me reconstruire et apprendre à me connaître.

Je suis maintenant mariée à un homme formidable. Je l’ai choisi, car je savais pertinemment qu’il ne serait jamais le père que tu as été. Ma fille aura son roi. Ma fille ne manquera jamais d’amour. Compte sur moi, j’y veillerai.

Papa, je te souhaite de trouver la paix qui te permettra d’avancer. Nous la méritons tous.

Bonne route!

Alexandra Loiselle