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Mon corps d’enfant – Texte : Marina Desrosiers

Je n’ai pas réussi à te faire bander. Tu me l’as reproché. Tu m’as boudée parce que je

Je n’ai pas réussi à te faire bander. Tu me l’as reproché.

Tu m’as boudée parce que je n’étais pas assez excitante.

Pourtant, j’ai essayé! Je voyais le cadeau que tu m’avais promis me glisser entre les doigts, alors que toi, tu voulais que ce soit ton pénis qui y glisse. J’ai pleuré. Pas de honte, pas de rage. De déception. J’étais déçue de moi, de mon échec. J’étais déçue de toi, de ta trahison. Tu m’avais promis que si je me mettais toute nue, que je te laissais me pénétrer, tu me donnerais ton plus gros toutou. Le jaune, presque aussi grand que moi.

J’ai couru à l’étage. Maman, maman, mon frère ne veut pas me donner son toutou, il m’avait dit qu’il me le donnerait!

J’ai dû révéler la condition. Tu voulais éjaculer. Et ça n’a pas fonctionné.

Un corps d’enfant de huit ans ne t’avait pas excité. Peut-être aussi que la peur de te faire pogner les culottes baissées avait refroidi tes ardeurs.

Tu t’es fait prendre quand même, parce que j’ai crié à l’injustice. Pas celle de l’abus, mais celle de la promesse non tenue. Tu as dû t’excuser, notre autre frère aussi. Parce que tu n’étais pas seul, on exigeait de moi des deux côtés. J’étais la petite sœur de service.

Vous avez demandé pardon, merci, bonsoir. Fin de l’histoire.

Jusqu’à ce que mon adolescence se réveille et que mes cellules se souviennent.

J’avais été touchée illégalement, sans mon consentement (on ne peut pas dire oui au sexe à cet âge et encore pendant de nombreuses années). Le pardon avait été demandé à la va-vite, comme le sexe que vous aviez essayé d’avoir à quelques reprises.

Plus tard, quand j’ai révélé ces abus, mon malaise, mon mal-être, on m’a accueillie à bras ouverts ou à cœur fermé, selon la confidente. On m’a comprise et écoutée. On m’a aussi jugée. « Arrête d’en faire tout un plat, ils étaient jeunes et remplis d’hormones, ils avaient besoin d’expérimenter. Tu étais là, c’est tout. »

Je cite ici une enseignante de formation personnelle et sociale qui enseignait la sexualité dans une école de filles. C’est bien ce qu’elle m’avait répondu.

En gros, farme ta gueule.

J’avais été choquée, blessée, mais je ne l’avais pas crue. Moi, je savais qu’ils m’avaient salie avec leurs hormones dans le tapis. Sperme ou pas, c’était dégueulasse. Point.

Dans le temps, on ne dénonçait ni les abuseurs ni ceux qui camouflaient. On endurait. Peu ont su la vérité, mais j’ai bien dû la révéler à des hommes qui me trouvaient crispée.

J’aurais aimé que le pardon soit suivi d’une réelle réparation. Sous quelle forme, je ne sais pas. Je portais encore des robes roses à dentelle, c’est jeune pour prendre une si grande décision. Mais j’aurais voulu ne pas devoir me battre à l’âge adulte pour que les abuseurs admettent leurs gestes à la femme que j’étais devenue.

« T’es folle, t’inventes des histoires, t’es juste bonne pour l’asile! »

C’est ce qu’un des coupables m’avait répondu. Plus d’une fois. L’autre s’était excusé, sincèrement. Mais de grâce, qu’on enterre ce sujet pour de bon, qu’on l’incinère, qu’on le jette aux oubliettes! La force du tabou, même quand on ose dire.

J’ai fini par recevoir une demande de pardon, maladroite, insuffisante, mais quand même mieux que rien. Une excuse pour le geste, pas pour les séquelles, qu’il ne connaît pas, puisqu’il ne m’a pas écoutée. On n’écoute pas les folles, après tout.

En passant, au cas où l’étymologie vous intéresse, le mot « inceste » vient du latin et signifiait « sacrilège », profanation du sacré.

Le corps d’un enfant, fille ou garçon, est sacré. Sacrez-lui la paix. Respectez-le.

Marina Desrosiers

Mes parents volés — Texte : Nathalie Courcy

Papa ? Maman ? Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

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Papa ? Maman ? Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

D’habitude, j’aime ça les autos de police et les ambulances, je trouve ça cool… mais là, il y en a partout devant la maison. Je ne comprends pas ! Les gyrophares sont allumés, il y a trop de bruits partout. Plein de gens en uniforme qui entrent et sortent sans arrêt de la maison. Et vous, vous êtes où ?

Papa, je t’ai vu sortir de la maison tantôt… Tu avais les mains derrière le dos. La tête penchée. Cachée dans quelque chose qui ressemble à de la honte. J’ai aperçu tes yeux sortis des orbites, mi-enragés et mi-affolés. Tu avais peur de quoi ? De toi ?

Maman, je t’ai vue sortir de la maison tantôt… Tu étais couchée sur un genre de lit avec des roues. Tu étais escortée par deux personnes en uniforme, comme une princesse. C’est peut-être pour ça qu’une lueur blanche te survolait. Mais maman, tu me dis toujours de ne pas mettre mes couvertures sur ma tête, tu as peur que ça m’empêche de respirer. Des draps blancs te recouvraient des pieds à la tête. Je voyais juste tes doigts dépasser, figés dans le temps. Qu’est‑ce qui va t’arriver si tu arrêtes de respirer ? Qu’est-ce qui va m’arriver, à moi ? Maman ? Tes protecteurs m’ont empêché de m’approcher de toi même si je leur ai crié que je voulais juste enlever le drap de ton visage. Ils ne le savaient pas, eux, que tu étais en danger.

Papa, maman, je suis tellement habitué d’entendre vos cris, vos insultes, les assiettes se casser sur les murs. Je suis tellement habitué de me cacher derrière le divan pour ne pas voir le couteau pointé et le fusil prêt à tirer. Je suis tellement habitué d’avoir peur… mais là, j’ai peur de ne plus vous revoir. Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

J’ai vu le noir de la rage sur un visage et le blanc de l’effroi sur l’autre. J’ai vu du rouge sur les murs, sur le tapis, sur ta robe, maman. Et sur tes mains, papa. J’ai vu la couleur de mon vomi qui sortait en jet tellement mon corps a accusé le choc durement. Ne me chicanez pas, je n’ai pas pu me retenir. Toi non plus, papa, mais ce n’est pas pareil. Je vais ramasser et tout nettoyer. Je vais même ramasser vos éclats de verre, à défaut de pouvoir ramasser vos éclats de voix. Et ton crâne éclaté, maman.

Papa, maman, il y a une dame ici. Elle dit qu’elle me veut du bien. Elle veut m’amener ailleurs, mais je ne veux pas. Vous m’avez toujours dit de ne pas parler aux inconnus et surtout de ne pas les suivre. Alors je ne parlerai pas tant que vous ne serez pas revenus, et je ne la suivrai pas. Jamais. Nulle part. Ils ne sauront rien de moi tant qu’ils ne vous ramèneront pas.

La madame m’a apporté un toutou, vous imaginez ? Comme si elle n’était pas au courant que tous les kidnappeurs ont des bonbons et des toutous pour attirer les enfants. Je ne me ferai pas prendre par ses ruses. Je vais me cacher, comme vous me l’avez appris et s’il le faut, je vais me sauver. Déjà que des gens vous ont volés, ils ne me voleront pas. Je serai le fort familial et je vous attendrai ici. Jusqu’à ce que vous reveniez. Vous ne pouvez pas m’abandonner, n’est-ce pas ? Je suis votre enfant, après tout. Vous êtes mes seuls parents, j’ai besoin de vous. Où êtes-vous ?

Je vois des rubans jaunes partout. Je ne sais pas lire, mais les lettres noires sur les rubans racontent un cauchemar d’enfant, j’en suis sûr. À côté de toute cette action autour de la maison, vos chicanes de couple, comme vous les appeliez, étaient presque tranquilles. Presque sécurisantes. Ou peut-être pas ? Au moins, je savais à quoi m’attendre. Ça criait, ça frappait, ça pleurait, puis ça se calmait, ça s’excusait et ça m’envoyait dans ma chambre plus tôt que d’habitude. Toute la nuit, je vous entendais respirer, c’était rassurant. Je savais que vous étiez là. Et au matin, il y avait des fleurs sur la table. Si je pars de la maison, je ne verrai pas papa déposer le bouquet de fleurs, et je ne verrai pas si maman a pu dissimuler tous ses bleus et toutes ses plaies. Peut-être que tu ne pourras pas sortir de la maison pour longtemps, hein? Papa m’a déjà expliqué que les voisins pourraient jaser, s’ils voyaient ta peau arc-en-ciel.

Papa, maman, mamie et papi viennent d’arriver. Je les vois par la fenêtre, mais je ne vous vois pas, vous. Ça m’inquiète : l’ambulance est partie, mais il y a encore plein d’autos de police. Je ne sais pas où ils vous ont amenés. Je ne sais pas pourquoi ils vous ont amenés. Loin de moi. Et j’ai peur qu’ils amènent aussi papi et mamie. La dame me dit qu’ils sont là pour moi. Mais vous, vous êtes où ?

Je vais aller dormir chez papi et mamie pour la nuit. Je reviendrai demain pour ne pas vous inquiéter. Je suis allé les rejoindre devant la maison, ils ne voulaient pas entrer. Je pense qu’ils avaient peur que le ménage ne soit pas fait. C’est vrai qu’avec tout ce rouge, le plancher n’est pas très invitant. La dame m’a pris dans ses bras pour me sortir de la maison, je n’ai pas eu à marcher dans les flaques rouges ni à ramasser mon vomi. J’espère qu’elle tiendra sa promesse et qu’elle le nettoiera. Sinon, papa, tu seras en colère contre moi. Je n’aime pas quand tu te fâches contre moi. Mais j’aime encore moins quand tu te fâches contre maman. Je n’aime pas l’entendre pleurer toute la nuit et toute la journée. Toi papa, tu ne le sais pas, parce qu’elle se tait dès qu’elle entend tes pas dans la maison. Je pense qu’elle ne veut pas que tu t’inquiètes pour elle. Elle sait que tu l’aimes, tu le lui répètes tellement souvent ! Sinon, pourquoi tu voudrais toujours savoir où elle va et avec qui ? Tu la veux pour toi tout seul parce qu’elle est comme ton trésor le plus précieux, c’est ça? Elle est si belle, ma maman ! Tu ne veux pas la partager, tu ne voudrais pas qu’on te la vole.

Mais papa, moi non plus, je ne voulais pas que tu me la voles. Dans quelques années, je comprendrai que toi, tu as volé ma mère, ma seule maman, ma maman que j’aimais tant. Dans quelques années, j’entendrai des discussions murmurées, je surprendrai des regards de pitié. On m’expliquera ce qui s’est passé ce jour-là. Je comprendrai que toi, tu as été amené dans un endroit pour les voleurs de mamans. Je lirai dans les nouvelles des mots que j’aurais voulu ne jamais lire à propos de toi, à propos de ma maman. Meurtrier, assassin, violence conjugale, tuée, poignardée à plusieurs reprises, laisse derrière elle un enfant orphelin. Prison à vie. Prison pour qui ?

Papa, tu m’as volé ma maman, mais tu m’as aussi volé mes parents. Avais-tu pensé que toi aussi, tu disparaîtrais de ma vie en faisant disparaître la vie de ma maman? Moi, j’étais trop petit pour comprendre ce qui se passait. Mais les gens en uniforme, le voisin qui a alerté la police, la dame qui m’a apporté le toutou, eux, ils le comprenaient. Je pense même que papi et mamie l’avaient compris depuis longtemps, mais ils n’ont rien dit. Ils avaient peur, eux aussi.

Monsieur, tu m’as volé mon enfance, ma naïveté, ma joie. Tu m’as emprisonné loin de vous.

Mais tu n’as pas réussi à me voler ma vie. D’accord, ça ne sera pas facile de quitter ma maison, mon école, mon quartier, ma ville, de changer de famille plusieurs fois, de me départir de mon identité de fils de meurtrier, d’enfant orphelin, de laisser aller ma culpabilité : et si j’avais crié, j’aurais pu t’arrêter, j’aurais pu la sauver… Pas facile de me défaire de ce que j’ai vu, entendu, ressenti, pendant toutes ces années de silence et de violence.

Ça ne sera pas facile d’aller au cimetière pour enterrer ma maman et tout en continuant de te chercher. On me dira que tu as fait quelque chose de très méchant et que tu es en punition. Si tu avais su à quel point j’allais passer ma vie à tout faire pour éviter de faire des choses méchantes ! J’avais si peur des punitions… mais j’avais surtout peur d’être comme toi.

 

Urgence 9-1-1

Tel-Jeunes

Cycle de la violence conjugale

SOS Violence conjugale

Violence conjugale, Gouvernement du Québec

Centre d’aide aux victimes d’actes criminels

Educaloi – Violence conjugale

 

Pourquoi tu pleures ?  

Toi, ma fille qui n’arrive à t’exprimer que par les pleurs et l

Toi, ma fille qui n’arrive à t’exprimer que par les pleurs et les rires… si seulement je pouvais lire dans tes pensées. J’ai le cœur qui saigne juste de savoir que tu ne peux communiquer tes sentiments et tes besoins par de simples mots. J’essaie de faire de mon mieux sachant que jamais, ce ne sera à la hauteur de tes besoins. Je dois deviner en faisant du « essai/erreur ». Souvent, après quelques tentatives, je vais te déposer dans ton lit. Mais je suis qui, moi, pour décider ce que tu veux, toi ? Je suis qui, moi, pour abandonner si rapidement ?

Tu es là, seule, étendue dans ton lit, avec les larmes qui coulent sur tes joues. Tu prends une grande respiration pour pleurer de plus belle. Tu veux être certaine que quelqu’un entend ta détresse, parce que tu n’as que le pleure comme moyen de communication.

Malheureusement, ton sourire et ton rire contagieux n’arrivent pas à exprimer la douleur et l’inconfort qui habitent ton corps tous les jours. Tu es là, étendue dans ton lit, à fixer le plafond avec ton Luminou en bruit de fond. Tu pleures, tu attends, dépendante de moi, mais je ne suis plus là. Je suis lâche, fatiguée, fâchée. Tu as besoin de moi et je ne suis pas là. Je pleure parce que tu pleures… Je m’en veux de ne pas avoir la patience que tu mérites. Je crie intérieurement. Je n’arrive pas à savoir ce que tu as, toi, MA FILLE.

Mon cœur est rempli d’amour pour toi, mais ma tête n’arrive pas toujours à suivre. Mon cœur aimerait tant te consoler et faire tout pour toi, mais ma tête, elle, essaie encore de comprendre pourquoi je n’y arrive pas. Parfois, l’impatience prend le dessus sur mon rôle de maman et me fait dire des choses que, jamais, on ne devrait dire à son enfant. « Pourquoi tu fais ça ? Tu n’es pas fine ! Je suis tannée. » Mais encore une fois, je suis qui, moi, pour te dire ça ?

Tu pleures et j’essaie de comprendre ce qui se passe, mais tu es inconsolable. Je vois dans ton regard le désespoir, parce qu’encore une fois, je ne te comprends pas.

Ce soir, je te dépose dans ton lit en te donnant un bisou sur le front et en te souhaitant de faire de beaux rêves, et je me demande encore ce que j’aurais pu faire de mieux pour toi. Je n’ai pas de réponse car tu es là, étendue dans ton lit. Tu me regardes quitter ta chambre avec ton regard déviant et tu ne dis rien. Non pas parce que tu n’as rien à dire, mais parce que tu ne sais pas comment le dire. Quelques petits rires et quelques pleurs, puis c’est le silence. Une autre journée à me demander pourquoi tu pleures.

Je suis là, étendue dans mon lit, et je pleure.

Carolanne Fillion

Lettre à mon fils

<span style="font-family: 'Times New Roman',seri

Mon fils. Mon petit homme de ma vie. Tu as 8 ans maintenant. Les années passent à une vitesse effrayante ! Tu as un parcours pas facile pour un petit garçon de ton âge. Jusqu’à l’âge de 3 ans, tu m’as vue vivre une relation difficile avec ton papa. Tu m’as vue camoufler mes larmes, tu m’as vue essayer d’être forte et essayer de vous faire sourire ta sœur et toi, même si tu étais assez perspicace pour savoir que je cachais de la tristesse. Tu étais petit, mais tellement brillant et vif d’esprit. Tu n’avais pas la naïveté des autres enfants, tu ne l’as jamais eue.

 

À 3 ans, tu as vécu la séparation de tes parents, sauf que ton papa à toi est allé vivre à 5 000 km et il est venu te visiter seulement trois fois depuis son départ. J’ai voulu essayer de compenser ce manque-là, mais la réalité, c’est que je n’ai jamais pu. Je suis juste ta maman. Je ne peux pas être autre chose que ta maman.

 

Au fur et à mesure que tu grandissais, je réussissais à voir la fissure qui s’était dessinée sur ton petit cœur d’enfant. Un trouble de l’attachement. On ne veut tellement pas que nos enfants souffrent dans la vie, mais là, je devais bien me rendre compte que la vie est ce qu’elle est. J’allais devoir relever mes manches et tout faire pour que tu ne te sentes jamais abandonné.

 

À la garderie, à l’école, ça n’a pas toujours été évident. Les adultes ne savent pas toujours comment intervenir avec toi, je le sais ça. Le lien d’attachement avec l’adulte est indispensable pour toi pour que ça fonctionne. J’ai aussi vu que ta petite blessure envenimait parfois tes relations avec les autres. Chaque fois que tu as la perception d’être rejeté, c’est une grosse tempête dans ton cœur et dans ta tête. Il faut bien te connaître pour le comprendre.

 

Chaque année scolaire, je croisais les doigts pour que tu tombes sur un prof qui allait comprendre tes particularités, tes besoins. J’essayais d’être ta voix. À chaque rencontre avec l’école, à chaque appel avec la technicienne en éducation spécialisée (combien ? J’ai arrêté de compter !), à chaque appel de la directrice, je me démenais pour qu’en fin de compte, tu sois compris. Derrière tes comportements parfois plus difficiles se cache un garçon hypersensible, anxieux et qui ne demande qu’à être aimé. Tu caches bien tout ça par contre, avec la petite carapace que tu as construite pour te protéger.

 

On a fréquenté une psychologue merveilleuse qui m’a beaucoup aidée à rester forte dans les derniers mois de ta deuxième année qui me semblait interminable. J’avais un petit être humain de 7 ans qui n’aimait plus l’école. Tu n’avais que 7 ans ! Tes crises d’anxiété se multipliaient le matin. Tu pleurais. Tu ne travaillais plus en classe. Tu étais devenu complètement indisponible aux apprentissages. J’étais épuisée, tout comme toi mon amour.

 

Pendant le confinement, on m’a appris qu’une demande avait été approuvée pour toi, pour que tu intègres une classe « nurture » à la prochaine rentrée scolaire, dans une autre ville à côté, dans une école régulière qui avait ce type de classe. J’ai fait mes recherches, j’ai lu, j’ai parlé avec la directrice de la nouvelle école. Wow ! J’ai compris qu’on avait été entendus. Cette classe réduite où le lien d’attachement est à la base des interventions était faite pour toi. Le hic… je m’imaginais mal t’envoyer dans cette école alors que ta sœur allait intégrer l’école primaire que tu connaissais. Eh bien oui, on s’est lancés ! J’ai vendu mon condo pour acheter une maison avec ton beau-père que tu aimes tant et qui est si présent pour toi. Et pas n’importe où. Dans le secteur de l’école que tu allais fréquenter. Je sais que tu penses naïvement que tu as changé d’école parce qu’on a déménagé, mais moi, je garde le secret qu’on a tout fait ça pour toi mon petit bonhomme. Un jour, tu le sauras peut-être !

 

En attendant, moi, je te regarde aller à l’école avec le sourire chaque matin pour aller retrouver tes nouveaux amis et ton enseignante qui comprend parfaitement tes besoins. Tu es dans une classe incroyable, adaptée à tes besoins, et franchement je ne t’ai jamais vu aussi heureux. Tu retrouves une confiance en toi que tu avais perdu complètement. Je te sens apaisé. C’est de la musique dans mes oreilles quand je te vois revenir de l’école avec des étoiles dans les yeux en me racontant tout ce qui s’est passé de merveilleux dans ta journée ! Après tout, je te l’ai promis que je ferais tout pour que tu ne te sentes jamais abandonné ! Je n’arrêterai jamais de croire en toi. Ne l’oublie jamais !

Signé ton ange-gardien, ta maman. 

Mon éternel printemps

Bel enfant,

Toi, tu ne réalise

Bel enfant,

Toi, tu ne réalises pas combien la vie a changé. C’est ton premier printemps. Les oiseaux commencent à chanter, la neige fond, le soleil se pointe le bout du nez un peu plus souvent. Si seulement tu pouvais vivre ce premier printemps dans le calme, la douceur et l’éveil de l’âme qu’amène la venue de cette saison tant attendue.

Malheureusement, mon amour, tu dois sentir que quelque chose ne va pas comme à l’habitude. Je voudrais bien pouvoir t’expliquer tout ça, mais je n’arrive même pas moi‑même à réaliser que la terre tourne au ralenti en ce moment. Je ne me souviens plus tout à fait quel jour le chaos s’est installé autour de nous. Il me semble que c’est loin derrière. Pourtant, c’est tout récent.

Toi tu ne le vois pas, nous non plus d’ailleurs, parce que l’ennemi est invisible. Depuis qu’il est là, les gens ont changé. L’incertitude, la méfiance, l’anxiété se sont installées dans nos têtes, nos cœurs et nos maisons. C’est de plus en plus chacun pour soi. Pourtant, j’aimerais t’apprendre mon bébé que c’est dans ces moments qu’on a le plus besoin les uns des autres. Qu’ensemble, on réussit souvent à mieux ramer dans la tempête. Tu sais, il y a heureusement toujours de belles personnes qui parsèment le monde de leur bonté et de leur espoir. Parce qu’il y a toujours des gens qui réussissent à faire du beau avec le laid qui les entoure. C’est sur ces personnes que je tente de me concentrer ces jours‑ci.

Malgré tout, je dois te dire qu’il y a des jours où l’avenir me fait peur à moi aussi. Depuis ta naissance, quand je pense à l’avenir, je pense surtout à toi. J’imagine ton futur : tes saisons qui reviendront et j’espère qu’elles seront plus belles que ton premier printemps. Je veux pour toi un monde qui te permettra de grandir, de t’épanouir, de rire, mais surtout de rêver. Je veux pour toi un avenir où tout sera à ta portée, mais il y a des jours où je me demande vers où notre bateau collectif s’en va. C’est comme si on ne ramait pas tous dans la même direction et je le réalise particulièrement pendant qu’on est au cœur de cette crise.

Mais tu sais, je me dis qu’il faut parfois une grande crise pour atteindre le fond et se relever. C’est ça aussi le printemps : renaître après le vent glacial qui a refroidi nos cœurs. C’est peut‑être ce qui arrivera pour nous quand tout ça sera terminé ? Je me dis qu’on aura sûrement appris que rien n’est acquis et que notre vie qui tourne à trois cents miles à l’heure n’est peut‑être pas si importante finalement quand on n’a pas le temps de la vivre. On le réalise, tu sais, quand on est obligé de s’arrêter et de revenir à l’essentiel. Et l’essentiel j’espère qu’on ne l’oubliera pas de sitôt.

Je le sais, tu dois ressentir que ces temps‑ci, le cœur de ta maman bat un peu plus vite, ses yeux semblent plus préoccupés et parfois, ils se remplissent de larmes. J’arrive à peine à voir la fin de ce malheur qui tombe sur nos têtes. Surtout, ça me chavire le cœur de voir tous ces gens autour du globe qui vivent des épreuves inhumaines loin des leurs.

Malgré tout, j’essaie de t’offrir le plus beau des printemps. Celui qui rafraîchit le cœur, celui qui nous fait redécouvrir le monde. J’ai envie que tu saches que c’est grâce à toi que je réussis à rester dans le moment présent. Parce que toi, tu ne connais que le moment présent. Merci, mon enfant, d’être là, à ce moment précis dans ma vie ; tu me fais fleurir moi aussi.

Puisque je réalise que ce qui nous attend demain est toujours incertain, j’apprends à ne plus tenir les choses pour acquis. Je profite de tout ce renouveau que tu m’offres. Je ne me tannerai jamais de te voir découvrir le monde avec tes grandes perles bleues à grands coups de sourires. Et ces moments, j’essaie de les garder près de mon cœur pour m’en souvenir malgré le temps qui file bien vite entre mes doigts.

Mon bébé, même si demain le printemps n’est plus comme avant, il y aura toi. Tu seras mon éternel printemps !

Catherine Desgroseilliers

Garde espoir

Je voula

Je voulais te dire, cher parent d’enfant timide, de garder espoir. De ne pas t’en faire… un jour ton enfant va prendre confiance et va s’envoler plus haut que tu ne l’aurais imaginé.

Je vais te raconter une histoire. L’histoire de ma fille.

Enfant, elle était terriblement timide. Maladivement timide…

Bébé, elle refusait le contact des gens, en dehors de son petit cercle de proches. Elle hurlait quand un inconnu lui adressait la parole. C’était un bébé à bras, collée, accrochée sur son papa et sa maman.

Quand elle était petite fille, tout ce qui sortait de sa routine l’angoissait au plus haut point, elle paniquait au moindre changement. Elle en a versé d’horribles larmes à son premier jour d’école… déchirant mon cœur de maman… Elle a pleuré pendant plusieurs semaines… Elle s’adaptait toujours doucement, en faisant le moins de bruit possible, essayant de ne jamais déranger…

Elle avait beaucoup de difficulté à aller vers les autres, petits ou grands, en dehors de sa bulle rassurante familiale…

J’avais de la misère à comprendre. J’ai été une enfant turbulente, proactive, leader, très active! Mon enfant m’envoyait une image à l’inverse de mon mode de fonctionnement. Je ne savais pas trop quel était mon rôle comme parent. La pousser, la forcer à aller vers les autres, ou respecter cette peur incontrôlable qu’elle avait tout le temps?

Nous avons décidé de la rassurer, toujours, tous les jours, par notre présence. Et nous avons décidé de la valoriser. De travailler son estime de soi, en étroite collaboration avec l’école…

Vers l’âge de huit ans… tout tranquillement… nous avons assisté à sa métamorphose… Ça s’est fait en douceur, par étapes. À force de réussites : à l’école, dans ses relations avec les autres, dans le sport, dans les loisirs, auprès de tous ceux qui l’aiment… ma fille s’est ouverte sur le monde…

À l’adolescence et en évoluant dans un milieu scolaire très dynamisant et valorisant… elle a pris son envol… elle s’est assise sur sa confiance et a escaladé bien des montagnes! Elle excellait non seulement dans le domaine scolaire, mais elle est aussi devenue le noyau de son cercle d’amis. Elle a gagné des concours, notamment, en écriture et en poésie, et elle a été amenée de nombreuses fois à prendre la parole devant des centaines de personnes, avec une assurance incroyable!

Jeune adulte, elle a participé à une simulation d’une assemblée de l’Organisation des Nations Unies (événement qui se déroule à New York), et elle a débattu sans aucune gêne, avec une passion intense et beaucoup de conviction! Elle vient de participer à un voyage humanitaire au Nicaragua auprès des populations démunies. Cette expérience l’a confortée dans l’idée qu’elle veut étudier en politique internationale afin d’avoir un impact réel dans la vie des gens et de participer à changer le monde!

Elle vit seule en appartement depuis qu’elle a dix-sept ans!

Elle a un réseau social très développé et n’a aucune difficulté à aborder les gens et à entamer des discussions enflammées!

Alors, cher parent :

Garde espoir.

Ne t’en fais pas.

Continue de lui tenir la main.

Aide-le à se relever quand il tombe.

Sois bienveillant.

Et… regarde-le sortir tranquillement de son cocon pour devenir le plus beau des papillons…

Ce petit timide, c’est la plus grande leçon qu’une vie peut t’apporter…

 

Gwendoline Duchaine

 

Bel enfant

Bel enfant,

J’aurais voulu nâ

Bel enfant,

J’aurais voulu n’avoir jamais à t’écrire ces lignes. La vie étant ce qu’elle est, on ne peut tout contrôler, alors je dois le faire. Année après année, à ce temps-ci de l’année, je suis ta marraine.

Marraine d’un enfant que je ne connais pas.

Marraine d’un enfant pour qui Noël résonne différemment.

Marraine d’un enfant comme toi, un enfant de la DPJ.

Je veux que tu saches que même si je ne suis ton père Noël qu’une fois par année, j’y mets tout l’amour du monde. Parce que tu ne mérites que ça, tout l’amour du monde. Dans ta carte, je me fais très discrète dans mes mots parce que je ne veux pas en ajouter au poids que tu portes sur tes épaules depuis déjà trop longtemps. Mais j’ai envie de te dire tellement plus. Tellement, tellement plus.

Je te souhaite de pouvoir avoir une famille. Pas une famille parfaite, ça, ça n’existe pas. Mais seulement une où tu peux rester et être en sécurité.

Je te souhaite de pouvoir retrouver la vie que tu souhaites, celle où on pourrait entendre en écho ton rire d’enfant.

Je te souhaite de l’amour. Une cargaison d’amour.

Je te souhaite une vie douce et heureuse, et aussi que le temps panse tes blessures.

Je te souhaite tout ce que tu veux, au fond…

J’espère que tu arrives à ressentir l’amour qu’il y a derrière ton cadeau. Parce que je te promets qu’il y en a plus que tu le crois. Derrière cette marque d’amour, il y a une famille. Une famille qui te considère comme l’un des leurs. On parcourt les magasins afin de dénicher LE cadeau, celui qui serait susceptible de dessiner sur ton joli visage un sourire. On connaît ton nom et on te dédie une journée magasinage, spécialement pour toi. On parle de toi et année après année, on se dit qu’on aurait bien voulu te rencontrer.

Alors bel enfant, malgré les tempêtes qui font rage sur ton enfance, sache que tu occupes une place importante pour nous. Le matin de Noël, comme chaque année, je prendrai une minute et fermerai mes yeux. Je fermerai mes yeux pour t’imaginer en train de déballer ton cadeau avec nous et j’imaginerai ton rire d’enfant résonnant dans notre salon.

Bel enfant…

Marilyne Lepage

Hymne à l’enfant dérangeant

À toi, l’enfant qui dérange

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À toi, l’enfant qui dérange

(le mien, le sien, celui du voisin ou du pays d’à côté),

À toi, je te dis : merci!

Merci de faire du bruit le matin dans ton lit et dans le panier d’épicerie :

Tu agrémentes chaque moment de tes rires et de tes cris.

Même si parfois, je souhaiterais un peu de silence,

Je te dis merci de prendre la parole et de me montrer le vrai sens de l’écoute.

Le silence viendra toujours trop vite.

Merci de mettre des miettes par terre et de la purée sur les murs.

Tu ajoutes de la couleur dans ma vie et de la patience dans mon cœur.

Avec toi, chaque moment minuscule devient grandiose.

Chaque anecdote cocasse devient un souvenir à raconter à la Terre entière (ou à garder en réserve pour le jour de ton mariage…).

Merci de me donner des dessins un peu maladroits et des mots d’amour écrits au son.

Tu me rappelles que l’important, ce n’est pas la perfection ni la décoration, mais l’intention.

Merci de dépasser les limites établies et de me forcer à te mettre en retrait.

Un jour, je te le promets, j’apprendrai qu’un parent aussi, ça peut profiter d’un time-out!

Merci de collectionner les « pourquoi » et les « comment » :

Tu questionnes ce que je tenais pour acquis et ce que je n’avais jamais approfondi.

Grâce à ton esprit aussi vif qu’une voiture de course, mes vieilles chaussures sortent du sentier battu.

Grâce à tes yeux curieux, je vois la vie sous toutes ses coutures et sous tous ses angles.

Merci de me réveiller trop tôt et de me garder debout trop tard.

Tu me forces à vivre intensément le moment présent,

À profiter à fond de chaque instant de plaisir et du moindre ronflement.

Carpe diem, qu’ils disaient!

Merci de me forcer à t’observer, à te surveiller, à t’admirer :

Tu diriges mon regard vers beaucoup mieux que mon nombril ou mes écrans.

Entre la lumière bleue et la lueur de tes yeux, le choix est évident et tellement pertinent.

Tu es ma plus grande merveille du monde, la raison de tous mes « ahhh! » et de tous mes « ohhh! ».

Merci d’être parfois un peu malade ou trop fatigué pour aller à l’école.

Tu m’enseignes à prendre des pauses, à profiter d’un moment collé et d’un congé forcé.

Qui sait, la prochaine fois qu’un gros rhube me frappera, je ferai peut-être comme toi :

J’attendrai que ça passe en position koala près de quelqu’un que j’aime au lieu d’aller m’épuiser au travail!

Merci à toi, l’enfant dérangeant.

Merci de bousculer mes habitudes et mes attentes trop élevées.

Merci de désorganiser ma vie et d’en faire une existence mille fois plus riche.

Merci de faire ton travail d’enfant à merveille : déranger la vie des parents pour les aider à devenir aussi grands que toi.

J’espère que tu continueras de me déranger encore très, très longtemps.
J’espère que même en grandissant, tu resteras un enfant.

Nathalie Courcy

 

Perdu

Tout débute avec la disparition du chien. Le premier matin dans sa

Tout débute avec la disparition du chien. Le premier matin dans sa nouvelle maison. J’ai laissé sortir la bête dans la cour arrière et, quinze minutes plus tard, les enfants ont réalisé que la cour était vide. Le chien, volatilisé.

Évidemment, toute la famille se lance à sa recherche. Nous mobilisons même le quartier : Chien perdu. Ne connaît pas son environnement. Les appels se mettent à entrer. Notre labrador a été aperçu : près de l’école, près du parc, il vient de traverser le boulevard…

Mon plus vieux reste à la maison au cas où le galopin déciderait de rentrer. Je suis la piste de l’évadé pendant deux heures avec mon mari et mon huit ans, le cÅ“ur battant. Les fenêtres de l’auto sont ouvertes et nous crions Rufus, Rufus, Rufus… à travers tout le voisinage, comme un marchand de crème glacée vraiment trop motivé. Les pires scénarios se bousculent dans nos têtes. Et s’il ne retrouvait pas son chemin, s’il se faisait frapper, s’il se sauvait dans le bois…

Quelqu’un l’a vu au parc à chiens, un grand espace non clôturé en bordure de la forêt. Il joue probablement dans l’étang… Arrivé au point d’eau, mon coco descend sur la berge alors que je reste plus haut pour parler à un groupe de marcheurs. Les chiens tourbillonnent autour de nous, j’entends mon p’tit gars au loin qui récite son discours : Avez-vous vu un chien blanc avec un collier bleu? Je décris Rufus, je donne mon numéro de cellulaire…

Puis mon chum qui était allé vérifier un autre secteur du parc vient me rejoindre et me demande où est notre gars. Plus bas, il vérifie au bord de l’eau. Papa revient rapidement : Non, il n’est pas là. Je descends avec lui au bassin et réalise qu’il n’y a absolument PERSONNE.

Nous sommes devant un mur de quenouilles et de broussailles qui bloquent la vue et l’accès à la forêt. Mon chum choisit une piste étroite, me lance : Reste là! et disparaît à travers la muraille verte. Tout ce que j’entends, c’est sa voix forte qui s’éloigne de plus en plus de moi en appelant notre fils.

Piquée là, je réalise que la dernière fois que j’ai vu mon coco, il parlait avec un homme. J’entends encore sa jolie voix claire décrire notre chien. Et s’il avait suivi cet inconnu?

Mes nerfs ne supportent pas l’image que je viens de créer de mon petit bonhomme qui entre dans le bois avec quelqu’un. Je cherche des herbes piétinées autour de moi, des branches cassées, des traces… Je panique, je tourne en rond. Peut-être parce que ça fait déjà des heures que l’adrénaline est aux commandes, je suis convaincue que mon fils s’est évaporé et qu’on ne le retrouvera jamais. Je me mets à hurler son nom. Pas de la petite voix gênée qui appelait son chien tout à l’heure. D’une voix déchirée que je ne reconnais pas. Je ne fais que répéter son nom encore et encore… sans aucune retenue, sans une once de rationalité. Des larmes d’une puissance renversante arrivent comme une cavalerie incontrôlable sur un champ de bataille. Secouée de sanglots, je veux signaler le 911, là, maintenant.

Les gens avec qui je jasais il y a cinq minutes m’observent de loin, sans oser s’approcher. Je ne suis plus dans le même monde qu’eux. J’ai perdu mon fils et cette réalité m’est tout simplement insupportable. Je craque complètement.

Puis je me reconnecte tranquillement. J’entends mon mari qui approche en répétant : Je l’ai! Je l’ai!

Mon bébé est devant moi. Il est dans mes bras. Il s’excuse d’avoir oublié de me prévenir qu’il partait sur le sentier. Je peux recommencer à respirer. Calmer l’hyperventilation. Inspire… Expire…

Je me suis fait des peurs. J’ai pensé à mon amie qui avait suivi un monsieur au parc et à sa vie bouleversée. Je me suis fait un scénario de film d’horreur et je n’ai pas pu le supporter.

Je trouve bien ironique d’avoir perdu mon enfant à mon retour au Canada. Nous venons de passer deux ans à voyager à travers l’Europe et je ne me suis pas permis un seul moment de distraction en sol étranger. J’ai baissé ma garde dès que je suis rentrée chez moi, en zone confortable. J’aurais pu payer cher mon manque de vigilance, mais j’ai eu une méchante bonne piqûre de rappel.

P.S. Oui, notre chien est bien rentré à la maison après son escapade de trois heures. Il a retrouvé son chemin tout seul comme un grand. Mais je vais vous avouer que ça ne me stressait plus vraiment après avoir perdu mon fils…

Elizabeth Gobeil Tremblay

L’arme à la main

Kabul, Afghanistan, 2004. C’était une journée très chaude ce ma

Kabul, Afghanistan, 2004. C’était une journée très chaude ce matin-là. Je devais partir pour effectuer une patrouille à pied avec tout mon équipement sur mon corps comme d’habitude.

Mais cette fois‑ci, c’était différent, car j’étais avec une nouvelle section d’infanterie pour la première fois. J’étais très content, car je pouvais partir à l’aventure et développer des liens avec de nouveaux frères d’armes.

Ces frères d’armes représentaient tout pour moi. Ils étaient comme ma famille. J’étais à l’autre bout du monde et ce qui était le plus important pour moi, c’était eux.

J’étais fier de faire partie de leur équipe et de patrouiller à leur côté pour la toute première fois.

Après plusieurs kilomètres de marche, nous étions de plus en plus dans la profondeur de la ville de Kabul. On marchait en double rang et chacun surveillait son arc de tir. J’étais le premier en avant du rang gauche.

Soudainement, j’ai aperçu au loin un enfant qui courait à travers la foule avec une arme dans les mains en avant de moi.

La panique m’a envahi.

Je me suis dit : « Est-ce que j’en parle aux autres? Pourquoi il faut que cela arrive à moi? Si je ne fais rien, mes frères d’armes vont peut-être mourir… »

En quelques secondes, beaucoup de questions me sont venues en tête.

Ces secondes ont semblé être des minutes très longues.

Après quelques secondes, j’ai averti mes frères d’armes à travers mon casque d’écoute. J’observais l’enfant courir à travers la foule avec son arme. Je me disais que s’il venait vers nous avec son arme, je n’aurais pas le choix de tirer. J’avais plein de pensées qui me traversaient l’esprit et j’étais perturbé.

Dois‑je mettre en jeu la vie de mes frères d’armes ou celle de l’enfant? Je ne savais plus quoi faire. Non, la vie des frères d’armes est primordiale. J’observais et j’essayais de distinguer si c’était un jouet ou une arme, sachant fort bien que les enfants n’ont pas de jouets, car ils ont de la misère à avoir des souliers.

Ouf! Finalement, j’ai réussi à découvrir que c’était un jouet.

Que serait-il arrivé si j’avais mentionné à un de mes collègues d’ouvrir le feu parce que l’enfant était armé?

J’aurais ordonné de tuer un enfant qui n’était même pas armé?

Que serait-il arrivé si un de mes collègues avait perdu la vie par ma négligence? Dans ce contexte, tout aurait pu se produire. Cet enfant aurait pu être la distraction idéale pour nous tous.

Cette vision, je la vois tous les jours. Tous les jours, elle m’envahit. Même qu’il n’y a pas très longtemps, j’entrais dans une épicerie et une fois arrivé dans le rayon des fruits et légumes, une image de ce vécu s’est superposée à l’image réelle. J’avais un flashback solide et réel de ce que j’avais vécu.

Normalement, mes flashbacks passent tellement vite que je ne peux pas les voir. C’est la supposition de ma psychologue. Et pour moi, cela est logique, car mon TSPT est sévère et mon stress est très intense. Je suis tellement stressé que j’ai de la misère à voir ce qui se passe. Par contre des fois, des images peuvent se superposer une par-dessus l’autre très clairement. C’est comme si je suis à Saint-Jean-sur-Richelieu et que soudainement, je me retrouve à Kabul en Afghanistan.

Pas évident je vous le dis, mais je dois vivre avec cela tous les jours.

Ces transpositions d’images, j’essaie de les éviter du mieux que je peux. Par exemple, quand je conduis, je vais emprunter des chemins moins achalandés. J’essaie toujours de trouver une solution pour diminuer mon stress.

Chaque jour est un combat.

Chaque instant est une victoire pour moi!

Et vous, qu’auriez-vous fait devant un enfant armé?

Carl Audet

Ce soir

Je suis présentement assise à côté de toi. Je te regarde et j’

Je suis présentement assise à côté de toi. Je te regarde et j’ai le cœur gros.

Toi, tu dors paisiblement dans le milieu de mon lit. Habituellement, je ne suis pas enchantée à l’idée que tu passes la nuit entre papa et moi. Aujourd’hui, c’est moi qui te l’ai offert. Le sourire sur ton visage représentait bien ta joie. Maman qui te demande de faire dodo avec elle et papa. WOW! On pourrait même te dire d’aller t’acheter un 6/49 (bon juste le dire en expression, car tu n’as pas l’âge).

Ce soir, j’ai décidé que je passais par-dessus mes idées préconçues. Tu sais, celles qui me font dire que si tu fais dodo avec nous, tu ne seras plus capable de dormir seul et ce genre de truc. Oui c’est vrai, je ne dors jamais aussi bien quand nous sommes trois dans un lit queen. Mais, là, présentement, j’avais envie de sentir ta respiration, de voir ta petite bette endormie, de sentir ton bras d’enfant autour de moi. Je te regarde et j’apprécie ce moment, probablement plus que tu ne peux l’imaginer.

Ce soir, un ami nous parlait de l’enfant d’un collègue. Un petit garçon de cinq ans. C’est presque ton âge ; toi, tu as quatre ans. Ce petit garçon s’apprête à quitter ses parents. Non pas pour aller faire dodo chez sa grand-maman. Non, lui, il deviendra une étoile. Il veillera sur sa famille de là‑haut. Ce petit garçon, il allait bien, très bien même. Comme toi, il adorait jouer. Puis un jour, la vie a décidé que la sienne se terminerait plus rapidement que prévu.

Ce soir, mon cœur de maman saigne. Je ne le connais pas, mais je ne peux m’empêcher de penser à lui et à ses parents. Je ne sais pas comment un parent peut survivre à une épreuve comme ça. J’ai l’impression qu’une partie de ton cœur meurt à tout jamais. Juste l’imaginer, je manque d’air. La seule chose que je peux faire est de compatir avec eux et de leur envoyer une grosse dose d’amour et des ondes positives.

Puis, c’est là que je te regarde et que je me dis qu’on ne sait jamais ce que demain nous réserve. Alors, le mieux que je peux faire est de profiter des moments que nous avons ensemble. Ce n’est pas quelque chose de facile pour moi de vivre le moment présent sereinement. Je suis plus du genre à te dire : ne fais pas ci, ne fais pas ça, dépêche-toi et patati et patata. Je veux tellement que tu sois parfait que j’oublie parfois que tu n’es qu’un enfant. Un enfant qui doit apprendre de ses erreurs.

Aujourd’hui, je me fais la promesse de profiter plus de la vie avec toi, ton frère et ta sœur. De ne pas vous rendre parfaits, mais heureux. Oui, je tiens tout de même à faire respecter mes valeurs, mais je veux accepter que la perfection ne soit pas de ce monde.

Ce soir mon coco, je m’endormirai à tes côtés, je te regarderai avant de sombrer dans les bras de Morphée et je remercierai la vie pour les moments qu’elle nous offre ensemble.

À toi qui lis ce texte, que dirais‑tu d’aller faire un gros câlin à tes enfants, leur dire combien tu les aimes et remercier la vie des moments que vous pouvez vivre ensemble?

Karine Larouche