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Quand est-ce que ça va finir? Texte: Joanie Fournier

Quand le vilain virus mondial est apparu, nous avons été vraiment choyé

Quand le vilain virus mondial est apparu, nous avons été vraiment choyés. Deux emplois stables qui nous ont apporté une sécurité financière et des enfants en pleine santé. Déjà là, on était bien conscients de la chance qu’on avait. On a profité des six premiers mois et de la fermeture des écoles pour se souder tous ensemble. Et on n’aurait pas pu espérer une meilleure façon pour le faire… Le monde entier était sur pause, et nous, on profitait de chaque jour pour être ensemble.

J’ai eu de grandes pensées pour les gens qui vivaient seuls. J’ai envoyé tout mon courage et mes ondes positives à ceux et celles qui vivent dans un foyer toxique ou violent. J’ai gardé du courage et de la patience en tête pour toutes les familles prises dans un petit appartement avec des enfants sans pouvoir en sortir. On était pleinement conscients de la chance qu’on avait de vivre dans un grand foyer rempli d’amour et de bienveillance.

On a été de ceux qui ont suivi toutes les mille et une consignes sanitaires. Ces mêmes consignes qui changeaient d’un jour à l’autre. Ces mêmes lois qui nous tenaient éloignés du monde extérieur, de nos familles, de nos amis… Tu as le droit de me traiter de mouton ou de nous avoir trouvés naïfs. Tu as le droit de nous avoir trouvés consciencieux et respectueux. C’est pas ça le point.

Le point, c’est que « ch’pu capable ». Pu capable des congés forcés à chaque nez qui presque coule. Pu capable de me réveiller en sursaut en me demandant si l’un de mes enfants vient de tousser. Parce que la toux, c’est devenu le pire ennemi de tous les parents. Pu capable de prévoir des réunions quatre fois et de les déplacer sans cesse parce que les plans et les règles changent encore. Pu capable de ne plus voir mon monde. Là, tu vas me dire que j’ai le droit de voir du monde. Ouin. Dix personnes maximum… Une vraie blague quand tu as une grande famille. Parce que t’sais, faudrait pas que nos amis aient trop d’enfants eux aussi…

Ça va faire deux ans. DEUX ANS. C’est l’âge de mon fils, baswelle ! Ça. Va. Faire. J’ai TOUT fait, tout respecté à la lettre. Tous les défis possibles demandés par le gouvernement. J’ai même désinfecté mon épicerie au début, maudite peureuse. J’ai porté mon masque, à chaque fichue sortie. Je me suis lavé les mains à en avoir des gerçures qui saignent. J’ai coupé mes enfants de toute vie sociale, de toutes activités parascolaires, de toute enfance… Je me suis fait vacciner. MOI ÇA ! Celle qui a accouché de nombreuses fois « à frette » juste pour ne pas penser à l’aiguille du soluté, et encore moins à celle de la péridurale. J’écris le mot « aiguille » et j’ai comme les genoux qui ramollissent. MOI ÇA. J’ai pris tout ce que j’avais de courage, et je me suis fait vacciner. Deux fois, en plus. Je me demande encore comment j’ai fait.

Pis là, j’le dis, « ch’pu capable ». Je veux sortir de chez moi, crier à pleins poumons. Je veux voir mes enfants aller jouer avec n’importe quel ami, sans me demander ce qu’ils vont ramener à la maison. Je veux voir mes amis, plein d’amis, tous en même temps. Je veux les prendre dans mes bras, pis les frencher si ça nous tente. Je veux faire un party de Noël avec toute ma famille, TOUTE. 40-50 personnes chez nous, enweille ! Je veux que mon bébé rencontre toutes les personnes importantes pour moi. Pas une à la fois. Je veux aller au restaurant sans me demander si j’ai pensé à apporter une carte d’identité. Je veux rentrer à l’épicerie sans masque. Je veux manger un raisin vert entre les rangées, pis sentir l’odeur du cantaloup. Je veux voir le sourire des gens dehors. Je veux voir la caissière me sourire avec toutes ses dents, même s’il en manque.

Je suis en train de sérieusement me dire que c’est assez. Que tout ça sera fini le jour où on va le décider. Parce que clairement, ce n’est pas du gouvernement qu’on va connaître la date de la fin de tout ça.

Aujourd’hui, après deux ans, je m’en fiche que tu me trouves égoïste. « Ch’pu capable ». Ma santé mentale est pu capable. Ce n’est pas une vie… Et si je meurs de ce fichu virus ou de l’un de ses quarante variants, j’assume. Parce que si je meurs aujourd’hui, j’aurai eu l’impression d’avoir perdu les deux dernières années de ma vie… Au moins, si on recommence à vivre pleinement et qu’on y passe, ça aura valu la peine. Je ne veux plus entendre parler des prochaines doses de vaccins, et encore moins de l’évolution des variants. Si la Terre nous évince, on l’aura aussi mérité au fond.

Je ne suis pas antivaccin. Je sais que le virus est dangereux, oui mortel. Je suis vaccinée et consciente du danger. Mais je suis aussi d’autant plus consciente, après deux ans, que les conséquences sociales et affectives sont tout aussi dangereuses. Et j’ai envie de mettre mon pied à terre, drette là. Je n’ai plus envie de tout ça. « Ch’pu capable ».

Je veux que mon fils voie des bouches souriantes en arrivant à la pouponnière le matin. Je veux qu’il apprenne à parler en voyant des lèvres articuler, et pas juste au son. Je veux qu’il donne des gros bisous baveux à ses grands-parents. Je veux qu’il vive sa petite enfance… Celle qui ne repassera plus jamais. Celle qu’on est tous en train de manquer.

Je m’excuse si je vous choque. J’assume. « Ch’pu capable ». Suis-je la seule à avoir atteint ma limite ?

Joanie Fournier

 

Avancer malgré mes blessures d’enfance

Je suis devenue mère, mais il y a toujours une petite fille blessée qui e

Je suis devenue mère, mais il y a toujours une petite fille blessée qui existe en moi. Quand je réponds à mon fils de douze ans, c’est à lui que je parle, bien sûr, mais ma réponse s’adresse aussi au passé. Je parle à mes enfants comme j’aurais aimé qu’on me parle. Surtout, je les écoute, comme j’aurais aimé qu’on m’écoute. J’essaie de briser un cycle, j’essaie de faire mieux.

J’offre la bienveillance à ma famille. Je répète à mes deux garçons que les émotions sont leur boussole. Par exemple, que la colère est notre alliée puisqu’elle nous indique qu’on vient de dépasser nos limites.

Je les traite avec respect et j’exige le respect envers tous les membres de la famille. Ainsi, dès qu’on leur mentira, qu’on essaiera de les intimider ou de les manipuler… une petite voix alarmée retentira en eux : Hé! Personne n’a le droit de me faire sentir comme ça!

Et j’interdis les étiquettes. Chez nous, personne n’est « méchant Â» ou « maladroit Â» . Il y a une différence entre nos actions et ce qu’on est. Notre action était peut-être maladroite ou blessante, mais nous ne sommes pas définis par une action isolée. Nous avons tous appris à utiliser la communication non violente pour gérer nos conflits et protéger l’estime de soi.

J’ose espérer que mes enfants seront mieux outillés que je l’étais pour affronter l’adolescence. Ils auront sûrement leurs propres reproches à me faire puisque la perfection n’est pas de ce monde. Je serai alors prête à les entendre et j’essaierai de m’améliorer.

Encore aujourd’hui, mes parents viennent gratter mes vieilles blessures. Mais les larmes que je verse pour moi deviennent vite des larmes pour eux. Parce qu’ils sont encore pris dans la cage dont je suis libérée. Ils m’ont offert la clé lorsqu’ils m’ont trouvé une psychologue au secondaire parce que j’étais coincée dans une relation malsaine. Quand tu n’as jamais ressenti un amour inconditionnel et que c’est ton premier chum qui te le fait miroiter à quatorze ans, tu es officiellement dans le trouble.

Ma vie est un constant pied de nez à la manière dont j’ai été élevée. Ma relation avec mes parents est cahoteuse parce que je refuse de jouer le rôle de la fille parfaite dans lequel ils m’ont enfermée quand j’étais petite. Je préfère mille fois les contrarier et me faire reprocher d’être difficile que d’étouffer comme je l’ai fait toute mon enfance. Alors je les ébranle avec ma sensibilité, ma rébellion et ma franchise. Et moi, j’accumule les déceptions parce que je ne peux pas m’empêcher de chercher un autre dénouement à notre histoire, une forme de réparation. Je crois que je rêverai toujours que mes parents acceptent de me voir et de m’entendre pour vrai.

Mes parents m’aiment, c’est sûr. Ils m’aiment un peu tout croche et se plantent régulièrement, mais ils aiment comme ils peuvent aimer, avec ce qu’ils ont reçu eux aussi. Je comprends les peurs qui les poussent à briser mes élans. C’est presque noble dans le fond, leur fantasme de perfection. Ils ont l’amour maladroit mais heureusement, ils ne sont pas que  ça. Ce sont des humains, complexes et imparfaits, comme tous les autres humains.

Ils ne veulent que mon bien, même s’ils ne savent pas comment me l’offrir. Alors l’acte le plus salvateur que je puisse faire est de continuer à exister malgré eux. Avancer sur mon propre chemin et laisser ma vie parler d’elle-même. M’offrir moi-même ce dont j’ai besoin pour briller.

Eva Staire

Mes enfants jouent dans la bouette!

Je ne sais pas pour toi, mais quand je me remémore mes souvenirs dâ

Je ne sais pas pour toi, mais quand je me remémore mes souvenirs d’enfance, je suis souvent sale et j’ai du gros fun. Je construis des cabanes dans le bois avec mes cousins. Je me cache en grimpant dans un arbre lors de nos parties de cache-cache. Et je te garantis que mes parents étaient au courant et nous laissaient faire, en gardant un œil sur nous entre deux gorgées de café. J’en ai des tonnes des souvenirs comme ça et j’en remercie mes parents chaque jour.

Et là, je regarde mes filles, je me demande si je leur laisse la chance de créer des souvenirs comme ceux-là. Quand j’essaie en les laissant chasser les grenouilles dans le ruisseau derrière chez nous, je vois dans le regard des voisins le jugement. « Yark, c’est dégueu, elles vont avoir plein de verrues »; « Tu as pas peur qu’elles tombent dans le ruisseau? ».

Des commentaires comme ceux-là, j’en reçois à la tonne. Et j’ai envie de leur répondre : « Hey! J’ai jamais attrapé de verrues à attraper des grenouilles » ; « Y a à peine dix centimètres d’eau dans le ruisseau. Si elles tombent, le pire qui peut arriver, c’est qu’elles soient mouillées. »

À quel moment entre mon enfance et celle de mes filles, nous avons mis les enfants dans de bulles de verre? Pourquoi nous les amenons au parc, avec des modules de jeux qui laissent peu de place à l’imagination? Et si par malheur, ils grimpent dans leur vaisseau spatial par la glissade, nous les avertissons de ne pas faire ça, que c’est dangereux.

Nous voyons du risque partout et nous voulons les protéger de tous les risques. Pourtant, j’ai appris tellement de choses dans mon enfance. Je suis restée prise dans l’arbre parce que j’ai monté trop haut. J’ai appris que j’avais dépassé ma limite. Je me suis sentie valorisée lorsque mon père m’a permis d’utiliser son marteau pour construire ma cabane, il avait confiance en moi. J’ai utilisé ma créativité et mon imagination pour faire des recettes de gâteaux de bouette, gazon, pissenlit et j’en passe.

Bien sûr, je suis rentrée à la maison les souliers détrempés parce que je n’avais pas réussi à sauter par-dessus le ruisseau. J’ai eu le pouce bleu parce que j’ai passé à côté du clou. J’ai eu les genoux en sang parce que notre jump de vélo n’a pas tenu le coup. Ma mère m’a même lavée au boyau d’arrosage avec mes vêtements parce que nous avions eu la bonne idée de nous lancer de la bouette.

Il faut dire que nous étions très loin de l’importance du paraître d’aujourd’hui. Je ne portais pas un polo de marque à 150 $ ou des espadrilles à 300 $. Je portais un ensemble jogging fait par la couturière du village et des souliers pris dans un magasin grande surface. Que je sois sale, mouillée, que j’aie scrappé le genou de mon pantalon, ce n’était pas si grave.

Tu sais quoi? Je suis toujours là et j’ai la tête remplie de méchants beaux souvenirs!

Et oui! Mes filles vont jouer dans la bouette et se créer des millions de beaux moments.

Mélanie Paradis

 

Toi, le petit allergique

Un jour, tu ne t’en souviens plus très bien, mais tu as eu de la

Un jour, tu ne t’en souviens plus très bien, mais tu as eu de la misère à respirer. Tu entends souvent tes parents en parler. Ils ont eu très peur. Ils ont encore peur. Tu te rappelles les cris de maman et du bruit des sirènes. Le reste est un mauvais souvenir un peu flou.

On te l’a expliqué. Tu es allergique.

Si tu es en contact avec une arachide, tu étouffes. Tu sais à quel point c’est grave, car tu le comprends dans les yeux de tes parents qui scrutent en permanence chaque étiquette dans les magasins.

Les gens ont tendance à penser que ce n’est pas si grave. Tes amis te jugent. Tu es le petit fragile qui ne peut pas manger de beurre de peanuts…

Ton quotidien est une traque permanente. Tu te promènes avec un auto-injecteur d’adrénaline qui te maintiendra en vie si jamais ton allergène attaque. Ce petit instrument fait paniquer bien des adultes et fascine tes camarades.

Les gens doutent souvent…

— Ça ne va pas le tuer s’il en mange un peu, relaxons !

EUH OUI, ÇA PEUT TE TUER !

Tu as envie de hurler. Parce que tu es toujours pointé du doigt. Parce que tu ne veux pas inquiéter encore tes parents. Parce que quand tu vas à une fête d’amis, tu ne peux jamais goûter le gâteau, jamais. Pas même un petit morceau… Tu dois tout le temps porter ton petit bracelet. Tu dois expliquer sans arrêt, encore et toujours, à chaque nouvelle personne que tu rencontres, à quel point tu es en danger face à une cacahouète.

Tant de fois, tu es tenté de déguster cet aliment interdit… Les grands disent que tu es mature, que tu es fort, que tu es conscient malgré ton jeune âge. La maturité des enfants malades… parce que oui, c’est une maladie, mortelle…

Toi, tu voudrais seulement jouer, vivre, courir, manger, danser, librement… sans avoir à être aux aguets en permanence. Tu voudrais être un enfant comme les autres sans voir ta photo à côté d’une arachide sur la porte de la classe chaque année… Tu voudrais te sentir en sécurité toujours… Toi, le petit allergique… tu voudrais ne pas l’être…

Gwendoline Duchaine

 

Notre « chez‑nous »

La première fois que je m’assieds devant mon ordi pour composer c

La première fois que je m’assieds devant mon ordi pour composer ce qui mijote dans ma tête depuis un bon moment déjà. Je prends mon courage à deux mains et décide de laisser aller ma plume pour te parler de « nous ».

Difficile à décrire comme sensation lorsqu’on prend conscience que certaines personnes vont peut-être nous lire ou pire encore… nous « juger ».

 

J’essaie justement d’enseigner à mes enfants à fermer les yeux devant les critiques ou à foncer lorsque c’est nécessaire, mais pour cela… je dois prêcher par l’exemple, moi, la maman !

Voilà, tout le monde fait dodo sauf moi. Je m’installe au comptoir avec un verre d’eau et j’ai dix mille idées qui me viennent en tête, mais aucune ne semble être assez bonne pour te les transmettre.

Je prends quatre respirations, je lâche le tout et je décide que mon texte sera celui qui me convient à moi, un point c’est tout ! Je « me » parle et je « te » parle de notre maisonnée.

Bon, je commence ainsi. Pour saisir sur quelle famille « gonflée » tu vas tomber rendu chez nous, tu dois comprendre que l’enfance est aux premières loges. Je ne te parle pas du fait que nous avons quatre enfants, que la maison est remplie de gamins qui courent partout, que nous avons une compagnie de jeux gonflables ou que les petits voisins semblent avoir trouvé refuge dans notre cabane.

NONNN ! Je te parle d’enfance dans son état pur et bon lorsqu’il est bien cultivé. Je sais que dans notre monde, on oublie de laisser place à cet espace fantastique. Notre descendance doit grandir vite et à notre rythme en laissant une parcelle de leurs jeunes années s’évanouir. Et pourtant… ce passage est essentiel et il est merveilleux seulement lorsque nous le respectons et l’embellissons.

Tu t’attendais peut-être à ce que je te parle de mes enfants l’un après l’autre, de la dernière crise de mon dernier au magasin d’à côté, des crottes de nez collées que j’ai retrouvées (ou que l’un d’eux a mangées) ou des bons et mauvais côtés de la maternité…

NONNN ! Je vais te parler de notre mentalité, car elle définit notre maisonnée.

Je t’explique : notre famille est synonyme d’enfance dans son ensemble, ce qui fait place à la magie d’Harry Potter, à l’imagination sans fin et au quotidien mythique. Cet ensorcellement donne droit à la beauté des arcs-en-ciel, une fascination pour les licornes, une poursuite à pas de géants et un décor de fées magique.

Le bon côté de cet envoûtement, c’est qu’il pourrait changer un monde de guerre en prière. Le mauvais côté, c’est que nous avons oublié de le cultiver.

Ici, chez « Les gonflés », nous essayons d’arroser ce bon côté chaque jour. Nous laissons aux enfants la chance d’être des gamins bien vivants et nous en profitons pour leur offrir une jeunesse si importante à nos yeux. Nous leur laissons la liberté d’avoir des taches de gazon sur leurs pantalons, des mots doux collés un peu partout, des bisous envolés et des gâteaux renversés ainsi que des bougies soufflées chaque année.

Si tu viens chez « nous », ne fais pas le saut, car probablement qu’une petite fille t’ouvrira la porte avec le visage maquillé comme chef indien. Il y aura des jouets qui traînent partout. Tu pourras peut-être voir des enfants courir autour de la table de cuisine pour se sauver du dragon des mers, ou encore tu pourras les voir un peu trop énervés, sautant sur nos divans comme si c’était des trampolines. Bref, tu seras probablement découragé par moment pour nous.

Peut-être que tu porteras des jugements sur mes enfants ou sur notre rôle en tant que parent, mais sache que tu seras accueilli avec un cœur léger ayant comme odeur la meilleure qui soit : celle où on laisse une jeunesse être heureuse dans toute sa splendeur.

Ne t’imagine pas que nous sommes parfaits. Pas du tout.

Crois-moi, je suis de la même génération que toi, donc ça me dérange lorsqu’il y a des jouets éparpillés dans chaque pièce de mon foyer. J’entends hurler en voyant ma progéniture courir pour la manette de télé. Je suis découragée de voir des traces de doigts sur mes meubles ou des dessins improvisés sur les murs fraîchement peinturés, et je suis fatiguée de ramasser des papiers de gâteries cachés.

Chez nous, comme chez toi, il y a des désastres quotidiens, du chaos passager, des câlins dégoulinants, des « non » pour rien, des histoires abracadabrantes, du chialage journalier. Nous faisons de notre mieux en souhaitant inculquer à nos enfants des valeurs humaines authentiques, les laisser s’imprégner de bonheurs inoubliables, cultiver des moments de tendresse incroyables, des éclats de rire et le plus important, des « je t’aime » à l’infini.

Naturellement, il y a des points à améliorer, mais en fait, c’est ce qui fait de mon rêve la plus belle réalité, celle d’avoir notre « chez-nous » gonflé à bloc.

Maman gonflée

Le petit paquet…

Il y a de ces souvenirs d’enfance qui ne sont jamais très loin…

Il y a de ces souvenirs d’enfance qui ne sont jamais très loin…

Surtout lorsqu’un ami Facebook partage une vidéo qui arrive à l’impromptu sur notre fil de nouvelles. Un sourire immédiat. Au moins une heure perdue à regarder des vidéos de l’époque.

Et on a à nouveau 9, 10 ou 11 ans.

La lutte ! Les vedettes, l’émulation, le plaisir de refaire les « combats » dans le sous-sol chez mes cousins. Se choisir un clan, presque tout le temps celui des « bons ». Ensuite, être notre préféré.

Wladek « Killer » Kowalski, Abdullah The Butcher, The Sheik, Gilles « The Fish » Poisson, Maurice « Mad Dog » Vachon, Tarzan « La Bottine » Tyler d’un côté. Édouard Carpentier, Johnny et Jacques (père et fils) Rougeau, Dino Bravo, Paul et Jos Leduc de l’autre. Les bons qui deviennent méchants, comme le géant Ferré ou, même, « Ricky » Martel. Sans oublier les nains, les femmes, les gérants.

De la couleur, autant qu’on en veut !

Le sang qui coule, les coups « salauds », les outils cachés (fourchette, bottine plombée, etc.), l’intervention « illégale » du partenaire, du gérant. Le décompte du « un, deux, trois » à faire rager un métronome. Surtout, les arbitres gradués de l’école des Trois Stooges. Les matchs par équipe, le combat « royal » à une dizaine dans l’arène, la cage. La ceinture en jeu, le « Champion du monde », les combats revanche à ne plus finir…

De la pure joie pour les enfants que nous étions !

Diffusée à la chaîne nationale publique, on atteint même une moyenne de près de 1,5 million de téléspectateurs. Dans le top 10 des émissions les plus regardées ! À faire de Montréal une des « capitales » de la lutte en Amérique du Nord. Le Forum, comme un temple incontournable pendant plus de 30 ans. Yvon Robert, aussi populaire en son temps… que Maurice Richard ! Les autres qui suivront cet héritage d’hommes forts.

On a même réussi à exporter le produit et nos vedettes locales jusqu’au Japon.

Les expressions qui nous restent encore : « Le contact, très rude, très ferme… », « La manchette japonaise… », « Le bras à la volée… » Bien avant Zizou, entendre « … le coup de boule ! » Le si savoureux « … et, croyez-moi, ça fait mal ! »

Qu’ils aient d’autres noms selon l’endroit où ils luttent. Ou, comme leur véritable, Wiercowicz (décoré de la guerre et qui a participé à deux jeux olympiques comme gymnaste), Rancourt (aussi « indien » que vous et moi), Pigeon ou Larose. Qu’ils viennent d’une ville d’Afrique nommée… Windsor. Soit un effroyable Allemand de… Joliette. Qu’ils ne soient même pas des frères. Qu’ils partagent jusqu’à leurs déplacements, les mauvais et… l’arbitre. [NDLR Ce qu’un tragique accident de la route « dans le Parc » nous apprendra] À la limite, qu’ils soient assassinés « Mafia style ». Aucune importance.

Que ce soit, au fond, de belles chorégraphies et des scénarios convenus, peu importe. Bien longtemps dans notre tête d’enfant, le doute penchera fortement du côté que la lutte, c’est « vrai » !

Adulte, un de ces personnages sera même dans les toutes premières histoires à mes enfants. Le petit monsieur, lunettes fumées, gros médaillon, cigare… Et de leur faire mon imitation, sans doute ma meilleure : « Parlez-moi pas des italiannn, des Brito, des Bravo… Moi pis mon gros nouèr, Abdullah the Butcher… Il vient du Suddunnn… On va toutes les battés ! »

J’ai eu plus de succès que si j’avais raconté tout autre conte connu…

Qu’elle est réconfortante, la couverture de la nostalgie. Celle qui fait qu’une odeur, un son, une image nous met instantanément les culottes courtes. Allez, je la tire un peu et laissez-moi rêver…

« À la semaine prochaine… si Dieu le veut ! »

michel

 

Les éducatrices, celles qui dessinent des moutons

J’ai toujours voué un profond engouement pour Le Petit Princ

J’ai toujours voué un profond engouement pour Le Petit Prince d’Antoine de Saint‑Exupéry. Un intérêt aussi grand pour ce récit que pour ma profession que j’affectionne tout autant. Passer mon quotidien avec des Petits Princes et de Petites Princesses qui me font devenir un être meilleur et me forcent à me surpasser. Réfléchir sur la façon dont je perçois le monde et de quelle manière je peux le rendre meilleur.

Un passage du récit qui suit vous fera comprendre que l’art de percevoir l’enfance s’estompe avec le temps. À la demande du Petit Prince de lui dessiner un mouton, l’aviateur lui en dessina, selon sa perception adulte, quelques-uns qui furent tous rejetés les uns après les autres parce qu’ils avaient l’air trop malades ou trop vieux, ou encore à cause de leurs allures de bélier. Suite aux refus de l’enfant, l’aviateur lui tendit un dernier bout de papier avec un griffonnage d’une caisse fermée avec trois trous sur le côté :

– Alors, faute de patience, comme j’avais hâte de commencer le démontage de mon moteur, je griffonnai ce dessin-ci.

Et je lançai :

– Ça, c’est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans.

Mais je fus bien surpris de voir s’illuminer le visage de mon jeune juge :

– C’est tout à fait comme ça que je le voulais!

Nous, les éducatrices, à la demande de nos princes et princesses, nous dessinons des moutons, à leurs façons. Nous entrons dans ce que l’on appelle : la magie de l’enfance. Nous ne réinventerons jamais le monde. Pourquoi donc? Nous en inventons des milliers sur demande!

Les enfants n’ont rien à faire de ce que nous sommes capables ou non d’accomplir. Ils ne demandent qu’à ce que nous entrions dans leur ronde. Main dans la main. Des rondes remplies d’amstramgram et de poudre de perlimpinpin. Remplies de comptines et de mots nouveaux et rigolos.

Une fois atteint l’âge adulte, nous avons cette perception fausse du monde qui nous entoure. Cet âge qui nous donne cette vision terre à terre et qui nous empêche, du coup, d’accéder à l’imaginaire de l’enfance.

Les éducatrices ont comme instruments de travail, entre autres, l’écoute, la patience et l’accueil. Rien à voir avec la magie et ses baguettes qui font apparaître des lapins dans des chapeaux. Non. Il s’agit plutôt de capacités acquises pour accéder à ces univers enfantins. L’écoute dirigée vers les enfants afin de saisir l’importance de ce qu’ils demandent. La patience de saisir cette importance (c’est parfois complexe et long! Ça requiert du temps.) Et l’accueil. Cette qualité qui nous permet de prendre l’enfant là où il est rendu, comme il est, sans interférer par nos jugements, et de l’aider à évoluer.

Soyez des Petits Princes. Un enfant, c’est pur, c’est innocent. Réapprivoiser l’enfance en vous. Celle qui vous fait rire à grand déploiement. Celle qui vous fait pleurer de voir le beau qui vous entoure. Celle qui vous laisse prendre le temps de devenir et pas seulement d’être. Permettez-vous de vivre et pas seulement de survivre. Inventez des mondes où vous serez les héros. Soyez des guides pour vos enfants, des accompagnateurs de l’univers de la petite enfance.

Transformez les moments difficiles et routiniers en aventures rocambolesques. L’heure du bain peut devenir du même coup l’heure du conte avec de petits livres plastifiés dont on cache les images avec de la mousse en invitant les enfants à souffler dessus pour découvrir la suite de l’histoire. Les moments d’attente deviendront tour à tour des instants recherchés. Les périodes de déplacements se transformeront en vols de papillons, en marche de dinosaures ou encore en détectives évitant de se faire repérer. Essayez! Laissez-vous emporter par ce qui vous a, jadis, habité. Soyez vivant, tout simplement.

Aux dires de Saint-Exupéry, les éducatrices sont une espèce d’êtres à part qui se souviennent.

« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent. » (Antoine de Saint-Exupéry)

Les éducatrices sont une sorte d’ode à l’innocence et à la rêverie de l’enfance.

Mylène Groleau

 

Les privilèges d’adultes

L’enfance apporte son lot de joies et, à en croire les terrib

L’enfance apporte son lot de joies et, à en croire les terribles two, son lot de frustrations également. Nous, parents, veillons à ce que notre progéniture se développe adéquatement, mange sainement, joue dehors, fasse du sport, apprenne à gérer ses émotions, reçoive les meilleurs soins. On donne aussi l’exemple, etc. Le tout à la sueur de notre front, parce qu’on ne se le cachera pas, ce n’est pas de tout repos tout ça ! (Je n’ai même pas abordé les tâches ménagères, les devoirs, la vie de couple et ce qui nous reste de vie sociale.) Alors, je crois que nous méritons des privilèges d’adultes.

Oui monsieur ! Oui madame ! Mais qu’est‑ce qu’un privilège d’adulte ? C’est toutes les petites choses que nos enfants doivent faire ou ne pas faire, et pour lesquelles nous pouvons réclamer, avec notre valeureux titre d’adulte, le droit de faire totalement et de façon assumée le contraire. Vous me voyez venir, là, n’est‑ce pas ?

– Maman, pourquoi toi tu ne mets pas ta tuque ?

– Papa, c’est pas juste ! Pourquoi tu manges des chips avant de te coucher ?

– Maman, tu as dit un gros mot !

– Papa, pourquoi toi, tu as le droit de monter debout sur une chaise ?

– Maman, pourquoi tu te couches tard, toi ?

PRIVILÈGES D’ADULTES !

Je sais, il faut donner l’exemple aussi et ne pas trop embarquer dans le « fais ce que je dis mais pas ce que je fais ». Mais utilisé stratégiquement avec parcimonie, le privilège d’adultes nous donne une solide réplique et nous rappelle qu’on le mérite ! Après tout, on l’a déjà faite notre enfance, nous…

Terminé, la culpabilité !

Krystal Cameron

De babiche et de coton ouaté

Quand j’étais

Quand j’étais petite, ma famille n’avait pas beaucoup d’argent. Juste un salaire, qui est disparu avec le décès du parent pourvoyeur. Ce n’est pas avec les rentes de veuve et d’orphelins qu’on se paye du luxe, disons. Mais quand même. Notre mère a fait des miracles avec ce qu’elle avait.

On portait des habits de neige rapiécés et des vêtements cousus à la main (je me souviens encore de mon ensemble rose en coton ouaté, du jaune aussi, et du vert! Tous très confortables, pas très seyants, mais parfaits pour ce qui comptait le plus dans mon enfance : jouer!)

On mangeait des repas cuisinés avec amour. Notre jardin occupait un terrain complet. On cultivait assez de framboisiers pour nourrir tous les enfants et tous les oiseaux du quartier. En prime, on trouvait dans la terre les vers bien dodus qui nous permettaient d’aller pêcher sur le fleuve. Dans le temps où la couleur du Saint-Laurent était plus ragoutante.

On avait des amis, plein d’amis. À une époque, on a même eu des amis de piscine! Jusqu’à ce que la 24 pieds rende l’âme. Après ça, on s’est contentés avec bonheur d’avoir des amis tout court. Les vrais. Et avec eux, pas de compétition pour savoir qui a le plus beau tricycle ou la maison la mieux décorée : on jouait dehors. Dans nos habits de neige rapiécés et nos cotons ouatés à la « Thérèse ».

On sortait peu, mais ce n’était pas l’époque où les enfants avaient fait le tour du monde avant d’avoir atteint l’adolescence. Pas besoin d’aller au Biodôme pour admirer la flore et la faune : on les côtoyait dans notre cour. On allait parfois au cinéma, au centre d’achats, à la bibliothèque, au musée. Mais sérieusement, ça ne m’a jamais manqué et ça m’en a fait plus à découvrir quand j’ai été en âge de partir avec mon sac à dos. On était trop occupés à se voisiner, à jouer au 99 et à chanter autour du feu.

Dans le village où j’habitais, il y avait un magasin de bonbons à 1 cenne. À quoi ça m’aurait servi d’avoir des 20 piasses? Derrière chez moi, il y avait un immense champ, et derrière l’immense champ, il y avait une immense forêt. On avait des raquettes en babiche (les jeunes : vous chercherez ça sur Google, le mot « babiche »!) et des bottes d’hiver pour se promener autant qu’on voulait. Pendant l’été, on avait des rues sécuritaires pour faire du vélo, sans autoroutes ni violeurs.  

Notre richesse, c’était le temps qu’on avait. Le « pas de stress ». Le temps avec notre mère et nos voisins pendant l’été et après l’école. On avait une voiture qui roulait de façon sécuritaire, une école accueillante où on pouvait apprendre, un village où tout le monde connaissait tout le monde, et la liberté de faire ce qu’on voulait de notre vie, parce qu’on avait appris à se débrouiller pour avoir ce qu’on voulait. Parce qu’on avait appris à travailler pour réussir. Parce qu’on avait vu nos parents le faire avant nous.

Quand j’étais petite, je n’ai jamais eu l’impression qu’on manquait de quoi que ce soit, argent inclus. Je suis allée au privé au secondaire et au collégial, je suis allée à l’université, j’ai voyagé. J’ai acheté ma première maison à vingt-deux ans. Je sais comment faire un budget, mais je n’ai pas besoin de le faire pour arriver. Toute une liberté!

J’ai gardé mon côté écureuil qui emmagasine pour l’hiver. J’achète en plus grande quantité quand le papier de toilette est en rabais, je congèle mes légumes à l’automne, je mets mes propres confitures de framboises en conserve. Je couds, je jardine, je cuisine, je suis encore capable d’enfiler un ver sur un hameçon et d’attacher des raquettes (même les plus modernes! Mais j’avoue avoir un attachement symbolique à mes raquettes en babiche.) Mais c’est plus par plaisir que par nécessité.

J’ai changé de braquette d’impôts, mais ce qui n’a pas changé, c’est ceci : je chéris mon temps et mes amis. Et ma mère, qui m’a tant appris.

 

Nathalie Courcy

Noël quand on était petits…

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C’est en discutant avec mon amie dernièrement que j’ai eu l’idée de ce texte. On se demandait si c’est en vieillissant que l’on perd la magie de Noël et la fébrilité des fêtes, et si nos enfants auront plus tard eux aussi cette nostalgie lorsqu’ils pensent au temps des fêtes de leur enfance.

Pour nous les adultes, le temps des fêtes est plutôt synonyme de dépenses  : cadeaux, échanges de cadeaux, nourriture et alcool, « petit quelque chose » pour les hôtes de tes nombreux partys. Il y a aussi le stress si tu reçois : la bouffe, les invités, le nombre de chaises et les petites « napkins » avec des faces de bonhommes de neige assorties aux assiettes et aux ustensiles en plastique. Il y a les partys de bureau, avec les enfants, pas d’enfants, chez grand-maman et chez mon oncle. C’est là que tu te demandes comment tu vas te rendre au 2 janvier et pourquoi tu n’as pas décidé de sacrer ton camp à Cancún pendant deux semaines (ça t’aurait sûrement coûté moins cher que tout ce qui est énuméré plus haut, et l’alcool aurait été inclus !)

Sans blague, je veux que mes enfants gardent de bons souvenirs de Noël, dans les choses simples. Les souvenirs que j’ai de quand j’étais petite de cette période de l’année sont : les films de Noël (oui, j’écoute Le sapin à des boules chaque année et je le trouve encore très drôle !), les partys de famille, faire le sapin et décorer. C’était aussi aller jouer dehors pendant des heures pour faire des forts, aller passer mes soirées à la patinoire et placoter. Les desserts de ma mamie me manquent aussi. J’aime bien croire que mon amour pour la cuisine qui grandit peu à peu avec les années vient d’elle.

Profitez du temps des fêtes pour jouer avec vos enfants, essayer de nouvelles recettes à offrir en cadeau, faire des soirées cinéma/camping dans le salon et des maisons avec des couvertures, aller jouer dehors, glisser et faire des bonhommes de neige. Ainsi dans quelques années, nos enfants pourront dire à leur tour : « C’était vraiment le fun le temps des fêtes quand on était petits ! »

Sur ce, je vous souhaite un merveilleux temps des fêtes avec les personnes qui vous sont chères et je vous souhaite aussi de retrouver votre cœur d’enfant pour ces moments qui passent souvent beaucoup trop vite !

Julie Lampron Désaulniers

Nostalgie pour l’été de mes 24 ans ou quand tout était plus simple

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Je m’ennuie du temps où mon seul souci pendant l’été était de savoir quelle saveur de crème glacée j’allais manger.

 

Maintenant, mon souci est de savoir si je vais avoir assez d’argent pour payer tous mes comptes. La crème glacée, c’est trop cher de toute manière.

 

Je m’ennuie du temps où ma mère me donnait 1 $ pour m’acheter un steamé à la Belle Province et que j’avais l’impression d’être riche.

 

C’est triste de constater que je suis encore contente de récupérer 1 $ que je croyais avoir perdu.

 

Je m’ennuie du temps où je prenais un ensemble au hasard dans mon garde-robe et je ne me demandais pas si c’était beau : c’était confortable, alors c’était parfait.

 

Hier matin, j’ai passé vingt minutes à changer mes ensembles pour finalement revenir avec mon choix initial. Je voulais être certaine que les gens trouvent cela beau.

 

Je m’ennuie du temps où je sortais à l’extérieur pour aller jouer au parc avec ma maman. Elle me poussait si haut que j’avais l’impression de m’envoler dans les nuages.

 

Dorénavant, quand je passe près d’un parc, je pense égoïstement à mon futur enfant que je pourrai amener au parc pour me balancer avec lui, comme avant.

 

Je m’ennuie du temps où je sautais dans la piscine sans regarder la température et que les grands me trouvaient si courageuse.

 

Aujourd’hui, je trouve les gens fous de sauter dans la piscine à 78. Je suis triste d’être devenue aussi moumoune.

 

Je m’ennuie du temps où je pouvais manger du Kraft Dinner sans me sentir coupable.

 

Maintenant, je surveille attentivement tout ce que je mange pour être en santé. Quand je me fais un cheat day, je me le rappelle constamment.

 

Je m’ennuie du temps où je mettais du gloss transparent et que je trouvais que je ressemblais à la plus belle des top-modèles.

 

J’avoue, je passe parfois des heures à regarder des tutoriels beauté sur YouTube, en étant toujours déçue de ne pas ressembler à Cynthia Dulude après avoir essayé.

 

Je m’ennuie du temps où mes amis ne me jugeaient pas sur les actions que je pouvais faire.

 

Quand je regarde les gens autour de moi qui se jouent dans le dos et qui se disent amis, je me dis parfois que ça ne vaut presque pas la peine d’avoir des amis…

 

Je m’ennuie du temps où les seules dettes que j’avais étaient celles de la cour d’école où j’avais échangé des cartes Pokémon contre des pailles de sucre.

 

En ce moment, j’ai une dette d’études, mais d’autres suivront éventuellement, et ça me stresse.

 

Je m’ennuie du temps où je me regardais dans le miroir et où j’étais fière d’avoir grandi.

 

Présentement, je me regarde dans le miroir et je suis fière d’avoir maigri.

 

Je m’ennuie du temps où jouer à l’ordinateur était un luxe.

 

Je me rends compte maintenant qu’en 2017, une panne d’électricité qui devient une source d’angoisse est vraiment un énorme problème.

 

Je m’ennuie du temps où je passais du temps de qualité avec ma famille, où je riais à en avoir mal au ventre.

 

Maintenant, je tague les membres de ma famille dans des publications Facebook pour dire que je les aime plutôt que de le dire devant eux ou d’au moins les appeler.

 

Je m’ennuie du temps où je n’avais pas de pression. J’avais mes propres modes, mes propres idées.

 

Pression au travail, pression de la famille, pression-obsession de la santé, pression portant sur le physique, pression sur mes opinions. Même écrire ce texte me met de la pression.

 

Je m’ennuie du temps où je me sentais tout énervée après avoir croisé mon enseignante à l’épicerie.

 

Présentement, je fuis du regard toutes les personnes que je pourrais connaître et que je croise.

 

Je m’ennuie du temps où je regardais le ciel le soir et où je me demandais comment les étoiles pouvaient être aussi belles.

 

Ah, pour ça, rien n’a changé. Je suis encore la même petite fille quand je regarde le ciel étoilé la nuit. Il faut bien que je me préserve un peu.

 

Être adulte, ce n’est pas facile, mais au moins, j’ai la chance d’avoir assez de maturité pour constater mes forces et mes faiblesses et du coup, pour m’améliorer.

 

Stéphanie Parent