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Pour toi, maman

Bonjour Maman,

Il y a

Bonjour Maman,

Il y a 48 ans, tu me donnais naissance. J’étais tout petit. Je pesais moins de 4 livres. J’avais hâte de sortir ! Non pas parce que je n’étais pas bien dans ton ventre, mais peut-être que j’avais hâte de vivre ma vie ! Tu as bien su prendre soin de moi, même si j’étais un grand prématuré. J’étais aussi ton premier enfant. Toute une surprise !

Malgré tout le travail que tu avais à faire, tu en as fait des choses avec moi ! Toutes les fois où tu as joué avec moi, toutes les petites attentions, juste pour me faire plaisir et réjouir mon cœur d’enfant, tous les vêtements que tu prenais le temps de me confectionner, tout le temps nécessaire à ma réussite scolaire ne sont que quelques exemples. Tu étais toujours là pour t’assurer que je ne manque de rien. Même si papa était parti pendant des mois, tu avais le don de me rendre heureux et de me faire plaisir avec de petites choses simples de la vie. Eh bien, sache qu’aujourd’hui, je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi.

Tu sais maman, si je me suis très bien débrouillé dans la vie, c’est en grande partie grâce à toi. Tu m’as élevé seule et tu as toujours été là pour moi quand j’avais besoin de toi. Même si tu avais un travail à temps plein, même si tu devais effectuer toutes les tâches de la maison, je pouvais toujours compter sur toi. Surtout lorsque je n’allais pas bien. Je me suis aussi toujours senti plus ouvert avec toi parce que tu étais présente.

J’ai tout appris de toi : la cuisine, la couture, comment entretenir une maison ou même travailler avec des outils. J’ai tout appris dans le respect et dans la joie. Je me rappelle qu’en troisième année, nous devions réaliser un projet de notre choix. Moi, comme d’habitude, j’avais des idées de grandeur ! J’avais décidé de faire un gros coffre en bois avec un tiroir dans le bas et un couvercle sur le dessus. C’était mon choix et au lieu de me décourager, tu as relevé tes manches et tu m’as tout enseigné : comment manipuler la scie sauteuse électrique et tous les autres outils. Je l’ai fait mon projet et j’en étais très fier ! Quand je l’ai apporté à l’école, j’ai impressionné mes amis. Même le professeur était impressionné ! À travers ce projet, tu m’avais aussi appris la détermination et la fierté. J’ai plein de beaux souvenirs comme ça, ma belle maman. Je ne peux pas oublier ces moments de joie parce qu’ils sont gravés dans mon cœur.

Malheureusement, je me souviens aussi de toutes les fois où tu étais triste et où j’aurais voulu intervenir. J’avais peur moi aussi, maman… Je n’étais pas grand et costaud comme papa, mais je te jure que si j’en avais été capable, je serais intervenu. Tu ne le sais pas mais à l’adolescence, quand j’entendais les disputes interminables de papa, j’étais assis sur le bord de mon lit et je me regardais dans le miroir. J’étais enragé. J’aurais voulu l’attraper pour qu’il arrête, mais il était deux fois plus gros que moi. Ses mains étaient trois fois plus grosses que les miennes. Une de ces fois‑là, maman, je me suis juré une chose : lorsque j’allais avoir une femme, j’allais en prendre soin et je lui ferais vivre totalement le contraire de ce que toi tu as vécu.

Je te remercie. Pour toutes les fois où tu as pris ma défense et toutes celles où tu m’as évité des coups. Je voyais la peur en toi, mais tu faisais le nécessaire pour me rendre la vie plus facile.

Aujourd’hui, à l’âge de 48 ans, je peux te dire que je n’ai jamais maltraité aucune femme. Ma femme, je prends soin d’elle et je l’aime. J’aurais aimé que toi aussi, tu puisses vivre une vie comme cela.

Mais laisse‑moi te dire une chose : tu es une femme forte. Malgré toute cette violence dans la maison et le suicide d’un de tes fils, tu as survécu. Tu m’as donné l’exemple. Tu as été un modèle pour moi, une combattante.

Regarde-moi aujourd’hui… Avec le temps, je suis devenu un homme de bonne carrure. Je suis allé à l’étranger à trois reprises dans des conditions extrêmement difficiles. J’ai servi mon pays pendant plus de 21 ans. J’ai des blessures physiques et mentales reliées à mon service. Mais je tiens encore debout. Je suis un papa et un mari respectueux.

J’aurais pu écrire un livre sur tout ce que tu as fait pour moi. Cette année, comme l’écriture est ma nouvelle passion, je voulais au moins t’écrire cette lettre pour la fête des Mères.

Je te l’ai déjà dit, je te le redis encore : je t’aime ma belle maman d’amour.

Tu es mon modèle, mon exemple, ma super maman.

Bonne fête des Mères, car pour moi, tu es la meilleure !

XXXXX

Carl Audet

Mon fils

Mon fils, mon petit homme. Je tiens à m’excuser. Je n’ai pas é

Mon fils, mon petit homme. Je tiens à m’excuser. Je n’ai pas été la maman idéale pour toi. Durant ma grossesse, j’avais beaucoup d’anxiété, d’angoisse, de peur et de frustration. Pourtant mon cœur, tu es le rayon de soleil dans ma vie. Tu es tout ce que j’ai rêvé d’avoir comme petit garçon. Contrairement à ta sœur, ton arrivée dans ce monde s’est passée très calmement, très sereinement. Ton papa et moi avons même eu le privilège d’entendre ton premier cri lors de ta naissance.

Les premières semaines après ta naissance ont été merveilleuses, comme dans un rêve. Tout se passait parfaitement bien. Ton intégration dans la famille a été facile. Ta sœur t’adorait et te donnait sans cesse des câlins et des bisous. Je pouvais déjà voir que vos petits 21 mois de différences allaient faire de vous une équipe proche, solide et remplie de complicité. Malheureusement, ma tête a commencé à me dire des choses horribles. Mon corps a commencé à me lâcher. J’étais toujours épuisée. Je me disais que c’était normal, j’avais deux bébés à m’occuper et ton papa avait un horaire de travail très demandant à ce moment là.

Ensuite, tu es tombé malade, une grosse bronchiolite qui t’a obligé à rester 4 ou 5 jours à l’hôpital. Mon allaitement en a pris un gros coup. Ce fut difficile de repartir ma production ; pourtant, tu étais un champion au sein. Quand tu as guéri et que notre allaitement eut repris normalement, ce fut mon tour d’être malade. J’ai été opérée pour retirer ma vésicule biliaire. Une autre semaine sans toi, mon petit bébé d’à peine 3 ou 4 mois. J’avais beau tirer mon lait dans mon lit d’hôpital, ça ne calmait pas mes montées de lait.

Je suis sortie et on s’est battus ensemble pour reprendre la routine normale. Tu as commencé à faire de grosses crises de larmes. Nous ne comprenions pas ce qui se passait. Nous sommes allés voir ton pédiatre qui nous a dit que tu devais souffrir d’une intolérance aux protéines bovines. J’ai alors tout coupé dans mon alimentation, mais ça ne changeait pas beaucoup tes crises. Durant cette période, ton papa et moi avions commencé à nous chicaner beaucoup. Maman n’avait plus de patience, je pleurais beaucoup. Je ne comprenais plus ma tête. Des pensées me passaient dans la tête sans mon consentement.

Quand tu as eu 9 mois, ton papa m’a amenée en vacances 3 jours, juste lui et moi. J’ai tellement aimé ces vacances! Je voulais rester là bas. Je ne comprenais pas pourquoi je n’avais pas hâte de vous retrouver ta sœur et toi. Je me sentais tellement mal, je pensais que je ne vous méritais pas, que vous seriez tellement mieux sans moi. Sans mes crises de colère, sans mes crises de larmes, sans mes idées paranoïaques. J’avais tellement l’impression de gâcher votre enfance.

Au retour des vacances, tu avais commencé à boire du lait maternisé et du même coup à faire tes nuits. Faut dire que toi, à 9 mois et demi, je t’allaitais encore aux 2 heures jour et nuit. Un soir, je me suis chicanée très fort avec ton papa, parce que je voulais reprendre l’allaitement, mais ton papa ne voulait pas. Il m’a dit que je devrais peut-être prendre un rendez-vous avec mon médecin de famille, qu’il ne me reconnaissait plus. Je l’ai écouté et j’ai appelé mon médecin. J’avais rendez-vous deux jours plus tard. J’ai été diagnostiquée avec une dépression post-partum majeure.

Je ne me suis jamais sentie aussi mal de ma vie. J’avais l’impression d’avoir tout échoué avec toi. Que je t’avais fait souffrir plus que personne d’autre au monde. Je t’avais constamment dans les bras, collé contre moi. Nous étions en symbiose. Je suis convaincue que je suis en partie responsable de tes crises de colère.

Tu as maintenant 4 ans, je suis officiellement guérie depuis peu. Tu fais d’énormes crises de colère et je ne sais pas comment t’aider. Je sais que c’est ma faute, tu as ressenti tout ce qui se passait en moi.

Je m’excuse mon petit homme, mais je te promets de t’accompagner tout le long de ta vie et de t’aider avec toute la force, l’amour que j’ai en moi. Ensemble, ton papa, ta sœur et moi allons t’aider à calmer cette colère.

Je m’excuse mon cœur. Je peux te promettre une chose, c’est que maman n’a jamais rien voulu d’autre que ton bien. Je t’aime tellement que ça fait mal. Je t’aime mon Émile.

Cindy LB

Lettre à ma belle-mère

Bonjour, on se connaît à peine, mais je vais me permettre de te tu

Bonjour, on se connaît à peine, mais je vais me permettre de te tutoyer quand même. Je suis la femme qui est dans la vie de ton fils depuis cinq ans. Beau temps, mauvais temps, je suis à ses côtés. Je ne t’ai pourtant jamais rencontrée. J’ai longtemps pensé que c’était parce que ton fils, dans le fond, avait honte de moi. Tu as rencontré ses ex, mais moi, tu ne m’as pas rencontrée. Ce n’est que récemment que j’ai compris pourquoi : comme il me l’a toujours dit, il me protégeait de toi.

Nous travaillons tous les deux et nous n’avons pas beaucoup de temps à nous la semaine. Dès qu’il termine son travail, tu te hâtes de l’appeler dans la voiture pour qu’il te parle sur le chemin du retour, sans compter tes nombreux appels à son travail durant la journée. Une fois qu’il est arrivé à la maison, tu le textes sans cesse toute la soirée et parfois jusqu’à 1 h du matin! Il passe ses soirées sur son cellulaire à te parler. Tu te plains à ton fils que ton mari ne te donne pas d’attention, mais ce faisant, tu empêches ton fils de passer du temps avec sa femme.

Tu ne sembles pas être en mesure de fonctionner sans lui et pourtant, tu as d’autres enfants qui vivent encore sous ton toit. Tu le déranges, parce que oui, à ce stade, c’est du dérangement, pour un oui et pour un non. Tu veux savoir où trouver du papier de toilette en spécial? Regarde les circulaires, ou comme tu es à l’aise avec l’électronique, essaie l’application Reebee et Sale Whale pour trouver tes spéciaux! Tu l’accapares le weekend pour qu’il te conduise ici et là pour ton magasinage.

Quand il se fâche contre toi, soudainement, tu as des malaises et tu es transportée à l’hôpital. Lorsqu’il n’accourt pas à ton chevet, il reste encore une fois suspendu à son cellulaire pour avoir des nouvelles et il ne dort pas la nuit parce qu’il fait des pieds et des mains pour que tu obtiennes les meilleurs soins. Normal, tu es sa mère. Ton fils est complètement épuisé et il se rend malade pour toi, t’en rends-tu seulement compte?

Ton fils passe son temps à vouloir te plaire et te prouver ce qu’il vaut réellement. Tu es sa mère, il ne devrait pas à avoir à faire cela pour se sentir aimé de toi. Ton fils, dès la seconde où je l’ai rencontré, je l’ai aimé inconditionnellement et je ferai n’importe quoi pour lui. Tu sembles incapable de lui démontrer de l’amour autrement qu’en lui achetant des choses. Ce dont il a besoin, c’est d’une mère et non d’un guichet automatique! Joue ton rôle de mère auprès de ton fils tout comme je le fais avec mes propres enfants. Je t’imagine en train de jubiler parce que tu penses que, si notre relation échoue, ton fils te reviendra! Nous sommes plus forts que ça, je ne te laisserai pas faire.

Il y a quelques mois, j’ai finalement compris que ton fils me protégeait de toi. Tu dis que tu veux me rencontrer, me faire des cadeaux, m’amener en voyage uniquement dans le but de te rapprocher de moi pour mieux le manipuler pour qu’il fasse ce que toi, tu veux. Malheureusement pour toi, j’ai un coup d’avance sur cette partie d’échecs. Je te vois venir et je n’entre pas dans ton petit jeu. Je ne peux être achetée. L’amour que je porte à ton fils n’a pas de prix et tu ne viendras jamais briser cela.

En terminant, je veux te demander une chose : s’il te plaît, agit comme une mère. Arrête tes manigances et tes manipulations. Arrête de te fier à lui pour tout. Il est ton enfant et tu es le parent et non l’inverse. Ce n’est pas de son ressort de tout régler ce qui ne va pas dans votre famille. De grâce, laisse‑le respirer et laisse‑nous respirer un peu.

Eva Staire

Déploie tes ailes, mon grand!

Mathis aura droit à un très beau cadeau de Noël cette année. Il

Mathis aura droit à un très beau cadeau de Noël cette année. Il pourra enfin se départir d’une partie de son corps dont il n’a jamais voulu. Il va pouvoir continuer sa transition. Mon enfant est transgenre.

Cela fait maintenant deux ans que Mathis a commencé sa transition physique. Deux ans qu’il prend de la testostérone. Deux ans à le regarder se transformer physiquement. Deux ans à chercher le moindre signe qui me permettrait de croire qu’il changerait d’idée, qu’il garderait ses tout petits seins. Mais non! Il est prêt! Il le désire depuis si lonnnnngtemmmmmps!

Bientôt, la chirurgie pour faire disparaître ses petits tetons aura lieu. Pour lui, la période d’attente a été une éternité. Pour moi, c’est beaucoup trop rapide. Une autre étape à vivre dans la transition de ma doudoune. Une autre étape à vivre dans mon deuil.

Nous avons rencontré la chirurgienne en septembre dernier. Elle est spécialisée dans ce type de chirurgie. Dans la salle d’attente, quelques parents accompagnent leurs enfants. Par curiosité, je les observe. Je voulais voir leurs yeux. Je voulais essayer de voir leurs émotions, je voulais voir si l’on ressentait la même chose. Mais chacun semblait dans sa bulle. Un peu malaisé. La peur du jugement? L’inconnu? Je ne sais pas!

J’ai peur! Peur de m’effondrer devant lui. J’ai peur pour lui. J’ai peur des autres. J’ai peur de sa réaction après la chirurgie. J’ai peur de MA réaction. Est-il vraiment prêt à subir une mastectomie? Est-il conscient de tout ce que ça implique? Qui va faire un suivi avec lui par la suite? Sera-t-il plus heureux? Plus libre? Plus ancré dans la vie? Dans sa vie? Aura-t-il besoin d’un soutien psychologique?

Il était tout heureux de m’appeler au travail pour m’annoncer la grande nouvelle. Pour me dire qu’il avait reçu un appel pour son premier rendez-vous. Moi je lui ai dit que j’étais très occupée et que je ne pouvais pas lui parler… j’en étais incapable! J’avais trop le motton… je me suis trouvée vraiment poche!

À qui puis-je parler de cette situation? Qui peut me comprendre? Qui peut consoler ma peine? Il y a très peu de ressources pour les parents d’enfants transgenres. Cette étape est la plus difficile à vivre pour moi. C’est certain qu’il y a la famille, les amis. Mais personne n’a vécu cette situation.

Mathis attend impatiemment de pouvoir se promener le torse nu en sortant de la douche, de ne plus porter son chest binder, de pouvoir se baigner sans porter de chandail. Il veut être fier de porter ses poils sur son chest et de les montrer.

Depuis qu’il sait que l’opération est proche, il y a quelque chose de nouveau qui se dégage de lui. Il semble avoir déployé ses ailes, il semble plus léger. C’est drôle, car dans le bureau du médecin, il y avait une toile d’un beau papillon…

Vas-y mon grand! Déploie enfin tes ailes! Je serai toujours là pour t’accompagner et te soutenir, même si parfois mon cœur chavire encore et toujours. Je t’aime mon grand!

Line Ferraro

 

Je me suis ennuyée de toi, mon grand !

Tu as enfin terminé ta première année scolaire, pis j’suis pas

Tu as enfin terminé ta première année scolaire, pis j’suis pas déçue. C’est fou comme tu m’as manqué. Je te regardais embarquer dans ton autobus le matin, en me disant que c’était ben trop tôt. Pis j’te regardais revenir le soir, en me disant que c’était ben trop tard. J’ai ben essayé d’aller te reconduire le plus souvent possible, de te kidnapper pour des dîners au p’tit resto d’à côté, mais la vérité, c’est que le temps m’a paru ben long sans toi à mes côtés. Entre la routine du matin et la routine du soir, j’ai l’impression qu’on a manqué de temps pour se parler. C’est entre deux bouchées que j’en apprenais un peu sur ta journée. Si tu savais combien j’aurais voulu tout savoir, en détail, mais je dois lâcher prise, qu’ils disent.

J’ai l’impression que tu as pris cinq ans en un an. C’est fou combien l’école t’a changé. Au début de l’année, je pouvais te bécoter devant l’école, pis par un matin ben frette d’hiver, tu m’as fait comprendre qu’on allait se garder ça pour la maison. Tu sais quoi? C’est ben correct et je respecte ça, mon homme. J’ai juste pleuré jusqu’à Granby! Pas parce que tu ne voulais pas me bécoter, juste parce que c’était un rappel que l’temps qui passe ne reviendra pas. Ô combien heureuse je suis, de l’avoir savouré, ce temps-là.  J’ai un peu l’impression d’avoir perdu le contrôle sur qui tu deviens, mais j’te fais confiance, j’suis fière du papillon que tu deviens. L’époque de la chenille pis du cocon est vraiment terminée, faut que j’te laisse voler.

Mais là, c’est fini, pour un mois et demi. Tu as travaillé si fort pis je suis épuisée de te voir épuisé. Dormir un peu plus, jouer dehors et sacrer la routine dehors. On va en profiter à notre façon de l’été. Juste être ensemble plus souvent, c’est ça pour moi, les vacances. Je suis fière de toi, de ton premier grand accomplissement. Je sais bien que ce n’est pas le dernier, pis que ça va recommencer chaque année…

Mais là, ce soir, laisse-moi te cuisiner ton repas préféré. On peut même commander si tu veux. On mange du gâteau et on célèbre la fin de ton année. Tu le mérites, tu as assez donné. Je te promets de te célébrer comme ça chaque année, parce que c’est important pour moi que tu saches combien je ne tiens pas tes efforts pour acquis.

Pis il faut que j’te dise : t’es encore mon bébé mais promis, j’le dirai pas devant tes amis.

Je me suis ennuyée de toi, mon grand!

Bon été à tous vos grand(e)s!

Marilyne Lepage

Le jour où tu as quitté le nid familial

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Il y a bientôt deux ans, tu as quitté le nid familial. Tu es sortie de notre maison avec ta petite valise qui contenait toutes tes affaires. Tu tenais entre tes mains la peluche préférée que je t’avais achetée lorsque tu étais encore tout petit. J’y avais déposé une touche de parfum, et tu aimais prendre une « puff » de cette odeur qui allait te rappeler qui je suis.

À partir de ce moment où tu as déposé le pied dans la dernière marche de notre entrée, tu allais maintenant t’endormir loin de mes bras. Ce n’est pas quelque chose que j’avais planifié. Ce n’était pas un élément de ma vie que je croyais possible. Je ne croyais en rien de tout cela.

Je t’ai mis au monde un certain 14 septembre 2014. Tu es né 14 semaines d’avance. Tu voulais vivre, tout simplement. Je me souviendrai toujours de ton petit poids plume posé contre mon corps. Je tentais de te faire sentir ma présence du mieux que je pouvais. De nombreuses machines pour ta survie étaient bien placées, et chaque son appartenait à l’une d’entre elles. Je n’oublierai jamais ces sons. Ce n’est pas une douce musique. Ce sont des avertissements pour nous, pour le personnel soignant.

Quatre mois se sont écoulés et nous sommes entrés à la maison. Je me suis vite rendu compte que les petits changements t’affectaient énormément. Tu pleurais jour et nuit. Je voulais simplement te faire découvrir la nature, le soleil, le bonheur, les promenades en voiture, mais tu n’as jamais voulu. Évidemment, ce n’était pas de ta faute. N’oublie jamais que tu n’y es pour rien. Tu es un jeune garçon qui essayait de se faire comprendre.

Mais plus le temps passait, plus ton comportement était imposant et ton petit corps en souffrait. J’étais épuisé. Je n’en pouvais plus. Séparée de ton papa, je ne pouvais plus y arriver seule. Je ne pouvais plus vivre sachant que ton trouble de l’attachement allait nous nuire à tous les deux. Je devais prendre la décision de te laisser partir vivre chez ton père. Je savais qu’il allait pouvoir t’aider encore plus moi.

J’ai consulté. J’ai crié à l’aide. Mais personne n’y a cru et voilà qu’il y a bientôt deux ans, tu as quitté le nid familial. J’aurais aimé qu’on nous entende, mon amour. J’aurais aimé que l’on me dise : « T’en fais pas maman, tout ira bien, nous allons trouver une solution! », mais ce n’est jamais arrivé malgré mes nombreuses actions. C’était inimaginable pour moi. La dépression m’a amenée dans un bas fond et je ne voyais plus le bout. Je devais remonter la pente, sachant que pendant un certain temps, je n’aurais plus la chance de te bercer, de t’endormir avec ma main dans tes doux cheveux. J’ai puisé une force je ne sais où. Je rêvais de te voir grandir épanoui et vivre comme un enfant doit le faire.

Je suis désolée de ne pas avoir été à la hauteur, mais sache que maman a tout fait pour te garder avec elle. Je suis désolée de ne pas avoir compris toute cette douleur que tu portais en toi.

Le temps s’est écoulé et nos retrouvailles sont merveilleuses. Le temps passé avec toi aujourd’hui me fait oublier ces souffrances que nous avons vécues tous les deux.

Je te vois sourire, profiter de la vie, découvrir chaque petite chose subtile de la nature. Rire aux éclats pour des petits riens. Mais mon dieu que cela m’apporte du velours à bien grosses doses dans mon cœur de mère.

Je n’ai peut-être pas été à la hauteur dans tes yeux d’enfant, mais il n’y a jamais personne qui a su t’aimer et qui t’aime comme une mère peut le faire.

Peut-être qu’un jour, tu m’en voudras. Peut-être qu’un jour, tu me jugeras, mais n’oublie jamais que j’ai juste fait de mon mieux.

 

Jessyca Brindle

La fois où, plus capable de te sentir, je t’ai collé au frigo

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Il fut un temps où je me sentais à court de tout face à ton opposition. Face à toi. Tu t’opposais à TOUT. Tu étais la meilleure en TOUT. Nos idées étaient de la m**de. Tu roulais des yeux plus rapidement que les roues d’une voiture sport sur une piste d’essai. J’en suis venue à détester cette attitude. Toi, je t’aimais. Mais honnêtement, je frôlais parfois la déraison et je mélangeais mon dégoût de ton opposition et de ton toi tout entier.

J’étais l’adulte. Toi, tu n’étais que l’adulte en devenir. Je savais que tu étais en apprentissage. Il existe toutefois une zone entre le réel et l’émotionnel qui fait que l’on balance rapidement vers l’envie de haïr le TOI en devenir. Une zone grise qui est décrite, mais tant et aussi longtemps qu’elle n’a pas été vécue, elle ne peut être comprise.

J’en ai passé des nuits à te bercer. À te consoler. À t’aimer en tout point. Mais là, plus rien n’allait. Nous étions aux antipodes. Je redoutais le moment où je te lancerais que j’en avais marre de cette attitude qui te rendait si méprisable. Que je ne pouvais imaginer avoir enfanté un être aussi peu respectueux à notre égard. J’en ai ravalé des paroles. Essuyé des larmes. J’ai prié comme jamais pour que tu redeviennes ce petit être si chéri dans mon cœur. J’ai lu et relu des articles et bouquins qui parlaient de ton état : L’ADOLESCENCE.

J’avais besoin de renouer avec le beau en toi. Celui vers lequel je courais pour m’y retrouver tellement notre complicité était belle et bonne pour nous deux. Jadis.

J’ai mis en place des plans d’action. Renforcements positifs. Puis des retraits, des conséquences. De la DISCIPLINE. Plus tu t’éloignais, plus je te voulais près de moi. Puis… le plus loin possible de moi. Juste de me replonger dans cet état me donne la nausée. M’imaginer te rejeter loin de moi qui t’avais tant désiré allait à l’encontre de tout.

Et puis… la nostalgie des beaux jours m’est revenue. J’étais à deux doigts de tout. Je le sentais. Notre proximité m’était plus qu’importante.

J’ai écrit sur une feuille les moments où tout allait bien entre nous deux. Les moments où tu étais disponible au NOUS que nous étions auparavant. J’ai pris soin de placer ces moments à la vue, à ma vue. Directement sur le frigo. Tu ne lis pas ce qui s’y trouve. Tu n’ouvres la porte que pour la collation ou le déjeuner. Moi, je les lisais souvent. Chaque fois que je passais devant.

J’ai pris soin de mettre de côté tous les mauvais moments que nous passions ensemble pour ne me consacrer qu’à l’essentiel. Ne me consacrer que sur le positif. Nous refaire. Lire et relire les moments que nous aimions tant passer ensemble et où j’avais ton entière collaboration m’ont projetée vers l’envie de les recréer. Tu étais disponible à mettre la table, je me garrochais là-dessus. J’accordais toute mon énergie à ces trop rares moments qui passaient. Petit à petit, nous avons réappris à rire. À passer du bon temps ensemble. Nous avons recréé des moments importants à vivre.

Petit à petit, j’étais moins la mère qui te confrontait, mais de plus en plus la mère qui collaborait. Nous n’étions plus dans une atmosphère de contrôle, mais de plus en plus dans une atmosphère d’épanouissement.

Les moments positifs ont finalement pris le dessus sur le négatif que nous avions créé.

Cette liste, je l’ai maintenant dans mon cœur et j’y rajoute des moments inoubliables tous les jours. Je tente de faire en sorte que l’on puisse toujours rester connectés. J’ai vu que toi aussi, tu fais des efforts et ils sont si salutaires.

Jamais je n’aurais cru que notre frigo aurait fait en sorte que nous allions nous rejoindre à nouveau. Comme quoi la cuisine est et restera vraiment un lieu rassembleur.

 

Mylène Groleau

Je t’aime mon fils, ne l’oublie jamais

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C’est âgé de huit ans et quelques poussières que mon petit garçon s’en est allé. En une semaine top chrono, tu as fait en sorte que cette belle naïveté d’enfant disparaisse à tout jamais. Toi qui étais toujours couvert d’éloges. Comme tu étais poli, comme tu étais bien éduqué, comme tu étais responsable…

Il suffit d’une simple erreur de jugement pour que tu perdes cette si belle innocence. Mon bébé n’est plus, tu es maintenant un préadolescent. Déjà, tu t’es laissé influencer par des garçons que tu jugeais de bons amis mais qui pourtant, n’avaient rien de positif à t’apporter.

Cette erreur de parcours était grave. Il est de mon devoir que tu apprennes ta leçon et que tu en sortes grandi. Il est normal de faire des erreurs, mais il faut apprendre de celles-ci. Et ma peur est justement là : et si tu n’apprenais pas? Et si tu ne comprenais pas la gravité de tes gestes? Et si tu te laissais encore une fois influencer?

Je sais bien qu’avec des « si », on ne va pas bien loin, mais j’ai peur pour toi. Je suis ta mère et je souhaite le meilleur pour toi. Je veux que tu deviennes la meilleure version de toi-même. Parce qu’en tant que maman, je vois ton plein potentiel que tu n’exploites qu’à moitié. J’ai foi en toi. Tu y arriveras, mon grand.

Ton père et moi tentons par tous les moyens de t’enseigner la différence entre le bon et le mauvais. Malgré toutes nos tentatives, quelque chose cloche. Tu comprends de manière générale, mais je vois dans ton regard fuyant un petit quelque chose. Ce petit quelque chose qui pourra faire tant de ravages si tu le laisses prendre le dessus. Ne me fuis pas, je t’en prie. Ne me fuis pas.

J’ai toujours été très dure avec toi et je m’en excuse. Tu es mon aîné et je voulais bien faire. Je veux toujours bien faire, voire trop faire. La réalité est que c’est avec toi que j’apprends mon métier de mère. Tu me fais grandir, tu m’apprends, tu me fais ressentir des émotions que je n’aurais même pas soupçonnées d’exister. Grâce à toi, je suis une femme en continuelle évolution. Merci.

Toi, ton frère et ta sœur êtes mes plus grands chefs‑d’œuvre. Toute œuvre a une histoire et je dois te laisser écrire la tienne. Je dois te faire confiance à nouveau afin que tu t’épanouisses pleinement. Que tu deviennes un jeune homme heureux, accompli, respectueux et aimant. Comme je sais que tu l’es.

Mon fils, si je t’aimais ne serait-ce qu’un peu moins, je te laisserais faire ce que bon te semble. Mais je suis cette mère qui te répétera cent fois la même phrase afin qu’elle se grave dans ta mémoire. Je suis cette mère qui te frustrera bien souvent parce que je ne t’abandonnerai pas. Je suis cette mère qui sera si fière de toi qu’elle en pleurera. Je suis cette mère qui te remontera les épaules pour que tu restes toujours fier. Je suis cette mère, parce que je suis TA mère.

Tu es un jeune homme merveilleux, n’en doute jamais. Si tu t’égares en cour de route, prends une pause et retrouve tes racines. Nous serons toujours là, et nous t’épaulerons quoi qu’il arrive.

Je t’aime mon fils. Ne l’oublie jamais.

 

Geneviève Dutrisac

 

 

C’est ta fête, mon fils

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C’est ta fête, mon fils Pour la plupart des couples, une naissance est un événement heureux. Pas la tienne, mon fils. Et ce n’est pas de ta faute.

 

Tu n’as pas été conçu par amour, mais par l’ivresse d’un Nouvel An trop arrosé. Un lendemain de veille qui a gardé de la veille les rancœurs, la jalousie et le mépris.

 

Au lieu de partir sur de nouvelles résolutions, ton père et moi, nous sommes restés avec les restes de la veille, et avec les bouteilles vides de nostalgie de l’année que l’on venait d’enterrer.

 

Malgré cette nuit de rapprochements, nous n’avons pas réussi à nous débarrasser de nos vieilles pantoufles usées, pourtant si inconfortables.

 

Et puis, il y a eu le test de grossesse qui a scellé notre union aux effluves d’alcool rance.

 

Un + qui nous a divisés au lieu de nous réunir.

Un + qui a soustrait l’amour au lieu de le multiplier.

Un + qui a été la croix que ton père a utilisé pour me crucifier.

 

Car ton père était persuadé que tu n’étais pas sien. Que tu étais l’enfant d’un autre. Que tu étais la preuve de mon adultère alors que c’est lui qui cumulait les maîtresses.

 

Cette grossesse était devenue celle de la honte et de la culpabilité.

 

Plus tu grandissais dans mon ventre, moins il me touchait.

Plus il me rejetait, moins je te voulais.

 

Ma bedaine, je l’ai traînée comme un boulet pendant neuf longs mois.

 

Sans le savoir, sans le vouloir, tu étais devenu la chaine qui me retenait attachée à cette union.

 

Sans le savoir, sans le vouloir, tu m’avais volé la clé de ma liberté.

 

Et puis un jour d’automne, tu as décidé, toi aussi, de te séparer de moi. De couper le cordon qui nous unissait l’un à l’autre.

 

Tu es sorti de mon ventre, sans douleur, sans un cri, sans être attendu.

 

On t’a posé contre moi et on s’est regardés comme deux étrangers qui ne se reconnaissaient pas

 

C’est alors que j’ai remarqué la tache écarlate sur ton dos. Cette tache qui, il y a quelques siècles, aurait été considérée comme la marque de mon adultère.

 

Une ironie de la vie.

 

Mais pour moi, cette tache écarlate que tu portes est celle de la honte. La honte de celui à qui tu tourneras le dos un jour pour ne pas t’avoir reconnu. La honte d’avoir pu douter que tu puisses être le fruit de ses entrailles.

 

Une autre ironie de la vie, c’est que tu es le portrait craché de ton père.

 

Moi, je le savais depuis le début qui était ton père. Je n’en ai jamais douté un seul instant. Même si lui ne me croyait pas et tentait de me faire avouer une faute que je n’avais pas commise.

 

Tu comprendras toi aussi, un jour, que ton père n’est pas un père, mais que c’est bien ton père.

 

Alors, sache, mon fils, qu’en ce jour de ton cinquième anniversaire, je t’aime. Je suis heureuse que tu sois dans ma vie et moi dans la tienne.

 

Car même si ce n’est pas l’amour qui t’a donné la vie, il y a cinq ans, toi, mon fils, tu as donné vie à l’amour.

 

Bonne fête mon amour!

 

Eva Staire

Un garçon aussi

Un garçon aussi peut avoir une faible estime de soi. Un garçon aussi peut être très anxieux. Un

Un garçon aussi peut avoir une faible estime de soi. Un garçon aussi peut être très anxieux. Un garçon aussi peut être dépressif. Un garçon a le droit de pleurer. Un garçon a le droit de consulter. Un garçon aussi peut avoir des troubles alimentaires. Un garçon aussi peut avoir des complexes. Mon fils est un de ceux‑là. Un de ceux que l’on peut ignorer en prétextant que ce ne sont que des enfants. Que ça va passer. Au contraire, on ne doit pas sous-estimer ces enfants.

 

Ce soir, mon fils de neuf ans m’a dit : « Maman, ça ne me donne rien d’être là, ici avec vous, je ne sers à rien dans la vie. Personne ne me fait me sentir aimé. J’ai deux bons amis, c’est tout. Je ne m’en fais pas, des amis, moi. Je ne suis pas bon à l’école, je suis bon dans rien. »

 

La gorge nouée, j’ai pris de grandes respirations et je lui ai expliqué que ces paroles me faisaient très mal à entendre, mais que j’étais reconnaissante qu’il partage ses pensées avec moi. Il m’a lancé ces paroles dans le chaos de la routine du dodo. J’ai essayé de discuter avec lui immédiatement, mais je n’y arrivais tout simplement pas. « Maman a besoin de ton iPod, je vais aller réfléchir en prenant une marche dehors et on discutera à mon retour. »

 

J’ai quitté d’un pas ferme en ne sachant pas où j’allais exactement, écouteurs aux oreilles à écouter sa playlist. Des chansons tristes et des chansons joyeuses. Des chansons qui font mal à mon cœur de mère. Des chansons qu’on a choisies ensemble, lui et moi, il y a moins d’un mois. Ces chansons qui, lorsque je les écoute dans le contexte de son état présent, me donnent le vertige.

 

Je me pose et repose sans cesse les mêmes questions. Pourquoi ? À neuf ans, comment peut-on déjà penser qu’on ne vaut rien pour personne, même pas pour ses propres parents ? Comment se peut-il qu’avoir des moyennes générales de 90 % à l’école sans lever un petit doigt soit encore signe de découragement ? Jamais assez bon. Jamais fier de lui.

 

Mon cœur a mal, mais je n’arrive pas à pleurer. J’ai plutôt une certaine colère qui m’envahit. Et ça aussi, je ne le comprends pas. Je repasse en boucle une panoplie d’images de nos sorties, de nos fous rires, et la réalité me rattrape. Je devrai consulter, il est ma priorité numéro un. J’ai mal. Je me résigne à retourner à la maison, il se fait tard.

 

Il s’est endormi. Je le regarde et je ne comprends toujours pas tous ses complexes, toute sa souffrance. Mon fils n’a jamais manqué de rien. Jamais. Il est aimé, il est bon à l’école, il est sportif, il a une qualité d’adaptation exceptionnelle. Il est beau comme un cœur, c’est un bon humain, tout le monde l’aime. Nous sommes très proches de lui, autant son père que moi. Nous sommes des livres ouverts.

 

Tout ce dont j’ai besoin ce soir est de le coller et de m’endormir en petite boule d’amour contre lui, car je sais que même s’il dort, il entendra mes murmures à son oreille. Ceux lui disant que je l’aime plus que tout et qu’il est la plus belle chose qui me soit arrivée. Il sentira mes larmes couler sur ses petites joues trop parfaites. Il sentira que sa maman est là pour lui, qu’elle ne le juge pas. J’espère qu’il acceptera les démarches que nous entamerons afin de l’aider à cheminer dans la joie, le bonheur et l’amour.

 

Mon fils, tu peux pleurer. Merci de me faire confiance, de discuter avec moi, de me partager tes émotions. Je te promets que je m’investirai dans chaque démarche afin de te redonner ton petit sourire qui me faisait tant craquer. Je t’aime, et ensemble, on y arrivera. Aime-toi. Aime qui tu es et qui tu deviens. Tu es un garçon et toi aussi, tu as le droit d’être heureux.

 

Eva Staire

La Bête

Semaine de relâche. Quelques activités prévues au programme, sans

Semaine de relâche. Quelques activités prévues au programme, sans plus. Neuf heures. J’en suis à mon deuxième café. Les filles sont debout depuis un bon moment. Je les appelle mes princesses à pas d’éléphant. « Pourquoi marcher sur la pointe des pieds alors qu’on peut marcher du talon? », me dit toujours l’une d’elles. T’as bien raison, mon Abi. Mais marcher comme un éléphant réveille ton frère qui dort au sous-sol. « La journée appartient à ceux qui se lèvent tôt », qu’elle me dit. Maudit sens de la répartie.

Mon grand pré-ado de fils avec ses bras trop longs et ses jambes dans lesquelles il s’emmêle souvent n’est toujours pas debout. Depuis deux jours, il semble combattre un virus. Mini fièvre, courbatures et grommellements. Pas d’appétit. J’ai trois enfants. J’en ai vu d’autres. Ça ne m’inquiète pas. Pas encore.

Je descends à la tanière de l’ours. La porte de la chambre est toujours fermée Pas un bruit. Je cogne. Pas de réponses. J’ouvre.

– William?

L’odeur d’urine me monte à la tête. Il me faut quelques secondes pour que j’y voie quelque chose. Des rideaux coupe-lumière. C’est ce qui a donné le sens au mot obscurité.

– William?

Ça bouge dans son lit. J’ouvre la lumière. Et je vois.

Mon fils. Il est translucide. Je vois chacune des veines de sa peau. Ses yeux sont ouverts, l’air hagard. Ses cheveux sont ébouriffés. Les draps sont mouillés. Une image incongrue. Je suis Elliot et il est E.T. l’extraterrestre. E.T. va mourir. Mon fils va mourir. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas quand, mais mon fils se meurt.

Je crie. Je crie à l’aide. Je dis aux filles de réveiller leur père.

– Maman… je ne peux plus me lever… La faiblesse de sa voix. Cette fragilité qui émane de lui. Mon joueur de soccer. William l’Invincible. William qui s’est appelé William pour William Wallace dans Braveheart. Il ne m’a jamais paru si petit, si vulnérable.

Cent-vingt km plus tard, nous sommes au Childrens Hospital. L’homme à la guérite du stationnement. Je m’en rappellerai longtemps. L’effroi et l’inquiétude dans ses yeux lorsqu’il a regardé mon fils. Rien de rassurant, mais il me valide. Mon garçon ne marche plus. L’homme court nous chercher une chaise roulante. Et comme dans les films, je cours à l’urgence, car le temps joue contre moi. Contre lui. Contre nous.

Infirmières, triage, médecin. Il est placé en observation dans une unité qui déborde. Mon garçon ne résiste en rien. Complètement apathique. Ne parle que pour se plaindre de maux de tête. On soupçonne une influenza sévère, courante à ce temps-ci de l’année. Bien sûr, on se trompait.

On lui administre par voie intraveineuse un médicament contre les migraines. Ça assommerait un cheval, qu’on me dit. Le cheval ne s’assomme pas, bien au contraire; il devient plus agité, se tenant la tête avec les deux mains. Il pleure, il gémit. Plusieurs heures passent. Son état se détériore. On poursuit les recherches. Je tiens la main de mon fils. Je lui parle doucement. Les lumières sont maintenant fermées, car il ne les tolère plus. Ce sera une journée de pénombre tout comme elle a commencé.

C’est bientôt la nuit. L’ange blanc arrive, se présente. Une belle médecin blonde. Elle n’aime pas la raideur dans la nuque de mon fils. Peu probable que ce soit une méningite, mais on doit éliminer la possibilité. Virale : on ne s’inquiète pas. Bactérienne : on peut en mourir et le temps compte. Décharge signée s’il reste paralysé, pardonne-moi mon fils, ponction lombaire avec une aiguille trop grande, trois infirmiers pour l’immobiliser, un sédatif et moi qui lui tient la main. On aura le résultat dans deux heures. Deux heures maximum. Deux heures qui peuvent tuer mon fils ou non. Deux heures, le temps d’un film dans lequel se joue un drame où il est le héros.

Je suis tellement fatiguée. William dort enfin. Moins agité. Il est tellement beau. L’ange blanc se présente à nouveau. Méningite bactérienne à méningocoque. On doit agir vite. Un antibiotique lui est à nouveau donné par voie intraveineuse. On augmente le dosage, car il reste peu de temps pour combattre la bête. Son cerveau est compressé par ses méninges. Il est fatigué. On nous isole dans une pièce fermée toujours à la pénombre. William est contentionné aux poignets afin de l’immobiliser. Le bruit des moniteurs me rassure. Même saccade. Je me dis que ça y est. Ça va aller. On est sauvés. Je ne me suis jamais autant trompée dans une journée.

Je somnole. Mon fils s’agite à nouveau. Il veut défaire ses contentions. Les chiffres sur le moniteur cardiaque s’emballent tout comme mon garçon. « Ma tête, maman, ma tête », qu’il me chuchote. Il pleure. J’ouvre la porte, crie aux infirmières qui sont au poste à côté et là, presque tout s’arrête.

On me met dans un coin. Je me rappellerai aussi du mur froid que je sens dans mon dos, de la cohue dans cette petite pièce, des infirmières et des médecins qui y sont entrés en trombe. Je n’existe plus. D’où je suis, je ne vois plus mon fils entouré par tout ce personnel médical. Je n’entends pas leurs mots. Je ne vois que le moniteur et les chiffres qui augmentent, son rythme cardiaque et cette ligne qui se hachure.

Puis il n’y a plus rien. Plus de chiffres sur le moniteur cardiaque. Plus de ligne hachurée. Qu’une ligne blanche linéaire. Plus de petit bonhomme dessiné a la craie que je regardais enfant à la télévision les samedis matin. Nous sommes au Childrens Hospital et mon fils de douze ans vient de mourir.

Le choc a probablement été trop violent. De cela aussi, je m’en rappellerai. J’ai quitté mon corps. Je flottais au-dessus de lui. Je sais, ça parait complètement dingue. J’ai même hésité à vous le partager. Mais c’est l’histoire de mon fils et indirectement la mienne. J’ai vu mon fils étendu dans le lit d’hôpital et toutes ces petites abeilles s’affairant autour de lui. Ils tentaient de le réanimer. Je me sentais tellement sereine. Envahie d’une plénitude à laquelle je n’ai plus jamais goûté. À ce moment-là, j’ai probablement croisé l’âme de William. Je ne l’ai pas supplié de revenir. Je ne lui ai même pas parlé. Je ne faisais qu’observer.

Retour brutal dans mon corps. Le mur est trop froid. Je ne sais pas combien de secondes ou de minutes se sont écoulées. Je suis peut-être revenue au même moment que mon fils est revenu habiter son corps. Au même moment qu’il a repris vie, tout comme les chiffres et la ligne. Je ne le saurai jamais.

Bien plus tard, j’ai appris que le dosage de l’intraveineuse avait créé la crise cardiaque. Bien plus tard, après plusieurs jours, nous sommes revenus à la maison. Bien plus tard, des enseignants ont tenté de reprendre l’école avec William à la maison. Pas si tard : nous savions qu’il n’y aurait pas de reprise scolaire pour mon garçon dans l’année. Les maux de tête demeuraient accaparants et la lente, mais certaine dépression allait hanter mon fils pendant plusieurs mois.

Je n’aborderai pas les mois qui suivirent en détail. Tout cela est encore douloureux même si cinq années sont passées. La récupération fut longue. William était un joueur de soccer émérite. Un athlète. Toute son identité tournait autour du sportif qu’il était et qui maintenant, avait de la difficulté à marcher. Les amis vinrent au début et s’en retournèrent bredouilles avec leurs ballons de soccer. Ses sœurs étaient inquiètes. Papa prit soin davantage de ces dernières et moi de mon aîné guerrier.

Cinq ans sont passés presque jour pour jour maintenant. William, j’ai écrit ce texte pour toi. Car tu es une inspiration, un modèle de résilience, un combattant. Tu as su te relever malgré que tu sois tombé au combat. Tu as vaincu la Bête avec l’aide d’un personnel soignant et dévoué. Tu as aujourd’hui dix-sept ans et bien plus que la Vie devant toi. Tu en fais partie de cette vie, mon garçon. Tu deviendras un excellent policier malgré quelques maux de tête avec lesquels tu devras toujours composer. Tu continueras le soccer avec tes amis comme tu le fais déjà. Tu aimeras ton amoureuse plus fort que tout. Tu demeureras ce beau jeune homme sensible, mature et intrépide que tu es. Tu réaliseras tes rêves, des plus petits aux plus fous. Et surtout tu n’oublieras jamais d’où tu viens et ce qui s’offre maintenant à toi. Moi, je n’oublierai jamais. Je t’aime, fils.

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Méningite

Isabelle Bessette